👁🗨 Israël & les USA s'immiscent dans la politique libanaise pour évincer le Hezbollah - en vain
Israël & les USA tentent d'installer un président anti-Hezbollah au Liban, dans l'espoir d'éliminer la Résistance dans le sud du pays. Israël est coutumier de l’ingérence dans la politique libanaise.
👁🗨 Israël & les USA s'immiscent dans la politique libanaise pour évincer le Hezbollah - en vain
Par Qassam Muaddi, le 12 novembre 2024
Dans son premier discours en tant que secrétaire général, le nouveau chef du Hezbollah, Naim Qassem, a déclaré que l'ambassadeur des États-Unis au Liban a rencontré des dirigeants de partis politiques libanais opposés au Hezbollah. Selon Qassem, l'ambassadeur a tenté de les convaincre que l'effondrement du Hezbollah face à l'offensive d'Israël est imminent, poussant les partis libanais à s'opposer à ce dernier.
“Vous n'assisterez jamais à notre défaite”, a déclaré Qassem, s'adressant directement à l'ambassadrice, Lisa A. Johnson, et ignorant les partis libanais en question.
Deux semaines plus tôt, un groupe de partis anti-Hezbollah s'est réuni dans la ville de Maarab, dans le Mont Liban, siège des Forces libanaises, un parti chrétien d'extrême droite dirigé par son président, Samir Geagea. Les partis présents ont publié une déclaration commune qui accuse indirectement l'Iran d'avoir poussé le Liban dans une guerre qui ne le concerne pas, d'avoir contrôlé les décisions de paix et de guerre au Liban, et d'avoir recruté des citoyens libanais pour les utiliser comme soldats et “boucliers humains”. Cette dernière phrase est une allusion voilée au Hezbollah, son soutien populaire, et à la population du Sud-Liban en général. Les partis présents à Maarab ont également appelé à l'élection d'un nouveau président pour le pays.
À la tête de la réunion se trouvait Samir Geagea, un chrétien maronite connu pour sa répression brutale des adversaires palestiniens et libanais, y compris des rivaux chrétiens, pendant la guerre civile libanaise entre 1975 et 1989. Il est également connu pour sa collaboration avec les forces d'occupation israéliennes au Liban après 1982, et pour avoir passé 12 ans dans une prison syrienne sous l'accusation de collaboration avec Israël.
M. Geagea a également exprimé ouvertement sa volonté de se présenter à la présidence du Liban, qui, en vertu de la constitution libanaise, doit être occupée par un chrétien maronite. Le poste de président est vacant depuis deux ans, les forces politiques opposées n'ayant pas réussi à se mettre d'accord sur un candidat. Au Liban, le président est élu par le parlement et doit donc faire l'objet d'un certain consensus entre les partis représentés, ce qui n'est plus le cas depuis que le dernier président, Michel Aoun, a achevé son mandat en octobre 2022.
M. Aoun était un allié du Hezbollah et représentait une tendance significative du soutien chrétien au groupe de résistance dans la politique libanaise depuis 2008. Pendant sa présidence, les adversaires du Hezbollah au Liban, comme M. Geagea, ont continué à accuser le groupe de résistance de prendre le contrôle de l'État, en particulier au plus fort de la guerre civile syrienne, dans laquelle le Hezbollah était activement impliqué dans la défense du régime du président syrien Bachar al-Asad. Après la présidence de M. Aoun, plusieurs partis politiques n'ont pas voulu de président proche du Hezbollah et de ses alliés. Cette vacance présidentielle s'est prolongée jusqu'à aujourd'hui.
Pourquoi la présidence libanaise est cruciale pour Israël
Lorsqu'Israël a déclenché son offensive au Liban avec l'explosion de beepeurs et les attaques électroniques avec des talkies walkies à la mi-septembre, certains hommes politiques libanais ont semblé penser que le rôle influent du Hezbollah dans la politique libanaise touchait à sa fin. Les appels à l'élection d'un nouveau président se sont multipliés, tandis que l'envoyé américain, Amos Hochstein, présentait son plan de cessez-le-feu.
La proposition de Hochstein prévoyait le retrait des unités combattantes du Hezbollah au nord du fleuve Litani, éliminant ainsi le bastion du Hezbollah dans le sud, et le déploiement de plus de forces armées libanaises le long de la frontière provisoire entre Israël et le Liban.
Le plan de M. Hochstein comportait toutefois un autre volet : il appelait à l'élection d'un nouveau président pour le Liban, estimant même que cette élection serait prioritaire avant tout cessez-le-feu avec Israël.
Au Liban, le président est également le commandant en chef de l'armée, d’où les nombreux chefs d'état-major de l'armée élus à la présidence par le passé. Historiquement, la relation du président avec le commandement de l'armée a influencé le rôle joué par les forces armées, et cette relation a été particulièrement cruciale dans le cas du Hezbollah.
