đâđš Il voulait une guerre parfaite, le summum de la performance, le coup dâĂ©clat absolu pour faire la une des mĂ©dias
Netanyahu semble privilĂ©gier une guerre d'usure avec l'Iran pour nourrir ses espoirs de âgrande victoireâ. Mais IsraĂ«l nây survivra pas sans l'aide de Washington (qui pourrait ne pas se matĂ©rialiser).
đâđš Il voulait une guerre parfaite, le summum de la performance, le coup dâĂ©clat absolu pour faire la une des mĂ©dias
Par Alastair Crooke, le 8 juillet 2025
Les nĂ©gociations entre les Ătats-Unis et l'Iran ont peu de chances d'aboutir Ă un accord.
âSelon les avis, le bombardement amĂ©ricain des installations nuclĂ©aires iraniennes Ă Fordow, Natanz et Ispahan a constituĂ© soit un succĂšs retentissant ayant gravement paralysĂ© le programme nuclĂ©aire de TĂ©hĂ©ran, soit un coup dâĂ©clat dont les rĂ©sultats sont bien moins impressionnants que ceux escomptĂ©s. Dans l'ensemble, c'est juste une mise en scĂšneâ.
La grande question, aprĂšs âquelle sera la prochaine Ă©tape en Iranâ et âcomment les Iraniens pourraient-ils rĂ©agirâ, est âcomment l'Ă©lectorat de Trump va-t-il rĂ©agir ?â, dit Michael Wolff (qui a Ă©crit quatre livres sur Trump).
âEt je pense qu'il [Trump] est vraiment inquietâ, souligne Wolff. âEt il devrait l'ĂȘtre. Pour comprendre cette coalition, il faut souligner deux points fondamentaux : l'immigration et la guerre. Le reste est secondaire et peut faire l'objet de compromis. Mais ces deux paramĂštres ne sauraient faire l'objet de compromisâ.
Le message d'Hegseth (ânous ne sommes pas en guerre contre le peuple iranien, seulement contre son programme nuclĂ©aireâ) tĂ©moigne d'une position ârĂ©visĂ©e Ă la baisseâ sous la pression du MAGA : âNe faites pas attention. Nous ne sommes pas vraiment en guerreâ, voilĂ ce que Hegseth essayait de suggĂ©rer.
Que peut-on attendre des prochaines étapes ? Quatre scénarios sont envisageables :
Les Iraniens peuvent dire âd'accord, nous nous rendonsâ â mais cela n'arrivera pas.
DeuxiĂšmement, une guerre prolongĂ©e entre l'Iran et IsraĂ«l, qui verrait IsraĂ«l ĂȘtre attaquĂ© comme jamais auparavant.
TroisiĂšmement, un changement de rĂ©gime peut ĂȘtre tentĂ©, mĂȘme si cela n'a jamais Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© via une simple attaque aĂ©rienne. Historiquement, les changements de rĂ©gime amĂ©ricains se sont soldĂ©s par des massacres, des pĂ©riodes d'instabilitĂ©, de terrorisme et de chaos.
Enfin, certains avertissent qu'un Armageddon nucléaire est à craindre si la destruction de l'Iran est envisagée. Ce serait toutefois un acte suicidaire, synonyme de la fin probable de Trump lors des élections de mi-mandat.
âMais permettez-moi toutefois de clarifierâ, ajoute Wolff.
âLes appels sont l'un des principaux moyens de comprendre la sĂ©quence d'Ă©vĂ©nements qui a menĂ© Trump Ă la situation actuelle (les frappes contre l'Iran). Les appels sont l'un des principaux vecteurs pour comprendre sa pensĂ©e (j'utilise le mot âpensĂ©eâ au sens large).
âIl m'arrive de parler Ă certains des interlocuteurs de Trump. Pour faire simple, Trump externalise toute sa rĂ©flexion : elle passe par une sĂ©rie d'appels tĂ©lĂ©phoniques constants. Et c'est assez facile Ă suivre, car il dit la mĂȘme chose Ă tout le monde. C'est donc un cycle constant de rĂ©pĂ©titions. »
âDonc, en rĂ©sumĂ©, quand les IsraĂ©liens ont attaquĂ© l'Iran, il Ă©tait particuliĂšrement excitĂ© et tous ses appels ont tournĂ© autour de la mĂȘme question : âEst-ce une victoire ?â, âVont-ils gagner ?â âEst-ce que c'est fini ?â âIls sont tellement bons !â, âC'est vraiment sensationnelâ.
