👁🗨 “Il est grand temps de briser l’AIPAC”
Biden, inapte à une diplomatique de l'envergure requise, est soumis à l’emprise de l'AIPAC sur les élections, la politique & les mandatés américains qui entrave toute réflexion & politique novatrices.
👁🗨 “Il est grand temps de briser l’AIPAC*”
Par Cara Marianna*, le 2 novembre 2023
“ ... les États-Unis ne seront pas en mesure de traiter les problèmes délicats du Moyen-Orient s'ils ne parviennent pas à engager un débat sérieux et honnête sur le rôle du lobby israélien”.
— John Mearsheimer & Stephen Walt.
Le 2 novembre — Il y a deux semaines, alors qu'Israël continuait de bombarder Gaza, le président des États-Unis se trouvait aux côtés du Premier ministre israélien à l'ouverture d'une réunion du cabinet de guerre israélien. M. Netanyahu avait téléphoné à M. Biden deux jours auparavant pour lui faire part de ce que le Times of Israel a appelé une “visite de solidarité”.
Bien du temps s'est écoulé depuis la visite de M. Biden en Israël. L'atrocité de la campagne militaire israélienne menée sans discernement à Gaza est désormais largement reconnue comme constituant un génocide. Des nations non occidentales respectueuses des principes - la Bolivie, le Chili, la Colombie à ce jour - ont entamé une rupture de leurs relations avec Tel-Aviv, voire rappeler leurs ambassadeurs. L'ordre mondial, cela va de soi, a été perturbé.
Mais des questions subsistent. Que signifie “être solidaire”, comme le promet M. Biden, alors qu'Israël commet quotidiennement des crimes de guerre au vu et au su du monde entier ? Pourquoi les États-Unis, en violation du droit international et de tout ce qu'ils prétendent défendre, aident-ils et encouragent-ils le plan israélien de nettoyage ethnique à Gaza ? Pourquoi les États-Unis donnent-ils la priorité aux intérêts et à la sécurité d'Israël plutôt qu'aux leurs, tout en portant atteinte à leur crédibilité et à leur autorité à l'étranger ?
Il est impossible de comprendre la conduite américaine en Asie occidentale à ce moment critique sans reconnaître le rôle que joue l'American Israel Public Affairs Committee [en français] dans la stratégie de politique étrangère. La politique étrangère des États-Unis coïncide si bien avec l'agenda de l'AIPAC qu'il n'y a plus guère de distinction entre les deux. En fait, les États-Unis n'ont pas de politique étrangère indépendante reflétant leurs propres intérêts en matière de sécurité dans cette région du monde.
En ce moment critique de violence, de souffrance humaine et de chaos, nous devons reconnaître que l'AIPAC, une agence non élue et techniquement non gouvernementale, exerce une influence excessive et totalement inappropriée sur les affaires mondiales ainsi que sur la politique américaine. Ce fait est très rarement mentionné dans nos médias corporatistes, et nous pouvons interpréter ce silence comme un indicateur de l'accumulation inacceptable de pouvoirs de l'organisation. Il est temps de mettre un terme à l'AIPAC. La paix en Asie occidentale et un ordre stable dans le reste du monde dépendent de ce projet.
L'influence de l'AIPAC sur la politique américaine, tant intérieure qu'extérieure, a été analysée à maintes reprises. On peut notamment citer les travaux de John Mearsheimer et Stephen Walt, dont l'ouvrage de 2008, The Israel Lobby and U.S. Foreign Policy, constitue l'examen le plus approfondi à ce jour du pouvoir de l'AIPAC. Leur analyse est aujourd'hui plus pertinente que jamais. Dans le contexte actuel, étant donné l'ampleur du phénomène et son impact potentiel sur les relations entre de nombreuses nations différentes, nous devons reconnaître que la portée de l'AIPAC s'étend bien au-delà de Washington ou de l'Asie de l'Ouest. En effet, l'influence du Comité impacte désormais les affaires internationales dans leur ensemble. Telle est cette nouvelle réalité inquiétante.
En gardant cette réalité à l'esprit - une réalité dangereuse, étant donné le caractère extrémiste de cette organisation - examinons la récente visite de M. Biden en Israël, et tout ce qui en a découlé.
