đâđš âIls auraient mieux fait de nous abattreâ : les Palestiniens racontent les mauvais traitements subis en prison
Depuis le 7 octobre, l'Ătat israĂ©lien a arrĂȘtĂ© plus de 3 000 Palestiniens, dĂ©tenus sans inculpation & quelque 4 000 travailleurs de Gaza arrĂȘtĂ©s & dĂ©tenus des semaines avant d'ĂȘtre expulsĂ©s vers Gaza.
đâđš âIls auraient mieux fait de nous abattreâ : les Palestiniens racontent les mauvais traitements subis en prison
Par Imad Abu Hawash, le 8 décembre 2023
Des détenus récemment libérés détaillent des cas d'humiliation, de torture, de menaces de viol, et un prisonnier battu à mort par les forces israéliennes dans les semaines qui ont suivi le 7 octobre.
Avertissement sur le contenu : Cet article contient des témoignages de sévices graves et de menaces d'agression sexuelle.
La libération de 240 prisonniers et détenus palestiniens lors du récent cessez-le-feu temporaire entre Israël et le Hamas a alerté sur la grave détérioration des conditions de détention dans les prisons israéliennes depuis le début de la guerre. Les restrictions imposées depuis le 7 octobre par l'administration pénitentiaire israélienne, sur instruction du ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir, comprennent la restriction de la nourriture et du temps de promenade, la confiscation des objets personnels, la privation d'eau chaude, de chaussures et d'oreillers, ainsi que l'interdiction des visites de membres de la famille et d'avocats. Ces restrictions ne sont toutefois que la partie émergée de l'iceberg.
Les témoignages recueillis par +972 Magazine auprÚs de Palestiniens libérés des prisons israéliennes au cours des derniÚres semaines - dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu et indépendamment de celui-ci - dépeignent une recrudescence des abus et des humiliations à l'intérieur des cellules de prison, dans les salles d'interrogatoire et au cours des arrestations. Selon ces témoignages, les forces israéliennes et les autorités pénitentiaires ont utilisé des méthodes de torture, menacé de violer une détenue et sa petite fille, et battu à mort un prisonnier - l'un des six Palestiniens morts en détention israélienne depuis le 7 octobre.
Au cours des deux mois qui ont suivi la dĂ©claration de l'Ă©tat de guerre Ă la suite de l'assaut du Hamas contre le sud d'IsraĂ«l, les forces israĂ©liennes ont arrĂȘtĂ© plus de 3 000 Palestiniens, dont beaucoup ont Ă©tĂ© dĂ©tenus sans inculpation. Ce chiffre n'inclut pas les quelque 4 000 travailleurs de Gaza qui se trouvaient en IsraĂ«l lorsque la guerre a Ă©clatĂ©, et ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s et dĂ©tenus pendant des semaines avant d'ĂȘtre expulsĂ©s vers leur pays assiĂ©gĂ©.
Selon l'ONG de dĂ©fense des droits de l'homme HaMoked, parmi les quelque 7 600 prisonniers âpour raisons de sĂ©curitĂ©â qu'IsraĂ«l dĂ©tient actuellement dans des prisons en IsraĂ«l et en Cisjordanie occupĂ©e, il y a au moins 260 Palestiniens qualifiĂ©s de âcombattants illĂ©gauxâ, y compris ceux qui ont participĂ© aux attaques du 7 octobre. Les membres de ce groupe, disent les anciens dĂ©tenus qui ont parlĂ© Ă +972, sont dĂ©tenus dans une section spĂ©ciale de la prison d'Ofer, Ă l'ouest de Ramallah, et leurs cris constants peuvent ĂȘtre entendus parmi les aboiements des chiens. IsraĂ«l cache les noms et les conditions de dĂ©tention de nombreux dĂ©tenus de Gaza et empĂȘche les avocats et la Croix-Rouge de leur rendre visite.
âJ'ai Ă©tĂ© dĂ©tenu de nombreuses annĂ©esâ, a dĂ©clarĂ© Qadura Fares, le chef de la Commission des affaires des dĂ©tenus de l'AutoritĂ© palestinienne, Ă +972. âPersonne n'a jamais rien vu de tel. J'ai entendu des choses inconcevablesâ.
