đâđš Gaza : Du paradis aux dĂ©combres
âQuoi qu'il arrive, la rĂ©sistance palestinienne ne mourra jamais & nous ne nous arrĂȘterons que lorsque nous aurons regagnĂ© nos terres. Tant qu'il restera un Palestinien en vie, nous nous battrons.â
đâđš Gaza : Du paradis aux dĂ©combres
Par Jacklynn Ashly, le 9 février 2024
La destruction de Gaza est un acte politique. Jacobin s'est entretenu avec des réfugiés palestiniens sur la belle et vibrante Gaza dont ils se souviennent et sur la façon dont Israël a mené leur patrie à la ruine.
Tout au long de sa vie, Ibrahim Hassan Muhammad Abu D'ema s'est souvent surpris Ă rĂȘver, se remĂ©morant son enfance Ă Gaza - le pittoresque littoral mĂ©diterranĂ©en, le chant des vagues Ă©clatantes, les rues ensoleillĂ©es bordĂ©es de fleurs colorĂ©es et le poisson frais pĂȘchĂ© de la mer.
Ces souvenirs ont apporté un peu de réconfort à cet homme aujourd'hui ùgé de 72 ans, alors qu'il tentait de survivre dans le camp de réfugiés surpeuplé d'Al-Wehdat, dans la capitale jordanienne, Amman. Lui et sa famille s'y sont réfugiés aprÚs qu'Israël a pris le contrÎle de Gaza et de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, au cours de la troisiÚme guerre israélo-arabe en 1967. Cette prise de contrÎle a marqué le début de l'occupation militaire brutale et toujours en cours des territoires par Israël.
La famille d'Abu D'ema s'est retrouvĂ©e Ă Khan Younis, la deuxiĂšme ville de Gaza, aprĂšs que les milices sionistes l'eurent expulsĂ©e de sa maison de Yaffa, qui fait aujourd'hui partie de la ville israĂ©lienne de Tel Aviv, lors de la crĂ©ation d'IsraĂ«l en 1948. Cette Ă©poque est connue sous le nom de Nakba, ou âcatastropheâ, au cours de laquelle environ 750 000 Palestiniens ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s de leurs terres dans ce qui est devenu l'Ătat d'IsraĂ«l.
Bien qu'elle ait tout perdu, la famille d'Abu D'ema s'est installĂ©e Ă Gaza, tombĂ©e sous le contrĂŽle de l'Ăgypte, pendant une vingtaine d'annĂ©es, avant d'ĂȘtre Ă nouveau contrainte de fuir IsraĂ«l.
âGaza Ă©tait trĂšs belleâ, raconte Abu D'ema, assis dans un magasin prĂšs de sa maison Ă Amman, oĂč il vit toujours. Il avait quinze ans lorsqu'il a fui l'enclave cĂŽtiĂšre.
âC'Ă©tait un coin de paradis. La vie y Ă©tait trĂšs prospĂšre et nous Ă©tions trĂšs heureux. Nous y serions restĂ©s pour toujours si nous l'avions puâ.
Ces derniers mois, cependant, Abu D'ema a assisté avec horreur à la destruction de la maison de son enfance. Les bombardements et l'invasion terrestre sans précédent d'Israël sur la bande de Gaza - l'une des régions les plus densément peuplées du monde - ont jusqu'à présent tué plus de 27 000 Palestiniens, dont la plupart sont des femmes et des enfants.
L'attaque d'IsraĂ«l a commencĂ© le 7 octobre en riposte Ă l'opĂ©ration âAl-Aqsa Floodâ, lorsque les Brigades Qassam, la branche armĂ©e du Hamas, qui gouverne la bande de Gaza, ont lancĂ© une attaque militaire surprise et trĂšs complexe sur le sud d'IsraĂ«l, faisant des centaines de morts et capturant plus de 240 IsraĂ©liens et quelques Ă©trangers.
Depuis, le nord de la bande de Gaza a été dévasté et Israël a intensifié ses opérations dans le centre et le sud de la bande de Gaza, détruisant des quartiers entiers sur son passage.
âCe qu'IsraĂ«l fait Ă Gaza est bien pire que tout ce que nous avons connu auparavantâ, dĂ©clare Abu D'ema. IsraĂ«l a tuĂ© au moins cinq de ses cousins depuis le 7 octobre. âC'est mĂȘme impossible de comparer ce que j'ai vĂ©cu en 1967 Ă ce qui se passe Ă Gaza aujourd'huiâ.
âMais, quoi qu'il arrive, la rĂ©sistance palestinienne ne mourra jamais et nous ne nous arrĂȘterons jamais tant que nous n'aurons pas regagnĂ© nos terresâ, ajoute-t-il. âTant qu'il restera un Palestinien en vie, nous continuerons Ă nous battre.â
La destruction de l'héritage antique de Gaza
Les images diffusĂ©es montrent des quartiers rasĂ©s et des Palestiniens dĂ©sespĂ©rĂ©s s'entassant dans de frĂȘles tentes pour tout abri. Il est difficile d'imaginer que Gaza Ă©tait autrefois un centre culturel et commercial florissant, bien avant la crĂ©ation d'IsraĂ«l.