Depuis cette dernière réunion de cabinet de guerre, M. Biden a prononcé deux discours, l'un à Tel-Aviv le 18 octobre, l'autre à son retour à Washington, lorsqu'il s'est adressé à la population américaine le 20 octobre. Dans chacun de ces discours, le président a repris tous les points de discussion et les dogmes établis qui caractérisent depuis longtemps les relations entre l'Amérique et Israël, et qui soutiennent tous les priorités israéliennes. Rien de nouveau n'a été proposé - aucune clarté morale, aucune vision nouvelle sur la manière de traiter le crime éthique originel commis à l'encontre des Palestiniens lorsque leur patrie leur a été enlevée il y a 75 ans, un vol de terres qui explique le cycle de violence sans fin auquel nous assistons une fois de plus.
Deux facteurs expliquent l'échec de M. Biden : tout d'abord, et de toute évidence, ce président est incapable de faire preuve d'un esprit diplomatique de l'envergure requise. De plus, il affiche une profonde affinité personnelle pour la vision sioniste - pour qu'Israël s'approprie toutes les terres de la Palestine biblique - et il est tout naturel qu’il s'aligne sur les intérêts d'Israël. Plus important encore, et directement lié à mon propos, Biden en est un exemple presque parfait : la mainmise de l'AIPAC sur les élections, la politique et les politiciens américains entrave toute nouvelle réflexion et toute politique novatrice.
Biden s'est produit à Tel Aviv sur commande : il a assuré Israël du soutien inconditionnel des États-Unis, et a promis une nouvelle aide militaire de 14,3 milliards de dollars, qui vient s'ajouter à une enveloppe décennale de 38 milliards de dollars engagée pendant les années Obama. Pour tenter d'atténuer le manque flagrant d'humanité affiché, M. Biden a promis 100 millions de dollars d'aide humanitaire, et a obtenu d'Israël qu'il autorise l'entrée de l'aide dans la bande de Gaza - à condition qu'Israël puisse à tout moment bloquer l'acheminement de vivres et autres fournitures vitales, s'il affirme qu’il y a implication du Hamas. Depuis lors, selon un reportage de la chaîne PBS daté du 29 octobre, “Israël n'a autorisé l'entrée que d'un infime volume d'aide”. C'est loin d'être suffisant pour enrayer la famine, ce qui, on le voit, est l'objectif recherché. La semaine dernière, des milliers de Palestiniens désespérés ont fait irruption dans un entrepôt d'aide de l'ONU.
En bref, M. Biden a autorisé Israël à faire ce qu'il veut, et c'est d’ailleurs exactement ce qu'il est en train de faire, notamment en rasant la ville de Gaza et en nettoyant le nord du territoire de toute vie palestinienne. Biden a été appelé à Tel Aviv, et a répondu à l'appel, uniquement pour légitimer des actes profondément illégitimes, et pour fournir une couverture politique à Israël, qui se retrouve de plus en plus isolé dans un monde où peu de nations, en dehors de l'Occident, sanctionnent les crimes qu'il commet aujourd'hui.
En effet, les crimes qu'Israël commet quotidiennement depuis la “visite de solidarité” de M. Biden sont presque indescriptibles. Extrait du même rapport de PBS :"
“Israël affirme que la plupart des habitants de Gaza ont obéi à ses ordres de fuir vers la partie sud du territoire assiégé, mais des centaines de milliers de personnes restent dans le nord, en partie parce qu'Israël a également bombardé des cibles dans les zones dites sûres.
Dimanche, une frappe aérienne israélienne a touché une maison de deux étages à Khan Younis [ville du sud de Gaza où les Palestiniens ont reçu l'ordre de se rendre], tuant au moins 13 personnes, dont 10 membres d'une même famille. Les corps ont été transportés à l'hôpital Nasser, situé à proximité, selon un journaliste de l'AP présent sur les lieux.”
Depuis la visite de M. Biden en Israël, le monde est devenu beaucoup plus dangereux, le nombre de Palestiniens assassinés est en forte augmentation et l'Amérique perd considérablement en termes de sécurité. Cela étant, examinons plus en détail les conséquences de l'influence de l'AIPAC sur le gouvernement américain et ses décisions politiques.
