👁🗨 “Honte à vous” : Manifestation au dîner des correspondants de la Maison Blanche
Le président américain porte un toast à la “liberté de la presse & à la démocratie” dans le monde, mais omet de mentionner l'assassinat de nombreux journalistes palestiniens depuis le mois d'octobre.
👁🗨 “Honte à vous” : Manifestation au dîner des correspondants de la Maison Blanche
Par Aljazeera, le 28 avril 2024
Des militants américains exigeant la fin de la guerre d'Israël contre Gaza se sont rassemblés devant un hôtel accueillant le dîner annuel des correspondants de la Maison Blanche, condamnant le président Joe Biden pour son soutien à la campagne militaire et la “non-couverture” du conflit par les organes d'information occidentaux.
Toutefois, M. Biden, qui a assisté à l'événement de samedi à Washington et a prononcé un discours de 10 minutes, n'a pas mentionné la guerre à Gaza ni la grave crise humanitaire qui y sévit.
Les protestations lors du gala - habituellement consacré aux présidents, aux journalistes et aux humoristes qui se moquent outrageusement des scandales politiques et les uns des autres - se sont exprimées alors que les manifestations contre la guerre se propageent également dans les campus universitaires américains, les étudiants installant des campements et résistant aux descentes de police dans le but de contraindre leurs universités à se désinvestir des entreprises qui soutiennent la campagne militaire d'Israël à Gaza.
Les manifestations dans la capitale américaine ont contraint le cortège de M. Biden à emprunter un itinéraire imprévu entre la Maison Blanche et le Washington Hilton, où plus d'une centaine de manifestants, dont certains brandissaient des drapeaux palestiniens, ont crié “honte à vous” aux invités qui se hâtaient d'entrer dans l'hôtel.
La foule a scandé à un moment donné : “Médias occidentaux, nous vous voyons, ainsi que toutes les horreurs que vous cachez”, tandis que certains manifestants restaient immobiles sur le trottoir, à côté de faux gilets pare-balles ensanglantés portant l’inscription “presse”.
La foule a également applaudi lorsque quelqu'un à l'intérieur du Washington Hilton - où le dîner a lieu depuis des décennies - a déployé un drapeau palestinien depuis une fenêtre du dernier étage de l'hôtel.
Depuis le début de la guerre d'Israël contre Gaza en octobre dernier, l'armée israélienne a tué 142 professionnels des médias et arrêté au moins 40 journalistes palestiniens, selon le Bureau gouvernemental des médias à Gaza.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a déclaré que 2023 a été l'année la plus meurtrière pour les membres de la profession en dix ans, quelque 75 % des personnes tuées dans le monde étant des Palestiniens qui couvraient la guerre à Gaza.
Dans son discours, M. Biden a porté un toast à la “liberté de la presse et à la démocratie dans le monde”, mais n'a pas parlé de la souffrance à Gaza. Il a passé la majeure partie de son discours à se moquer de son principal rival dans la course à la présidence de cette année, Donald Trump, ainsi que de leur âge avancé.
Son discours est resté centré sur ce qu'il estime être l'enjeu de cette élection, expliquant qu'une autre administration Trump serait plus néfaste pour le pays que son premier mandat.
“Nous devons prendre cela au sérieux. Il y a huit ans, nous aurions pu considérer qu'il s'agissait de ‘conversations sur Trump’, mais pas après le 6 janvier”, a-t-il déclaré au public, faisant référence aux partisans de Trump qui ont pris d'assaut le Capitole américain après la défaite de M. Trump aux élections de 2020.
L'une des rares allusions à Gaza est venue de Kelly O'Donnell, présidente de l'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA), qui a brièvement rappelé qu'une centaine de journalistes avaient été tués lors de la guerre d'Israël contre Gaza.
Avant l'événement, plus de deux douzaines de journalistes palestiniens ont publié une lettre appelant leurs collègues à boycotter le gala, accusant l'administration Biden d'être complice de l'assassinat systématique par Israël des professionnels des médias à Gaza.
“Le tribut qui nous est imposé pour le simple fait de remplir nos fonctions journalistiques est stupéfiant”, peut-on lire dans la lettre. “Nous sommes soumis à la détention, aux interrogatoires et à la torture par l'armée israélienne, tout cela pour le ‘crime’ d'intégrité journalistique”.
Un organisateur s'est plaint que la WHCA - qui représente les centaines de journalistes qui couvrent le président - est restée largement silencieuse depuis les premières semaines de la guerre au sujet des assassinats de journalistes palestiniens. La WHCA n'a pas répondu à la demande de commentaires.
Le journaliste américano-palestinien Ahmed Shihab Eldin, l'un des signataires de la lettre, a déclaré à Al Jazeera qu'il était “inacceptable” que les professionnels des médias gardent le silence de peur de mettre en péril la sécurité de leur emploi.
“Nous voyons des journalistes à Gaza continuer à être non seulement tués, mais détenus, torturés, et dont les familles sont tuées”, a-t-il déclaré.
Sandra Tamari, directrice exécutive d'Adalah Justice Project, un groupe de défense des Palestiniens basé aux États-Unis qui a contribué à l'organisation de la lettre des journalistes de Gaza, a déclaré :
“Il est honteux que les médias dînent et s’amusent avec le président Biden alors qu'il permet la dévastation israélienne et la famine des Palestiniens de Gaza”.
En outre, l’Adalah Justice Project a lancé une campagne par courrier électronique ciblant 12 responsables de médias attendus au dîner, qui avaient déjà signé une lettre appelant à la protection des journalistes à Gaza.
“Comment pouvez-vous encore venir alors que vos collègues de Gaza vous ont demandé de ne pas le faire ?”, a demandé un manifestant aux invités qui se rendaient au dîner. “Vous n'êtes que des complices”.