đâđš Gaza : la âtrĂȘveâ avant la tempĂȘte
AprÚs la reprise du massacre soutenus par l'Occident , les preuves du génocide s'accumulant, les nouvelles forces multipolaires feront face aux anciens hégémons, et à leur chaos fondé sur des rÚgles.
đâđš Gaza : la âtrĂȘveâ avant la tempĂȘte
Par Pepe Escobar, le 23 novembre 2023
AprĂšs une courte trĂȘve, les Ătats-Unis et leurs alliĂ©s continueront Ă soutenir la guerre d'IsraĂ«l contre Gaza. Mais au fur et Ă mesure que les Ă©vidences du gĂ©nocide se multiplient, les nouvelles puissances multipolaires vont faire face aux anciens hĂ©gĂ©mons, et Ă leur chaos fondĂ© sur des rĂšgles.
Alors que le monde crie au gĂ©nocide israĂ©lien, la Maison Blanche de Joe Biden se fĂ©licite de la prochaine trĂȘve Ă Gaza qu'elle a contribuĂ© Ă nĂ©gocier, comme si elle Ă©tait en fait âsur le pointâ de remporter sa âplus grande performance diplomatiqueâ.
DerriĂšre les rĂ©cits empreints d'autosatisfaction, l'administration amĂ©ricaine n'est pas le moins du monde âprĂ©occupĂ©e par les objectifs de Netanyahouâ, elle les approuve totalement - gĂ©nocide inclus - comme convenu Ă la Maison Blanche moins de trois semaines avant le dĂ©luge d'Al-Aqsa, lors d'une rĂ©union du 20 septembre entre le prĂ©sident israĂ©lien Benjamin Netanyahou et les manipulateurs de Joe âla momieâ Biden.
La âtrĂȘveâ nĂ©gociĂ©e par les Ătats-Unis et le Qatar, censĂ©e entrer en vigueur cette semaine, n'est pas un cessez-le-feu. Il s'agit d'une opĂ©ration de relations publiques visant Ă calmer le gĂ©nocide israĂ©lien et Ă remonter le moral des troupes en obtenant la libĂ©ration de quelques dizaines dâotages. En outre, l'histoire montre qu'IsraĂ«l ne respecte jamais les cessez-le-feu.
Comme on pouvait s'y attendre, ce qui inquiĂšte vraiment l'administration amĂ©ricaine, c'est la âconsĂ©quence indĂ©sirableâ de la trĂȘve, qui âva permettre aux journalistes d'avoir un accĂšs plus Ă©tendu Ă Gaza, de pouvoir mettre en lumiĂšre les ravages causĂ©s par IsraĂ«l, et de retourner l'opinion publique contre ce paysâ.
De vrais journalistes travaillent Ă Gaza 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, depuis le 7 octobre. Des dizaines d'entre eux ont Ă©tĂ© tuĂ©s par la machine militaire israĂ©lienne dans ce que Reporters Sans FrontiĂšres appelle âl'un des bilans les plus meurtriers depuis un siĂšcleâ.
Ces journalistes n'ont pas mĂ©nagĂ© leurs efforts pour âfaire la lumiĂšre sur la dĂ©vastationâ, un euphĂ©misme pour dĂ©signer le gĂ©nocide en cours, exposĂ© dans tous ses effroyables dĂ©tails Ă la vue du monde entier.
MĂȘme l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), lui-mĂȘme attaquĂ© sans relĂąche par IsraĂ«l, a rĂ©vĂ©lĂ© - un peu mollement - qu'il s'agissait du âplus grand dĂ©placement depuis 1948â, d'un âexodeâ de la population palestinienne, la jeune gĂ©nĂ©ration Ă©tant âcontrainte d'endurer les traumatismes de ses ancĂȘtres, ou de ses parentsâ.
Quant Ă l'opinion publique dans l'ensemble du Sud et de la majoritĂ© mondiale, elle s'est âretournĂ©eâ il y a bien longtemps contre l'extrĂ©misme sioniste. Mais aujourd'hui, la minoritĂ© mondiale - les populations de l'Occident collectif - regarde avec fascination, horrifiĂ©e et Ă©coeurĂ©e qu'en seulement six semaines, les rĂ©seaux sociaux aient exposĂ© ce que les mĂ©dias dominants ont dissimulĂ© pendant des dĂ©cennies. Mais aucun retour en arriĂšre n'est possible, maintenant que la lumiĂšre est faite.
Un ancien Ătat de l'apartheid montre la voie
Le gouvernement sud-africain a ouvert la voie, au niveau mondial, avec une réaction appropriée face à un génocide en cours : le parlement a voté la fermeture de l'ambassade d'Israël, l'expulsion de l'ambassadeur israélien et la rupture des liens diplomatiques avec Tel-Aviv. Les Sud-Africains savent ce qu'est l'apartheid.
