👁🗨 Israël dirige les États-Unis. Non, les États-Unis dirigent Israël. Enfin, si...
À peu près tous les membres du Congrès ont reçu & continuent de recevoir des fonds du lobby israélien, notamment du radicalement antidémocratique & tristement célèbre AIPAC.
👁🗨 Israël dirige les États-Unis. Non, les États-Unis dirigent Israël. Enfin, si...
Par Patrick Lawrence / Original to ScheerPost, le 10 août 2024
Je n'arrive pas à oublier ce discours tordu prononcé par Bibi Netanyahu lors d'une session plénière du Congrès le mois dernier. Rien n'a changé - ni le Premier ministre israélien ni ses hôtes ne semblent souhaiter ou avoir l'intention de changer quoi que ce soit dans les relations américano-israéliennes. Donc, il n'y a pas grand-chose à ajouter à ce moment étrange que le premier terroriste au monde - oui, pensez-y, et dites-moi que je me trompe - a passé à la tribune, sous la rotonde du Capitole. Mais le discours a clarifié certains points et a soulevé une question importante. Examinons-la.
Il y a, pour commencer, la question de l'équilibre mental de Netanyahu. Au vu de ses nombreuses affirmations extravagantes - Israël a minimisé les pertes civiles à Gaza, les soldats israéliens doivent être félicités pour leur comportement éthique, ceux qui protestent en faveur des Palestiniens sont probablement à la solde de l'Iran, et ainsi de suite - on ne peut que conclure que l'homme qui se livre à des interprétations aussi aberrantes est, pour ainsi dire, hors sol.
Je suis convaincu que Netanyahu s'est exprimé en grande partie pour faire effet. Tel est bien le cas. Mais je suis tout aussi persuadé - voyez son attitude dans les vidéos, par exemple - qu'il était convaincu de la véracité de ses propos. Le diagnostic du Dr Lawrence : un homme rongé par le ressentiment et la haine, qui a mené Israël au bord d'une guerre cataclysmique au détriment irréversible de sa réputation internationale, tout en y entraînant les États-Unis, souffre de psychose grave avec symptômes de paranoïa et de mégalomanie obsessionnelle-compulsive.
Je ne dis pas cela pour me livrer à un dénigrement mesquin de l'une des nombreuses figures politiques méprisables actuellement en balade dans le monde occidental et ses antennes. Après la prestation particulièrement insolite de Netanyahu devant le Congrès le 24 juillet - il n'a parfois semblé être qu'un parfait imbécile - je pense que ce diagnostic se vérifierait dans un cadre clinique. Nous devrions tous en prendre note et nous préparer en conséquence.
Parlons maintenant de l'accueil réservé à Netanyahu au Capitole. Soixante-douze ovations, dont une soixantaine debout, pour un criminel de guerre, qui bafoue le droit international, qui s'engage à mener “une guerre sur sept fronts” au Moyen-Orient ?
Le grand thème de Bibi, tout au long de ses déclarations, portait sur la convergence, l'alignement parfait des intérêts israéliens et américains. Vous vous souvenez ? “Nos ennemis sont vos ennemis, notre combat est votre combat”, et “notre victoire sera votre victoire”.
La réaction de la salle vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir sur ce que les législateurs américains pensent de cette idée. Netanyahu cherchait simplement à réaffirmer des accords permanents à un moment où les agissements de l'Israël terroriste ont fini par irriter plus que prévu. Et il a obtenu ce qu'il voulait, cela va sans dire.
Voilà qui nous ramène à la question que le discours de Netanyahu soulève. Les États-Unis contrôlent-ils Israël ou Israël contrôle-t-il les États-Unis ? L'État d'apartheid est-il un autre des régimes clients de Washington, même si - pour reprendre l'expression chinoise - ce client présente des caractéristiques sionistes ? Ou Israël est-il un cas - rare, voire unique - d'avant-poste lointain qui dicte sa loi au pouvoir impérial central ? La périphérie exerce son pouvoir sur la métropole : ce serait certainement du jamais vu.
Cette question date déjà. Beaucoup de gens y réfléchissent depuis des mois, si ce n'est plus, autour d'une table, sur un tabouret de bar ou dans des publications sur internet. Qui est responsable, au fond ? J'ai parfois eu l'impression qu'il s'agit d'un nœud gordien tout ce qu'il y a de plus classique : dénouez-le et vous comprendrez tout. Parfois, il me fait penser à un koan zen [court échange entre un maître et son disciple, absurde, énigmatique ou paradoxal dans certaines écoles du bouddhisme], qui ne peut être résolu qu'au prix d'un soudain satori [éveil spirituel]. Je n'ai donc guère passé de temps à y réfléchir. Jusqu'à présent, je pensais qu'il s'agissait d'une question dont la réponse n'avait guère d'importance. Mais après le spectacle choquant du Congrès il y a quelques semaines, je ne pense pas pouvoir m'en tirer à bon compte plus longtemps.
