👁🗨 Gaza est un abattoir
“J'ai cru si fort que la présence d'un médecin parmi les mourants était sacrée, un dernier rempart contre le néant. Mais ici, où ce néant s'est installé jusque dans les murs, que peut la sacralité ?”
👁🗨 Gaza est un abattoir
Par Nora Barrows-Friedman pour Rights and Accountability, le 23 mai 2025
Ce qui suit est tiré du résumé de l'actualité diffusé en direct le 22 mai. Regardez l'épisode complet ici.
Les attaques israéliennes à Gaza ont tué plus de 700 Palestiniens entre le 15 et le 21 mai, selon les derniers chiffres du ministère palestinien de la Santé, alors que la famine continue de se propager après plus de 80 jours de blocus israélien.
Au moins 160 personnes ont été tuées en 24 heures le dimanche 18 mai, dont au moins 40 lors d'un massacre visant des tentes de déplacés à Khan Younis.
À Jabaliya, Beit Lahiya et dans la ville de Gaza, dans le nord de la bande de Gaza, les frappes aériennes israéliennes ont tué plus de 200 Palestiniens en 48 heures entre le 16 et le 17 mai, selon le service de presse du gouvernement de Gaza.
“Les massacres sont incessants, s'accompagnant de la destruction totale ou partielle de plus de 1 000 logements, de la destruction de ce qui avait déjà été détruit et du déplacement forcé de plus de 300 000 citoyens vers la ville de Gaza déjà sinistrée, qui ne dispose d'aucune infrastructure pour accueillir ce nombre massif de personnes déplacées de force”, a déclaré le bureau des médias.
“Parmi les morts, 140 sont toujours prisonniers des décombres, l'armée d'occupation israélienne interdisant délibérément l'accès aux zones bombardées dans le nord de Gaza”, a ajouté le bureau.
Les attaques israéliennes dans le nord de Gaza, baptisées “Operation Gideon's Chariots”, sont en train de “transformer la région en une zone d'extermination massive et systématique”.

Ordres d'expulsion forcée
Mardi, l'armée israélienne a émis de nouveaux ordres d'expulsion touchant 26 quartiers du nord de Gaza, en particulier à Beit Lahiya, Jabaliya et son camp de réfugiés, a indiqué l'ONU.
La zone concernée s'étend sur environ 35 kilomètres carrés et représente 10 % de la bande de Gaza, a ajouté l'ONU, précisant que ses partenaires humanitaires “estiment que mardi midi, plus de 41 000 personnes ont été déplacées”.
Environ 81 % de l'ensemble du territoire de Gaza se trouve désormais dans des zones militarisées par Israël ou fait l'objet d'ordres de déplacement, a déclaré mercredi l'ONU.
À Khan Younis, dans le sud de Gaza, l'armée israélienne a émis des ordres d'évacuation pour 90 % de la ville.
Hind Khoudary, de la chaîne Al Jazeera, a rapporté le 19 mai :
“Nous avons vu des gens évacuer sous les tirs, emportant ce qu'ils pouvaient, et l'armée israélienne [a ordonné] à ces Palestiniens d'évacuer vers al-Mawasi, à Khan Younis”,
qui, ajoute-t-elle, est bombardée en permanence par l'armée israélienne.
Le même jour, le 19 mai, des commandos israéliens déguisés en civils palestiniens ont abattu un homme et arrêté sa femme et son enfant durant un raid sur une maison à Khan Younis.
Al Jazeera a rapporté que des soldats israéliens sont arrivés dans un véhicule civil et ont fait irruption dans la maison alors que des frappes aériennes pilonnaient les environs, selon des habitants.
Mahmoud Safi, un parent de la famille, a déclaré que les soldats israéliens transportaient ce qui semblait être des bagages et des couvertures sur le toit de leur véhicule. L'homme assassiné a été identifié comme étant Ahmed Sarhan, un dirigeant de la branche armée des Comités de résistance populaire.
Selon des sources médicales, au moins cinq autres personnes ont été tuées lors du raid, en plus de Sarhan.
Donya Abu Sitta, qui contribue à The Electronic Intifada et apparaît dans ce livestream, a écrit dans Drop Site News que
“selon des témoins, ils ont tué [Sarhan] devant sa famille, kidnappé sa femme et ses enfants et abattu un autre enfant dans la rue alors qu'ils s'enfuyaient”.
Elle a été témoin des frappes aériennes qui ont couvert le raid contre Sarhan et sa famille.
“J'ai vu des avions de combat F-16 et des hélicoptères Apache voler très près, si près que j'avais l'impression de pouvoir les toucher”, rapporte Mme Abu Sitta.
“C'était la première fois que je voyais un missile tiré depuis un avion de combat. J'ai vu l'énorme boule de feu orange jaillir lorsque la bombe a explosé tout près de nous”.
Elle a ajouté que l'armée israélienne a bombardé la zone, lançant plus de 40 frappes aériennes en 40 minutes, selon certaines sources.
Les hôpitaux pris pour cible
Les hôpitaux continuent d'être assiégés et mis hors service par les attaques israéliennes.