Comme d'autres critiques d'IsraĂ«l, ils feraient bien de se mĂ©fier davantage Ă l'avenir. On peut s'attendre Ă tout : une Ă©pidĂ©mie de faux drapeaux âterra terra terraâ menĂ©s par des services de renseignements Ă©trangers, des catastrophes climatiques artificielles, de fausses accusations de âviolation des droits de l'hommeâ, l'effondrement de la monnaie nationale, le rand, des cas de conflits juridiques, des apoplexies atlantistes, le sabotage de l'infrastructure Ă©nergĂ©tique, etc. Et bien d'autres choses encore.
Plusieurs nations auraient déjà dû invoquer la Convention sur le génocide, étant donné que les politiciens et les fonctionnaires israéliens se sont vantés, et publiquement, de vouloir raser Gaza et d'assiéger, d'affamer, de tuer et de déplacer en masse la population palestinienne. Aucun acteur géopolitique n'avait osé, jusqu'à présent.
L'Afrique du Sud, pour sa part, a eu le courage d'aller lĂ oĂč peu d'Ătats musulmans et arabes se sont aventurĂ©s. En l'Ă©tat actuel des choses, une grande partie du monde arabe - en particulier les Ătats clients des Ătats-Unis - se trouve toujours en plein marĂ©cage rhĂ©torique.
La âtrĂȘveâ nĂ©gociĂ©e par le Qatar est arrivĂ©e Ă point nommĂ© pour Washington. Elle a volĂ© la vedette Ă la dĂ©lĂ©gation des ministres des affaires Ă©trangĂšres islamiques/arabes en tournĂ©e dans certaines capitales pour promouvoir leur plan en faveur d'un cessez-le-feu total Ă Gaza - et de nĂ©gociations en vue de la crĂ©ation d'un Ătat palestinien indĂ©pendant.
Ce Gaza Contact Group, qui rĂ©unit l'Arabie saoudite, l'Ăgypte, la Jordanie, la Turquie, l'IndonĂ©sie, le Nigeria et la Palestine, s'est d'abord arrĂȘtĂ© Ă PĂ©kin, oĂč il a rencontrĂ© le ministre chinois des affaires Ă©trangĂšres Wang Yi, puis Ă Moscou, oĂč il a Ă©tĂ© reçu par le ministre des affaires Ă©trangĂšres SergueĂŻ Lavrov. Il s'agissait sans aucun doute d'un exemple de la mise en Ćuvre des BRICS 11, avant mĂȘme qu'ils ne dĂ©marrent leurs activitĂ©s le 1er janvier 2024, sous la prĂ©sidence russe.
La rĂ©union avec M. Lavrov Ă Moscou s'est dĂ©roulĂ©e en parallĂšle d'une session extraordinaire en ligne des BRICS sur la Palestine, convoquĂ©e par l'actuelle prĂ©sidence sud-africaine. Le prĂ©sident iranien Ebrahim Raisi, dont le pays dirige l'Axe de rĂ©sistance de la rĂ©gion et refuse tout contact avec IsraĂ«l, a soutenu les initiatives sud-africaines, et a appelĂ© les Ătats membres des BRICS Ă mettre en oeuvre tous les leviers politiques et Ă©conomiques disponibles pour faire pression sur Tel-Aviv.
Le prĂ©sident chinois Xi Jinping a Ă©galement dĂ©clarĂ© quââil ne peut y avoir de sĂ©curitĂ© au Moyen-Orient sans une solution juste Ă la question de la Palestineâ.
M. Xi a soulignĂ© une fois de plus la nĂ©cessitĂ© d'une âsolution Ă deux Ătatsâ, de la ârestauration des droits nationaux lĂ©gitimes de la Palestineâ et de âla crĂ©ation d'un Ătat palestinien indĂ©pendantâ. Une confĂ©rence internationale devrait ĂȘtre organisĂ©e Ă cet effet.
Mais rien de tout cela n'est suffisant Ă ce stade - ni cette trĂȘve passagĂšre, ni les promesses d'une future nĂ©gociation. L'administration amĂ©ricaine, elle-mĂȘme aux prises avec une rĂ©action mondiale inattendue, s'est bornĂ©e, dans le meilleur des cas, Ă engager un bras de fer avec Tel-Aviv pour dĂ©crĂ©ter une brĂšve âpauseâ du gĂ©nocide. Le carnage se poursuivra donc dans les jours suivants.
Si cette trĂȘve avait Ă©tĂ© un vĂ©ritable âcessez-le-feuâ, avec l'arrĂȘt de toute hostilitĂ© et le dĂ©sengagement total de la machine de guerre israĂ©lienne de la bande de Gaza, les options pour affronter la situation actuelle seraient toujours aussi dĂ©sastreuses. John Mearsheimer, spĂ©cialiste de la Realpolitik, a dĂ©jĂ Ă©tĂ© clair : une solution nĂ©gociĂ©e entre IsraĂ«l et la Palestine est impossible.
Il suffit de jeter un bref coup d'Ćil Ă la carte actuelle pour dĂ©montrer graphiquement que la solution Ă deux Ătats - prĂŽnĂ©e par tous, de la Chine Ă la Russie en passant par une grande partie du monde arabe - est vouĂ©e Ă l'Ă©chec. Un ensemble de âbantoustansâ enclavĂ©s ne pourra jamais former un Ătat.