Le refus d'un dirigeant étranger de rencontrer un président américain est sans précédent, ou presque. Et pourtant, les principaux dirigeants de la région, révoltés par la brutalité de la réponse disproportionnée d'Israël à l'attaque du 7 octobre et par le soutien inconditionnel de l'Amérique à Israël, même si celui-ci viole le droit international, refusent désormais de s'entretenir avec M. Biden.
Le sommet auquel Biden devait participer en Jordanie pendant son séjour dans la région a été annulé alors qu'il se trouvait en Israël. Les dirigeants de l'Asie occidentale semblent avoir conclu qu'il serait vain de discuter avec l'administration Biden. Les portes diplomatiques ont été fermées, alors qu'une diplomatie multilatérale s'impose de toute urgence pour éviter qu'une guerre régionale de plus grande ampleur ne se déclenche. Les populations d'Asie occidentale manifestent quotidiennement dans toute la région. Ayman Safadi, ministre jordanien des affaires étrangères, a récemment déclaré à la télévision publique que le comportement criminel d'Israël “pousse la région au bord du gouffre”.
Quels que soient les intentions des États-Unis, il est peu probable que les États arabes restent les bras croisés pendant qu'Israël détruit Gaza, tue des dizaines de milliers de Palestiniens et force la population restante à s'installer dans des campements de réfugiés dans le désert du Sinaï, où ils seront abandonnés, et en mourront. Si les États-Unis et leurs alliés européens complaisants refusent d'appeler la violence israélienne par son nom, dans le reste du monde, on ne montre guère de réticence : nous assistons à un nettoyage ethnique que l'ONU qualifie de génocide.
L'Amérique, semble-t-il, est déjà en guerre. Des drones et des roquettes ont frappé des bases américaines en Irak et en Syrie dix jours après le début du conflit. L'un des deux groupes de porte-avions américains actuellement en Méditerranée orientale a ensuite intercepté des roquettes yéménites tirées en direction d'Israël. Les éléments les plus radicaux d'Israël et des États-Unis semblent ouvertement impatients d'en découdre avec l'Iran. De son côté, la Russie a déployé des chasseurs MiG 31, équipés de missiles hypersoniques, pour patrouiller en mer Noire. Il s'agit de missiles contre lesquels les États-Unis n'ont aucune défense, et qui sont à portée des porte-avions américains.
On ne peut que constater la gravité, voire le danger que représente cette situation. L'Asie occidentale menace d'exploser et il n'y a pas de leadership compétent aux États-Unis, en grande partie parce que notre politique étrangère a été façonnée par un groupe d'intérêt qui a oeuvré pendant des décennies pour le compte d'une autre nation. Nous ne pouvons plus ignorer le rôle de l'American Israel Public Affairs Committee face au gâchis actuel et aux nombreuses autres crises potentiellement explosives suite aux dérives et aux erreurs de jugement de la politique étrangère de Washington.
Le parti pris pro-israélien inconsidéré de l'Amérique a aveuglé les élites politiques américaines au point que personne à Washington, et certainement pas M. Biden ou le secrétaire d'État M. Blinken, ne semble comprendre ce moment historique pour ce qu'il est : le président, comme tout le monde à Washington, continue de prétendre que l'hégémonie américaine reste intacte et inviolée, quelle que soit la témérité de notre gestion, et ce alors même que les dirigeants d'Asie occidentale lui ferment leurs portes.
La sécurité et la place de l'Amérique dans le monde sont subitement bien plus précaires que durant toute son histoire. Les États-Unis se nuisent - et se nuisent gravement - en continuant à soutenir sans réserve une nation si manifestement hors de contrôle et condamnée par de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme comme un État pratiquant l'apartheid. Le soutien inconditionnel de l'Amérique à Israël a obscurci le jugement de ses dirigeants, sapé sa politique étrangère et démenti toute affirmation selon laquelle les États-Unis seraient les défenseurs des droits de l'homme. Soutenir Israël n'est plus dans l'intérêt des États-Unis, si tant est qu'il l'ait jamais été, et devient une responsabilité de plus en plus lourde.
