👁‍🗨 Israël & l’Axe de la résistance : Semaine du 7 octobre 2024

Les preuves & données de terrain dans le sud montrent que la résistance surmonte les épreuves, restructure son commandement & ajuste ses forces terrestres, s'adaptant aux exigences de la bataille.

Crédit photo © The Cradle

👁‍🗨 Israël & l’Axe de la résistance : Semaine du 7 octobre 2024

Par le correspondant militaire de The Cradle, le 12 octobre 2024

Au cours de la semaine écoulée, des signes sont apparus indiquant que le Hezbollah s'est remis des coups incessants portés par Israël à sa direction et à ses rangs, et que la résistance conserve le commandement et le contrôle de la bataille. Cet article est le premier d'une série de mises à jour sur la guerre que The Cradle publiera pendant toute la durée de la bataille entre Israël et l'Axe.

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Depuis une dizaine de jours, la scène se répète quotidiennement dans le sud du Liban. Les bombes israéliennes frappent les villages libanais, tuent des civils, et les forces terrestres ennemies ne parviennent pas à envahir le territoire. Les combattants du Hezbollah restent vigilants pour empêcher toute invasion des zones frontalières, galvanisés par le chagrin et la colère après l'assassinat par Israël de leur défunt secrétaire général, Sayyed Hassan Nasrallah, et d'autres hauts responsables militaires et politiques.

Depuis l'annonce de l'opération terrestre, baptisée “Northern Arrows” et décrite comme “limitée” par Tel-Aviv dans le but de minimiser ses objectifs, les buts déclarés d'Israël sont de “frapper l'infrastructure militaire” du Hezbollah - une tâche qui s'est avérée difficile lors de batailles similaires dans le sud du Liban pendant la guerre de juillet 2006.

Cette fois, dès le deuxième jour de l'opération israélienne, l'armée d'occupation a annoncé la mort de 8 officiers et soldats de son commando “Egoz” lors d'un affrontement avec des résistants.

L'inquiétude d'Israël concernant la bataille terrestre apparaît clairement lorsqu'on examine le nombre de divisions engagées dans la bataille et la qualité de leur entraînement. Chacune de ces divisions a été chargée d'une zone de responsabilité bataillonnaire en termes de pénétration tactique du territoire libanais.

Sur quelles entités Israël s'appuie-t-il ?

• 36e division (Al-Barkan) : la plus grande division blindée en service régulier dans le corps blindé. Dans l'armée israélienne, cette division a participé à toutes les guerres israéliennes contre les Palestiniens et les Arabes.

• 91e division (Galilée) : responsable de l'ensemble du front libanais, de Ras Naqoura à l'ouest aux fermes de Chebaa occupées à l'est.

• Division 146 (“Cosmic Explosion”) : division de réserve affiliée au commandement nord de l'armée israélienne. Elle a été la première division de réserve à rejoindre l'opération “Northern Arrows” et a participé à la première et à la deuxième guerre du Liban.

• 98e division (“Fire League”): division d'infanterie composée de parachutistes et de commandos, spécialisée dans l'encerclement par largage de parachutistes, les atterrissages d'assaut à l'aide d'hélicoptères d'attaque et d'avions de transport, et les combats en profondeur dans le territoire de l'adversaire.

• 99e division d'infanterie (Al-Wameed) : entraînées à se déplacer à pied et non dans des véhicules blindés de transport de troupes, et chargées d'utiliser des drones sur le champ de bataille, ces troupes traitent les attaques électroniques et cybernétiques - par voie aérienne et terrestre.

• Division 210 (Bashan) : créée en pleine guerre d'octobre 1973, cette division a pour mission d'attaquer la Syrie via le Liban par une opération d'encerclement stratégique visant à affaiblir l'Armée arabe syrienne (SAA).

Malgré ce renforcement, les forces israéliennes continuent d'opérer dans la bande frontalière, qui a subi des milliers de raids et d'obus depuis le 8 octobre 2023, c'est-à-dire depuis plus d'un an. Par exemple, le village frontalier de Yaroun a essuyé 650 raids en un an, et 200 raids rien que la semaine dernière.

L'armée israélienne adopte la méthode des raids rapprochés rapides avec l'infanterie, soutenus par l'artillerie lourde et la couverture aérienne, de sorte que ses forces s'infiltrent - environ 700 mètres à la profondeur maximale - et reviennent ensuite. Ces raids sont principalement menés à des fins de propagande, pour obtenir des images de scènes rassurantes au sol afin de convaincre les colons israéliens déplacés qu'il existe des performances militaires susceptibles d'établir la sécurité pour leur retour dans les colonies. Par exemple, l'armée israélienne a publié une vidéo qui, selon elle, montre la prise d'assaut du village libanais de Kafr Kila. Il s'est avéré par la suite que cette vidéo datait de 2006.

Israël a-t-il progressé ?

Certains des villages de la ligne de front au Sud-Liban, à la frontière avec Israël, sont considérés comme “militairement vaincus”, en grande partie parce que leurs caractéristiques géographiques ne permettent pas aux forces de défense de repousser l'ennemi.