Le discours de Netanyahu, son quatrième devant une session plénière, met en lumière toute la complexité de la question. Qui, à ce moment-là, était aux commandes - l'homme fou de la périphérie, mû par la rage, ou son public de législateurs en adoration au centre impérial, mû par... mû par quoi ? Je dirais par la cupidité, l'idéologie et le devoir de gestion d'un imperium en faillite, mais qui n'a pas encore sombré. Qui contrôlait qui ce jour-là ?
La réponse immédiate, peut-être évidente, est le terroriste à la tribune. Il n'échappe à personne qu'à peu près tous les membres du Congrès présents - et tant mieux pour la centaine de membres qui l'ont boycotté - ont reçu par le passé et continuent de recevoir des fonds du lobby israélien, notamment, mais pas seulement, du radicalement antidémocratique American Israel Public Affairs Committee, le tristement célèbre AIPAC.
Netanyahu le savait. Il s'est adressé à ceux qui croient sincèrement en la cause sioniste et à ceux qui sont préoccupés par la position géopolitique de l'empire au Moyen-Orient. Mais tous ceux à qui il s'est adressé, à quelques exceptions près, ont bénéficié de l'aide de l'AIPAC. Thomas Massie, le Républicain libertaire du Kentucky et l'une des exceptions, nous a expliqué le fonctionnement de l'AIPAC - une combinaison de pots-de-vin, de menaces et de coercition - avec force détails assez incroyables lorsque Tucker Carlson l'a interviewé sur ces sujets il y a quelques mois.
Bibi savait alors qu'il n'aurait pas à persuader les spectateurs de quoi que ce soit. Il devait faire semblant. “Nous sommes solidaires”, etc. Mais personne ne s'est rangé du côté d'Israël : tous ceux à qui il s'adressait l'étaient déjà. Le 24 juillet consacrait Netanyahu. Cette journée était la sienne parce que son auditoire était sien.
Voilà à quoi ressemblent ceux qui affirment que, dans les relations entre les États-Unis et Israël, la nation de 9,5 millions d'habitants (probablement moins maintenant avec toutes les expatriations dont on entend parler ces jours-ci) contrôle celle de 333 millions d'habitants. La logique est simple. Israël a commencé à faire pression sur Washington pour obtenir un soutien dès qu'il a été déclaré Israël en 1948. L'AIPAC était en place et fonctionnait dès le milieu des années 1950. Et maintenant, qu'en est-il ? Cette semaine, l'AIPAC a investi 8,5 millions de dollars dans une primaire du Missouri, pour battre Cori Bush, qui s'oppose ouvertement au génocide de Gaza. L'AIPAC a dépensé 15 millions de dollars, pour la même raison, pour battre Jamal Bowman à New York en juin. Réagissant à sa défaite, Mme Bush a vigoureusement critiqué l'AIPAC pour son intrusion dans les primaires du Missouri, tout en exprimant sa détermination à travailler contre cette organisation. Tout cela est parfaitement justifié et respecte le processus politique américain. Mais la Maison Blanche - croyez-moi - a eu le culot de critiquer Bush au cours du week-end pour ses remarques “incendiaires”. Cela n'illustre-t-il pas précisément le point de vue de Bush ?
Le pouvoir, c'est ça.
Joe Biden, dans la même veine, a accepté plus d'argent du lobby israélien que n'importe qui d'autre au Capitole au cours de ses décennies au Sénat - 4,2 millions de dollars selon Open Secrets, et je comprends qu'il s'agit d'une estimation minimale si l'on tient compte de la carrière politique post-Sénat de M. Biden. Code Pink, dans le cadre d'une campagne de collecte de signatures, affirme que Mme Harris a reçu 5,4 millions de dollars du lobby israélien, sans toutefois indiquer à quelle étape de sa carrière elle a accepté cette somme astronomique.
