👁🗨 Israël & son arrogance ont torpillé le parcours politique palestinien. Il en a payé le prix le 7 octobre
Kissinger & Carter ont contribué aux accords de paix entre Israël & Égypte dans les années 70. Existe-t-il un acteur américain assez puissant & résolu à faire de même pour Israël & la Palestine ?.
👁🗨 Israël & son arrogance ont torpillé le parcours politique palestinien. Il en a payé le prix le 7 octobre
Par Menachem Klein - En partenariat avec Local Call, le 28 novembre 2023
Un accord Fatah-Hamas en 2021 offrait un autre horizon politique. Mais le succès a aveuglé Israël, comme il l'avait fait avant la guerre de 1973.
En février et mars 2021, le Fatah et le Hamas, les deux partis politiques palestiniens rivaux, sont parvenus à un accord pour organiser des élections pour la présidence de l'Autorité palestinienne, son Conseil législatif, et l'entrée du Hamas dans l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Les élections devaient se dérouler conformément aux accords d'Oslo, après quoi les négociations avec Israël se poursuivraient en vue de la création d'un État palestinien.
L'accord comprenait un engagement à respecter le droit international, à établir un État dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, à reconnaître l'OLP comme le cadre légitime et exclusif, à mener une lutte populaire pacifique et à transférer le gouvernement séparé de la bande de Gaza à l'Autorité palestinienne.
Le président Mahmoud Abbas a transmis l'accord à la nouvelle administration Biden et aux gouvernements européens dans l'espoir qu'ils soutiennent la tenue d'élections nationales avec la participation du Hamas et qu'ils fassent ensuite pression sur Israël pour qu'il autorise le vote dans les territoires occupés, y compris à Jérusalem-Est. Aux yeux d'Abbas à l'époque, la signature de l'accord par le Hamas était une carte gagnante ; apparemment, elle comprenait une concession du Hamas de ne pas présenter de candidat à la présidence en son nom, laissant ainsi Abbas se présenter à nouveau pratiquement sans contestation.
L'accord Fatah-Hamas n'est pas sorti de nulle part. Quatre ans plus tôt, le Hamas avait publié ses “Politiques et principes généraux”, un document organisationnel révisé qui s'écartait considérablement des principes fondamentalistes de la charte originale du groupe datant de 1987, et qui acceptait effectivement les accords d'Oslo comme un fait politique existant. Plus tôt encore, en 2014, en présence et avec la médiation de l'émir du Qatar à Doha, la direction du Fatah dirigée par Abbas a rencontré la direction du Hamas dirigée par Khaled Mash'al. Le compte rendu complet des discussions a été publié dans un document officiel émirati. En substance, le message des dirigeants du Hamas était clair :
“Si vous, au sein du Fatah, êtes convaincus que vous pouvez obtenir d'Israël un État le long des lignes de 1967 par le biais de négociations, allez-y ! Nous n'interviendrons pas.”
Comme prévu, Israël s'est opposé à l'inclusion de Jérusalem-Est dans les élections, estimant que cela remettait en cause ses revendications de souveraineté sur la partie occupée et annexée de la ville. Le Hamas a néanmoins proposé d'organiser les élections et a accepté les restrictions imposées par Israël. Mais Israël et les États-Unis ont exercé de telles pressions sur Abbas qu'il les a finalement annulées.
Abbas a certainement eu des raisons politiques d'annuler les élections, et le Hamas de faire pression pour qu'elles aient lieu. Les sondages d'opinion ont montré que la grande majorité des Palestiniens souhaitaient qu'Abbas mette fin à son mandat et que le Hamas pouvait espérer remporter une nouvelle victoire électorale. Toutefois, ces sondages indiquaient également que Marwan Barghouti, l'éminent prisonnier politique qui avait l'intention de se présenter depuis sa cellule de prison israélienne, l'emporterait sur n'importe quel autre candidat à la présidence. Si les élections n'avaient pas été annulées et qu'un leader populaire avait émergé démocratiquement, nous serions probablement dans une réalité politique très différente.
En fin de compte, Abbas a capitulé sous une forte pression. L’“Intifada d’al Aqsa” commencé quelques jours plus tard, et avec elle, l'opération “Sword of Jerusalem” ”[L’épée de Jérusalem] du Hamas et l'opération “Guardian of the Walls” d'Israël. Selon le New York Times et le Washington Post, c'est à peu près à la même époque que les Brigades Al-Aqsa, l'aile militaire du Hamas, ont commencé à concevoir et à planifier ce qui allait devenir le “Déluge d'Al-Aqsa”, l'assaut meurtrier du 7 octobre.
