đâđš Gaza : la justice administrative saisie de plusieurs demandes de suspension des ventes d'armes françaises Ă IsraĂ«l
La France, signataire de la Convention des Nations unies de 1948, viole ses engagements internationaux en continuant Ă livrer des armes Ă Tel-Aviv, et «risque» ainsi de devenir complice dâun gĂ©nocide
đâđš Gaza : la justice administrative saisie de plusieurs demandes de suspension des ventes d'armes françaises Ă IsraĂ«l
Par SĂ©bastien Fontenelle, le 11 avril 2024
Six mois aprĂšs le dĂ©clenchement de lâoffensive israĂ©lienne contre Gaza qui a dĂ©jĂ fait plus de 33 000 morts (dont plusieurs milliers dâenfants) et 75 000 blessĂ©s, et alors que plusieurs pays ont dâores et dĂ©jĂ suspendu leurs ventes de matĂ©riels militaires Ă Tel-Aviv : plusieurs associations et organisations non gouvernementales (ONG), considĂ©rant que ces armes « pourraient servir Ă commettre un gĂ©nocide, des crimes contre l'humanitĂ©, des crimes de guerre », ont engagĂ© devant le Tribunal administratif de Paris trois procĂ©dures dâurgence exigeant que le gouvernement français renonce enfin Ă ce commerce mortifĂšre.
Lâassociation ASER (Action sĂ©curitĂ© Ă©thique rĂ©publicaines), aprĂšs avoir vainement demandĂ© au Premier ministre Gabriel Attal â qui nâa pas rĂ©pondu â lâarrĂȘt des exportations dâarmes françaises vers IsraĂ«l, a dĂ©posĂ© un rĂ©fĂ©rĂ©-suspension demandant donc la suspension dâune licence dâexportation de matĂ©riels de catĂ©gorie ML3 â câest-Ă -dire des munitions, et des Ă©lĂ©ments de munitions.
LâONG Amnesty International France, rejointe par la Ligue des droits de lâhomme, qui sâest associĂ©e Ă cette requĂȘte, dĂ©pose quant Ă elle un rĂ©fĂ©rĂ©-libertĂ© demandant la suspension des licences dâexportation de matĂ©riels dits « de conduite de tir », et dâimagerie.
Enfin, un collectif dâassociations et de syndicats dont Attac France, lâAssociation France-Palestine SolidaritĂ© et lâUnion syndicale Solidaires, Ă©largissant le champ, demande, par le moyen, lĂ encore, dâun rĂ©fĂ©rĂ©-libertĂ©, la suspension de toutes les licences dâexportation de matĂ©riels de guerre et de biens dits « Ă double usage » â pouvant indiffĂ©remment ĂȘtre employĂ©s Ă des fins civiles ou militaires â Ă destination de Tel-Aviv.
Ces trois démarches distinctes mais concertées, effectuées « dans un contexte de trÚs graves violations du droit international humanitaire justifiant une urgence dans la réponse de la justice », ont pour objectif, expliquent leurs auteurs, de « faire respecter les engagements internationaux de la France ».
Complice dâun gĂ©nocide
Ils rappellent, dans un communiquĂ© commun, que la Cour internationale de justice (CIJ) â la plus haute juridiction de lâOrganisation des Nations unies (ONU) â, saisie par lâAfrique du Sud, a Ă©voquĂ©, dans une dĂ©cision rendue le 26 janvier 2024, un « risque plausible de gĂ©nocide Ă Gaza » - puis quâelle a ensuite constatĂ©, le 28 mars, quâen dĂ©pit de cette sĂ©vĂšre mise en garde, la situation continuait de se dĂ©tĂ©riorer dans ce minuscule territoire ravagĂ© par les bombardements et la famine.
Sous la pression, notamment, dâorganisations non gouvernementales, de nombreux pays ont dâores et dĂ©jĂ rĂ©agi : la Belgique, par exemple, a annoncĂ© la suspension temporaire de deux licences dâexportation de poudre vers IsraĂ«l. Le Canada, lâEspagne et lâItalie ont eux aussi suspendu temporairement â et partiellement â leurs transferts dâarmes vers lâĂtat hĂ©breu.
Mais lorsque la demande du Conseil des Droits de lâhomme de lâONU exigeant un arrĂȘt total des ventes dâarmes Ă IsraĂ«l a Ă©tĂ© soumise au vote, le 5 avril dernier : la France a prĂ©fĂ©rĂ© sâabstenir.
Or, expliquent les associations et ONG qui ont saisi le Tribunal administratif de Paris : «Il existe clairement un risque que les armes et les équipements militaires français soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza.»
Par consĂ©quent : la France, signataire notamment de la Convention des Nations unies de 1948 pour la prĂ©vention et la rĂ©pression du crime de gĂ©nocide et du TraitĂ© international sur le commerce des armes â qui lui fait obligation de contrĂŽler lâusage qui est fait des matĂ©riels militaires quâelle exporte â, viole ses engagements internationaux en continuant Ă livrer des armes Ă Tel-Aviv, et «risque» ainsi «de devenir complice» des crimes perpĂ©trĂ©s Ă Gaza «et dâun possible gĂ©nocide».
Cette derniĂšre prĂ©cision est dâautant plus lourde de sens, que la CIJ sâest penchĂ©e, les 8 et 9 avril derniers, sur une plainte du Nicaragua, qui accuse lâAllemagne de se rendre complice, en livrant des armes Ă IsraĂ«l, dâun «plausible» gĂ©nocide, et qui demande Ă la juridiction onusienne dâordonner un embargo sur les armes allemandes Ă destination de lâĂtat hĂ©breu : le Tribunal administratif de Paris, saisi en rĂ©fĂ©rĂ©, a en principe quarante-huit heures pour dire si la France devra suspendre les exportations qui lâexposent Ă la mĂȘme glaçante accusation.