Mme Harris est en train de séduire tous les libéraux rêveurs avec des gesticulations ici et là destinées à suggérer qu'elle sera plus dure envers les Israéliens que Joe le sioniste, et plus sympathique envers les Palestiniens. Il faut suivre le mouvement, s'il vous plaît, comme le font ces honorables Arabes-Américains du Michigan : Mme Harris montre clairement, lorsqu'elle ne parvient pas à éviter le sujet, qu'elle n'a pas l'intention de modifier de manière significative la politique américaine à l'égard de l'État terroriste. Laissons les meurtres se poursuivre tant que les Israéliens le voudront.
Il s'agit là, je le répète, d'un pouvoir perversement acquis et perversement exercé.
Mais à ce stade, une distinction s'impose afin de comprendre la dynamique américano-israélienne dans toute sa dimension. Faute de mieux, nous devons faire la distinction entre le pouvoir éphémère et le pouvoir structurel.
Selon moi, le pouvoir revendiqué par les Israéliens pour influencer la politique américaine - une influence proche de la dictature - est éphémère. Il repose sur les pots-de-vin, les menaces et la coercition susmentionnés du côté de l'administration. Côté bénéficiaires, le moteur est l'appât du gain et la peur. Le pouvoir d'Israël dépend, en d'autres termes, de la faiblesse des hommes. Il trouve son origine dans notre plus ou moins grande propension à la corruption. La nuance entre le plus et le moins s’observe au travers des parcours de Cori Bush et de Jamal Bowman.
La puissance des États-Unis est d'une toute autre nature. Elle repose à la base sur une supériorité matérielle, comme l'hégémonie occidentale le démontre depuis 500 ans. Les États-Unis peuvent faire pression, soudoyer et menacer, bien sûr, mais ils peuvent aussi envahir et détruire - c'est l'évidence. Si l'on réduit les choses à leur plus simple expression, le Pentagone pourrait envahir Israël si on le lui ordonne, mais les forces de défense israéliennes ne pourraient pas envahir les États-Unis. Ces derniers sont en effet incapables d'envahir ne serait-ce que le Liban ou l'Iran sans le soutien assuré des États-Unis.
Derrière tout ceci, se pose la question de la responsabilité. Israël exerce un pouvoir considérable sur les États-Unis - oui, nous le savons tous - mais parce que l'Amérique a abdiqué en se laissant corrompre. Les élites prostituées de Washington ont vendu la politique américaine aux Israéliens, et le Congrès s'est lui aussi vendu. Mais il ne s'agit au fond que de transactions, aussi fongibles et éphémères que les autres. Elles ne reflètent aucun changement radical dans l'équilibre des forces.
Les États-Unis demeurent l'imperium de notre époque, et Israël fait toujours partie de ses clients, même si divers facteurs viennent complexifier les choses : religion, idéologie, culpabilité cyniquement instrumentalisée, vision commune du peuple élu, et beaucoup d'argent consacré à l'offre et à l'acceptation éhontées de pots-de-vin en tout genre. En grattant le vernis, on découvre un désir tout à fait ordinaire de préserver et de projeter la puissance américaine. Croyez-vous que le Pentagone envoie d'immenses flottilles en Méditerranée orientale parce qu'il s'inquiète pour les Juifs d'Israël ? Il s'agit de pouvoir, et ce pouvoir, les États-Unis ne l'ont pas cédé. Toutes les manifestations dont nous avons été témoins cette année reposent implicitement sur l'hypothèse que l'Amérique pourrait couler le navire de Netanyahu à tout moment. Le moment ne fait pas illusion : Bibi, comme l'histoire le montrera, n'est au fond qu'un voyou de passage.
Voilà, pour conclure, la puissance suprême, c’est le pouvoir impérial.
C'est là que réside l'essentiel de la distinction. Le poids éphémère qu'Israël exerce sur les États-Unis, cumulé au fil des huit décennies d'après-guerre, se trouve dans une impasse historique. En un mot, il décline à vue d'œil.
Dans ses derniers jours en tant qu'homme public, Joe Biden continuera à parler de l'État sioniste comme il l'a fait tout au long de sa carrière politique. “Sans Israël, aucun juif au monde n'est en sécurité”, a-t-il déclaré l'autre jour, et ce n'est pas la première fois. Kamala Harris ne dit rien sur Israël et la crise de Gaza, en partie parce qu'elle n'a pas grand-chose à dire sur quoi que ce soit, mais surtout parce que, lorsque les circonstances nécessiteront qu'elle rompe ce silence, ce ne sera pas une bonne nouvelle pour ceux qui espèrent ne serait-ce qu'une once de changement.