Selon Amjad a-Najjar de la SociĂ©tĂ© des prisonniers palestiniens, depuis le 7 octobre, l'administration pĂ©nitentiaire a confisquĂ© les tĂ©lĂ©visions, radios, appareils Ă©lectroniques, vĂȘtements, chaussures, mĂ©dicaments, livres et articles de papeterie des dĂ©tenus. âBen Gvir a dĂ©clarĂ© la guerre aux prisonniersâ, a-t-il dĂ©clarĂ©.
âLes outils de communication sont les matraques et les coups. La mort plane sur les prisons, dans l'attente d'une dĂ©cision des gardiens de frapper l'un ou l'autre des dĂ©tenus.â
Battu Ă mort dans une cellule
Le 18 novembre, l'IPS a rapporté le décÚs du prisonnier Thaer Samih Abu Assab, 38 ans, résident de la ville de Qalqilya en Cisjordanie, à l'hÎpital Soroka dans le sud d'Israël. Abu Assab était condamné à 18 ans de prison dans la prison de Ketziot, dans le désert du Naqab/Negev. Sa famille n'a reçu aucune autre information et a déclaré qu'il ne souffrait d'aucune maladie préexistante.
Mahmoud Katnani, l'un des prisonniers libĂ©rĂ©s dans le cadre de l'accord d'Ă©change entre IsraĂ«l et le Hamas, se trouvait dans la mĂȘme cellule que Abu Assab.
âLe 18 novembre, Ă 18 heures, lors du comptage de sĂ©curitĂ©, les forces [de l'unitĂ© d'intervention rapide de l'IPS, Keter] ont fait irruption dans la cellule. Nous Ă©tions 10 prisonniers dans la cellule et nous Ă©tions assis comme d'habitude : Ă genoux, les mains sur la tĂȘte et la tĂȘte baissĂ©e. Soudain, les forces nous ont attaquĂ©s sans raison apparente, nous frappant avec des matraques et nous donnant des coups de pied.â
âLe passage Ă tabac s'est poursuivi trĂšs violemmentâ, a poursuivi Katnani. âIls ont plaquĂ© le prisonnier Thaer Abu Assab sur le sol et l'ont traĂźnĂ© dans un coin prĂšs de la salle de bain, le frappant sur la tĂȘte et le corps pendant plusieurs minutes. Puis ils sont sortis de la piĂšce, laissant Thaer couvert de sang qui coulait abondamment de sa tĂȘte. Nous nous sommes approchĂ©s de lui [et avons rĂ©alisĂ© que] son cĆur avait cessĂ© de battre. Nous l'avons tirĂ© au milieu de la piĂšce ; il Ă©tait mort.
âNous l'avons recouvert d'une couverture et avons commencĂ© Ă crier aprĂšs les gardes pendant une heure et demie, jusqu'Ă ce qu'une infirmiĂšre, des gardes et des membres de la mĂȘme force arrivent dans la celluleâ, a poursuivi M. Katnani. âLe corps d'Abu Assab a Ă©tĂ© emmenĂ©. Peu de temps aprĂšs, un membre de lâarmĂ©e est venu nous informer de sa mortâ.
Les circonstances entourant la mort de plusieurs autres Palestiniens dĂ©tenus par IsraĂ«l au cours des deux derniers mois sont moins claires. Deux Palestiniens de Gaza - dont Majed Ahmed Zaqoul, ouvrier de 32 ans, arrĂȘtĂ© en IsraĂ«l peu aprĂšs le 7 octobre, et un autre dont l'identitĂ© n'est pas connue - sont morts au centre de dĂ©tention d'Anatot, juste Ă l'extĂ©rieur de JĂ©rusalem, en Cisjordanie occupĂ©e. Abd al-Rahman Ahmed Muhammad Mar'i, un habitant de 33 ans de la ville de Qarawat Bani Hassan, dans le nord de la Cisjordanie, est dĂ©cĂ©dĂ© le 13 octobre Ă la prison de Megiddo, dans le nord d'IsraĂ«l, oĂč il Ă©tait dĂ©tenu depuis fĂ©vrier sans avoir Ă©tĂ© jugĂ©.
Omar Hamza Daraghmeh, 58 ans, originaire de Tubas dans le nord de la Cisjordanie et membre influent du Hamas, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© avec son fils Hamza Ă leur domicile le 9 octobre. Il a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© d'Anatot Ă la prison de Megiddo le 23 octobre, oĂč il a Ă©tĂ© jugĂ© par vidĂ©oconfĂ©rence. Le Hamas a accusĂ© IsraĂ«l de l'avoir assassinĂ©.