Les vastes opérations de l'AIPAC sont peut-être effectivement invisibles pour le grand public, mais le Comité porte une responsabilité considérable dans ce bouleversement mondial, et dans les préjudices que l'Amérique s'inflige en soutenant la nation protégée par l'AIPAC.
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Fondé en 1954 sous le nom d'American Zionist Committee for Public Affairs [Comité sioniste américain pour les affaires publiques], l'AIPAC avait dès le départ une triple mission : promouvoir un programme pro-israélien au sein du gouvernement américain, façonner l'opinion publique en faveur d'Israël, et resserrer les rangs au sein de la communauté juive américaine, de manière à créer un front juif monolithique et uni, en censurant et en ostracisant tout juif qui critiquerait Israël, quoi qu'il fasse. Dès le départ, la mission de l'AIPAC devait donc être préjudiciable à la démocratie et à la politique américaines.
Le lobby pro-israélien tel que nous le connaissons aujourd'hui est apparu comme une réponse en termes de relations publiques à un massacre de Palestiniens dans le village de Qibya, il y a 70 ans le mois dernier. Doug Rossinow, un historien universitaire, a décrit les événements dans “The dark roots of AIPAC, ‘America's Pro-Israel Lobby’” [“Les obscures racines de l'AIPAC, le "lobby pro-israélien de l'Amérique"], publié le 6 mars 2018 dans le Washington Post :
“Le 15 octobre 1953, l'enfer s'est déchaîné. La nouvelle s'est répandue qu'une unité spéciale de l'armée israélienne avait frappé la Cisjordanie occupée par la Jordanie, et commis un massacre dans le village palestinien de Qibya, tuant plus de 60 civils sans distinction, en représailles au meurtre d'une femme juive et de ses deux enfants en Israël dans la nuit du 12 octobre.
Cette frappe reflétait la politique israélienne. . . . Le Premier ministre David Ben-Gourion avait adopté une politique de représailles - des attaques militaires, délibérément disproportionnées, contre les populations arabes locales. Après les tueries du 12 octobre, Ben-Gourion et ses principaux collaborateurs ont choisi la ville voisine de Qibya pour exercer leurs représailles.
Le magazine Time a publié un compte rendu choquant des meurtres de masse délibérés, voire même désinvoltes, perpétrés par des soldats israéliens à Qibya - “avachis... fumant et plaisantant”. Le New York Times a publié de longs extraits d'une commission de l'ONU qui a réfuté les mensonges israéliens sur ces événements”.
La réaction de Washington a été immédiate : l'aide à Israël a été suspendue. Au Conseil de sécurité de l'ONU, les États-Unis ont soutenu une motion de censure à l'encontre d'Israël. C'était au cours du premier mandat d'Eisenhower à la Maison Blanche. Aujourd'hui, une telle réaction américaine aux violations israéliennes du droit international est inimaginable, ce qui témoigne du succès de l'AIPAC.
La politique de représailles inhumaines de Ben-Gourion est précisément ce qui se produit aujourd'hui à Gaza. C'est la mise en œuvre d'une stratégie israélienne de longue date qui consiste à infliger un maximum de pertes aux Palestiniens pour les accabler et les soumettre ou, à défaut, les éliminer définitivement. L'Amérique, notons-le, garde le silence.
C'est ce contexte historique que l'AIPAC a réussi à effacer du discours public et de la mémoire. Conséquence directe : lorsque le Hamas a lancé son attaque le 7 octobre, les Israéliens et de nombreux Juifs américains pouvaient clamer leur innocence tout en niant que leurs propres politiques avaient contribué à créer les conditions qui ont déclenché l'attaque du Hamas. Cet effacement intentionnel de l'histoire permet au lobby israélien de déformer la perception du public, de sorte que la sympathie des Américains va à Israël, tandis que les souffrances des Palestiniens restent largement occultées.
L'influence de l'AIPAC sur le processus politique américain et au sein des partis politiques est notoire, et bien documentée. Personne ne peut accéder à la Maison Blanche, et très peu au Congrès, sans jurer fidélité à Israël et au lobby israélo-américain. Rares sont les hommes politiques qui restent en poste sans se plier aux exigences de l'AIPAC. Le lobby dépense des millions de dollars pour promouvoir ses candidats favoris tout en sabotant agressivement tous ceux qui expriment des critiques à l'égard d'Israël ou s'inquiètent du sort des Palestiniens.