Tard dans la nuit de mercredi, l'armée israélienne a bombardé l'hôpital Al-Awda, dans le nord de Gaza, tandis que des drones ont également bombardé des réservoirs d'eau dans cet établissement de santé, selon Al Jazeera.
Israël a attaqué le complexe médical Nasser à Khan Younis une nouvelle fois cette semaine, visant son petit entrepôt de produits de première nécessité.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, environ 30 % de l'entrepôt a été détruit.
L'entrepôt contenait des produits essentiels tels que des prothèses, des perfusions et des solutions de dialyse.
Le Dr Munir al-Bursh, directeur général du ministère palestinien de la Santé à Gaza, a déclaré que les dégâts causés par le raid aérien israélien sur l'entrepôt du complexe médical Nasser “surviennent à un moment où les stocks de plus de 45 % des médicaments essentiels étaient déjà épuisés” et où les pénuries de fournitures médicales de base ou nécessaires aux opérations chirurgicales excédent 60 % avant même l'attaque de cette semaine.
Le complexe médical Nasser a été attaqué le 13 mai, lorsque l'armée israélienne a assassiné un journaliste lors d'un raid qui a détruit l'unité des grands brûlés de l'hôpital.
En outre, l'armée israélienne a bombardé l'hôpital européen de Gaza à Khan Younis, également le 13 mai.
Depuis, l'hôpital est hors service. The Electronic Intifada s'est entretenu avec le Dr Majed Jaber, médecin urgentiste à l'hôpital européen de Gaza, qui a survécu au bombardement et a déclaré :
“C'était le dernier établissement médical encore en mesure de fournir des soins vitaux aux patients atteints de cancer, et maintenant, tout l'hôpital est hors service après une série de raids israéliens”.
Le 19 mai, les militaires israéliens ont encerclé et assiégé l'Hôpital Indonésien de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, tandis que des frappes aériennes israéliennes ont détruit les générateurs électriques et les réservoirs de carburant nécessaires à leur fonctionnement, provoquant un incendie gigantesque.
Le personnel hospitalier a déclaré aux Nations unies que 55 personnes, dont des patients et du personnel médical, se trouvent dans l'hôpital, où la nourriture et l'eau manquent cruellement.
Le personnel et les patients ont été contraints de fuir à pied, essayant de faire passer les brancards par-dessus d'énormes tas de décombres dans les rues détruites.
Le ministère palestinien de la Santé à Gaza a déclaré que les attaques israéliennes contre les générateurs électriques sont une tentative délibérée de détruire le fonctionnement des hôpitaux.
“La situation sanitaire dans le nord de la bande de Gaza est catastrophique depuis que l’Hôpital Indonésien a été mis hors service”,
a déclaré le ministère, ajoutant que tous les hôpitaux de Gaza sont dans un état critique en raison du manque de carburant et de pièces de rechange pour les générateurs.
Tom Potokar, un chirurgien britannique travaillant à l’Hôpital Indonésien, a enregistré cette vidéo après les attaques.
“Si le Cambodge a été un champ de mort, Gaza est aujourd'hui un abattoir”, a-t-il déclaré.
Le Dr Ezzideen Shehab, qui travaillait également à l'hôpital, a écrit le 18 mai sur X :
“Je ne vais plus à l'Hôpital Indonésien. Quelle absurdité de parler d'hôpitaux dans un endroit où la vie n'est plus préservée, où l'on ne fait que retarder l'échéance. J'ai cru, j'ai cru si fort, que la présence d'un médecin parmi les mourants était sacrée, un dernier rempart contre le néant. Mais ici, où ce néant s'est installé jusque dans les murs, que peut la sacralité ?”


L'aide humanitaire arrive au compte-gouttes
Israël a annoncé en début de semaine autoriser plusieurs convois d'aide humanitaire à entrer à Gaza, après 80 jours de blocus total et une catastrophe humanitaire orchestrée.
Tard dans la soirée de mercredi, l'agence de presse de Gaza a déclaré que des camions transportant plusieurs types d'aide ont enfin pu entrer, mais que leur nombre total était inférieur à 90.
“Ces camions humanitaires ont été attribués à plusieurs organisations internationales et civiles, qui se chargeront de distribuer l'aide au peuple palestinien afin de répondre à certains de ses besoins humanitaires urgents”, a déclaré le service de presse.
Les 87 camions entrés mercredi soir ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan comparé aux besoins considérables de Gaza.
Quelque 44 000 camions d'aide auraient dû entrer depuis le 2 mars, date à laquelle Israël a bouclé les checkpoints en violation flagrante de toutes les lois humanitaires internationales.
Gaza a besoin d'environ 500 camions d'aide et 50 camions de carburant par jour pour répondre aux besoins humanitaires vitaux de sa population, a déclaré le bureau des médias.
Le bureau humanitaire des Nations unies a noté que les autorités israéliennes exigent que l'ONU décharge les marchandises du côté palestinien au checkpoint de Karim Abu Salem/Kerem Shalom et les charge à nouveau après avoir obtenu l'accès des équipes de l'ONU depuis l'intérieur.
