đâđš IsraĂ«l tue les journalistes & les mĂ©dias occidentaux tuent la vĂ©ritĂ© sur le gĂ©nocide Ă Gaza
Ce n'est qu'une extension de la persĂ©cution de Julian Assange, fondateur de Wikileaks, enfermĂ© des annĂ©es Ă Londres, dont le journalisme sans prĂ©cĂ©dent sur des crimes dâĂtat a Ă©tĂ© taxĂ© d'espionnage.
đâđš IsraĂ«l tue les journalistes & les mĂ©dias occidentaux tuent la vĂ©ritĂ© sur le gĂ©nocide Ă Gaza
Par Jonathan Cook, le 25 octobre 2024
Les populations occidentales sont soumises Ă une campagne de guerre psychologique, oĂč le gĂ©nocide est qualifiĂ© d'« autodĂ©fense » et l'opposition Ă ce gĂ©nocide de « terrorisme.
IsraĂ«l savait que, s'il pouvait empĂȘcher les correspondants Ă©trangers de faire des reportages directement depuis Gaza, les journalistes finiraient par couvrir les Ă©vĂ©nements sous un angle bien plus conforme Ă ses intĂ©rĂȘts.
Ils couvrent tout nouveau rapport d'atrocitĂ© israĂ©lienne - si tant est qu'ils les couvrent - par un âle Hamas affirmeâ ou âdes habitants de Gaza allĂšguentâ. Tout est prĂ©sentĂ© en termes de rĂ©cits contradictoires plutĂŽt qu'en termes de faits avĂ©rĂ©s. Le public se sent incertain, hĂ©sitant, dĂ©tachĂ©.
Israël parvient à camoufler son carnage dans la confusion et le flou. La répulsion spontanée suscitée par un génocide en est atténuée.
Depuis un an, les reporters de guerre les plus qualifiĂ©s des rĂ©seaux mondiaux sont restĂ©s dans leurs hĂŽtels en IsraĂ«l, observant Gaza de loin. Leurs reportages d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, toujours au cĆur des reportages de guerre, se sont focalisĂ©s sur les souffrances infiniment plus limitĂ©es des IsraĂ©liens que sur l'immense catastrophe qui frappe les Palestiniens.
VoilĂ pourquoi le public occidental a Ă©tĂ© contraint de revivre une seule journĂ©e d'horreur pour IsraĂ«l, celle du 7 octobre 2023, aussi intensĂ©ment que les horreurs quotidiennes qui se dĂ©roulent depuis un an Ă Gaza - dans le cadre de ce que la Cour internationale de Justice a jugĂ© ĂȘtre un gĂ©nocide âplausibleâ de la part d'IsraĂ«l.
VoilĂ pourquoi les mĂ©dias ont submergĂ© leur public avec les souffrances des familles de quelque 250 IsraĂ©liens - des civils pris en otage et des soldats faits prisonniers - au mĂȘme titre qu'avec les souffrances de 2,3 millions de Palestiniens bombardĂ©s et affamĂ©s Ă mort semaine aprĂšs semaine, mois aprĂšs mois.
Le public a donc été soumis à des récits qui présentent la dévastation de Gaza comme une crise humanitaire plutÎt que comme le théùtre de violations par Israël de toutes les rÚgles connues de la guerre.
Alors que les correspondants étrangers sont docilement installés dans leurs chambres d'hÎtel, les journalistes palestiniens ont été éliminés un par un, dans ce qui constitue l'un des plus grands massacres de journalistes de l'histoire.
IsraĂ«l est en train de rĂ©pĂ©ter ce processus au Liban. Dans la nuit de jeudi Ă vendredi, il a frappĂ© une rĂ©sidence dans le sud du Liban oĂč se trouvaient trois journalistes . Tous ont Ă©tĂ© tuĂ©s.
Pour illustrer le caractĂšre dĂ©libĂ©rĂ© et cynique des actions d'IsraĂ«l, l'armĂ©e israĂ©lienne a braquĂ© ses feux sur six reporters d'Al Jazeera cette semaine, les accusant d'ĂȘtre tous des âterroristesâ au service du Hamas et du Djihad islamique.
Ce sont apparemment les derniers journalistes palestiniens survivants dans le nord de la bande de Gaza, qu'IsraĂ«l a verrouillĂ© pendant qu'il exĂ©cute ce que l'on nomme le âplan des gĂ©nĂ©rauxâ.
IsraĂ«l ne veut pas quâon rende compte de son dernier assaut pour exterminer le nord de Gaza en affamant les 400 000 Palestiniens qui s'y trouvent encore, et en exĂ©cutant tous ceux qui y vivent encore considĂ©rĂ©s comme des âterroristesâ.
Ces six journalistes s'ajoutent à une longue liste de professionnels diffamés par Israël au nom de son génocide, qu'il s'agisse de médecins, de travailleurs humanitaires ou d'agents de maintien de la paix de l'ONU.
Compassion pour Israël
Le comble de la domestication des journalistes Ă©trangers par IsraĂ«l a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© atteint cette semaine dans un reportage de CNN. En fĂ©vrier, des lanceurs d'alerte ont rĂ©vĂ©lĂ© que les dirigeants de la chaĂźne ont sciemment occultĂ© les atrocitĂ©s commises par IsraĂ«l afin de prĂ©senter ce pays sous un jour plus favorable.
Dans un reportage dont le montage aurait dĂ» ĂȘtre inconcevable - mais qui, malheureusement, n'Ă©tait que trop prĂ©visible - CNN a fait Ă©tat des traumatismes psychologiques subis par certains soldats israĂ©liens Ă la suite de leur sĂ©jour Ă Gaza, ce qui les a parfois poussĂ©s Ă se suicider.
Commettre un gĂ©nocide peut ĂȘtre mauvais pour la santĂ© mentale, semble-t-il. Ou, comme l'explique CNN, ses interviews âoffrent un aperçu du fardeau psychologique que la guerre fait peser sur la sociĂ©tĂ© israĂ©lienneâ.
Dans son long article, intitulĂ© âIl est sorti de Gaza, mais Gaza n'est pas sortie de sa tĂȘteâ, les atrocitĂ©s que les soldats admettent avoir commises ne sont guĂšre plus quâun dĂ©cor, alors que CNN trouve encore un autre angle d'attaque pour les souffrances des IsraĂ©liens. Les soldats israĂ©liens sont les vraies victimes, alors mĂȘme qu'ils commettent un gĂ©nocide sur le peuple palestinien.
Un conducteur de bulldozer, Guy Zaken, a dĂ©clarĂ© Ă CNN qu'il ne pouvait pas dormir et qu'il Ă©tait devenu vĂ©gĂ©tarien Ă cause des âĂ©vĂ©nements trĂšs, trĂšs Ă©prouvantsâ qu'il avait vus et dĂ» commettre Ă Gaza.
Quels événements ? M. Zaken a déclaré lors d'une audience du Parlement israélien que le travail de son unité consistait à passer sur les corps de plusieurs centaines de Palestiniens, dont certains étaient encore en vie.
CNN a rapportĂ© : âZaken dit qu'il ne peut plus manger de viande, car cela lui rappelle les scĂšnes horribles dont il a Ă©tĂ© tĂ©moin depuis son bulldozer Ă Gazaâ.
Il ne fait aucun doute que certains gardiens de camps de concentration nazis se sont suicidĂ©s dans les annĂ©es 1940 aprĂšs avoir Ă©tĂ© tĂ©moins des horreurs qui s'y dĂ©roulaient - parce qu'ils en Ă©taient responsables. Ce n'est que dans un univers parallĂšle et Ă©trange que leur âfardeau psychologiqueâ aurait fait l'objet d'un article.
AprĂšs une vive rĂ©action en ligne, CNN a modifiĂ© une remarque de l'Ă©diteur au dĂ©but de l'article, qui se lisait Ă l'origine comme suit : âCette histoire contient des dĂ©tails sur le suicide que certains lecteurs pourraient trouver choquantsâ.
Les lecteurs, suppose-t-on, seraient choquĂ©s par le suicide de soldats israĂ©liens, mais apparemment pas par la rĂ©vĂ©lation que ces soldats Ă©crasent rĂ©guliĂšrement des Palestiniens et que, comme l'a expliquĂ© M. Zaken, âça giclait de partoutâ.
Interdit de séjour à Gaza
Enfin, un an aprÚs le début de la guerre génocidaire d'Israël, qui se propage maintenant trÚs rapidement au Liban, certaines voix s'élÚvent trÚs tardivement pour exiger l'entrée de journalistes étrangers à Gaza.