Il est évident que la politique étrangère et intérieure des États-Unis doit correspondre et répondre aux intérêts de la sécurité américaine et aux besoins de son peuple, et non aux besoins d'Israël. Il n'est donc pas surprenant que l'une des principales caractéristiques de la propagande de l'AIPAC soit la fiction selon laquelle les intérêts des États-Unis s'alignent naturellement sur ceux d'Israël. Pour renforcer cette idée, l'AIPAC envoie régulièrement de nouveaux représentants du Congrès en Israël, où ils rencontrent des représentants du gouvernement dans le cadre d'un processus d'endoctrinement pro-israélien visant à garantir un soutien politique, financier et militaire continu de la part des États-Unis. En réalité, le soutien non critique de l'Amérique à Israël a longtemps mis le monde arabe en en colère, compromettant la sécurité des États-Unis, et a été l'un des motifs des attentats du 11 septembre.
L'influence de l'AIPAC s'insinue profondément dans les secteurs législatifs et exécutifs du gouvernement américain, aux think tanks américains, aux élites de la politique étrangère, aux médias détenus par les grandes entreprises et au monde universitaire - un phénomène largement étudié et documenté par Mearsheimer et Walt. Dans un document de travail publié en 2006 sous le même nom que leur livre et disponible ici, les auteurs ont déclaré ce qui suit :
“Sans la capacité du lobby à œuvrer efficacement au sein du système politique américain, les relations entre Israël et les États-Unis seraient bien moins étroites qu'elles ne le sont aujourd'hui.”
Dix-sept ans plus tard, cette affirmation semble être un véritable euphémisme. Aucun groupe de pression public n'a été aussi efficace pour orienter et déformer la politique étrangère des États-Unis dans le sens des intérêts d'un gouvernement étranger, et contre les intérêts des États-Unis. Le lobby israélien dirige effectivement la politique étrangère américaine en Asie occidentale et achemine des milliards de dollars vers Israël pour soutenir un programme sioniste raciste - un système d'apartheid, selon l'ONU et Amnesty International - qui affaiblit les États-Unis, sape notre politique intérieure et notre prospérité, déstabilisant ainsi le reste du monde.
Ici encore, Mearsheimer et Walt abordent l'étendue de l'influence de l'AIPAC sur la politique américaine en Asie occidentale :
“Si l'impact du lobby se limitait à l'aide économique américaine à Israël, son influence ne serait pas si inquiétante. L'aide étrangère est précieuse, mais pas au point que la seule superpuissance du monde mette ses immenses moyens au service d'Israël. En conséquence, le lobby a également cherché à façonner les aspects essentiels de la politique américaine au Moyen-Orient. Il a notamment réussi à convaincre les dirigeants américains de soutenir la répression continue des Palestiniens par Israël et de s'en prendre aux principaux adversaires régionaux d'Israël - l'Iran, l'Irak et la Syrie - ainsi qu'à des groupes tels que le Hezbollah.”
Aujourd'hui, le soutien des États-Unis à la destruction sauvage de Gaza par Israël - son projet de nettoyage ethnique pour lequel les États-Unis sont désormais complices de crimes de guerre et de génocide - est largement dû à des décennies d'efforts de lobbying de l'AIPAC, en particulier au sein du Congrès. L'influence de l'AIPAC est telle qu'elle a entraîné les États-Unis à participer à un scandaleux crime contre l'humanité qui compromettra très certainement la sécurité des États-Unis sur leur territoire et à l'étranger, puisqu'il menace de s'étendre à un conflit régional. Aucun lobby ne devrait détenir de tels pouvoirs.
Il est extrêmement difficile de critiquer Israël et la politique américaine en sa faveur, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la couverture médiatique des événements en Asie occidentale a longtemps été orientée en faveur d'Israël, de sorte qu'il est presque impossible d'obtenir des informations impartiales de la part des sources d'information traditionnelles. Par ailleurs, comme je l'ai déjà fait remarquer, le contexte historique entourant le conflit a été effacé par la presse de la mémoire du public. Enfin, l'une des stratégies les plus cyniques de l'AIPAC consiste à qualifier d'antisémite quiconque critique Israël - une accusation qu'elle utilise habituellement et manifestement pour censurer et faire taire les dissidents.