Les conditions n'ont jamais été aussi favorables
Comme beaucoup l'ont souligné, il existe de nombreux parallèles entre l'assaut du mois dernier et l'attaque surprise contre Israël qui a eu il y a cinq décennies, lors de la guerre du Kippour. Sur le plan opérationnel, en 1973 comme en 2023, les chefs des services de renseignement israéliens n'ont pas accordé suffisamment d'attention aux mouvements militaires de leurs ennemis sur le terrain. Sur le plan stratégique, un État arabe voisin avait envoyé à Israël une alerte qui n'a pas été prise au sérieux : en 1973, il s'agissait du roi Hussein de Jordanie, et en 2023, des services de renseignement égyptiens. Pourtant, dans les deux cas, l'establishment israélien s'est appuyé avec arrogance sur l'idée fausse que ses victoires militaires avaient réussi à dissuader ses ennemis.
Après chaque assaut, cependant, tout changeait. Malgré leur défaite militaire, les succès de l'Égypte et de la Syrie lors de la guerre de 1973 ont “restauré l'honneur arabe”, selon le récit égyptien, récupérant ainsi une partie de ce qui avait été perdu lors de la victoire d'Israël lors de la guerre de 1967. De même, l'offensive du Hamas du mois dernier a frappé Israël à une échelle et avec une intensité qu'aucune autre organisation palestinienne n'avait jamais atteintes. Et Israël ne pourra pas gommer ce fait.
Comme en 1973, l'échec fondamental du 7 octobre est politique. En 1971, deux ans avant la guerre, le président égyptien Anouar el-Sadate propose un arrangement partiel avec Israël, dans lequel ce dernier se retirerait d'une trentaine de kilomètres du canal de Suez jusqu'au détroit de Mitla et à la crête stratégique d'Um Hashiba. Le canal de Suez serait ouvert à la navigation internationale, et les villes égyptiennes situées sur la rive occidentale du canal et détruites par les bombardements israéliens pendant la “guerre d'usure” après 1967 seraient réhabilitées. Un petit nombre de troupes égyptiennes s'installerait également dans la zone d'où Israël se retirerait pour symboliser le retour de la souveraineté égyptienne. Cet arrangement, à son tour, servirait de lien vers un accord plus global basé sur la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Avec cette proposition, qui correspond à peu près aux idées du ministre israélien de la Défense Moshe Dayan à l'époque, Sadate tente de sortir de l'impasse diplomatique dans laquelle se trouve la région. Mais le Premier ministre Golda Meir ne fait pas confiance à Sadate et à son objectif de paix, même si le secrétaire d'État américain William Rogers est convaincu de sa sincérité. Pour Meir, il n'y a pas de différence entre Sadate et son prédécesseur, le nationaliste panarabe Gamal Abdel Nasser, et tous deux, à ses yeux, veulent simplement détruire Israël. Meir s'entêta, Dayan céda et Rogers retourna à Washington les mains vides.
Après cette terrible guerre, au cours de laquelle plus de 2 600 Israéliens ont été tués et 300 soldats capturés, Israël a signé un accord d'armistice avec l'Égypte en 1974, dont les termes ressemblaient étrangement à la proposition de Sadate de 1971.
Lorsque Meir a rejeté pour la première fois les ouvertures de Sadate en 1971, elle pensait, comme une grande partie de l'establishment israélien après la guerre des Six Jours, que la position du pays “n'avait jamais été aussi favorable”. C'était d'ailleurs le slogan du parti au pouvoir, l'Alignement (une incarnation du parti travailliste fondateur), avant les élections qui devaient avoir lieu à la fin de l'année 1973.
La même arrogance s'est manifestée en 2021, lorsqu'Israël s'est opposé aux élections palestiniennes et a fait pression sur Abbas pour qu'il renonce à ses relations avec le Hamas. Netanyahou, comme Meir, pensait que les politiques du gouvernement étaient couronnées de succès et qu'autoriser des élections et réorganiser la direction politique palestinienne détruirait tout ce qu'Israël avait conquis. Le succès a aveuglé Israël et, comme en 1973, il a cru que jamais la situation n'avait été aussi avantageuse.