Au fil des dĂ©cennies, âIsraĂ«l a exportĂ© une image de Gaza comme un lieu de pauvretĂ© et de misĂšre - oĂč personne ne veut vivre et habitĂ© par un peuple dont personne ne veutâ,
explique Ehab Bseiso, universitaire palestinien et vice-président de l'université Dar al-Kalima de Bethléem.
âCâest une stratĂ©gie dĂ©libĂ©rĂ©e visant Ă dĂ©peindre Gaza comme un dĂ©sert et un endroit ayant besoin d'ĂȘtre civilisĂ©. Pourtant, [cette image] oblitĂšre le fait que Gaza a abritĂ© des civilisations florissantes bien avant la Nakba.â
L'Anthedon, qui fut le premier port maritime de Gaza, est vieux de plusieurs milliers d'années et constitue l'un des plus anciens ports de la Méditerranée. Gaza a également été l'une des premiÚres plaques tournantes du christianisme en Palestine. L'église Saint Porphyrius, une église grecque orthodoxe située dans la vieille ville de Gaza, est considérée comme la troisiÚme église la plus ancienne du monde.
SituĂ©e aux portes du Levant et de l'Afrique, Gaza fut un centre rĂ©gional de commerce durant des siĂšcles. Il y a plus de 1 500 ans, l'arriĂšre-grand-pĂšre du prophĂšte Mahomet, Hashim, se serait rendu Ă Gaza avec une caravane commerciale en provenance de la ville arabe de La Mecque. AprĂšs ĂȘtre tombĂ© malade, il succomba et son corps fut enterrĂ© Ă Gaza. Sa tombe se trouverait sous la mosquĂ©e Sayed al-Hashim dans la vieille ville, construite au XIIe siĂšcle et nommĂ©e en son honneur.
Située à la porte entre le Levant et l'Afrique, Gaza a été une plaque tournante du commerce régional pendant des siÚcles.
âD'un point de vue social et culturel, Gaza Ă©tait un centre qui attirait des gens venus d'Arabie pour Ă©changer et faire du commerce avec le mondeâ, explique M. Bseiso, lui-mĂȘme originaire de Gaza.
Au cours des derniers mois, Israël a détruit ou endommagé prÚs de 200 sites historiques et culturels à Gaza, dont l'Anthedon, l'église Saint Porphyrius et la mosquée Sayed al-Hashim.
L'histoire ancienne de Gaza, qui s'Ă©tend sur des milliers d'annĂ©es, a progressivement Ă©voluĂ© vers âla modernitĂ© et le cosmopolitismeâ, me dit Bseiso. L'hĂŽpital anglican a Ă©tĂ© construit en 1906, et d'imposants hĂŽtels ont Ă©tĂ© Ă©rigĂ©s le long des plages de Gaza, aujourd'hui tous dĂ©truits par les frappes aĂ©riennes.
En 1948, la crĂ©ation du nouvel Ătat d'IsraĂ«l a entraĂźnĂ© le dĂ©placement forcĂ© d'environ 80 % des Palestiniens vivant dans la rĂ©gion. La population de Gaza a soudainement explosĂ©, triplant pratiquement du jour au lendemain, alors que plus de 200 000 rĂ©fugiĂ©s se sont rĂ©fugiĂ©s dans la petite enclave.
Selon Bseiso, nombre de ces rĂ©fugiĂ©s ont Ă©tĂ© expulsĂ©s de villages situĂ©s dans ce que l'on appelle aujourd'hui âl'enclave de Gazaâ. Cette rĂ©gion comprend les zones peuplĂ©es d'IsraĂ©liens dans le district sud d'IsraĂ«l qui se trouvent Ă environ 5 kilomĂštres de la bande de Gaza.
D'autres réfugiés sont arrivés d'Isdud, un village cÎtier au nord-est de Gaza, que les milices sionistes ont partiellement détruit pendant la Nakba, et d'al-Majdal, une ville palestinienne vidée de ses habitants musulmans et chrétiens. Lorsque des immigrants juifs sont venus remplacer les Palestiniens, al-Majdal a été rebaptisée Ashkelon.
Certains, comme la famille d'Abu D'ema, ont parcouru une quarantaine de kilomĂštres depuis Yaffa avec pour tout bagage les vĂȘtements qu'ils portaient sur le dos. Des camps de rĂ©fugiĂ©s ont Ă©tĂ© construits et, Ă mesure que les tentes temporaires se transformaient en petites maisons construites en bĂ©ton, la colĂšre s'intensifiait. Aujourd'hui, environ 80 % de la population de Gaza sont des rĂ©fugiĂ©s ou des descendants de ceux qui ont Ă©tĂ© expulsĂ©s de chez eux en 1948.
MalgrĂ© les difficultĂ©s liĂ©es Ă l'accueil d'un afflux massif de rĂ©fugiĂ©s, Gaza n'a pas perdu sa beautĂ©. Ses fleurs, ses oranges et ses fraises sont reconnues dans le monde entier et sont trĂšs recherchĂ©es. Les agriculteurs de Gaza sont fiers de qualifier les fraises de l'enclave d'âor rougeâ, car leurs exportations leur garantissent des rentrĂ©es d'argent rĂ©guliĂšres. Gaza a Ă©galement Ă©tĂ© l'un des principaux exportateurs de fleurs au monde.