Yaron, l'un de ces villages, est détruit et abandonné depuis des mois. Il est relativement peu élevé (780 mètres au-dessus du niveau de la mer) et représente une sorte de saillie à l'intérieur des territoires israéliens occupés.

Yaroun n'est donc pas considéré comme une base défensive, mais convient plutôt aux opérations offensives en tant que base de départ. L'armée israélienne y est entrée après sa destruction complète pour prendre des photos et détruire une mosquée située à 150 mètres de la frontière.

Il en va de même pour la région libanaise de Maroun al-Ras, où les troupes d'occupation ont publié, il y a plusieurs mois, des photos montrant qu'un drapeau israélien a été hissé dans un jardin du village détruit. Cette zone est l'un des premiers points bombardés après le 8 octobre, elle fait face à la frontière palestinienne et constitue un point avancé depuis le territoire libanais.

La semaine dernière, l'armée israélienne a profité de la présence d'une troupe de maintien de la paix de l'ONU (FINUL) au pied de la colline du parc pour y avancer et prendre des photos de propagande, puis s'est rapidement repliée de peur d'être prise pour cible.

Les forces israéliennes ont également pu progresser vers les deux villages chrétiens libanais de Rmeish et Ain Ebel. La salle des opérations du Hezbollah a pris la décision d'éviter de viser ces villages car leurs habitants s'y trouvaient encore, et de préserver leur vie et la cohésion nationale, ce qu'Israël a exploité pour se positionner à proximité des deux villages.

Le Hezbollah patiente... et prend l'initiative

La géographie du sud joue un rôle capital en aidant les forces de défense à s'abriter et à se dissimuler de l'ennemi, ainsi qu'à dresser des embuscades. L'armée israélienne le sait bien et se souvient encore de la façon dont ses chars sont tombés dans un piège audacieux de la résistance lors de ce qui a été connu pendant la guerre de 2006 sous le nom de “massacre des chars”.

Aujourd'hui, Tel Aviv limite ses objectifs au contrôle d'un archipel de zones frontalières sensibles. Il pense que cette approche l'aidera à sécuriser ses colonies frontalières, d'une part, et à faciliter d'autre part ses futures opérations dans les profondeurs du territoire libanais - comme la région de Balat, Jabal al-Bat, Al-Awaidah, Tal Al-Nahhas, etc.

Le Hezbollah a déjà montré à Tel-Aviv ce à quoi il pourrait être confronté. Dans la région d'Al-Bat, la résistance a attaqué un char en train de monter une colline - un terrain qui nécessite des bulldozers, des chars et de grands efforts d'ingénierie pour gravir ces hauteurs, qui sont des cibles privilégiées pour les armes anti-blindage afin d'atteindre avec précision les véhicules militaires israéliens. Il est important de noter que ces frappes peuvent être menées efficacement à partir d'endroits éloignés et relativement sûrs.

Mais le Hezbollah n'attend pas que les forces israéliennes avancent. Il prend plutôt l'initiative de bombarder sans interruption les concentrations ennemies qui attaquent les sites frontaliers, afin de créer confusion et désarroi, empêchant les forces d'occupation de s'organiser ou de se regrouper, les obligeant à des diversions “occupationnelles” comme la mise à l'abri et le transport de leurs blessés pour leur saper le moral.

C'est ce que l'on appelle des “attaques de détérioration”, car elles altèrent les intentions de l'ennemi. Ce qui s'est passé récemment à Ras al-Naqoura offre un exemple clair de la qualité des mesures de résistance qui ont frappé les forces ennemies, et les véhicules rassemblés sur le site et les ont frappés avant qu'ils ne se déplacent. Le Hezbollah a offert un échantillon aux Israéliens : “Voici ce qui se passera si vous placez vos blindés dans une position surélevée”.

Compte tenu des frappes qu'elle s'attendait à recevoir, causant des morts et des blessés dans ses rangs, l'armée israélienne a employé son unité d'élite 669 aux évacuations médicales aériennes à la frontière uniquement. On peut donc se demander ce que les forces d'occupation prévoient de faire si leurs troupes parviennent à pénétrer un peu plus profondément en territoire libanais. Y aura-t-il des drones brancardiers pour leurs blessés, Tel-Aviv ne tenant peut-être pas à introduire sciemment d'hélicoptères plus profondément dans le sud, de peur d'être abattus ? Les opérations d'évacuation sanitaire israéliennes deviendront plus difficiles et plus dangereuses, tant pour la vie des soldats blessés que pour celle de ceux qui les évacuent.

Les zones militaires accroissent les déplacements ... d'Israéliens également

Alors que l'armée d'occupation cherche à faire pression sur le Hezbollah en déplaçant ses membres et soutiens dans le sud, la Bekaa et la banlieue sud de Beyrouth - et même des zones de déplacement telles que Byblos, le nord et Beyrouth - afin de permettre à ses colons du nord de retourner dans leurs colonies, Tel-Aviv a pris une mesure contre-productive en annonçant davantage de zones militaires interdites à la frontière, ce qui revient pratiquement à expulser les résidents israéliens qui restent dans d'autres colonies du nord, qui n'ont pas encore été touchées par l'opération. Le 6 octobre, l 'armée israélienne a annoncé qu'elle instaurait une zone militaire interdite, comprenant les secteurs de Manara, Yiftah et Al-Malikiyah.

Le Hezbollah a-t-il perdu le commandement et le contrôle ?

Il ne fait aucun doute que le coup porté au Hezbollah par l'assassinat de Nasrallah et de la plupart de ses principaux commandants militaires a été difficile, déroutant et de dimension “stratégique”. Le défunt secrétaire général n'était pas seulement un leader politique et un symbole pour les millions de personnes qui soutiennent la résistance, mais il était aussi essentiellement le directeur exécutif de l'Axe de résistance de l'Asie occidentale, dirigé par le guide suprême iranien Ali Khamenei.

Nasrallah jouissait d'une grande influence dans la région et entretenait des relations étroites avec toutes les puissances de l'Axe. Son assassinat a ébranlé non seulement le Hezbollah, mais aussi l'ensemble de l'Axe. Dans son éloge funèbre de Nasrallah, Khamenei a révélé l'importance de son rôle et l'impact de cette perte en décrivant les défunts dirigeants du Hezbollah comme étant “la prunelle de mes yeux”.

Les assassinats ne se sont pas limités à Nasrallah, mais ont également touché des commandants militaires clés tels que Fuad Shukr, Ibrahim Aqil et Ahmad Wehbi. Ces assassinats ont eu lieu au moment où Israël a perpétré le “massacre des beepers et des talkies walkies” qui a ébranlé la communauté du Hezbollah et rempli les hôpitaux de membres du parti grièvement blessés aux yeux et aux mains. Ces frappes rapides et successives ont suffi à diviser la résistance libanaise, à la détruire moralement et à couper la communication entre ses dirigeants.

Cependant, au cours des semaines qui ont suivi, plusieurs indicateurs de terrain ont montré que le mouvement s'est rapidement rétabli et a retrouvé sa capacité à contrôler le champ de bataille, ses unités et ses forces.

Ces indicateurs peuvent être résumés dans les points suivants :

• La constance dans le nombre quotidien de missiles, jusqu'à 200 projectiles, indique une discipline parmi les équipes en charge des missiles, prenant en compte les besoins de la bataille et les délais prévus afin de maintenir la continuité et l'élan et de garder le front d'Israël sous une constante pression.

• La cohérence des objectifs, de leur nature et de leur niveau, car plusieurs types d'objectifs sont adoptés (concentrations dans les sites frontaliers et les colonies, les principaux centres de population du nord, Safad, Tibériade, Karmiel, les Krayot, Haïfa et, depuis peu, Tel-Aviv).

• La répartition de la puissance de feu - proportionnellement à la disponibilité des cibles - indique que les capacités de renseignement du Hezbollah restent intactes, puisqu'elles produisent, découvrent et livrent quotidiennement des cibles en temps réel aux forces d'exécution par le biais d'un système de commandement et de contrôle opérationnel - comme le ciblage de la maison dans laquelle l’unité Egoz était stationnée à Al-Adaysah.

• La pose d'explosifs et le recours à des embuscades innovantes sur les lignes de front et les itinéraires empruntés par les forces israéliennes témoignent de la présence d'un commandement sur le terrain capable d'effectuer des évaluations fiables, d'anticiper les mouvements de l'ennemi et de donner l'ordre de prendre des mesures proportionnées et efficaces.

• L’organisation de frappes de missiles de grande envergure et sans précédent sur les Krayot (un ensemble de villes et de quartiers de Haïfa), en conjonction avec le discours télévisé du secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naim Qassem, indique que certains ont planifié, décidé, mis en œuvre et contrôlé, et que cela ne peut se faire sans un système de commandement et de contrôle efficace.

• L’attaque de missiles contre Tel-Aviv le 7 octobre indique clairement l'existence de la décision et de l'intention de frapper cette ville à cette date particulière.

• Le Hezbollah a fait face aux troupes israéliennes en se plaçant derrière les soldats de la FINUL à un moment critique. La résistance a donné l'ordre de ne pas attaquer les forces ennemies afin de protéger la vie du personnel de la FINUL, confirmant ainsi un haut degré de contrôle.

Tout au long de son histoire, le Hezbollah a été capable de surmonter de nombreuses épreuves existentielles, dont certaines ont déjà eu lieu au cours de cette guerre, mais les preuves et les données recueillies sur le terrain dans le sud indiquent que la résistance est capable de surmonter les épreuves, de restructurer son commandement et d'ajuster ses forces terrestres afin de s'adapter aux exigences de la bataille.

https://thecradle.co/articles/the-war-front-week-of-7-october-2024