Retour au schéma de 2021
Depuis 2006, la politique israélienne à l'égard des Palestiniens s'articule autour de trois axes, tous soutenus par les États-Unis et les pays européens. Premièrement, Israël exercera un contrôle total sur la bande de Gaza depuis l'extérieur, assurant la séparation physique, juridique et politique de Gaza et de la Cisjordanie, et le maintien de la rivalité entre le Fatah et le Hamas. Dans ce contexte, Israël a tenté d'apprivoiser le Hamas en facilitant des financements étrangers pour l'aider à tenir les rênes du pouvoir, ainsi que des frappes militaires régulières pour le limiter et l'obliger à se conformer à l'ordre israélien.
Deuxièmement, Israël a privilégié la gestion du conflit avec les Palestiniens dans son ensemble plutôt que de le résorber. En fait, avec l'expansion des colonies de Cisjordanie, Israël a créé un régime unique détenant le contrôle du Jourdain et de la Méditerranée, et a transformé l'Autorité palestinienne en sous-traitant chargé de contrôler les Palestiniens en son nom.
Troisièmement, Israël s'est efforcé de réduire considérablement le conflit israélo-arabe au sens large en concluant des accords de normalisation avec les États arabes et en laissant les Palestiniens isolés et vulnérables. La signature des accords d'Abraham était en fait une déclaration d'abandon de la Palestine, sous la coupe d'Israël.
Alors que la politique israélienne était sur le point d'atteindre le sommet de sa réussite, grâce à un accord de normalisation avec l'Arabie saoudite et à l'achèvement d'un mur sophistiqué autour de la bande de Gaza, tout s'est effondré le 7 octobre, au prix de terribles pertes humaines pour les Israéliens et les Palestiniens. Et il aurait pu en être autrement.
Netanyahou n'est pas le seul à avoir façonné la politique israélienne. Depuis 2006, les institutions politiques et sécuritaires d'Israël - tous leurs politiciens, généraux et chefs des services de renseignement - ont été des partenaires à part entière dans la conception et la mise en œuvre de la stratégie désormais obsolète. Nombre d'entre eux ne comprennent toujours pas à quel point l'offensive meurtrière du Hamas implique un changement de cap radical. Ils cherchent plutôt à revenir aux paramètres précédents et à trouver un sous-traitant pour gérer la bande de Gaza au nom d'Israël, qu'il s'agisse d'une entité locale, de l'Autorité palestinienne d'Abbas ou d'un organisme international. Mais aucune entité de ce type ne peut fonctionner sans la légitimité que lui confèrent les élections palestiniennes – dans le cas contraire, elle serait tout simplement perçue comme collaborateur illégitime de l'occupant brutal.
En d'autres termes, nous devons revenir au schéma politique rejeté en 2021 pour créer une nouvelle réalité. Les élections n'ont pas seulement pour but de produire des résultats, mais de fournir un processus permettant aux partis de se renouveler et de renouveler leur politique. Au-delà d'un cessez-le-feu, nous avons besoin d'élections palestiniennes pour changer la donne et aboutir à une Palestine indépendante sur l'ensemble des territoires occupés en 1967, au lieu de reproduire sur la bande de Gaza l'ordre défaillant qu'Israël impose en Cisjordanie.
C'est ce cadre qu'il faut opposer à l'extrême droite israélienne, qui voit une opportunité à saisir. L'extrême droite ne veut pas revenir aux arrangements antérieurs, mais plutôt établir un nouvel ordre violent, aussi conséquent que la Nakba de 1948, en commençant par la bande de Gaza : exiler autant de Palestiniens de Gaza que possible, construire des zones de peuplement, y compris la reconstruction de celles qui ont été évacuées en 2005, et ensuite, mettre en œuvre la même stratégie en Cisjordanie, avec la même férocité.
L'histoire a connu des précédents qui ont permis d'éviter ce terrible scénario. En 1973-4, c'est Henry Kissinger, le secrétaire d'État américain, qui a poussé Israël à s'abstenir de décimer une unité militaire égyptienne, contrecarrant ainsi une tentative israélienne de reprendre les combats avec l'Égypte une fois le cessez-le-feu mis en œuvre. C'est également lui qui a supervisé la signature de deux accords provisoires entre Israël et l'Égypte. Ces accords ont ouvert la voie au voyage de Sadate à Jérusalem en 1977, et à un accord de paix négocié par le président Jimmy Carter en 1978-1999.
Y a-t-il aujourd'hui une entité américaine suffisamment puissante, et résolue à en faire autant entre Israël et les Palestiniens ?
Une version de cet article a d'abord été publiée en hébreu sur Local Call. Vous pouvez le consulter ici.
https://www.972mag.com/hamas-fatah-elections-israel-arrogance/