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Tous ces éléments ont fait obstacle à l’urgence d’une issue pour les Palestiniens de disposer d'une patrie sûre, qu'il s'agisse d'une solution à un ou à deux États. Tant que cette question fondamentale ne sera pas résolue, la région tout entière restera instable, les Israéliens ne vivront jamais en sécurité, les Palestiniens, privés de leurs droits fondamentaux, continueront à souffrir de l'apartheid israélien et la résistance palestinienne poursuivra ses attaques sporadiques - autant d'éléments qui nuisent à la stabilité et à la sécurité mondiales.
Pour que les choses changent, les États-Unis ont besoin d'une réflexion entièrement nouvelle, d'une vision inédite, d'un programme de politique étrangère entièrement novateur en ce qui concerne l'État d'Israël et l'Asie de l'Ouest. Cela ne sera possible que lorsque l'influence que l'AIPAC exerce actuellement sur les élus et les élites politiques américaines - et en fait à tous les niveaux à Washington, dans les médias et dans le monde universitaire - prendra fin.
Selon moi, la voie à suivre doit être double : En premier lieu, il est indispensable d'attirer l'attention sur les crimes de guerre commis par Israël et sur sa politique d'apartheid pratiquée de longue date. Deuxièmement, et dans le même ordre d'idées, l'histoire effacée doit être ressuscitée - l'histoire du sionisme, de la fondation d'Israël et de la violence constante et systémique perpétrée à l'encontre du peuple palestinien.
Parallèlement, l'Amérique doit admettre la présence historique et l'influence du sionisme chrétien, un mouvement qui soutient l'influence de l'AIPAC en permettant l'expansion des colonies israéliennes illégales.
Le projet en question n'est certainement pas simple à mettre en œuvre. Il exige une campagne implacable et durable : sur les réseaux sociaux, dans le journalisme indépendant et dans l'arène politique, un projet en mesure d'atteindre en profondeur la société et la politique américaines. C'est un effort que chacun d'entre nous peut fournir en fonction de ses capacités et de son influence. Il faudra en outre du temps et du courage, y compris le courage de risquer d'être accusé d'antisémitisme.
En fin de compte, c'est peut-être le mode de fonctionnement d'Israël lui-même qui finira par briser l'influence de l'AIPAC. Les citoyens du monde entier, y compris ceux des États-Unis, peuvent constater par eux-mêmes, aujourd'hui aussi clairement qu'après le massacre de Qibya en 1953, que le comportement d'Israël n'est ni civilisé ni juste, et qu'il n'est qu'un vaste plan délibéré d'épuration ethnique. Par-dessus tout, l'Amérique - et ses citoyens - doit recouvrer une perspective plus objective et plus critique à l'égard d'Israël, comme celle qui prévalait avant le règne de l'AIPAC.
* AIPAC [Source Wikipedia] : Le American Israel Public Affairs Committee ou AIPAC est un lobby créé en 1963 aux États-Unis visant à soutenir Israël.
L'AIPAC soutient fortement la droite israélienne, et est réputé proche du Likoud. Il s'appuie sur un réseau de plus de 70 organisations juives, dont les représentants siègent à son comité directeur.
Chaque année, l'AIPAC organise une conférence à Washington en présence de hauts responsables des deux pays comme Hillary Clinton, Ariel Sharon, George W. Bush, Ehud Olmert, Barack Obama, Donald Trump, Naftali Bennett, Joe Biden, Kamala Harris, Benyamin Netanyahou, ou Nancy Pelosi.
ll est considéré comme un des lobbys les plus puissants des États-Unis d'Amérique.
L'AIPAC a des relations conflictuelles avec l'aile gauche du parti démocrate, incarnée par Bernie Sanders.
* Cara Marianna publie un bulletin d'information Substack, Our Journey. Elle est peintre et titulaire d'un doctorat en études américaines.