Au cours des dernières années de guérilla du Hezbollah contre l'occupation israélienne du Sud-Liban, entre 1998 et 2000, l'armée libanaise a joué un rôle dans la sécurisation des itinéraires des combattants du Hezbollah à l'intérieur et à l'extérieur de la zone occupée, ainsi que dans la défense des positions clés. Ce soutien de l'armée à la Résistance du Hezbollah résulte de l'orientation et de l'influence du président du pays, Emile Lahoud, chef d'état-major de l'armée quelques années auparavant, qui a refusé d'obéir aux ordres de confrontation et de désarmement des combattants du Hezbollah.
La position du président libanais, son influence sur les performances de l'armée et ses relations avec la Résistance ont toujours été au cœur des tentatives israéliennes et américaines d'intervention dans la politique libanaise. Ce n'est pas la première fois que les États-Unis et Israël font pression en faveur de l'élection d'un nouveau président libanais alors que le pays est attaqué par Israël. Le stratagème de la présidence est un outil utilisé par les États-Unis pour tenter de modifier le paysage politique libanais, et de le rendre plus favorable à Israël.
Lorsqu'Israël a envahi le Liban en 1982 et occupé sa capitale, Beyrouth, après le retrait de l'Organisation de libération de la Palestine, le parlement libanais s'est réuni pour élire un nouveau président - sous l'œil vigilant des chars israéliens. Le bâtiment du parlement étant hors d'usage, les représentants libanais ont dû se réunir avec un quorum incomplet dans le bâtiment de l'école militaire pour élire Bashir Gemayel à la présidence.
M. Gemayel était le chef du parti d'extrême droite anti-palestinien, la Phalange, ou Kataeb. Les Phalangistes ont aidé Israël à planifier l'invasion du Liban et ont combattu aux côtés d'Israël lors de la guerre de 1982. M. Gemayel s'est rendu plusieurs fois en Israël pour rencontrer les dirigeants israéliens, et s'est engagé à signer un traité de paix avec Israël dès son accession à la présidence.
Homme fort de la droite libanaise anti-palestinienne, M. Gemayel était le seul dirigeant à disposer d'un soutien suffisant pour mener à bien la stratégie d'Israël au Liban. Son assassinat, 22 jours après son élection et avant qu'il ne prête serment, a été l'un des coups les plus dévastateurs portés aux plans d'Israël de placer le Liban sous influence israélienne. Pour venger la mort de M. Gemayel, les milices phalangistes ont pénétré dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, à la périphérie de Beyrouth, sous la protection d'Israël. Elles y ont commis le désormais tristement célèbre massacre de Sabra et Chatilla, massacrant entre 2 000 et 3 500 réfugiés palestiniens.
Après la fin de la guerre civile libanaise en 1989, un accord de partage du pouvoir a été conclu entre les factions opposées. Entre-temps, le groupe de résistance libanais naissant, le Hezbollah - issu de la milice chiite Amal lors d'un épisode de violence appelé la “Guerre des camps” - a gagné en popularité et en influence politique. Cette influence s'est accrue de manière exponentielle après le retrait d'Israël du sud libanais occupé, marquant la première victoire d'une force de résistance arabe contre l'occupation israélienne. Au début des années 2000, le Hezbollah devenu un parti politique présent aux élections, a obtenu une représentation parlementaire et a forgé des alliances avec d'autres forces libanaises. Les divisions politiques au Liban ont recommencé à se manifester autour de la question de la Résistance, souvent assimilée par ses antagonistes à l'influence syrienne, et plus tard iranienne, dans la région.
L'identité du président libanais est redevenue une question centrale, surtout après la guerre israélienne de 2006 contre le Liban, au cours de laquelle la présidence d'Emile Lahoud a apporté un soutien politique fort au Hezbollah. M. Lahoud a terminé son mandat l'année suivante dans un contexte de forte division politique. L'état de division politique libanaise était si endémique que le fauteuil présidentiel est resté vacant pendant une année entière. La crise a été partiellement résolue par l'élection du chef d'état-major de l'armée, Michael Suleiman, en 2008, qui est resté neutre.
Quarante-deux ans après la première élection d'un président libanais sous l'égide d'Israël, peu de choses ont changé. Le Liban est à nouveau attaqué, et la Résistance continue d'être un point central de division sur l'avenir du pays et sa position dans la région. Bien que le Hezbollah affirme que la Résistance est liée à la guerre génocidaire d'Israël contre Gaza, Israël et les États-Unis continuent de chercher un moyen de neutraliser le Liban par le biais de divisions internes et de désaccords politiques.
Alors que les responsables de l'armée israélienne commencent à exprimer leurs appels à mettre fin à la guerre - une guerre qui se heurte à un véritable mur dans les villages et les montagnes du Sud-Liban - les adversaires du Hezbollah semblent continuer à parier sur la capacité militaire d'Israël à provoquer un “lendemain post Hezbollah”. Sans doute plus confiants qu'Israël lui-même.