âCet endroit Ă©tait magnifiqueâ, me dit Bseiso. âIl faut savoir que Gaza n'est pas l'image qu'IsraĂ«l a exportĂ©e. Ce n'Ă©tait pas un lieu de misĂšre, de pauvretĂ© et de frustration. C'Ă©tait un endroit trĂšs riche, plein de culture, de joie et de prospĂ©ritĂ©. Et cela s'est poursuivi jusqu'en 1967, date Ă laquelle Gaza a Ă©tĂ© complĂštement occupĂ©e par les IsraĂ©liensâ.
La guerre de 1967
En 1967, Omar Mahmoud Draz, ĂągĂ© de 73 ans, qui passait ses examen de fin dâannĂ©e lorsque des bombes ont commencĂ© Ă tomber du ciel. Le jeune homme, alors ĂągĂ© de 17 ans, s'est prĂ©cipitĂ© vers la maison de sa famille Ă Khan Younis.
âNous ne nous y attendions pasâ, raconte M. Draz. âNous avons fui notre maison avec de petites quantitĂ©s de nourriture et d'eau, et nous nous sommes cachĂ©s prĂšs de la mer. Pendant des jours, le ciel a Ă©tĂ© notre toit, et le sol notre matelasâ.
Les années qui ont suivi la création d'Israël ont été marquées par des tensions régionales au Moyen-Orient. De fréquents affrontements ont eu lieu le long des frontiÚres unilatéralement déclarées par Israël avec la Syrie et la Jordanie. Des milliers de réfugiés palestiniens, à la recherche de parents ou essayant de rentrer chez eux et de récupérer leurs biens perdus, ont tenté de passer en Israël, menant les forces israéliennes à abattre nombre d'entre eux.
Tout au long des annĂ©es 1950 et 1960, les groupes de rĂ©sistance armĂ©s palestiniens ont multipliĂ© les attaques contre IsraĂ«l, tandis quâil continuait Ă perpĂ©trer des massacres intermittents dans les villages palestiniens. Les conflits territoriaux se sont s'intensifiĂ©s, notamment entre la Syrie et IsraĂ«l, en raison de dĂ©saccords sur l'utilisation du Jourdain et sur les cultures israĂ©liennes le long de la frontiĂšre.
Le 5 juin 1967, le président égyptien Gamal Abdel Nasser a mobilisé ses forces terrestres dans la péninsule du Sinaï en réponse aux menaces israéliennes contre la Syrie. Israël a répondu par une attaque surprise contre les forces égyptiennes et a réussi à détruire presque entiÚrement son armée de l'air. La Jordanie et la Syrie ont bientÎt été entraßnées dans la bataille.
En l'espace de six jours, IsraĂ«l a rĂ©ussi Ă Ă©craser les forces arabes, les repoussant et s'emparant des derniers territoires palestiniens de la Cisjordanie sous contrĂŽle jordanien, y compris JĂ©rusalem-Est, et de la bande de Gaza sous contrĂŽle Ă©gyptien. IsraĂ«l s'est Ă©galement emparĂ© du plateau du Golan syrien et de la pĂ©ninsule Ă©gyptienne du SinaĂŻ, restituĂ©e Ă l'Ăgypte en 1982.
La large dĂ©faite militaire d'IsraĂ«l face aux armĂ©es arabes et sa prise de contrĂŽle du reste de la Palestine historique sont connues sous le nom de âNaksaâ, qui signifie âreversâ ou âdĂ©faiteâ. Environ trois cent mille Palestiniens de plus ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s ou expulsĂ©s de leurs maisons. Au moins 130 000 Palestiniens sont devenus des rĂ©fugiĂ©s pour la deuxiĂšme fois.
Pendant la guerre, IsraĂ«l a bombardĂ© la gare centrale de la ville de Gaza, coupant ainsi la liaison entre le territoire et l'Ăgypte. En outre, l'aĂ©roport de Gaza a Ă©tĂ© dĂ©truit. Il a Ă©tĂ© reconstruit en 1998, avant d'ĂȘtre Ă nouveau dĂ©truit deux ans plus tard, lors de la deuxiĂšme intifada palestinienne en 2001. Les terres agricoles fertiles de Gaza ont Ă©tĂ© transformĂ©es en bases et en camps de l'armĂ©e israĂ©lienne.
âIls Ă©taient sans pitiĂ©â, dit Draz, se souvenant des soldats israĂ©liens qui apparaissaient dans les rues de Khan Younis. âIls tuaient tous ceux qui leur faisaient face. Ils ne faisaient pas de diffĂ©rence entre les anciens, les femmes et les enfants. Si vous bougiez, ils vous tuaient.â
Le dernier jour de la guerre de 1967, Draz a aperçu au loin des drapeaux irakiens flottant dans le ciel depuis les chars qui sont entrés dans Khan Younis. Il a ressenti un moment de soulagement et d'exaltation. L'Irak avait envoyé environ vingt-cinq mille soldats pour soutenir les forces arabes contre Israël. Draz pensait que les drapeaux sont le signe de la victoire de l'alliance arabe.