âEncore une fois, nous ne parlons que de l'aspect spectaculaire. Il s'agit d'un Ă©niĂšme show et, la veille de l'attaque contre l'Iran, ses appels se sont succĂ©dĂ© Ă un rythme effrĂ©nĂ© : si nous agissons, nous devons le faire Ă la perfection. Nous devons remporter la victoire. Tout doit paraĂźtre parfait. Et personne ne doit mourirâ.
Trump répÚte sans cesse à ses interlocuteurs :
âNous allons rĂ©aliser un grand coup : c'est le grand jour. Nous aspirons Ă un jour grandiose. Nous voulons une guerre parfaiteâ.
Puis, brusquement, Trump a annoncĂ© un cessez-le-feu, ce qui, selon Wolff, a marquĂ© âla conclusion de la guerre parfaite de Trumpâ.
Et soudain, alors qu'IsraĂ«l et l'Iran semblaient jouer le jeu de cette âguerre parfaiteâ, âil bouillonne parce que tout ne se passe pas comme prĂ©vuâ !
Et Wolff de poursuivre :
âĂ ce stade, Trump avait dĂ©jĂ embrassĂ© le rĂŽle de celui selon qui âc'Ă©tait sa guerreâ. Sa guerre parfaite. Un drame tĂ©lĂ©visĂ© Ă son apogĂ©e : une guerre pour faire la une. Et le titre serait : âNOUS AVONS GAGNĂâ. âC'est moi qui commande maintenant, et ils feront ce que je disâ. Ce que nous avons ensuite vu, c'est sa frustration d'avoir ratĂ© un gros titre en or : âIls ne font pas ce qu'il leur ditââ.
Quelles sont les implications stratégiques plus larges de ce micro-épisode ? Eh bien, selon Wolff, Trump ne se laissera pas entraßner dans une guerre longue et complexe. Pourquoi ?
âParce qu'il lui manque tout simplement la capacitĂ© de concentration nĂ©cessaire. C'est tout. Il est foutu : game overâ.
Selon Wolff, pour comprendre toute la portĂ©e stratĂ©gique de son analyse, il faut saisir un point fondamental : Trump veut ĂȘtre au centre des attentions. Il pense en termes de titres Ă la une, Ă tout instant, et non en termes stratĂ©giques. Il cherche Ă dominer l'actualitĂ© quotidienne et, pour ce faire, il cherche Ă imposer ses propres titres par le biais d'une posture rhĂ©torique, en manipulant la ârĂ©alitĂ©â pour offrir sa propre âvisionâ sensationnelle Ă la Trump.
Les titres constituent alors une forme de domination politique susceptible de se métamorphoser en politique, ou pas.
NĂ©anmoins, comme le souligne Wolff, Trump aura du mal Ă dĂ©tourner l'attention de l'Iran, mĂȘme s'il est passĂ© maĂźtre dans l'art de la diversion. En effet, Trump s'est engagĂ© sur le slogan annexe âL'Iran n'aura jamais la bombeâ. Il ne l'exprime pas en termes politiques, se laissant plutĂŽt une marge de manĆuvre pour revendiquer une Ă©ventuelle victoire ultĂ©rieure.
Pourtant, n'oublions pas un point fondamental : l'attaque israĂ©lienne contre l'Iran, le 13 juin, cherchait Ă faire tomber l'Iran comme un chĂąteau de cartes. C'est ce Ă quoi IsraĂ«l et Trump s'attendaient : â[Les appels tĂ©lĂ©phoniques de Trump Ă la veille de l'attaque surprise israĂ©lienne] tournaient tous autour de la mĂȘme question : allaient-ils gagner ? Ătait-ce une victoire ? La fin du match ? Ils sont tellement douĂ©s ! C'est vraiment un coup de maĂźtreâ. Trump avait anticipĂ© l'effondrement potentiel de l'Ătat iranien.
Ce ne fut pourtant pas âla fin du matchâ ! Les IsraĂ©liens se fĂ©licitent peut-ĂȘtre abondamment du coup de maĂźtre du Mossad du 13 juin, du âprofessionnalismeâ des dĂ©capitations perpĂ©trĂ©es par le Mossad, des assassinats de scientifiques, des cyberattaques et des sabotages. Le Mossad est encensĂ© par de nombreux IsraĂ©liens, mais il ne s'agit lĂ que de succĂšs tactiques.
