👁🗨 Gabriel Shipton: "Mon frère, Julian Assange"
Il prenait l'avion pour Sydney et emmenait même son vélo dans l'avion, qu'il ramenait de l'aéroport jusque chez nous. Il expliquait des choses très compliquées, mais toujours très simplement.
👁🗨 "Mon frère, Julian Assange"
📰 Di Stefania Maurizi 🐦@SMaurizi, il 3 dicembre 2022
Espoir - Il Fatto Quotidiano s'est entretenu en profondeur avec Gabriel Shipton, frère du fondateur de WikiLeaks, qui a récemment produit un film, Ithaka, pour mobiliser l'opinion mondiale et sauver son frère.
Il voyage depuis des mois pour mobiliser l'opinion publique et sauver Julian Assange, qui est pour lui non seulement le fondateur de Wikileaks, mais aussi son grand frère. Pour dialoguer avec le public, Gabriel Shipton, citoyen australien et réalisateur de profession, a produit un film émouvant, Ithaka, réalisé par Ben Lawrence, qui raconte l'histoire d'Assange du point de vue très privé de sa femme Stella, de son père, John Shipton, et de leur campagne mondiale pour le sauver. Il Fatto Quotidiano s'est entretenu avec lui.
🎙 Quel est votre premier souvenir de Julian, en tant que frère ?
Nous n'avons pas grandi ensemble, Julian et moi. J'ai fait sa connaissance à la fin de mon adolescence, et je me souviens de Julian lorsqu’il venait à Sydney nous rendre visite, à moi et à mon père. Il prenait l'avion pour Sydney et emmenait même son vélo dans l'avion, qu'il ramenait de l'aéroport jusque chez nous. Je me souviens qu'il avait toujours une grande aisance dans les conversations. Il expliquait des choses très compliquées, mais très simplement, qu'il s'agisse de technologie, de mathématiques ou de sciences.
🎙 Comment était-il, en tant que frère ?
Nous n'avons pas grandi ensemble, donc la relation s'est installée d'une autre manière. Au fil des ans, je lui ai rendu visite partout où il se trouvait, que ce soit à Ellingham Hall [où Assange a été assigné à résidence, à partir de décembre 2010] ou, bien souvent, à l'ambassade. Il était toujours prêt à écouter ce qui se passait dans ma vie et à trouver des moyens de me soutenir. Je pense que beaucoup de personnes ayant connu Julian ont vécu cela, et pas seulement moi : il était toujours généreux, peu importe ce qui se passait.
🎙 Ne vous a-t-il jamais dit : Je n'aurais pas dû investir ma vie dans une organisation médiatique aussi risquée que WikiLeaks ?
Non, jamais. Pendant très longtemps, il s'est intéressé de près à la manière d'utiliser ces outils - l'internet, l'architecture de l'internet, la cryptographie - pour dénoncer les injustices ou protéger les sources. Même avant WikiLeaks, il travaillait sur les moyens d'utiliser le cryptage pour les sources et les journalistes, afin qu'ils puissent protéger leurs informations même s'ils étaient soumis à la torture. Il semble donc qu'il ait ça dans le sang... Il se demandait toujours comment utiliser le cryptage pour protéger les gens, pour dénoncer la corruption... et non pas comme un moyen de gagner plus d'argent.
🎙 Vous lui avez rendu visite à Belmarsh : comment allait-il ?
Je suis allé à Belmarsh à plusieurs reprises. Lorsqu'il est sorti de l'ambassade pour la première fois, il était essentiellement maintenu à l'isolement. C'étaient les pires moments dans mon souvenir, parce qu'on le trouvait dans un état jamais vu auparavant, et on n'y restait que quelques heures, puis on devait partir et on ne savait jamais ce qui se passait à l'intérieur de la prison. C'était des moments très très pénibles. Aller le voir à la prison l’est encore. Les visites sont plus régulières maintenant, ce qui compte, car il peut voir sa famille plus souvent, mais ce sentiment m’est resté... Je suis plutôt angoissé en allant à la prison parce que je ne sais jamais... Je me souviens de ces moments où je l'ai trouvé dans des conditions si atroces.
