👁🗨 Israël en proie aux luttes intestines
Le Hezbollah conditionne toute négociation d'actions militaires avec Israël à l'arrêt de la guerre génocidaire à Gaza, excluant du débat les actions destinées à entraîner le Hezbollah en guerre.
👁🗨 Israël en proie aux luttes intestines
Par le correspondant de The Cradle au Liban, le 9 janvier 2024
Le pouvoir politique israélien est en proie à des divergences politiques et sécuritaires exacerbées par le coût meurtrier de la guerre de Gaza. Aujourd'hui, ils se disputent pour savoir s'il faut enquêter sur leur série d'échecs, avant ou après le lancement d'une nouvelle guerre contre le Liban.
Trois mois après le début de la guerre non conventionnelle la plus longue et la plus coûteuse qu'ait connue Israël, les forces armées du pays sont devenues une source indirecte importante de pression sur le gouvernement extrémiste du Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Cette évolution intervient à un moment crucial pour Tel-Aviv, tant sur le plan politique qu'en terme de sécurité. Dans un contexte de divergences internes persistantes sur les stratégies de l'après-guerre de Gaza et les résolutions proposées pour répondre aux demandes d'échange de prisonniers du Hamas, l'évolution négative de l'opinion publique internationale et régionale à propos de l'assaut israélien de 13 semaines sur Gaza a généré de nouvelles tensions.
Dans le même temps, l'escalade de la situation sur le front nord avec le Hezbollah a contraint l'armée israélienne à mettre en place un comité chargé d'enquêter sur les lacunes politiques, sécuritaires et militaires qui ont conduit à l'“Al-Aqsa Flood” du 7 octobre.
Cette décision de l'armée israélienne a déclenché un tollé politique, en particulier de la part d'une faction qui ne sait comment faire face à l'intensification des activités de la résistance palestinienne provoquée par la formation du gouvernement de coalition de Netanyahou - marqué par l'extrémisme et des décisions controversées, même selon les normes israéliennes.
Lors d'une récente réunion du cabinet de guerre, les ministres d'extrême droite et nationalistes sionistes ont critiqué la décision du chef d'état-major de l'armée, Herzi Halevi, d'enquêter sur les échecs des services de renseignement et des opérations qui ont conduit à l'opération de résistance du 7 octobre, affirmant que la formation d'une commission d'enquête au cours de la guerre de Gaza nuit au moral de l'armée et des soldats.
Certains membres du cabinet se sont mobilisés pour faire échouer la sélection de l'ancien ministre de la défense, Shaul Mofaz, à la tête de la commission d'enquête, en grande partie à cause de son rôle dans le plan de désengagement unilatéral d'Israël de la bande de Gaza en 2005.
Fractures dans la coalition
Le ministre de la défense Yoav Galant et le membre du cabinet d'urgence Benny Gantz ont vigoureusement défendu la décision de M. Halevi, soulignant que la formation de la commission d'enquête était opportune. Ils soulignent l'importance de cette décision pour tirer les leçons des erreurs passées, combler les lacunes en matière de sécurité, et se préparer à d'éventuels conflits plus vastes, notamment avec le Hezbollah au Liban.
La position de M. Netanyahou sur le sujet est cependant moins claire, bien qu'il ait programmé la session qui devait à l'origine porter sur les plans d'après-guerre - un sujet que le premier ministre semble réticent à aborder compte tenu des risques potentiels pour son avenir politique et personnel.
Les membres du cabinet de droite de M. Netanyahou considèrent l'enquête comme le moyen de miner davantage un gouvernement déjà précaire. Ils reconnaissent que les conclusions de la commission pourraient être particulièrement accablantes pour leur coalition gouvernementale qui, depuis sa formation, a mis en œuvre un programme axé sur l'oppression des Palestiniens sous occupation, étal répression de leurs aspirations nationales.
Ce programme, selon les experts militaires et de sécurité en Israël, est susceptible de fortement exacerber le niveau de violence en représailles contre les colons et enflammer la situation en matière de sécurité, que ce soit dans la bande de Gaza, ou en Cisjordanie et Jérusalem.
Ces protagonistes tentent donc, à l'instigation de M. Netanyahou, de reporter toutes les discussions et enquêtes sur les échecs et les causes qui ont mené à l'Al-Aqsa Flood et à ses conséquences, car ils s'attendent à ce que ces enquêtes leur coûtent très cher sur le plan politique.