Regardons les événements en miroir, comme j'ai appris à le faire pendant mes années en tant que correspondant. Le scandaleux spectacle de la peur suscitée par la dangereuse banalisation de l'antisémitisme qui se répand aux États-Unis - si tant est que l'on puisse rencontrer un seul incident grave - ne reflète rien d'autre que le net recul de la sympathie des Américains à l'égard d'Israël. J'ai lu l'autre jour qu'une nouvelle majorité ne défendra pas l'État d'apartheid s'il se lance dans une guerre contre l'Iran - parce qu’on lui demande de le faire.
Yousef Munayyer, directeur exécutif de Campaign for Palestinian Rights, un mouvement américain, a publié le 7 août dans le Guardian un article bien argumenté qui applique la même méthode. Sous le titre “Le soutien des États-Unis à Israël s'effondre. Et l'AIPAC le sait”, M. Munayyer examine les interventions de l'AIPAC contre Cori Bush et Jamal Bowman et y voit des signes du déclin de l'influence du lobby. Voici comment il voit les choses :
“Comment se fait-il que des donateurs pro-israéliens aussi puissants soient le reflet d'une cause en perte de vitesse ? C'est simple : parce que de telles manœuvres n'ont jamais été nécessaires auparavant. Aujourd'hui, c'est devenu routinier. ...
“Dans l'immédiat, à court terme, cela ressemble à un reflet du pouvoir, mais tous ceux qui suivent depuis des années la politique américaine sur cette question savent qu'il s'agit de tout sauf d'un reflet. Les groupes d'intérêt pro-israéliens n'ont jamais eu à s'immiscer ouvertement et lourdement dans la politique électorale de cette manière auparavant, précisément parce que leur cause jouit d'un grand degré d'hégémonie culturelle. Aux États-Unis, les hommes politiques embrassaient les bébés, caressaient les chiens, aimaient le baseball et soutenaient Israël sans équivoque. Le soutien à Israël n'est plus tout à fait ce qu'il était. Le consensus autour du soutien à Israël, en particulier au sein du parti Démocrate, s'est évaporé.”
J'espère que M. Munayyer a raison, et de nombreux signes indiquent que oui, même si je penche pour le gérondif “s'effondrer”. Comme il le souligne à grand renfort de statistiques convaincantes, le soutien populaire à Israël au-delà du périphérique de Washington vacille bel et bien depuis une décennie - en fait, depuis que Tsahal a mené un premier assaut terroriste sur Gaza en 2014. L'AIPAC le sait aussi.
À cet égard, une information intéressante a été diffusée à la fin du mois dernier sur WMAC Radio, la station NPR diffusant dans le nord de l'État de New York et l'ouest de la Nouvelle-Angleterre. Kamala Harris était alors en train de lever des centaines de millions de dollars, profitant de l'exubérance irrationnelle alors manifeste chez les Démocrates. Lors d'une étape de sa campagne à Pittsfield, dans le Massachusetts, elle a dû faire face à des manifestants portant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire, entre autres, “Mettez fin au génocide” et “Tout cet argent ne lavera pas le sang de vos mains, Kamala”.
De quoi s'agit-il ? Pittsfield est une petite ville postindustrielle qui peine à reprendre vie après avoir été désertée par General Electric il y a plusieurs dizaines d'années. Mais ce n'est pas tout : la colère contre “l'administration Biden-Harris” pour sa participation au génocide israélien semble s'étendre jusqu'aux trottoirs défoncés de cette nation. Mme Harris a subi le même traitement lors d'un grand meeting de campagne à Philadelphie et, l'autre jour, à Detroit, où elle a écarté les manifestants d'un revers de main en leur disant “Je parle”. On en ressort avec l'impression que les Américains sont en train de bouillir - pratiquement tous ceux que je connais sont en train de bouillir - et que les grands médias, complices de Harris, se démènent pour que cela ne se voie pas. Rappelons-le : les campus américains sont silencieux après les honorables manifestations du printemps dernier, mais les cours reprennent dans un mois.
On peut toujours acheter une partie de la population, on peut toujours acheter la totalité de la population, mais on ne peut pas acheter la totalité de la population en permanence. Abe Lincoln a raison. Et je pense que les Israéliens, qui, j'imagine, ne se soucient guère de lui, sont en passe d'apprendre que le pouvoir qu'ils ont longtemps exercé sur la politique américaine va finir par faire long feu, quel que soit le délai, et s'avérer très éphémère.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son nouveau livre, Journalists and Their Shadows, vient de paraître chez Clarity Press. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon.