👁🗨 Il avait deux bébés
Nous ignorons les cris en nous. Mohammad Abu Al Qumsan, je suis avec vous. Aaron Bushnell, je suis avec vous. Je crierai jusqu'à ce que ma voix s'éteigne. Ce soir, c'est tout ce que j'ai à offrir.
👁🗨 Il avait deux bébés
Par Caitlin Johnstone, le 14 août 2024
Écouter la lecture de cet article (lecture par Tim Foley)
Il avait deux bébés. Des jumeaux. Aysal et Aser, un garçon et une fille.
Mohammad Abu Al Qumsan avait deux bébés et une femme aimante.
Aujourd'hui, il n'a plus personne.
Une frappe aérienne israélienne a tué ses deux bébés, ainsi que leur mère et leur grand-mère, alors qu'il était allé chercher leurs certificats de naissance.
Ils venaient de naître.
Une vidéo le montre en train de crier, de crier comme n'importe lequel d'entre nous crierait. Les cris d'un homme qui a soudainement perdu tout ce qu'un homme peut perdre. Les cris de Gaza.
Parfois, je trouve bizarre que nous ne criions pas tous comme cet homme tout le temps, tant que nous partageons une planète avec ce cauchemar. Parfois, je le souhaite.
Après l'auto-immolation d'Aaron Bushnell en signe de protestation contre ce génocide, je me souviens avoir lu quelqu'un dire quelque chose comme
“Je comprends mieux l'homme qui s'est immolé que les membres de ma propre communauté qui font comme si de rien n'était”.
Les cris d'Al Qumsan me rappellent ces mots aujourd'hui.
J'ai souvent l'impression que c'est un sacrilège insupportable que notre civilisation ne s'arrête pas net alors que cela se produit jour après jour, mois après mois, avec le soutien bruyant de nos propres gouvernements occidentaux. Nous continuons à aller au cinéma et à dîner, à rire et à plaisanter alors que des cris à glacer le sang retentissent à Gaza. On a l'impression de se balader devant un camp d'extermination en essayant d'ignorer l'odeur de la fumée noire qui s'échappe des cheminées.
Nous ressemblons à des fous. Nous sommes aussi fous que quelqu'un qui chantonne et danse au milieu d'une maison en feu. Il serait certainement beaucoup plus sain de crier tout le temps que de suivre notre petit bonhomme de chemin comme si l'horreur n'existait pas.
Mais ce ne serait pas socialement correct. Cela mettrait les gens mal à l'aise. Ici, dans cette civilisation dystopique, on considère qu’il est grossier d'en parler.
En Australie, l'orchestre symphonique de Melbourne a annulé la représentation du célèbre pianiste Jayson Gillham, qui avait dédié une œuvre au nombre sans précédent de journalistes tués à Gaza depuis le mois d'octobre. Le ministère de la culture a qualifié cette dédicace
d' “intrusion d'opinions politiques personnelles dans ce qui aurait dû être une séance consacrée à un programme d'œuvres pour piano solo”, ajoutant que “le ministère de la culture comprend que ses remarques ont offensé et affligé et présente ses excuses sincères”.
“Offense et affliction”. Lors d'une dédicace à des journalistes assassinés. Dans une salle de concert.
Oubliez l’“offense et l'affliction” pour Mohammad Abu Al Qumsan. Après tout, il n'a perdu que ses bébés, sa femme et sa belle-mère lors d'une frappe aérienne israélienne. Il ne s'est pas senti émotionnellement mal à l'aise lorsque quelqu'un aurait évoqué les mauvaises actions d'Israël lors d’un concert de musique classique huppé.
Oubliez Al Qumsan, oubliez les deux millions de personnes qui, comme lui, poussent les mêmes cris et vivent le même cauchemar. Ce qui compte, c'est notre confort émotionnel, et notre capacité à cloisonner psychologiquement nos convictions politiques dominantes pour les soustraire aux réalités et aux conséquences qu'elles entraînent.
Personne ne devrait s'immoler par le feu. Mais je peux comprendre pourquoi quelqu'un l'a fait.
Ici, dans notre pseudo civilisation frauduleuse, nous ignorons les cris.
Nous ignorons les cris et nous nous rendons dans les salles de concert dans nos plus beaux atours, parés de nos plus beaux bijoux, et exigeons des excuses pour quiconque nous met mal à l'aise en raison de notre soutien à un État d'apartheid assassin qui se livre actuellement à un génocide.
Nous ignorons les cris tout en mourant lentement de l'intérieur, coupés de la vérité, de l'authenticité et d'une connexion sincère avec nos semblables.
Nous ignorons les cris tout en aspirant à la sincérité, comme un Palestinien piégé sous un immeuble détruit espère retrouver l'air libre et une bouteille d'eau.
Nous ignorons les cris qui fusent au-delà de nous-mêmes. Et nous ignorons les cris en nous.
Mohammad Abu Al Qumsan, je suis avec vous ce soir.
Aaron Bushnell, je suis avec vous ce soir.
Je crierai jusqu'à ce que ma voix s'éteigne.
Ce soir, c'est tout ce que j'ai à offrir.
C'est fabuleusement...triste.
Je connaissais l'histoire de ce jeune père désemparé à qui on a arraché 4 membres de sa famille d'un seul coup. Mais le rapprochement avec le concert annulé pour 'opinion politiquement incorrecte' est comme du sel dans une plaie ! Quel monde écoeurant...Les 'blancs' restent soudés ! 🤮