Leurs opposants sur ces questions sont des personnalités privilégiées par Washington, telles que Halevi, Gallant et Gantz. Ce dernier, notamment, indéniablement soutenu par les États-Unis, aspire à prendre la tête du prochain gouvernement israélien, fort de sondages d'opinion favorables et d'une popularité plus grande que celle de son principal rival, M. Netanyahou.
Des tensions persistent également depuis avant le 7 octobre entre deux personnalités israéliennes clés - Netanyahou et Gallant - exacerbées par des différends sur des divergences politiques et leurs relations très divergentes avec les États-Unis.
Après la formation de la coalition extrémiste de Netanyahou, la Maison Blanche a fui ce dernier comme la peste, alors que Gallant était le bienvenu à Washington. Irrité par cette attitude, le premier ministre israélien a cherché à empêcher son ministre de la défense de l'époque de se rendre aux États-Unis pour des réunions sur la sécurité. Le différend a récemment été ravivé par le fait que M. Netanyahu aurait empêché M. Gallant de tenir des réunions en tête-à-tête avec les chefs du Mossad et du Shin Bet. Cette décision a été rendue publique, le ministre israélien de la défense accusant le premier ministre de “nuire à la sécurité de l'État”.
Quant au chef d'état-major de l'armée, M. Halevi, il maintient une étroite coordination avec l'administration américaine et cherche à éviter d'être le bouc émissaire des échecs politiques qui ont entraîné des flambées massives dans les régions palestiniennes : massacres à Naplouse et à Huwara en février dernier, incursions provocatrices d'Israël dans la mosquée Al-Aqsa, attaques violentes de la part des colons - autant d'horreurs qui ont abouti, pour l'essentiel, à l'opération “Al-Aqsa Flood” menée par la résistance palestinienne.
Le nord en ligne de mire
La perspective d'un conflit potentiel entre Israël et le Hezbollah le long de la frontière nord de la Palestine occupée revêt autant d'importance que les enjeux politiques de l'enquête à venir. Malgré les efforts diplomatiques de l'administration Biden pour résoudre la crise des colons israéliens “déplacés” qui ont abandonné leurs maisons pour fuir les affrontements frontaliers, à ce stade de l'intensification du conflit, le rapatriement des colons est impossible. Mais la pression politique exercée par les dizaines de milliers d'Israéliens sans abri se poursuit sans faiblir et, comme leurs homologues du sud déplacés par les événements du 7 octobre, ils remettent en question toute la compétence de leur armée.
La perte de confiance en la capacité de dissuasion d'Israël constitue donc un défi que l'armée relève en proposant de nouveaux plans de défense et en engageant des dépenses substantielles pour fortifier les colonies.
Simultanément, les efforts des États-Unis, menés par l'envoyé spécial Amos Hochstein, via les canaux français, visent à persuader le Hezbollah de se retirer à quelques kilomètres de la frontière. Cette proposition fait partie d'un ensemble de solutions plus large qui comprend la résolution du différend entre le Liban et Israël sur 13 points frontaliers.
Ces initiatives sont compromises à chaque étape par un chœur israélien de plus en plus puissant qui prône la réoccupation du Sud-Liban jusqu'à la frontière du Litani, seule solution qui garantirait la sécurité des colonies israéliennes. Récemment, Avigdor Lieberman, leader de Yisrael Beiteinu, a suggéré l'occupation du Sud-Liban, plaçant la zone comprise entre le fleuve Litani et la frontière avec la Palestine occupée sous contrôle israélien, sous la supervision de l'ONU.
Consciente des conséquences catastrophiques potentielles d'une confrontation à grande échelle avec le Hezbollah, qui dispose de capacités offensives, d'armement et de renseignement formidables - et inconnues -, l'armée israélienne tient à s'attaquer aux causes profondes de ses récents échecs avant de s'engager dans de nouvelles batailles.
Pour sa part, le Hezbollah conditionne toute négociation d'actions militaires avec Israël à l'arrêt de la guerre génocidaire contre Gaza. La résistance libanaise souligne que les actions secondaires destinées à entraîner le Hezbollah dans la guerre, telles que le ciblage des dirigeants du Hamas au Liban, sont exclues du débat.
https://new.thecradle.co/articles/the-war-within-israels-war-cabinet