âMais les IsraĂ©liens se jouaient de nousâ, me dit Draz. âIls voulaient simplement nous humilier en Ă©veillant nos espoirs afin de mieux les briser. Un soldat israĂ©lien a criĂ© dans un microâ, raconte Draz, âordonnant Ă tous ceux qui voulaient rentrer chez eux de s'approcher en brandissant un drapeau blanc.â
Comme les centaines de milliers de Gazaouis qui ont rĂ©cemment marchĂ© pendant des heures vers le sud de la bande de Gaza en brandissant des drapeaux blancs et leurs papiers d'identitĂ©, M. Draz et sa famille ont rassemblĂ© Ă la hĂąte des vĂȘtements blancs, tels que des Ă©charpes, et ont entamĂ© la marche.
âNous avions trĂšs peurâ, dit-il en secouant lentement la tĂȘte. âNous avions l'impression qu'ils allaient nous tuer Ă tout momentâ.
Comme Abu D'ema, la famille de Draz a craint pour sa vie et s'est réfugiée en Jordanie. Ils sont arrivés dans le camp de réfugiés d'Al-Wehdat à Amman.
Les groupes de défense des droits de l'homme ont documenté les assassinats par Israël de civils non armés agitant des drapeaux blancs dans le passé, comme lors de l'offensive récente. Une femme palestinienne a été abattue à Gaza par un tireur d'élite israélien alors qu'elle tenait la main de son petit-fils qui agitait un drapeau blanc et marchait le long d'un itinéraire d'évacuation qu'Israël avait déclaré sûr. Les soldats israéliens ont également abattu trois otages israéliens torse nu, qui criaient en hébreu et agitaient également des drapeaux blancs.
AprĂšs sa victoire militaire de 1967, IsraĂ«l a imposĂ© aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza un ârĂ©gime militaire trĂšs brutal. Cette politique visait Ă briser l'esprit des habitants de Gaza et des rĂ©fugiĂ©s devenus gazaouisâ, explique M. Bseiso.
Les vagues de rĂ©fugiĂ©s Ă Gaza, dont la rage de se voir dĂ©placĂ©s se transmet d'une gĂ©nĂ©ration Ă l'autre, ont transformĂ© la petite enclave en âphare du nationalisme palestinienâ, ajoute M. Bseiso.
Deux décennies aprÚs l'occupation de la Cisjordanie et de Gaza par Israël, la premiÚre intifada palestinienne a éclaté dans le camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza. Jabalia est l'un des plus grands camps de réfugiés des territoires palestiniens et l'une des parcelles de terre les plus densément peuplées au monde. Lors de sa derniÚre agression, Israël a détruit de vastes étendues de Jabalia, bombardant le camp de frappes aériennes et tuant des centaines de personnes.
Le 8 décembre 1987, un véhicule de l'armée israélienne a percuté une file de voitures transportant des travailleurs journaliers palestiniens de leur lieu de travail en Israël vers la bande de Gaza, entraßnant la mort de quatre Palestiniens, dont trois du camp de réfugiés de Jabalia. L'incident a été perçu par les Palestiniens comme intentionnel. Dans les heures qui ont suivi, des protestations spontanées, des manifestations et des actes de désobéissance se sont propagés de Jabalia au reste de la bande de Gaza, à la Cisjordanie et à Israël.
Les membres de l'Organisation de libĂ©ration de la Palestine (OLP), dirigĂ©e Ă l'Ă©poque par Yasser Arafat - chef et fondateur du parti Fatah, qui vivait alors en exil Ă Tunis - ont dĂ©terminĂ© la trajectoire politique du soulĂšvement dans les annĂ©es qui ont suivi. L'OLP a ainsi reconnu l'Ătat d'IsraĂ«l en 1993 et signĂ© les accords d'Oslo, qui suscitent encore la colĂšre de nombreux Palestiniens.
Cependant, la premiÚre intifada a également donné naissance au Hamas, acronyme arabe de Harakat al-Muqawama al-Islamiyya, ou Mouvement de résistance islamique. Et ce sont les fausses promesses et les échecs des négociations de paix qui allaient donner toute sa puissance au mouvement.
Histoire du Hamas
Le nom âHamasâ a Ă©tĂ© officiellement crĂ©Ă© en janvier 1988, quelques semaines aprĂšs le dĂ©but de la premiĂšre Intifada. Mais le groupe avait dĂ©veloppĂ© une influence sociale et religieuse depuis des dĂ©cennies en tant que FraternitĂ© musulmane palestinienne.
âLe fraternitĂ© fonctionnait comme un mouvement social et religieux, crĂ©ant des rĂ©seaux dans les mosquĂ©es, les clubs sociaux et dans divers milieux de la vie [palestinienne]â,
tout en mettant en place des programmes éducatifs et médicaux, explique Khaled Hroub, professeur d'études moyen-orientales à l'université Northwestern au Qatar et auteur du livre Hamas : Political Thought and Practice.
âMais ils ont exclu toute rĂ©sistance militaire Ă l'occupation israĂ©lienneâ.
En fait, en 1976, Israël a approuvé la création de l'Association islamique, qui devait servir d'organisation fédératrice fournissant une couverture juridique et administrative à la communauté. La demande d'autorisation a été présentée par le cheikh Ahmad Yassin, un homme paraplégique et réfugié en 1948 à Al-Jura, prÚs de l'actuelle ville d'Ashkelon. Yassin a été le fondateur et le chef spirituel du Hamas jusqu'à ce qu'Israël l'assassine en 2004.
La communauté a adopté une stratégie de résistance à long terme, principalement axée sur la bande de Gaza. Elle s'est attachée à inculquer des principes nationaux et religieux aux jeunes Palestiniens et à les préparer à une future confrontation avec l'occupation israélienne. Selon Hroub,
âils considĂ©raient que nous ne sommes pas en Ă©tat de combattre IsraĂ«l, parce qu'IsraĂ«l Ă©tait trĂšs puissant et a acquis un redoutable arsenal militaire et que nous constituions le groupe le plus faible, de sorte que nous devons nous prĂ©parer de maniĂšre adĂ©quate Ă la batailleâ.
âIls ont suivi cette stratĂ©gie presque religieusement, pendant de nombreuses annĂ©es - au point que de nombreuses factions palestiniennes les ont accusĂ©s de collaborer tacitement ou indirectement avec l'occupation israĂ©lienneâ,
poursuit M. Hroub. Toutefois, peu avant l'Ă©clatement de la premiĂšre intifada, un dĂ©bat interne âtrĂšs vifâ s'est engagĂ© au sein du mouvement. De nombreux membres ont fait valoir qu'ils s'Ă©taient suffisamment prĂ©parĂ©s pendant plusieurs dĂ©cennies, et que lâheure Ă©tait venue de prendre les armes et d'affronter IsraĂ«l.
Le déclenchement de la premiÚre Intifada a fourni aux membres une occasion propice pour passer de la non-confrontation à la résistance armée. Au début du soulÚvement, le groupe s'est remodelé et restructuré sous une nouvelle forme, donnant naissance au Hamas.
âMais câest un mouvement qui n'est pas parti de zĂ©roâ, explique M. Hroub. âIls ont changĂ© de nom et de stratĂ©gie, mais le rĂ©seau, les fondements, les membres et tout ce qui avait Ă©tĂ© mis en place depuis des gĂ©nĂ©rations ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©s sur le terrain de la rĂ©sistance. C'est pourquoi ils ont Ă©tĂ© trĂšs forts dĂšs le premier jourâ.
L'ascension du Hamas sur la scĂšne politique s'est produite au moment oĂč l'OLP a modifiĂ© sa stratĂ©gie, passant de la rĂ©sistance armĂ©e aux pourparlers de paix.
âAprĂšs avoir connu la lutte armĂ©e pendant de nombreuses annĂ©es, ils sont arrivĂ©s Ă la conclusion que nous devions Ă©couter les initiatives de paix qui nous Ă©taient prĂ©sentĂ©esâ, explique M. Hroub.
Peu aprĂšs la publication de la charte du Hamas en 1988, qui soulignait son refus de reconnaĂźtre IsraĂ«l et l'indivisibilitĂ© de la terre de la Palestine historique, Arafat a prononcĂ© un discours Ă Alger, dĂ©clarant l'indĂ©pendance de l'Ătat de Palestine. Il a invoquĂ© des rĂ©solutions internationales illustrant la volontĂ© de l'OLP d'accepter un Ătat en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec JĂ©rusalem-Est comme capitale. Le Hamas a interprĂ©tĂ© cette dĂ©cision comme l'acceptation de la dĂ©faite par l'OLP et sa reddition Ă IsraĂ«l.
âNous en Ă©tions au point crucial oĂč deux courbes Ă©voluent dans des directions opposĂ©es : l'OLP passe de la rĂ©sistance aux pourparlers de paix et le Hamas passe d'une stratĂ©gie de non-confrontation avec IsraĂ«l Ă la rĂ©sistanceâ, explique M. Hroub. âSur la scĂšne palestinienne, deux tendances s'affrontaient : l'une sortant de l'idĂ©ologie de la rĂ©sistance et l'autre y entrantâ.
Le langage de la rĂ©sistance du Hamas n'aurait pas pu diverger davantage de la position adoucie de l'OLP. DĂšs le dĂ©but, le groupe a proclamĂ© son engagement dans le âdjihadâ pour libĂ©rer l'ensemble de la Palestine historique.
âLe Hamas s'est Ă©levĂ© pour offrir une voie alternative Ă la libĂ©rationâ, Ă©crit Tareq Baconi, prĂ©sident du conseil d'administration d'Al-Shabaka, dans âHamas Contained : The Rise and Pacification of Palestinian Resistanceâ. âLe djihad a Ă©tĂ© dĂ©fini non pas comme une tactique, mais plutĂŽt comme une stratĂ©gie globale autour de laquelle la communautĂ© palestinienne pouvait se rallier.â
âMener le djihad Ă©tait perçu comme une maniĂšre d'ĂȘtre, comme le fait d'exister en Ă©tat de guerre ou encore d'adopter un rapport de confrontation avec l'ennemiâ, affirme M. Baconi. âLe djihad ne se limitait pas Ă la lutte armĂ©e, mĂȘme si celle-ci constituait un Ă©lĂ©ment central de la mission du Hamas. MĂȘme en l'absence d'opĂ©rations militaires, l'Ă©vocation du djihad Ă©voquait un sentiment d'identitĂ© et d'objectif rĂ©affirmant le rejet par les Palestiniens du contrĂŽle israĂ©lienâ.
DÚs les années 1990, le Hamas avait gagné en popularité et s'était imposé comme un acteur puissant dans les territoires palestiniens.
La fausse promesse d'Oslo
Bien qu'Arafat ait cédé 78 % des terres palestiniennes perdues en 1948, sa signature des accords d'Oslo en 1993 a apporté de l'espoir à de nombreux Palestiniens fatigués de vivre sous une occupation militaire prolongée. Selon M. Hroub, la popularité du Hamas a décliné à cette époque.
AprĂšs des annĂ©es d'exil, certains Palestiniens, comme Arafat, ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă retourner dans les territoires palestiniens occupĂ©s. L'AutoritĂ© palestinienne (AP) a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1994 en tant qu'autoritĂ© administrative temporaire pouvant gouverner certaines parties de la Cisjordanie et de la bande de Gaza pendant une pĂ©riode intĂ©rimaire de cinq ans. Ă l'issue de cette pĂ©riode, les Palestiniens se sont vu promettre un Ătat souverain et indĂ©pendant sur les frontiĂšres de 1967.
Mais cinq annĂ©es se sont Ă©coulĂ©es sans qu'un Ătat palestinien ne voie le jour. Au lieu de cela, les colonies israĂ©liennes, considĂ©rĂ©es comme illĂ©gales au regard du droit international, se sont Ă©tendues sur le territoire palestinien, le nombre de colons ayant doublĂ© entre 1993 et 2000, passant de 200 000 Ă 400 000. L'occupation militaire israĂ©lienne s'est aggravĂ©e d'annĂ©e en annĂ©e et la mosquĂ©e Al-Aqsa, troisiĂšme site le plus sacrĂ© de l'Islam, promise aux Palestiniens comme partie intĂ©grante de leur future capitale, devenait hors de portĂ©e.
DÚs le départ, le Hamas était convaincu qu'Oslo, comme tous les pourparlers de paix entre la Palestine et Israël, échouerait. Il s'est préparé à devenir un puissant canal véhiculant les frustrations qui naßtraient inévitablement au fur et à mesure que ces échecs deviendraient plus flagrants.
En 1991, le Hamas a regroupĂ© ses cellules militaires auparavant dĂ©centralisĂ©es en une seule branche armĂ©e, qu'il a baptisĂ©e du nom d'Izz ad-Din al-Qassam. Al-Qassam, un combattant syrien, a prĂŽnĂ© le djihad et s'est engagĂ© dans la rĂ©sistance armĂ©e dans la Palestine historique au cours des annĂ©es 1930 contre les puissances europĂ©ennes, les forces sionistes et les nouveaux colons juifs. Le Hamas le considĂšre comme l'ancĂȘtre idĂ©ologique du mouvement.
Comme l'OLP avant lui, le Hamas a commencĂ© ses opĂ©rations militaires en ciblant les postes de l'armĂ©e israĂ©lienne et les communautĂ©s de colons en faisant exploser des voitures piĂ©gĂ©es dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Mais le 6 avril 1994, quarante et un jours aprĂšs que Baruch Goldstein - un colon juif nĂ© aux Ătats-Unis - eut abattu vingt-neuf Palestiniens dans la mosquĂ©e Ibrahimi Ă HĂ©bron, le Hamas a perpĂ©trĂ© son premier attentat-suicide en IsraĂ«l, Ă©tendant ses attaques Ă des civils en IsraĂ«l.
AprÚs des années de blocage du processus de paix, l'espoir initial suscité par Oslo s'est transformé en ressentiment. Les politiques israéliennes ont continué à nuire à la vie des Palestiniens, tandis que les territoires palestiniens sont devenus de plus en plus fragmentés, isolés les uns des autres par des implantations israéliennes toujours plus étendues.
En 2000, Ariel Sharon, le chef du parti d'opposition Likoud qui deviendra premier ministre d'IsraĂ«l en 2001, sâest rendu de façon trĂšs provocatrice dans l'enceinte de la mosquĂ©e Al-Aqsa. Ce site revĂȘt une grande importance Ă la fois pour l'islam et pour le judaĂŻsme. La visite de Sharon a dĂ©clenchĂ© la deuxiĂšme Intifada, que les Palestiniens appellent l'Intifada Al-Aqsa.
Les premiÚres semaines, le soulÚvement, amorcé à Jérusalem, s'est rapidement étendu à la Cisjordanie et à Gaza, et a été marqué par des manifestations de masse comprenant des actes de désobéissance civile et des jets de pierres. Israël a répondu par un recours excessif à la force. Au cours du premier mois, Israël a tiré 1,3 million de balles, soit une moyenne de 40 000 balles par jour, sur les manifestants.
Des incursions militaires avec hélicoptÚres et chars d'assaut ont rapidement envahi des zones palestiniennes densément peuplées. Le soulÚvement s'est rapidement transformé en rébellion armée, avec de fréquents attentats suicides. Au cours du soulÚvement, prÚs de cinq mille Palestiniens et un millier d'Israéliens ont été tués.
En 2002, Israël a commencé la construction du mur de séparation, une imposante structure de huit mÚtres de haut qui s'étend sur plus de sept cents kilomÚtres. Bien qu'ostensiblement construit pour isoler Israël de la Cisjordanie et le protéger des attentats suicides, 85 % de la structure est construite à l'intérieur du territoire palestinien, s'appropriant plus de 13 % des terres palestiniennes de Cisjordanie.
Ă peu prĂšs au mĂȘme moment, Sharon a dĂ©clarĂ© sa volontĂ© de se dĂ©sengager des zones palestiniennes, en commençant par le retrait de huit mille colons juifs rĂ©sidant dans la bande de Gaza. En septembre 2005, IsraĂ«l avait dĂ©mantelĂ© ses colonies de Gaza.
âLe plan de Sharon, bien plus ambitieux qu'une question de sĂ©curitĂ©, consistait Ă soustraire ces habitants palestiniens Ă la juridiction directe d'IsraĂ«lâ, Ă©crit M. Baconi. âCela permettait Ă l'Ătat de maintenir son contrĂŽle sur les territoires de Cisjordanie et de JĂ©rusalem-Est, avec leurs 2,5 millions d'habitants non juifs.â
Faire asphyxier Gaza
En janvier 2006, le Hamas a participĂ© aux Ă©lections lĂ©gislatives palestiniennes, considĂ©rĂ©es comme un modĂšle de dĂ©mocratie par les observateurs Ă©trangers, dont l'ancien prĂ©sident amĂ©ricain Jimmy Carter. Ă la surprise d'IsraĂ«l, des Ătats-Unis et du prĂ©sident palestinien Mahmoud Abbas, le Hamas a remportĂ© une large victoire, obtenant 76 des 132 siĂšges du conseil lĂ©gislatif, contre 43 pour le Fatah.
à la suite des élections, un blocus financier international a été instauré contre le gouvernement palestinien et Israël a immédiatement imposé de sévÚres restrictions à la circulation des biens et des personnes à l'intérieur et à l'extérieur de l'enclave cÎtiÚre. Les relations entre le Hamas et le Fatah se sont considérablement détériorées, et de violents affrontements ont éclaté dans les rues de Gaza.
Selon M. Baconi, l'administration Bush a lancĂ© un programme secret de âformation et entraĂźnementâ afin de renforcer les capacitĂ©s et les armes du Fatah en vue d'un Ă©ventuel affrontement avec le Hamas. Un comitĂ© de sĂ©curitĂ© clandestin a Ă©galement Ă©tĂ© crĂ©Ă©, rĂ©unissant IsraĂ©liens, membres des forces de sĂ©curitĂ© palestiniennes et conseillers amĂ©ricains, afin de relever le dĂ©fi sĂ©curitaire posĂ© par le Hamas.
Bien que le Hamas ait acceptĂ© de faire des concessions idĂ©ologiques majeures et mĂȘme de renoncer Ă son autoritĂ© nationale pour lever le blocus et mettre fin Ă l'anarchie qui menaçait de dĂ©boucher sur une guerre civile, les accords d'unitĂ© que le groupe a tentĂ© de conclure avec Abbas ont continuĂ© Ă se dĂ©liter.
En juin, plusieurs mois aprÚs sa victoire électorale, le Hamas a mobilisé toutes ses forces et s'est efforcé de prendre le contrÎle total de la bande de Gaza. Se livrant à des actes violents contre ses opposants, le Hamas est parvenu à ses fins en quelques semaines seulement.
Les cinq passages menant au territoire depuis IsraĂ«l ont Ă©tĂ© fermĂ©s, de mĂȘme que le passage de Rafah vers l'Ăgypte, bouclant complĂštement le territoire et le coupant de la Cisjordanie et du monde extĂ©rieur. IsraĂ«l et l'AutoritĂ© palestinienne ont Ă©galement suspendu les fonds qui auraient normalement dĂ» ĂȘtre redirigĂ©s vers les antennes du gouvernement Ă Gaza.
Israël a réduit de moitié les livraisons de carburant et a limité les importations à Gaza aux seules denrées alimentaires et fournitures médicales de premiÚre nécessité. Adoptant une stratégie de la carotte et du bùton, Israël et la communauté internationale ont soutenu et renforcé les dirigeants d'Abbas, tout en rendant la vie des Palestiniens de Gaza insupportable, dans l'espoir de susciter le mécontentement et de les encourager à se révolter contre le Hamas.
Ce blocus écrasant, qui a vu Israël contrÎler étroitement la bande de Gaza par voie terrestre, aérienne et maritime,
Ă©tait âtotalement humiliantâ, se souvient M. Bseiso, qui vivait Ă Gaza Ă l'Ă©poque. âLe chocolat Ă©tait interdit. Les fruits Ă©taient interdits. La coriandre Ă©tait interdite. Les magazines et les journaux Ă©taient interdits. Les livres Ă©taient interditsâ
L'économie de Gaza a été ruinée et le chÎmage a grimpé en flÚche. L'unique bouée de sauvetage de la population est devenue les tunnels du Hamas qui passent sous le point de passage de Rafah et permettent d'acheminer clandestinement des denrées alimentaires et des fournitures essentielles, ainsi que des armes.
