👁🗨 Gravir les sommets pour Assange
Nous ferons écho aux paroles de l'ancien président, Thomas Jefferson, pour convaincre le gouvernement américain que «notre liberté dépend de la liberté de la presse & elle ne saurait être limitée sans
👁🗨 Gravir les sommets pour Assange
Par Monique Ryan MP, le 13 septembre 2023
Dans le courant du mois, j'irai à Washington, avec une délégation parlementaire, pour plaider la cause de Julian Assange. La délégation parlementaire comprend des représentants de toutes les couleurs politiques : vert forêt (Barnaby Joyce, membre éminent du parti nationaliste), vert (les sénateurs Peter Whish-Wilson et David Shoebridge), rouge (Tony Zappia, membre du parti travailliste), bleu marine (Alex Antic, membre du parti libéral) et bleu sarcelle. Cette alliance, aussi improbable qu'elle puisse paraître, reflète la relative unité de l'opinion australienne concernant Julian Assange et ce qu'il est en train de subir. Même si nous ne sommes pas d'accord avec ses activités - et si nous n'aimons pas son attitude antérieure - 79 % des Australiens pensent qu'il est grand temps que Julian Assange soit libéré.
En 2006, Julian Assange, ancien hacker devenu journaliste, activiste et éditeur, a fondé Wikileaks, un site d'archivage de documents en ligne à but non lucratif. En 2010, WikiLeaks a publié une mine de renseignements sur les activités américaines en Irak et en Afghanistan. Ces données avaient été divulguées par un agent du renseignement américain, Chelsea Manning, qui a ensuite été accusée par le gouvernement américain de 22 infractions, dont une pour violation de l'Espionage Act, et une autre pour aide à l'ennemi. Elle a plaidé coupable pour dix chefs d'accusation, mais n'a été emprisonnée que pendant trois ans avant que sa peine ne soit commuée par le président Obama en 2017.
Les nombreux documents publiés par Wikileaks ont été préjudiciables et gênants pour les services de renseignement américains, d'où leurs tentatives incessantes d'obtenir l'extradition d'Assange du Royaume-Uni vers les États-Unis pour qu'il y soit inculpé en vertu de l'Espionage Act. Sur le plan politique, l'aversion des démocrates à l'égard d'Assange n'a pas été arrangée par la publication par WikiLeaks, en 2016, des courriels d'Hillary Clinton et de documents du Comité national démocrate. La publication ultérieure par WikiLeaks de la plus grande fuite de l'histoire de la CIA en 2017 n'a pas valu à M. Assange de se faire des amis au sein de l'administration Trump.
M. Assange est détenu à la prison britannique de Belmarsh (surnommée “le Guantanamo britannique”) depuis avril 2019, après avoir trouvé refuge à l'ambassade d'Équateur à Londres pendant près de sept ans. Le traité américano-britannique en vertu duquel l'extradition d'Assange est requise interdit explicitement l'extradition pour des délits politiques, mais la procédure se poursuit malgré les aspects politiques évidents de cette affaire. Daniel Ellsberg, auteur des “Pentagon Papers” révélant les crimes commises par les États-Unis pendant la guerre du Viêt Nam, a également été poursuivi en vertu de l'Espionage Act. Ellsberg, dont l'affaire a été classée sans suite. Ellsberg a décrit les poursuites engagées par Assange comme un abus de procédure plus important que pour lui. La position de M. Assange a été défendue par l'ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, des médias, des organisations de défense des droits de l'homme, et des hommes politiques du monde entier.
L'avocate de M. Assange, l'Australienne Jennifer Robinson, basée à Londres, a fait valoir que son inculpation représentait “la menace la plus terrifiante pour la liberté d'expression au XXIe siècle”. Lors de son intervention au National Press Club l'année dernière, Mme Robinson a fait référence à plusieurs reprises aux allégations selon lesquelles la CIA aurait comploté en 2017 l'enlèvement ou l'assassinat de M. Assange alors qu'il était réfugié politique à Londres. Elle a laissé entendre qu'en cas d'extradition, il pourrait être soumis à des mesures administratives spéciales, un régime d'isolement extrême décrit par les groupes de défense des droits de l'homme comme inhumain et pouvant s'apparenter à de la torture.
