đâđš InterpellĂ© en vertu de la loi britannique sur le terrorisme, un lanceur d'alerte affirme que la police lâa interrogĂ© sur son soutien Ă Assange
Ils voulaient absolument me lier Ă Assange ou WikiLeaks. Ils m'ont demandĂ© : âĂtes-vous financĂ© par [Don't Extradite Assange] ? Ătes-vous financĂ© par WikiLeaks ? Par la famille Assange ?â
đâđš InterpellĂ© en vertu de la loi britannique sur le terrorisme, un lanceur d'alerte affirme que la police lâa interrogĂ© sur son soutien Ă Assange
Par Mohamed Elmaazi / The Dissenter, le 8 novembre 2023
Ils voulaient absolument me lier Ă Assange ou WikiLeaks. Ils m'ont demandĂ© : âĂtes-vous financĂ© par [Don't Extradite Assange] ? Ătes-vous financĂ© par WikiLeaks ? Ătes-vous financĂ© par la famille Assange ?â
Alors qu'il rentrait d'Islande, le lanceur d'alerte britannique et ancien diplomate Craig Murray a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par la police et interrogĂ© Ă l'aĂ©roport Ă©cossais de Glasgow en vertu de l'annexe 7 de la loi britannique sur le terrorisme de 2000.
Le 16 octobre, Murray a été soumis à un feu roulant de questions pendant prÚs d'une heure.
Les questions portaient en partie sur ses sources de revenus et ses liens avec WikiLeaks, la campagne âDon't Extradite Assangeâ, ainsi qu'avec Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, et sa famille.
L'ancien diplomate s'est depuis rendu en Suisse pour, selon ses propres termes, âdemander la protection des Nations uniesâ. Sharof Azizov, du groupe Justice for All International, basĂ© en Suisse, et Douwe Korff, professeur Ă©mĂ©rite de droit international, ont cosignĂ© une lettre dĂ©crivant la situation de M. Murray et exprimant leur âvive inquiĂ©tudeâ au sujet de son interpellation au titre de l'annexe 7.
La lettre, adressĂ©e Ă un certain nombre d'experts de l'ONU connus sous le nom de rapporteurs spĂ©ciaux et basĂ©s Ă GenĂšve, sollicite une rĂ©union urgente pour discuter du cas de Murray et de l'utilisation des lois sur le terrorisme pour âintimiderâ et ârĂ©duire au silenceâ journalistes et activistes.
Les experts de l'ONU auxquels s'adresse la lettre sont le rapporteur spécial pour la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion, et le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.
âVous n'avez pas le droit d'ĂȘtre assistĂ© par un avocatâ.
Les pouvoirs accordĂ©s aux âenquĂȘteursâ pour interroger les personnes arrivant au Royaume-Uni, dans n'importe quel terminal aĂ©rien, maritime ou terrestre, sont incroyablement Ă©tendus. Une personne peut ĂȘtre dĂ©tenue et interrogĂ©e jusqu'Ă six heures sans ĂȘtre en Ă©tat d'arrestation. Les droits normalement accordĂ©s aux personnes interrogĂ©es par la police (âMiranda warningsâ, comme on les appelle aux Ătats-Unis) ne s'appliquent pas.
M. Murray, qui s'est dit âhabituĂ© Ă ce que la vie soit un peu Ă©trangeâ, a expliquĂ© Ă The Dissenter que trois policiers, deux hommes et une femme, l'attendaient aprĂšs le contrĂŽle des passeports.
âIls se sont approchĂ©s de moi, se sont identifiĂ©s comme policiers et ont demandĂ© Ă voir mon passeport.
âIls m'ont ensuite emmenĂ© dans une petite piĂšce, une sorte de petit bureau. Je me suis assis et ils m'ont dit : âNous vous gardons dans nos locaux. Vous n'ĂȘtes pas arrĂȘtĂ©, vous ĂȘtes dĂ©tenu, vous n'avez donc pas le droit Ă un avocat, vous n'avez pas le droit de garder le silenceââ, a ajoutĂ© M. Murray.
Lorsque la police l'a interrogĂ© sur son travail, il s'est explicitement identifiĂ© en tant âjournalisteâ.
âIls ne se sont pas identifiĂ©s du tout. Ils n'ont rien montrĂ© qui porte leur nom. Ils n'avaient pas de badge, ils Ă©taient simplement en civilâ, a-t-il dĂ©clarĂ©.
