👁🗨 Israël étend ses opérations de nettoyage ethnique à Khan Younis
“Même si nous avons enduré près de 600 jours de cette guerre d'extermination, j'ai cru que nous ne survivrions pas à cette journée. Un véritable cauchemar”.

👁🗨 Israël étend ses opérations de nettoyage ethnique à Khan Younis
Par Donya Abu Sitta, le 21 mai 2025
KHAN YOUNIS, BANDE DE GAZA — Le 19 mai, une vague de désolation a balayé la ville de Khan Yunis. Les habitants ont été réveillés à 6 h 30 par le fracas d'avions de combat volant à basse altitude, et d'explosions à proximité. Mes petits frères, Kareem, 18 ans, et Salman, 14 ans, étaient sortis quelques minutes plus tôt pour ramasser du bois afin de faire bouillir de l'eau pour notre thé sans sucre.
Mon frère aîné, Hassan, est sorti à leur recherche a et les a trouvés prostrés dans la rue. Ils étaient terrifiés. Hassan les a ramenés à la maison et je suis sortie sur le balcon de notre appartement au cinquième étage pour essayer de voir ce qui se passait autour de nous.
J'ai vu des avions de combat F-16 et des hélicoptères Apache voler très près, si près que j'avais l'impression de pouvoir les toucher. C'était la première fois que je voyais un missile tiré depuis un avion de combat. J'ai vu l’énorme boule de feu orange jaillir lorsque la bombe a explosé près de nous.
Le bourdonnement des drones au-dessus de nos têtes était assourdissant, mais celui des cris et des hurlements des gens était encore plus fort. Dans la rue, c'était la panique générale, tout le monde courait pour sauver sa vie. Nous vivons dans un quartier où les immeubles sont disposés autour d'une cour centrale, et j'ai vu mes voisins debout à leurs fenêtres, essayant de comprendre ce qui se passait. Une épaisse fumée noire se répandait dans l'air. Même si nous avons enduré près de 600 jours de cette guerre d'extermination, j'ai cru que nous ne survivrions pas à cette journée. C'était un véritable cauchemar.

Finalement, nous avons compris ce qui s'est passé. Les informations et les témoignages ont révélé qu'une unité des forces spéciales israéliennes a pris d'assaut Khan Younis pour faire une descente au domicile d'Ahmed Sarhan, un commandant des Brigades Al-Nasser Salah al-Din, la branche armée des Comités de résistance populaire. Les soldats se sont fait passer pour des personnes déplacées, certains déguisés en femmes en civil, tirant une charrette sur laquelle étaient empilés des matelas, mais qui contenait en réalité une caisse renfermant les armes qu'ils comptaient utiliser pour leur opération. Ils ont pris d'assaut la maison de Sarhan, mais celui-ci aurait résisté et riposté. Selon des témoins, ils l'ont tué devant sa famille, ont kidnappé sa femme et ses enfants et ont abattu un autre enfant dans la rue en s'enfuyant.
“Les Israéliens ont enlevé un enfant de 10 ans, sa mère, et ont exécuté son père au milieu de la maison”,
a déclaré un homme debout devant la maison après le raid dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
“On aurait dit l'Armageddon dans le quartier. Imaginez l'ensemble du quartier rasé avec ses habitants”.
Un quadricoptère a survolé les lieux et des témoins ont rapporté que des tirs visaient tout ce qui bouge.
Pour couvrir son retrait, l'armée israélienne a bombardé la zone, lançant plus de 40 frappes aériennes en 40 minutes, selon certains témoins. Elle a notamment touché l'école al-Hourani, le carrefour al-Thara, l'hôpital Nasser et le bâtiment Jaser, non loin de là où se trouvaient mes frères.
Trois heures plus tard, l'armée israélienne a émis de nouveaux ordres de déplacement pour la majeure partie de Khan Younis, de la frontière orientale à une grande partie de la ville. L'armée a averti qu'elle lancerait une “attaque sans précédent” sur le secteur. Au moment où j'écris ces lignes, les bombardements n'ont pas encore cessé.
Selon une carte publiée en ligne par l'armée israélienne, les zones concernées par les déplacements représentent au moins 80 % de Khan Younis, qui comprend des abris pour des centaines de milliers de Palestiniens déplacés. Des milliers de familles vivant dans ces zones ont commencé à fuir les abris dans un état de panique et de confusion totale. Les ordres d'évacuation ont été donnés quelques heures seulement après qu'Israël a commis un autre massacre horrible en bombardant plusieurs maisons à Khan Younis, tuant plus de 60 Palestiniens, dont la plupart des enfants et des femmes. Les bombardements sur Khan Younis, notamment sur l'hôpital Nasser, n'ont pas cessé.
Les scènes de déplacement massif observées lundi rappelaient un vol d'oiseaux se déplaçant en formation serrée, rongés par une faim lancinante. Le rugissement des avions de combat se mêlait au bourdonnement des drones. Les familles ont emporté ce qu'elles pouvaient : des matelas déchirés, des couvertures poussiéreuses, des sacs abîmés et leurs enfants. Tant d'enfants. Certains marchaient pieds nus, d'autres traînaient leurs cartables remplis de vêtements. Certains portaient des bouteilles d'eau vides. Les rues étaient noires de monde.
Ce n'est pas la première fois qu'ils sont déplacés. Certaines familles ont été déplacées des dizaines de fois. Chaque déplacement laisse une cicatrice profonde à l'âme, et hante les familles de souvenirs douloureux. Et nous savons tous qu'Israël a attaqué à plusieurs reprises les sites mêmes qu'il ordonne aux Palestiniens de fuir, frappant parfois directement les tentes de fortune dans des endroits comme Al-Mawasi, n'hésitant pas à livrer les déplacés aux flammes.
Ma famille n'a pas encore été déplacée parce qu'elle n'a nulle part où aller. Ils ont complètement pris le contrôle de Rafah. L'accès à la ville de Gaza au nord ou à la zone centrale de Deir al-Balah est pratiquement coupé.
Alors où pourrions-nous aller ? On s’est dit qu’on allait rester chez nous. Si nous devons mourir, autant que ce soit à la maison.
Traduit par Spirit of Free Speech