Bien qu'IsraĂ«l ait assoupli certains aspects du siĂšge, en autorisant par exemple l'exportation de fleurs et de fraises depuis Gaza, l'Ă©conomie du territoire assiĂ©gĂ© a continuĂ© d'ĂȘtre systĂ©matiquement Ă©tranglĂ©e pendant dix-sept ans, lui confĂ©rant la rĂ©putation de plus grande prison Ă ciel ouvert au monde. Tout au long de cette pĂ©riode, IsraĂ«l a attaquĂ© la bande de Gaza Ă de nombreuses reprises, tuant des milliers de personnes lors de frappes aĂ©riennes.
âToute une gĂ©nĂ©ration est nĂ©e et a grandi dans le cadre du processus d'Oslo. Tous les Ă©checs d'Oslo et son approfondissement de l'occupation se sont traduits par des avancĂ©es pour le Hamas".
âLa politique d'IsraĂ«l Ă l'Ă©gard des habitants de Gaza a toujours reposĂ© sur une destruction quasi systĂ©matiqueâ, mâa dit M. Bseiso. âLes secteurs de Gaza qu'ils ne dĂ©truisaient pas au cours d'une opĂ©ration Ă©taient dĂ©truits au cours de l'opĂ©ration suivanteâ.
Mais les années de tourment sous la menace d'un blocus et d'assauts militaires intermittents n'ont pas donné les résultats qu'Israël et la communauté internationale escomptaient. Au contraire, elles ont fourni aux Brigades Qassam des recrues réguliÚres. Abu Obeida, le porte-parole des Brigades Qassam, affirme que 85 % de leurs recrues sont des orphelins dont les parents ont été tués par l'armée israélienne lors de précédents épisodes de violence.
âLe blocus, les guerres et les assauts n'ont pas rĂ©ussi Ă briser Gaza, alors la prochaine Ă©tape pour IsraĂ«l est le gĂ©nocideâ, dĂ©clare Bseiso.
Depuis le 7 octobre, IsraĂ«l a dĂ©truit le principal palais de justice de Gaza, le bĂątiment du parlement et les archives centrales. Bien qu'IsraĂ«l ait promis Ă plusieurs reprises d'âĂ©liminer le Hamasâ, la popularitĂ© du groupe augmente en Cisjordanie et dans l'ensemble du monde arabe.
âNous avons connu trente ans de soi-disant processus de paix, de pourparlers de paix, et de stratĂ©gie de paixâ, explique M. Hroub. âToute une gĂ©nĂ©ration est nĂ©e et a grandi dans le cadre du processus d'Oslo. Tous les Ă©checs d'Oslo et son approfondissement de l'occupation se sont transformĂ©s par des avancĂ©es pour le Hamasâ.
âLe Hamas gagnait en puissance jour aprĂšs jour, alors qu'Oslo, l'AP, l'OLP et IsraĂ«l ne parvenaient pas Ă satisfaire les Palestiniensâ, poursuit-il. âDe nombreux Palestiniens, religieux ou non, ont Ă©tĂ© frustrĂ©s par tous ces Ă©checs, et la rĂ©sistance militaire est devenue leur seul espoirâ.
Les rĂȘves de Gaza
Il ne se passe pas un jour sans que M. Draz ne pense à Gaza. Mais il n'a aucun souvenir des soulÚvements qui ont déferlé dans les rues de Gaza ni du blocus dévastateur qui a bouleversé la vie des habitants. Il se souvient seulement de la vie à Gaza avant qu'Israël ne remplace sa beauté par la misÚre.
âPlanter des concombres, des tomates et se nourrir directement de la terre et des arbres, telle Ă©tait notre vie Ă Gazaâ, me dit Draz, un lĂ©ger sourire se dessinant sur son visage solennel. âOh, et le poisson ! Il y avait tant de poisson...â
Lorsque M. Draz se remĂ©more les Ă©vĂ©nements survenus depuis le 7 octobre, ses yeux se remplissent de larmes en pensant au nombre dĂ©sastreux de morts Ă Gaza, dont plusieurs membres de sa propre famille. Mais comme de nombreux habitants du monde arabe, il considĂšre les attaques du 7 octobre comme un acte de rĂ©sistance lĂ©gitime. Il rĂȘve qu'un jour sa famille puisse retourner Ă Gaza pour respirer Ă nouveau son air doux et salĂ©.
âJ'ai quarante-trois petits-enfantsâ, dĂ©clare M. Draz avec fiertĂ©. âDĂšs leur naissance, je m'assure qu'ils sont nourris au lait de la Palestine. La clĂ© de notre retour est accrochĂ©e Ă la porte de chacun d'entre eux.â
âIl est de notre devoir de transmettre aux gĂ©nĂ©rations suivantes la mĂ©moire de la Palestine et l'amour de notre terre. Et un jour, si Dieu le veut, une gĂ©nĂ©ration viendra qui libĂ©rera la Palestine. Et ce jour-lĂ , les rĂ©fugiĂ©s pourront tous enfin rentrer chez eux.â
* Jaclynn Ashly est une journaliste indĂ©pendante qui vit aux Ătats-Unis.
https://jacobin.com/2024/02/refugees-gaza-war-destruction-israel/