Ce n'est que dans ces conditions que l'ONU peut acheminer les fournitures plus près des abris où se trouvent ceux qui en ont besoin.
Le 20 mai, le bureau des médias de Gaza a déclaré que 326 morts dus à la malnutrition, aux pénuries alimentaires et médicalesont été enregistrés et que plus de 300 fausses couches chez des femmes enceintes ont été rapportées au cours des 80 derniers jours.
La situation humanitaire dans la bande de Gaza a atteint des niveaux catastrophiques dans tous les sens du terme, a déclaré le bureau.
Euro-Med Human Rights Monitor a déclaré le 21 mai avoir documenté la mort de 26 Palestiniens, dont neuf enfants, en seulement 24 heures.
“Ces morts sont la conséquence d'une politique israélienne délibérée consistant à utiliser la faim et l'absence de soins médicaux comme armes pour tuer des civils palestiniens. Le blocus accru, en place depuis le 2 mars, frappe de manière disproportionnée les plus vulnérables et transforme cette catastrophe humanitaire provoquée par l'homme en un outil majeur d'extermination”.

Les politiciens israéliens se réjouissent du génocide
Pendant ce temps, les politiciens israéliens se vantent d'apprécier la destruction de Gaza et appellent à son nettoyage ethnique total, tandis que la soi-disant communauté internationale se contente d'observer, mais continue d'armer et d'encourager ces crimes de guerre génocidaires et ces crimes contre l'humanité.
Bezalel Smotrich, le ministre israélien des Finances, a déclaré que l'armée israélienne a l'intention de « raser tout Gaza » comme elle a rasé Rafah. S'exprimant à la radio de l'armée israélienne, Smotrich a déclaré : « L'opération de l'armée vise à occuper et à nettoyer des zones de Gaza, et nous considérons chaque maison détruite comme un tunnel. »
Le 19 mai, Smotrich a prononcé un discours se vantant de la stratégie de destruction massive d'Israël à Gaza, affirmant que l'aide humanitaire symbolique n'était autorisée que “pour que le monde ne nous arrête pas et ne nous accuse pas de crimes de guerre”.
L'objectif, a-t-il insisté, est de “conquérir, nettoyer et occuper” jusqu'à ce que Gaza soit démantelée au point d'être méconnaissable.
Jeremy Scahill, de Drop Site News, a analysé l'attitude du gouvernement israélien ces derniers jours concernant la ruse de l'aide humanitaire.
Scahill écrit : “Benjamin Netanyahu a été clair : sa décision d'autoriser l'entrée d'une quantité infime d'aide à Gaza n'est qu'une manœuvre tactique destinée à apaiser la condamnation internationale de la famine imposée par Israël à Gaza et à ouvrir la voie à une solution finale imposée aux Palestiniens de Gaza. ‘Nous prendrons le contrôle de toute la bande de Gaza’, a promis Netanyahu lundi dans une vidéo diffusée par son bureau, annonçant qu'Israël va fournir ‘une aide humanitaire minimale : uniquement des vivres et des médicaments’”.
Scahill a ajouté que “Netanyahu a affirmé que la pression internationale, notamment celle des sénateurs républicains pro-israéliens et de la Maison Blanche, exige une intervention humanitaire de façade. ‘Nos meilleurs amis dans le monde – des sénateurs que je sais être de fervents soutiens d'Israël – ont averti qu'ils ne sauraient nous soutenir si des images de famine massive venaient à être diffusées’”.
Dans une interview télévisée le 20 mai, Moshe Feiglin, un homme politique influent et ancien membre du Parlement israélien, a également exprimé ouvertement son intention génocidaire.
Il a déclaré aux médias israéliens que
“l'ennemi n'est pas le Hamas... Nous devons conquérir Gaza, la coloniser et ne pas laisser vivre un seul enfant de Gaza. Il n'y a pas d'autre victoire possible. Oui! Chaque bébé à Gaza est un ennemi - et s'il n'est pas expulsé de là, dans 15 ans, il fera la même chose en octobre à votre bébé !
Résilience
Enfin, comme toujours, nous tenons à mettre en avant ceux qui expriment leur joie, leur détermination et leur résilience à travers la Palestine.
Zakaria Sarsak, un garçon de 13 ans qui œuvre régulièrement comme bénévole à l'hôpital Al-Aqsa Martyrs de Deir al-Balah, où il aide les ambulanciers à transférer les blessés et à poser des perfusions, s'est vu offrir cette semaine par ses amis de Gaza une journée de détente dans un spa et de nouveaux vêtements.
Saeed Mohammad, vidéaste, a tourné cette séquence de Zakaria. Il plaisante en disant que Zakaria va se marier et qu'ils ont voulu qu'il soit sur son trente-et-un.
La blogueuse de Gaza Sana Aljamal, qui a publié la vidéo, déclare :
“En pleine guerre, ils ont essayé d'offrir une journée différente à Zakaria... des rires, une nouvelle tenue et des moments simples et spontanés qui ont apporté un peu de joie”.



Traduit par Spirit of Free Speech
https://electronicintifada.net/blogs/nora-barrows-friedman/gaza-slaughterhouse