L'objectif stratĂ©gique, le âbut ultimeâ de l'opĂ©ration, a Ă©tĂ© un Ă©chec : le âchĂąteau de cartesâ est restĂ© debout. Il a mĂȘme rebondi avec vigueur. Au lieu d'affaiblir l'Iran, l'attaque a permis de raviver les identitĂ©s chiite et iranienne. Elle a rĂ©activĂ© une ferveur et une fiertĂ© nationales passablement Ă©moussĂ©es. L'Iran nâen ressortira que plus performant.
Si l'assaut israĂ©lien du 13 juin n'a pas Ă©tĂ© concluant, pourquoi le plan fonctionnerait-il mieux une seconde fois, alors que l'Iran est dĂ©sormais pleinement prĂ©parĂ© ? Netanyahu semble privilĂ©gier une longue guerre d'usure avec l'Iran pour alimenter ses propres espoirs de âgrande victoireâ. Mais Netanyahu ne doit plus se bercer d'illusions : IsraĂ«l ne survivra pas Ă une guerre d'usure, sans une aide substantielle des Ătats-Unis (qui pourrait ne pas se matĂ©rialiser).
Cependant, l'Ă©vident malaise de Trump (tel que dĂ©crit par Wolff) quant aux chances de victoire d'une attaque surprise israĂ©lienne est rĂ©vĂ©lateur de son tempĂ©rament : âEst-ce que nous allons gagner ? Est-ce que ça y est ? Il faut que ce soit une victoire : tout doit ĂȘtre parfait, tout doit ĂȘtre rĂ©glĂ© du premier coupâ.
Ces questions obsĂ©dantes posĂ©es Ă son entourage traduisent plus un manque d'assurance qu'une volontĂ© â ou une capacitĂ© d'attention â Ă mener un combat long et acharnĂ©, sans une issue claire et dĂ©finitive.
De plus, il craint Ă juste titre le contrecoup d'une longue guerre sur sa base Ă©lectorale MAGA, ainsi que sur ses jeunes Ă©lecteurs (qui commencent dĂ©jĂ Ă se dĂ©tourner de Trump, comme le suggĂšrent les sondages d'opinion). De plus, les majoritĂ©s de Trump dans les deux chambres sont extrĂȘmement fragiles. 300 millions de dollars suffiraient Ă faire pencher la balance du bon ou du mauvais cĂŽtĂ©.
Rappelons Ă©galement qu'IsraĂ«l a Ă©tĂ© attaquĂ© comme jamais par le passĂ©. IsraĂ«l continue de minimiser l'Ă©tendue des dĂ©gĂąts causĂ©s par les missiles iraniens, mais les hauts responsables israĂ©liens chargĂ©s de la sĂ©curitĂ© tirent peu Ă peu la conclusion amĂšre que le âprogrammeâ iranien ne pourra probablement pas ĂȘtre dĂ©truit militairement. Seul un accord diplomatique, quel qu'il soit, pourrait peut-ĂȘtre y parvenir, et encore, rien n'est moins sĂ»r.
Le changement de rĂ©gime reste une chimĂšre. L'Iran n'a jamais Ă©tĂ© aussi uni et dĂ©terminĂ©. La menace d'assassinat du Guide suprĂȘme s'est Ă©galement retournĂ©e contre ses auteurs. Quatre autoritĂ©s religieuses chiites de premier plan (Marja'iyya), dont le cĂ©lĂšbre grand ayatollah Sistani en Irak, se sont prononcĂ©es en faveur d'une fatwa appelant Ă un jihad contre l'AmĂ©rique et IsraĂ«l, si le Guide suprĂȘme Ă©tait attaquĂ©.
Les nĂ©gociations entre les Ătats-Unis et l'Iran semblent toutefois loin d'aboutir Ă un accord. L'AIEA se retrouve au cĆur du problĂšme plutĂŽt que de contribuer Ă sa rĂ©solution. Tandis que l'attention de Trump pour la manĆuvre de âcessez-le-feuâ en Ukraine semble s'estomper, le mĂȘme scĂ©nario pourrait bien se produire avec l'Iran. Des nĂ©gociations interminables sans issue, pendant que l'Iran relance discrĂštement son programme d'enrichissement. IsraĂ«l pourrait bien ĂȘtre tentĂ© de lancer de nouvelles attaques contre l'Iran, entraĂźnant une riposte inĂ©vitable de la part de ce dernier, avec une escalade Ă la clĂ©.
Traduit par Spirit of Free Speech