Cette mission revêt une certaine urgence en raison de l'éventualité imminente de l'extradition de M. Assange vers les États-Unis et de la détérioration de son état de santé physique et mental. Il a été victime d'une petite attaque cérébrale en 2021 et les membres de sa famille le décrivent comme étant de plus en plus fragile. Sa femme, Stella, a déclaré qu'elle pensait qu'il se suiciderait s'il était extradé vers les États-Unis dans des conditions de sécurité maximale.
Le gouvernement américain a envoyé des messages contradictoires cette année : Caroline Kennedy, l'ambassadrice des États-Unis en Australie, a évoqué la possibilité d'un accord de plaidoyer en août. Plus récemment, cependant, le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a déclaré que
“les actions qu'il aurait commises risquaient de porter gravement atteinte à notre sécurité nationale, au profit de nos adversaires, et faisaient courir un risque grave à des sources humaines nommées - un risque grave - de dommages physiques, et un risque grave de détention”.
Le président Biden est peut-être limité dans sa capacité à intervenir dans cette affaire par les procès en cours contre son prédécesseur et son fils. Le président a indiqué qu'il était “attaché à l'indépendance du ministère de la justice”, mais la commutation de la peine de Chelsea Manning par le président Obama semble en contradiction avec la poursuite de M. Assange par l'administration Biden. Cela est d'autant plus vrai que les grands journaux qui ont publié les documents de Wikileaks - des organisations médiatiques comme le Guardian, le New York Times, Der Spiegel et Le Monde - n'ont pas été inquiétés.
La réalité reste que Julian Assange est un citoyen australien. Il a reçu des prix en Australie et dans le monde entier pour son journalisme. Les poursuites dont il fait l'objet aux États-Unis soulèveraient des questions préoccupantes quant au précédent créé pour les journalistes du monde entier en cas de publication d'informations authentiques dans l'intérêt du public, et si ces informations sont jugées contraires à la perception qu'a le gouvernement américain de son propre intérêt.
Comme l'a fait valoir la semaine dernière mon collègue de la délégation, Barnaby Joyce,
"si les Américains peuvent extrader un Australien vers l'Amérique pour avoir contrevenu à l'une de leurs lois, même s'il n'est pas citoyen et n'a jamais commis de crime en Amérique, combien de temps faudra-t-il aux Chinois pour en faire autant ? "
Le Premier ministre australien ira aux États-Unis après nous, le mois prochain, et sa première visite d'État à Washington sera une excellente occasion d'obtenir la libération d'Assange. Contrairement aux précédents Premiers ministres, Anthony Albanese a toujours soutenu M. Assange. Il a déclaré publiquement - avant et après son accession au poste de Premier ministre - que cette affaire n'avait que trop duré.
Il s'agit d'une situation politique, et non juridique. Si la demande d'extradition est approuvée, les Australiens assisteront à l'extradition d'un de nos citoyens d'un partenaire d'AUKUS vers un autre - notre allié stratégique le plus proche - et Assange sera confronté à la perspective de passer le restant de ses jours en prison. Cette affaire est un test crucial pour nos relations avec les États-Unis et pour la capacité de notre gouvernement à défendre les intérêts de ses citoyens auprès de nos alliés. La délégation parlementaire s'adressera aux homologues américains pour leur faire part de notre respect du droit à la liberté de la presse et à la liberté d'expression garanti par le Premier Amendement. Nous ferons écho aux paroles de leur ancien président, Thomas Jefferson ; nous ferons de notre mieux pour convaincre le gouvernement américain que
« Notre liberté dépend de la liberté de la presse et elle ne saurait être limitée sans être perdue ».
* Monique Marie Ryan est une neurologue pédiatrique et une femme politique australienne. Elle est actuellement membre du parlement pour le siège fédéral de Kooyong après avoir battu Josh Frydenberg lors des élections fédérales australiennes de 2022.