🎙 Se rend-il compte qu'une grande mobilisation est en cours pour le sauver ?
Oui, et je dirais que ce qui lui donne la force de continuer n'est pas seulement le fait de savoir que des gens se battent pour sa liberté, mais aussi que le travail qu'il a fait à travers WikiLeaks a un sens pour les gens du monde entier. Je me bats pour lui parce qu'il est mon frère, mais tous les autres se battent pour lui en raison du sens que son travail a apporté.
🎙 Ce militantisme le fait vivre, est-ce la raison pour laquelle vous avez travaillé sur le film Ithaka, que vous avez produit ?
Oui, pour raconter une autre facette de l'histoire, pour que les spectateurs puissent connaître Julian d'une autre manière, à travers ces personnes qui sont si proches de lui. Parce qu'il nous a été enlevé, enlevé à tous, déshumanisé, diabolisé. C'était vraiment une manière de reconquérir le personnage des mains de ceux qui ont passé toutes ces années à le salir et à nous le dissimuler. Il s'agit de prendre le contrôle de cette histoire, et de le faire de manière émotionnelle, à travers Stella et John et leur combat pour le libérer. Nous avons essayé de toucher les gens avec émotion: un père qui se bat pour son fils, et quel père ne le ferait pas? Nous espérons qu'en engageant les gens dans un voyage émotionnel avec Stella et John, nous ouvrirons non seulement leur cœur, mais aussi leur esprit sur la réalité de la persécution.
🎙 En Italie, il y a une grande mobilisation en faveur de Julian Assange et de WikiLeaks, mais deux grands festivals de cinéma, Rome et Turin, n'ont pas accepté la projection d'Ithaka. Vous attendiez-vous à cela ?
Nous nous sommes heurtés à ce genre d'obstacles un peu partout. Cela existe dans le monde du cinéma, qu'il s'agisse d'organismes de financement gouvernementaux, de Netflix ou de festivals, et les projets qui ne correspondent pas au discours politique dominant sont bloqués. Mais il y a aussi des gens bien dans ces organisations, ça s produit à chaque fois que nous découvrons quelqu'un qui est disposé à risquer quelque chose, à risquer sa carrière pour le principe en jeu.
🎙 La semaine dernière, cinq grands médias - le New York Times, le Guardian, Der Spiegel, Le Monde, El País - ont demandé à l'administration Biden d'abandonner les poursuites contre Julian Assange. Êtes-vous optimiste ?
Si je n’y croyais pas, je ne serais pas là. J'ai la foi, une foi absolue, que nous allons gagner. Ce que nous voyons, c'est un effet domino, et le domino ne faiblit pas : il ne cesse de s'amplifier. Ces cinq organes de presse mondiaux, dont on sait à quel point il est difficile de les réunir pour partager une déclaration, en particulier une déclaration disant que les poursuites judiciaires sans fin contre Julian doivent être arrêtées… C'est énorme et sans précédent. Nous avons vu [les journalistes de WikiLeaks] Kristinn Hrafnsson et Joseph Farrell rencontrer le nouveau président du Brésil. Ils ont rencontré le président de la Colombie le jour précédent. Ils font un travail fabuleux. Mon père et moi avons rencontré le président du Mexique. Nous pouvons donc compter sur ces organisations de médias, sur les leaders mondiaux, sur pratiquement toutes les organisations de défense de la liberté de la presse et des droits de l'homme dans le monde.
🎙 Quelle serait la première chose que vous feriez avec votre frère si et quand il sera libre ?
Je suis sûr que Stella voudra le retrouver la première. J'adorerais les voir tous ensemble. Ses enfants ne l'ont connu qu'en prison depuis toujours. Être capable de sortir et de les emmener au parc. Ce serait suffisant pour moi.