La loi sur le terrorisme de 2000 a Ă©tĂ© controversĂ©e Ă l'Ă©poque oĂč elle a Ă©tĂ© adoptĂ©e par le Parlement britannique, plus d'un an avant les attentats terroristes du 11 septembre 2001. La loi autorise la dĂ©tention sans inculpation pendant 48 heures, et les amendements ultĂ©rieurs permettent une dĂ©tention jusqu'Ă 28 jours sans inculpation, âla plus longue de tous les pays appliquant la loi britanniqueâ, selon le groupe de dĂ©fense des libertĂ©s civiles JUSTICE, basĂ© au Royaume-Uni.
Le gouvernement peut interdire des organisations et criminaliser l'association avec ces organisations ainsi que les discours considérés comme soutenant ces groupes ou organisations.
Les groupes interdits en vertu de la loi sur le terrorisme comprennent ceux qui sont associés aux luttes basque, kurde, tamoule et palestinienne pour l'autodétermination. Des communautés entiÚres de la diaspora basées au Royaume-Uni ont fait l'objet d'interpellations, d'interrogatoires, de surveillance, d'arrestations et de saisies d'actifs en vertu des diverses lois britanniques sur le terrorisme.
De retour d'une réunion pour la défense d'Assange en Islande
Murray se souvient qu'il y avait une brochure sur la table, qui donnait des informations sur l'annexe 7, mais il n'a pas eu l'occasion de la lire avant le début de l'interrogatoire.
âIls ont immĂ©diatement commencĂ© Ă me poser des questions.
âIls m'ont lu un document... tout ce qu'ils m'ont dit, 'vous n'avez pas le droit de garder le silence, vous n'avez pas le droit Ă un avocat', ils l'ont lu Ă haute voix... Ils lisaient un texteâ,
s'est souvenu M. Murray. Ils n'ont pas dit à Murray quels étaient ses droits, ni s'il y avait une limite de durée.
M. Murray, qui soutient depuis longtemps l'Ă©diteur et journaliste dĂ©tenu de WikiLeaks, Julian Assange, a dĂ©clarĂ© qu'on lui avait demandĂ© oĂč il se trouvait et ce qu'il faisait.
âJ'Ă©tais en Islande pour une rĂ©union de coordination de la campagne en faveur de Julian Assange. Pendant que j'Ă©tais lĂ -bas, j'ai assistĂ© Ă une manifestation sur la Palestine devant le parlement islandaisâ, a-t-il expliquĂ©.
Ils m'ont demandé si j'allais participer à des manifestations pour la Palestine au Royaume-Uni. J'ai répondu :
ââJe n'ai rien prĂ©vu, mais sans doute que ouiâ. Ils m'ont ensuite demandĂ© comment je choisissais les personnes avec lesquelles je partageais une tribune [lorsque je prends la parole] lors de manifestations, ce qui est une question bizarre. J'ai rĂ©pondu que, ânormalement, je ne savais pas avec qui je partageais une tribune, que ce genre d'Ă©vĂ©nements pouvait prendre un certain tempsâ".
Il a informé la police qu'il lisait généralement son intervention avant de quitter l'estrade.
Murray a indiqué à la police qu'il faisait confiance à la Stop the War Coalition et qu'il prenait donc la parole lors de leurs événements.
Ătes-vous financĂ© par WikiLeaks ?
âIls voulaient absolument me lier Ă Assange ou Ă WikiLeaksâ, a dĂ©clarĂ© M. Murray. Ils m'ont demandĂ© : âĂtes-vous financĂ© par [Don't Extradite Assange] ? Ătes-vous financĂ© par WikiLeaks ? Ătes-vous financĂ© par la famille Assange ?â
La rĂ©ponse Ă toutes ces questions a Ă©tĂ© ânonâ, a ajoutĂ© M. Murray.
âJe ne sais mĂȘme pas pourquoi [ils ont posĂ© ces questions]. MĂȘme si la rĂ©ponse avait Ă©tĂ© positive, je ne vois pas oĂč serait le crimeâ. La police a Ă©galement demandĂ© Ă Murray s'il appartenait Ă un groupe quelconque.
âJe ne suis pas vraiment membre de quoi que ce soitâ, a-t-il rĂ©pondu, Ă l'exception du parti indĂ©pendantiste Ă©cossais Alba Party et de la FDA, un syndicat de fonctionnaires.
Selon M. Murray, la police s'est livrĂ©e Ă une opĂ©ration de ârepĂ©rageâ.