Prenons tout leur gaz
Des rumeurs tonitruantes ont circulé à travers tout le spectre : avec l'avÚnement de plus en plus proche du pétroyuan, les Américains ont absolument besoin de l'énergie de la Méditerranée orientale achetée et vendue en dollars américains - y compris les vastes réserves de gaz au large de la cÎte de Gaza.
VoilĂ donc le conseiller en sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tique de l'administration amĂ©ricaine, dĂ©pĂȘchĂ© en IsraĂ«l pour âdiscuter des plans potentiels de revitalisation Ă©conomique de Gaza centrĂ©s sur les gisements de gaz naturel offshore non exploitĂ©sâ : quel bel euphĂ©misme.
Si le gaz de Gaza est en effet un vecteur essentiel, Gaza, en tant que territoire, n'est qu'une nuisance. Ce qui compte vraiment pour Tel-Aviv, c'est de confisquer lâensemble des rĂ©serves de gaz palestiniennes et de les attribuer Ă de futurs clients prĂ©fĂ©rentiels : l'UE.
Le corridor Inde-Moyen-Orient (IMEC) - en fait le corridor UE-IsraĂ«l-Arabie saoudite-Ămirats-Inde - a Ă©tĂ© conçu par Washington comme le vecteur idĂ©al pour faire dâIsraĂ«l une puissance Ă©nergĂ©tique Ă la croisĂ©e des chemins. On parle lĂ d'un partenariat Ă©nergĂ©tique entre les Ătats-Unis et IsraĂ«l, nĂ©gociĂ© en dollars amĂ©ricains, qui remplacerait l'Ă©nergie russe vers l'UE et mettrait un terme Ă une Ă©ventuelle augmentation des exportations d'Ă©nergie iranienne vers l'Europe.
Et on en revient à l'échiquier central du 21e siÚcle : l'hégémon contre les BRICS.
Jusqu'Ă prĂ©sent, PĂ©kin a entretenu des relations stables avec Tel-Aviv, en investissant massivement dans les industries de haute technologie et les infrastructures israĂ©liennes. Mais le pilonnage de Gaza par IsraĂ«l pourrait changer la donne : aucun vĂ©ritable Ătat ne peut Ă©chapper Ă un vĂ©ritable gĂ©nocide.
ParallÚlement, quels que soient les scénarios de guerre hybride et de guerre ouverte imaginés par l'hégémon contre les BRICS, la Chine et son initiative Belt and Road (BRI) de plusieurs billions de dollars, rien ne modifiera la trajectoire rationnelle et stratégiquement formulée de Pékin.
Cette analyse d'Eric Li est tout ce qu'il faut savoir sur ce qui nous attend. PĂ©kin a tracĂ© toutes les routes technologiques Ă suivre au fil des plans quinquennaux successifs, jusqu'en 2035. Selon cette approche, la BRI doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une sorte d'ONU gĂ©oĂ©conomique, sans le G7. Si vous vous situez hors de la BRI - et cela concerne, dans une large mesure, les anciens systĂšmes compradores et les Ă©lites - vous serez isolĂ©s du Sud global / de la MajoritĂ© mondiale.
Que restera-t-il donc de cette âpauseâ Ă Gaza ? La semaine prochaine, les lĂąches soutenus par l'Occident reprendront leur gĂ©nocide contre les femmes et les enfants, et ne s'arrĂȘteront pas avant longtemps. La rĂ©sistance palestinienne et les 800 000 civils palestiniens qui vivent encore dans le nord de Gaza - dĂ©sormais encerclĂ© de toutes parts par troupes et vĂ©hicules blindĂ©s israĂ©liens - prouvent qu'ils sont dĂ©terminĂ©s et capables de porter le fardeau de la lutte contre l'oppresseur israĂ©lien, non seulement pour la Palestine, mais aussi pour tous les ĂȘtres dotĂ©s d'une conscience, oĂč qu'ils vivent.
Malgré le lourd tribut du sang à payer, la récompense sera finalement au rendez-vous : une lente mais inéluctable éviscération de la structure impériale en Asie de l'Ouest.
Ni le discours des grands mĂ©dias, ni les opĂ©rations de relations publiques tendant Ă minimiser le gĂ©nocide, ni la lutte contre le âretournement de l'opinion publique Ă lâĂ©gard IsraĂ«lâ ne pourront jamais faire oublier les crimes de guerre en sĂ©rie perpĂ©trĂ©s par IsraĂ«l et ses alliĂ©s dans la bande de Gaza. Peut-ĂȘtre est-ce exactement ce que le âDocteurâ - mĂ©taphysique ou autre - a prescrit Ă l'humanitĂ© : une tragĂ©die mondiale impĂ©rieuse, dont tous doivent ĂȘtre tĂ©moins, et qui nous transformera tous.
https://new.thecradle.co/articles/gaza-a-pause-before-the-storm