Le frÚre de Daraghmeh, Abdel Hakim, a déclaré à +972 :
âMon frĂšre Ă©tait malade. Peu avant son arrestation, on lui avait posĂ© un cathĂ©ter de l'artĂšre coronaire avec transplantation d'un stent. Il avait besoin de mĂ©dicaments quotidiens, dont le plus important Ă©tait un anticoagulant pour empĂȘcher la formation de caillots. Mon frĂšre est mort en prison, oĂč il n'y avait ni traitement mĂ©dical ni soins.â
Tué par négligence
Le sixiĂšme Palestinien tuĂ© en dĂ©tention par IsraĂ«l depuis le 7 octobre est Arafat Yasser Hamdan. Le 22 octobre, les forces israĂ©liennes ont perquisitionnĂ© son domicile dans le village de Beit Sira, prĂšs de Ramallah. Hamdan, un jeune homme de 25 ans souffrant de diabĂšte et de dysfonctionnement du pancrĂ©as, pĂšre d'une petite fille, a Ă©tĂ© menottĂ© et on lui a placĂ© un sac sur la tĂȘte devant sa femme et sa mĂšre, avant de la placer en dĂ©tention. Deux jours plus tard, les autoritĂ©s israĂ©liennes ont informĂ© sa famille qu'il Ă©tait mort. La famille n'a reçu aucune autre information de leur part depuis lors.
S.A., 58 ans, originaire du sud d'HĂ©bron, Ă©tait avec Hamdan le jour de sa mort.
âLe matin du 24 octobre, nous avons Ă©tĂ© traĂźnĂ©s dans un vĂ©hicule qui devait nous emmener du centre de dĂ©tention de Gush Etzion au tribunal [militaire] d'Oferâ, a-t-il racontĂ©. âArafat Ă©tait avec moi. Soudain, il s'est effondrĂ©, inconscient, Ă l'intĂ©rieur du vĂ©hicule, le visage livide. MalgrĂ© nos supplications, aucun des soldats n'a prĂȘtĂ© attention.
âAu bout d'une dizaine de minutes, un soldat est finalement arrivĂ© avec un petit gobelet en plastique rempli d'eau, qu'il a donnĂ© Ă boire Ă Arafatâ, poursuit S.A.. âLe soldat a fait asseoir Arafat Ă l'avant du vĂ©hicule. Dix minutes plus tard, le soldat nous a rendu Arafat, le faisant s'asseoir sur le sol, les mains et les pieds menottĂ©s, comme nous tous. Son Ă©tat se dĂ©tĂ©riorait.â
Tout au long du voyage, explique S.A., les autres dĂ©tenus ont informĂ© Ă plusieurs reprises les gardiens qu'Arafat souffrait de fortes douleurs dues Ă un manque de sucre - il n'avait pas mangĂ© depuis deux jours en raison de la mauvaise qualitĂ© de la nourriture qu'on leur avait donnĂ©e - et que son Ă©tat nĂ©cessitait qu'il prenne ses mĂ©dicaments. âAucun des soldats n'y a prĂȘtĂ© attentionâ, a-t-il dĂ©clarĂ©. âC'Ă©tait comme si nous n'existions pas.â
Leur vĂ©hicule est arrivĂ© Ă Ofer, oĂč les hommes ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s dans une petite cellule de 3 mĂštres sur 4, contenant 20 dĂ©tenus. âNous avons continuĂ© Ă demander du sucre et de l'eau pour Arafat, qui Ă©tait allongĂ© sur le solâ, a poursuivi S.A..
âFinalement, l'un des soldats a apportĂ© un petit morceau de chocolat - pas plus dâun centimĂštre. Nous sommes restĂ©s dans la cellule jusqu'Ă 15 heures, demandant sans cesse du sucre. Finalement, un infirmier est arrivĂ©, et nous lui avons dit que le jeune homme souffrait d'hypoglycĂ©mie, mais l'infirmier est parti et n'est pas revenu.â
Au cours des heures qui ont suivi, les dĂ©tenus ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s dans diffĂ©rentes sections de la prison, et la nouvelle de la mort de Hamdan a rapidement commencĂ© Ă se rĂ©pandre. âMĂȘme pas une pauvre petite cuillĂšre de sucre pour sauver ce jeune hommeâ, se lamente S.A..
âJe vais leur dire de te violer ici mĂȘmeâ.
Lama Khater, journaliste et Ă©crivaine originaire d'HĂ©bron et mĂšre de cinq enfants, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e le 26 octobre Ă son domicile dans le quartier de Loza, Ă l'ouest d'HĂ©bron. âJe n'aurais pas pu imaginer que les choses allaient aussi mal tourner", a-t-elle dĂ©clarĂ©, dĂ©crivant la façon dont les soldats ont saccagĂ© le contenu de sa maison pendant l'arrestation.
âOn m'a emmenĂ©e dans un vĂ©hicule militaire oĂč l'on m'a forcĂ©e Ă m'allonger sur le sol, menottĂ©e et les yeux bandĂ©s. Des soldats se sont assis Ă cĂŽtĂ© de moi jusqu'Ă ce que nous arrivions Ă un endroit que je ne connaissais pas.
âOn m'a fait entrer dans une celluleâ, a poursuivi Mme Khater. âJe ne voyais pas grand-chose sous le bandeau. J'ai demandĂ© Ă aller aux toilettes et Ă boire de l'eau, mais la femme soldat a refusĂ©. Ils ont prĂ©tendu ne pas comprendre l'arabe ; j'ai essayĂ© l'anglais, mais en vain. AprĂšs une heure de dĂ©tention, j'ai Ă©tĂ© autorisĂ© Ă utiliser les toilettes et j'ai bu de l'eau au robinet. La femme soldat ne mâa pas laissĂ© fermer complĂštement la porte des toilettesâ.
Une femme soldat a ensuite emmenĂ© Lama Khater dans une salle d'interrogatoire, toujours menottĂ©e et les yeux bandĂ©s. On lâa assise sur une chaise et on lui a fait Ă©couter un enregistrement audio d'une personne parlant des atrocitĂ©s commises par le Hamas dans les communautĂ©s israĂ©liennes situĂ©es prĂšs de la barriĂšre de Gaza.
L'interrogateur âm'a demandĂ© mon avis sur le viol d'une fillette [israĂ©lienne] de 10 ansâ, se souvient-elle. âJ'ai dĂ©clarĂ© que je ne savais rien Ă ce sujet. L'interrogateur m'a criĂ© dessus et m'a insultĂ©e. Il a ensuite dit : âSache qu'il y a 20 soldats dans cette piĂšce - je vais leur demander de te violer ici mĂȘmeââ.
Selon Mme Khater, les menaces de l'interrogateur se sont poursuivies. Il a dit : âLa fille qui a Ă©tĂ© violĂ©e ressemble Ă votre fille Yaman, et nous pourrions amener Yaman lĂ -bas et la faire violer, je pourrais aller chez vous et brĂ»ler vos enfants pendant qu'ils dorment. Ici, maintenant, c'est sans foi ni loi. Vous ĂȘtes une prisonniĂšre de guerre, et j'espĂšre que nous aurons bientĂŽt un gouvernement qui nous permettra de faire ce que nous voulons de vous [les Palestiniens]â.
Ă ce moment-lĂ , a expliquĂ© Mme Khater, l'interrogateur s'est approchĂ© d'elle et lui a retirĂ© son bandeau. Il portait des vĂȘtements civils et un masque, et a pris des photos d'elle avant de quitter la piĂšce.
Khater a ensuite été emmenée à la prison de HaSharon, dans le centre d'Israël.
âUne autre dĂ©tenue et moi-mĂȘme avons subi une fouille Ă nuâ, a-t-elle racontĂ©. âDevant la cellule oĂč nous allions entrer, les gardiens ont fait sortir un prisonnier [n'appartenant pas Ă la sĂ©curitĂ©] dont le visage Ă©tait marquĂ© de bosses et de cloques, en l'enveloppant dans une couverture. Les gardiens parlaient entre eux, comme s'il Ă©tait atteint d'une grave maladie infectieuse.â
âOn nous a fait entrer dans la celluleâ, poursuit Khater. âSes vĂȘtements Ă©taient Ă©tendus sur le sol, et le sol Ă©tait constellĂ© de vomi. Il y avait deux matelas au sol, dont l'un portait des traces de vomi du prisonnier. La porte des toilettes [attenantes] Ă©tait ouverte, donnant sur la cellule. Nous sommes restĂ©s debout au centre de la cellule, cernĂ©es par l'odeur et l'humiditĂ© omniprĂ©sentes des toilettesâ.
Selon Khater, les dĂ©tenus sont restĂ©s lĂ pendant environ 10 heures, sans accĂšs Ă l'eau. Ensuite, les gardiens ont fait entrer quatre autres dĂ©tenues palestiniennes dans la petite cellule. âPlus tard, nous avons eu Ă manger, mais je ne peux mĂȘme pas dĂ©crire ce que câĂ©taitâ, a ajoutĂ© Mme Khater.
De lĂ , Mme Khater a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©e Ă la prison pour femmes d'Al-Damon, oĂč les mauvais traitements se sont poursuivis. âTous les effets personnels des prisonniĂšres dans les cellules ont Ă©tĂ© confisquĂ©s, il ne restait que les litsâ, a-t-elle expliquĂ©.
Plus tard, les gardiens de prison ont amenĂ© quatre dĂ©tenues de Gaza, dont Khater a appris qu'elles avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es dans la rue Salah al-Din lors de l'exode massif et forcĂ© des Palestiniens du nord de la bande de Gaza au moment de l'invasion terrestre israĂ©lienne. Ces dĂ©tenues, dit-elle, portaient des vĂȘtements marron clair sur lesquels Ă©tait inscrite la lettre hĂ©braĂŻque ⌹â, la premiĂšre lettre du mot hĂ©breu pour Gaza.
âLes femmes avaient les mains et les pieds menottĂ©s, une corde leur entravait les mainsâ, a racontĂ© Mme Khater. âElles ne portaient pas de foulard. Elles ont Ă©tĂ© emmenĂ©es dans une cellule Ă part. Plus tard, j'ai essayĂ© de leur parler Ă travers une ouverture dans la porte. Leur premiĂšre demande a Ă©tĂ© de porter un foulard. L'une d'entre elles avait Ă©tĂ© forcĂ©e [par les soldats israĂ©liens] de donner son bĂ©bĂ© de deux mois qui Ă©tait avec elle au moment de l'arrestation, Ă un Ă©tranger avant d'ĂȘtre placĂ©e en garde Ă vueâ.
âJ'ai refusĂ© d'embrasser le drapeau israĂ©lien, ils m'ont cassĂ© trois cĂŽtesâ.
Plusieurs autres Palestiniens rĂ©cemment libĂ©rĂ©s des prisons israĂ©liennes ont dĂ©crit les nombreux sĂ©vices subis en prison. Foad Hasan, 45 ans, pĂšre de cinq enfants, originaire du village de Qusra, prĂšs de Naplouse, a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© le 12 novembre aprĂšs avoir passĂ© une semaine dans la prison de Megiddo. âLes conditions de dĂ©tention Ă Megiddo sont terribles, indescriptiblesâ, a-t-il dĂ©clarĂ© Ă +972.
âIls ont essayĂ© de me faire embrasser le drapeau israĂ©lien, et quand j'ai refusĂ©, ils m'ont frappĂ© si fort qu'ils m'ont cassĂ© trois cĂŽtesâ, a-t-il poursuivi. âUn autre gars de Jaba' [un village prĂšs de JĂ©nine] a Ă©galement refusĂ© d'embrasser le drapeau israĂ©lien, et les gardiens de prison lui ont Ă©galement cassĂ© une jambe et des cĂŽtes. Lorsque vous arrivez Ă Megiddo, ils vous disent âBienvenue en enferââ.
Nashaat Dawabsheh, un jeune homme de 17 ans du quartier de Silwan à Jérusalem, a été libéré le 26 novembre dans le cadre de l'échange d'otages et de prisonniers entre Israël et le Hamas.
âLe 7 octobre, les autoritĂ©s pĂ©nitentiaires ont pris toutes nos affaires personnelles et tout ce que nous avions dans notre celluleâ, a-t-il dĂ©clarĂ© Ă +972. âIl ne nous restait plus que nos vĂȘtements, et c'est tout. Nous avons Ă©tĂ© battus tous les jours sans aucune raison - des insultes et des humiliations tous les jours.â
Nasralla al-A'war, une jeune femme de 17 ans originaire de Silwan, libérée avec Dawabsheh le 26 novembre, a déclaré que les gardiens de prison
âont lĂąchĂ© les chiens sur nous sans museliĂšre. Nous avons Ă©tĂ© battus et ils n'ont pas cessĂ© de nous insulter et de nous humilier, et il y avait trĂšs peu Ă mangerâ.
Abdelkader Ali al-Hethnawi, 46 ans, originaire de la ville de Qabatiya, prĂšs de JĂ©nine, a dĂ©clarĂ© Ă +972 qu'il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par les forces israĂ©liennes le 30 octobre au motif qu'elles recherchaient son neveu. Il a Ă©tĂ© emmenĂ© Ă la prison de Megiddo, oĂč il a lui aussi Ă©tĂ© contraint d'embrasser le drapeau et a Ă©tĂ© agressĂ© par les gardiens.
âLa vie est pour ainsi dire inexistante [Ă l'intĂ©rieur de la prison]â, a dĂ©clarĂ© M. al-Hethnawi. âL'Ă©lectricitĂ© Ă©tait coupĂ©e. Il n'y avait pas de vĂȘtements de rechange, nous Ă©tions donc obligĂ©s de porter nos sous-vĂȘtements juste aprĂšs les avoir lavĂ©s, sans avoir le temps de les faire sĂ©cher. Certains jours, nous jeĂ»nions pour permettre aux dĂ©tenus mineurs de manger davantage. Les dĂ©tenus souffrant de maladies chroniques, comme l'hypertension et le diabĂšte, Ă©taient privĂ©s des mĂ©dicaments nĂ©cessaires. MĂȘme les personnes blessĂ©es Ă la suite d'agressions, avec des mains ou des dents cassĂ©es, n'ont pas Ă©tĂ© soignĂ©es.
âJ'ai vu du sang sur le sol des cellules d'isolementâ, a-t-il poursuivi. âCertains ont Ă©tĂ© violemment agressĂ©s pour ne pas avoir maudit le Hamas. Les gardiens marchaient sur la tĂȘte des dĂ©tenus avec leurs chaussures. Les dĂ©tenus Ă©taient frappĂ©s Ă la tĂȘte avec des ceintures, et de l'eau bouillante et glacĂ©e Ă©tait versĂ©e sur leur corps. Les gardiens frappaient les dĂ©tenus sur les parties sensibles de leur corps en leur disant : âNous allons te priver de ta fonction dâhommeââ. Al-Hethnawi a conclu son rĂ©cit en pleurant : âIls auraient mieux fait de nous tirer dessus et de nous tuer que de nous torturer de la sorteâ.
âJ'ai Ă©tĂ© humiliĂ© de toutes les façons possiblesâ
Les Palestiniens subissent ces formes d'abus non seulement Ă l'intĂ©rieur des prisons, mais aussi lors des arrestations. Le 30 octobre, des soldats israĂ©liens ont fait une descente au domicile de Bara'a Huraini Ă Yatta, au sud d'HĂ©bron. Ils l'ont violemment frappĂ© Ă l'intĂ©rieur de sa maison, ainsi que son frĂšre Hassan. Ils ont frappĂ© sa tĂȘte sur le sol jusqu'Ă ce qu'il saigne. Les soldats ont ensuite violemment traĂźnĂ© les deux frĂšres hors de la maison.
âIls nous ont poussĂ©s vers le cĂŽtĂ© de la jeep militaire, en nous bandant les yeux avec un tissuâ, a dĂ©clarĂ© Huraini Ă +972. âL'un d'entre eux m'a saisi par les mains et l'autre par le pantalon, qui m'est descendu jusqu'aux genoux. Ils m'ont jetĂ© sur le plancher de la jeep. Lorsque j'ai demandĂ© Ă remettre mon pantalon, ils m'ont rĂ©pondu âTais-toiâ. Les soldats ont solidement attachĂ© mes pieds Ă un crochet en plastique, les laissent Ă l'extĂ©rieur de la porte. Lorsqu'ils m'ont poussĂ© Ă l'intĂ©rieur, je ne sentais plus mon pied gaucheâ
âLes soldats sont montĂ©s dans la jeep en me marchant dessus avec leurs chaussuresâ, a poursuivi Huraini. âAvant que le vĂ©hicule ne dĂ©marre, l'un d'entre eux a appuyĂ© sa chaussure sur ma tĂȘte, et pendant tout le voyage. Pendant ce temps, j'ai Ă©tĂ© battu sur le reste du corps Ă coups de poing et de crosse de fusil. J'ai Ă©tĂ© humiliĂ© de toutes les maniĂšres possiblesâ.
Selon Huraini, la jeep s'est arrĂȘtĂ©e au bout d'une vingtaine de minutes et les soldats ont essayĂ© de le faire sortir de force.
âIls ont essayĂ© de m'obliger Ă me lever pour sortir, mais j'Ă©tais entravĂ© et Ă©puisĂ© par les coups, ce qui m'a fait tomber sur le plancher du vĂ©hicule. Les soldats m'ont Ă nouveau attrapĂ© et m'ont jetĂ© hors du vĂ©hicule. J'ai atterri sur le visage et j'ai ressenti une douleur intense. J'ai essayĂ© de lever la tĂȘte et le bandeau est tombĂ© de mes yeux. Un soldat m'a agressĂ© Ă coups de poing au visage avant de remettre le bandeau en place.
âEnsuite, les soldats m'ont traĂźnĂ© par les bras et les pieds sur le sol, Ă travers la terre et les Ă©pines, jusqu'Ă ce que je sois assis sur une chaise Ă l'intĂ©rieur d'un autre vĂ©hiculeâ, a poursuivi M. Huraini. âL'un d'eux a remontĂ© mon pantalon, et le vĂ©hicule a dĂ©marrĂ©. J'avais besoin d'eau, mais on m'a rĂ©pondu âTais-toi, tais-toiâ. Lorsque le vĂ©hicule s'est arrĂȘtĂ©, la peur m'a submergĂ© en raison de la douleur intense. Je me suis abstenu de demander quoi que ce soit pour Ă©viter d'ĂȘtre Ă nouveau battuâ.
Lorsque le vĂ©hicule s'est arrĂȘtĂ©, Huraini a de nouveau Ă©tĂ© jetĂ© par terre, son frĂšre Ă ses cĂŽtĂ©s. Un officier des services de renseignement nous a dit :
âLa situation a changĂ© aujourd'hui, Da'esh [ISIS], transmettez le message Ă tout le mondeâ. AprĂšs cela, on nous a laissĂ©s partir, et je suis allĂ© Ă l'hĂŽpital car je souffrais de nombreuses blessures Ă la tĂȘteâ.
Le 15 novembre, Ă 2 h 30 du matin, les forces israĂ©liennes ont fait irruption dans une autre maison Ă Dura, au sud d'HĂ©bron, et ont arrĂȘtĂ© Jenin Amr, une Ă©tudiante de 22 ans, ainsi que son frĂšre Hammam, ĂągĂ© de 24 ans.
âLes soldats m'ont attrapĂ©e et m'ont jetĂ©e face contre terre sur le plancher du vĂ©hicule, et ils ont fait de mĂȘme avec mon frĂšreâ, a racontĂ© Jenin Amr aprĂšs avoir Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e. âLe vĂ©hicule a roulĂ© jusqu'Ă ce que les soldats amĂšnent une autre jeune femme et la jettent sur nous.
âTout au long du trajet, les soldats nous ont donnĂ© des coups de pied et nous ont frappĂ©s Ă coups de crosseâ, a-t-elle poursuivi. âLa voiture s'est arrĂȘtĂ©e au centre d'une place publique prĂšs du camp d'Adoraim, au sud d'HĂ©bron, et les soldats nous ont fait brutalement sortir du vĂ©hicule militaire. Je suis tombĂ©e par terre et mon foulard a glissĂ© de ma tĂȘte. Le soldat s'est mis Ă rire en disant : âVous portez de belles boucles d'oreilles en orâ. Ce n'est qu'aprĂšs un certain temps qu'il m'a permis de porter Ă nouveau mon foulard.
âNous sommes restĂ©s assis par terre jusqu'Ă 6h30 du matinâ, poursuit Mme Amr. âLes soldats nous ont insultĂ©s tout en nous filmant avec leurs tĂ©lĂ©phones. Ensuite, on nous a fait monter dans un bus qui venait d'arriver. Alors que le bus se mettait en route, l'un des soldats est entrĂ©, s'exprimant en arabe avec un accent Ă©gyptien, et a dit : âNous allons maintenant vous faire exĂ©cuter, le moment est venu pour nous de venger le 7 octobreâ.
Les frĂšres et sĆurs ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s dans un centre d'interrogatoire, puis relĂąchĂ©s. Le 3 dĂ©cembre, Mme Amr a encore Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e.
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