âIls ont fouillĂ© mes poches. Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ?â Parmi les objets trouvĂ©s, il y avait une vieille carte d'embarquement pour Dublin. âQue faisiez-vous Ă Dublin ? Jâai participĂ© Ă un dĂ©bat au Trinity College", a-t-il rĂ©pondu. âQue faisiez-vous Ă Bruxelles ? J'ai assistĂ© Ă une confĂ©rence sur les droits de l'homme, consacrĂ©e Ă Julian Assangeâ, a-t-il rĂ©pondu.
Dans l'ensemble, M. Murray a qualifiĂ© l'interrogatoire de âvague et non ciblĂ©â. Mais ils ont accordĂ© une attention particuliĂšre Ă ses finances.
âIls m'ont demandĂ© d'oĂč provenaient mes revenus. J'ai rĂ©pondu qu'ils proviennent des abonnĂ©s Ă mon blog et de ma retraite de fonctionnaireâ.
Les interrogateurs ont saisi l'ordinateur portable et le téléphone de M. Murray, et ont fait des photocopies de tous ses documents, y compris ses cartes bancaires, sa carte de bibliothÚque, et sa carte de membre du groupe Alba.
S'ils lui ont rendu son ordinateur portable, Murray n'a toujours pas récupéré son téléphone.
La loi stipule que les objets saisis doivent ĂȘtre restituĂ©s dans un dĂ©lai de sept jours. On lui a dit que son tĂ©lĂ©phone Ă©tait conservĂ© âpour les besoins d'une enquĂȘteâ, mais Murray n'a pas encore dĂ©couvert de quelle enquĂȘte il s'agissait. âJe ne sais toujours pas ce qui se passe.â
Journalistes et défenseurs des droits de l'homme dans la ligne de mire
Les journalistes, les militants et les défenseurs des droits de l'homme font partie des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont fait l'objet d'arrestations en vertu de l'annexe 7.
L'annexe 7, dont la portĂ©e s'est encore Ă©largie il y a dix ans, permet Ă la police, aux agents des douanes et aux agents de l'immigration d'arrĂȘter n'importe quel adulte ou enfant et de le soumettre Ă un interrogatoire.
Aucune preuve ni aucun soupçon n'est nĂ©cessaire pour qu'une personne soit arrĂȘtĂ©e en vertu de l'annexe 7.
Le refus de répondre aux questions est une infraction pénale au titre de la loi sur le terrorisme. Souvent, l'ADN et les empreintes digitales des personnes interrogées sont prélevés, mais cela n'a pas été le cas dans le cas de Murray.
En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les rĂ©ponses donnĂ©es lors d'une interpellation au titre de l'annexe 7 ne peuvent ĂȘtre utilisĂ©es comme preuves contre un individu devant un tribunal, bien qu'il existe un certain nombre d'exceptions, notamment si l'on considĂšre qu'une personne a âdĂ©libĂ©rĂ©ment entravĂ©â ou âfait Ă©chouerâ une perquisition ou un interrogatoire.
Le journaliste britannique Matt Broomfield, cofondateur du Rojava Information Center, basé dans le nord-est de la Syrie, a été interrogé en vertu de l'annexe 7 pendant cinq heures en août, pour la deuxiÚme fois, au sujet de ses reportages.
En mai, le journaliste d'investigation Kit Klarenberg, contributeur de The Dissenter, a Ă©galement Ă©tĂ© interpellĂ© et interrogĂ© pendant cinq heures au sujet de son travail de journaliste et de ses opinions politiques, en vertu de l'annexe 3 de la loi de 2019 sur la lutte contre le terrorisme et la sĂ©curitĂ© des frontiĂšres, qui accorde Ă©galement aux autoritĂ©s les mĂȘmes pouvoirs de contrĂŽle sans prĂ©somption que ceux prĂ©vus Ă l'annexe 7 de la loi sur le terrorisme.
Le journaliste et Ă©diteur français Ernest Moret a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© en avril pour avoir refusĂ© de donner Ă la police les codes confidentiels de son tĂ©lĂ©phone et de son ordinateur lors d'une interpellation au titre de l'annexe 7, en avril de cette annĂ©e, alors qu'il arrivait pour assister Ă la Foire du livre de Londres.
En 2017, Muhammad Rabbani, directeur du groupe de défense des droits de l'homme CAGE, basé au Royaume-Uni, a été condamné en vertu de la loi sur le terrorisme pour avoir refusé de donner à la police le mot de passe de son ordinateur lors d'une interpellation au titre de l'annexe 7, qui contenait des informations sur les survivants de la torture.
David Miranda, législateur brésilien et conjoint du journaliste américain Glenn Greenwald, a été notoirement détenu et interrogé pendant neuf heures en 2013 lors de son passage au Royaume-Uni, alors que M. Greenwald publiait des documents du lanceur d'alerte de la NSA, Edward Snowden.
Murray est maintenant représenté par Aamer Anwar, un célÚbre avocat écossais spécialisé dans les droits de l'homme. Ils ont contacté les autorités pour obtenir des informations sur les raisons de sa détention.
Ce diplomate Ă la retraite, ĂągĂ© de 66 ans, a Ă©tĂ© dĂ©mis de ses fonctions d'ambassadeur britannique en OuzbĂ©kistan en 2004, aprĂšs la diffusion d'une note dans laquelle il Ă©mettait de âsĂ©rieux doutesâ sur la âpertinence de la politique amĂ©ricaine et britanniqueâ dans ce pays d'Asie centrale.
AprÚs avoir démissionné du ministÚre britannique des affaires étrangÚres l'année suivante, M. Murray est devenu un blogueur et un commentateur de premier plan, spécialisé dans les questions de politique, de droits de l'homme et de libertés civiles.
En décembre 2021, The Dissenter a diffusé une interview exclusive de l'ancien diplomate de carriÚre, aprÚs qu'il ait passé quatre mois en prison pour avoir publié sur le procÚs intenté à l'ancien premier ministre écossais Alexander Salmond. Selon ses avocats, il est la premiÚre personne emprisonnée pour outrage à magistrat dans les médias depuis 70 ans.
M. Murray a achevĂ© une tournĂ©e de confĂ©rences aux Ătats-Unis en septembre.
âPersonne ne me paie pour faire campagne pour Julian, si ce n'est les abonnĂ©s de ce blog qui financent, au sens large, l'ensemble de mes activitĂ©sâ, a-t-il Ă©crit le 16 septembre. âQuand certains Ă©vĂ©nements sont payants, l'argent ne me revient pas. J'ai reçu quelques contributions pour couvrir des frais, pour un total d'environ 850 dollars, ce qui ne reprĂ©sente mĂȘme pas mon [billet d'avion]â.
Entre 2009 et 2019, 419 000 personnes ont fait l'objet de contrÎles dans le cadre de l'annexe 7, selon les données analysées par CAGE. Parmi elles, seules 83 ont été inculpées d'une infraction et seules 30 personnes, soit moins de 0,007 % des personnes interpellées, ont été condamnées pour une infraction.
Le gouvernement refuse de divulguer les données dont il dispose sur les personnes interpellées et interrogées entre 2000 et 2009, y compris sur leur religion effective ou supposée. Un rapport de 2014 de l'université de Cambridge a cependant établi que 88 % des personnes interpellées sont musulmanes.
Bien que l'utilisation de l'annexe 7 soit en baisse, son utilisation contre des mineurs et les poursuites pour des messages sur les rĂ©seaux sociaux ont atteint un âniveau recordâ, selon CAGE.
Depuis l'an 2000, le gouvernement britannique a adoptĂ© une nouvelle loi sur le âterrorismeâ ou la âsĂ©curitĂ© nationaleâ en moyenne une fois tous les ans et demi. La loi sur la sĂ©curitĂ© nationale de 2023, en vertu de laquelle les journalistes peuvent ĂȘtre condamnĂ©s Ă la prison Ă vie, reprĂ©sente le dernier ajout draconien Ă l'Ătat de sĂ©curitĂ© nationale du Royaume-Uni.
Les personnes ciblĂ©es par les autoritĂ©s britanniques en vertu de la lĂ©gislation sur la âsĂ©curitĂ© nationaleâ et le âterrorismeâ, telle que l'annexe 7, sont notamment celles qui sont associĂ©es aux mouvements kurde, tamoul, palestinien, basque et somalien pour l'autodĂ©termination, et celles qui sont simplement issues de ces communautĂ©s ethniques (qu'elles soient ou non engagĂ©es dans l'activisme politique), les critiques de la âguerre contre le terrorismeâ menĂ©e par les Ătats-Unis et, de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, les critiques de la politique Ă©trangĂšre des gouvernements occidentaux.
Le recours à des mesures antiterroristes pour cibler des journalistes au Royaume-Uni n'a cessé d'augmenter, Craig Murray étant le dernier exemple en date.