Cette semaine, des dizaines de membres dĂ©mocrates du CongrĂšs amĂ©ricain ont Ă©crit au prĂ©sident Joe Biden pour l'appeler Ă faire pression sur IsraĂ«l afin d'accorder aux journalistes un âaccĂšs sans entraveâ Ă l'enclave, dans le but probable, Ă l'approche des Ă©lections de novembre, de s'attirer les faveurs des Ă©lecteurs mĂ©contents de la complicitĂ© de leur parti dans le gĂ©nocide .
Inutile de retenir notre souffle.
Les médias occidentaux n'ont pas fait grand-chose pour protester contre leur exclusion de Gaza au cours de l'année écoulée, et ce pour plusieurs raisons.
Compte tenu de la nature totalement aveugle des bombardements d'IsraĂ«l, les principaux mĂ©dias n'ont pas voulu que leurs journalistes risquent d'ĂȘtre touchĂ©s par une bombe d'une tonne pour s'ĂȘtre trouvĂ©s au mauvais endroit au mauvais moment.
Il se peut que leur bien-ĂȘtre soit en partie en cause. Mais les prĂ©occupations sont sans doute plus cyniques.
Si des journalistes étrangers présents à Gaza se faisaient sauter ou étaient exécutés par des tireurs d'élite, les organisations de médias entreraient en conflit direct avec Israël et sa machine de lobbying bien huilée.
La rĂ©ponse serait tout Ă fait prĂ©visible, insinuant que les journalistes sont morts parce qu'ils sont de connivence avec âles terroristesâ ou qu'ils ont Ă©tĂ© utilisĂ©s comme âboucliers humainsâ - l'excuse invoquĂ©e par IsraĂ«l Ă maintes reprises pour justifier ses attaques contre les mĂ©decins Ă Gaza et les soldats de la paix de l'ONU au Liban.
Mais le problĂšme est plus grave. Les mĂ©dias officiels ne veulent pas que leurs journalistes soient si proches de âl'actionâ qu'ils risquent de donner une image plus claire des crimes de guerre et du gĂ©nocide d'IsraĂ«l.
Le recul actuel des médias par rapport à la scÚne du crime leur permet d'opposer un démenti plausible à toutes les atrocités commises par Israël.
Dans les conflits précédents, les reporters occidentaux ont joué le rÎle de témoins, aidant à poursuivre des dirigeants étrangers pour crimes de guerre. C'est ce qui s'est passé lors des guerres qui ont suivi l'effondrement de la Yougoslavie, et c'est ce qui se passera sans doute à nouveau si le président russe Valdimir Poutine est un jour livré à La Haye.
Mais ces témoignages journalistiques ont été exploités pour mettre les ennemis de l'Occident derriÚre les barreaux, et non son plus proche allié.
Les mĂ©dias ne veulent pas que leurs reporters soient les principaux tĂ©moins de l'accusation dans d'Ă©ventuels procĂšs du Premier ministre israĂ©lien Benjamin Netanyahu et de son ministre de la DĂ©fense, Yoav Gallant, devant la Cour pĂ©nale internationale (CPI). Karim Khan, le procureur de la CPI, a requis des mandats d' arrĂȘt Ă l'encontre de ces deux journalistes.
AprĂšs tout, de tels tĂ©moignages journalistiques ne s'arrĂȘteraient pas aux portes d'IsraĂ«l. Ils impliqueraient Ă©galement les capitales occidentales, et mettraient les organisations mĂ©diatiques de l'establishment en porte-Ă -faux avec leurs propres gouvernements.
Les médias occidentaux ne considÚrent pas que leur mission consiste à demander des comptes au pouvoir lorsque c'est l'Occident qui commet les crimes.
Censurer les Palestiniens
Des lanceurs d'alerte se sont progressivement manifestĂ©s pour expliquer comment les organes de presse de l'establishment - y compris la BBC et le Guardian, censĂ© ĂȘtre libĂ©ral - occultent les voix palestiniennes et minimisent le gĂ©nocide.
Une enquĂȘte menĂ©e par Novara Media a rĂ©cemment rĂ©vĂ©lĂ© le mĂ©contentement croissant de certaines Ă©quipes de rĂ©daction du Guardian face Ă la politique de deux poids deux mesures appliquĂ©e Ă IsraĂ«l et Ă la Palestine.
Ses rĂ©dacteurs ont rĂ©cemment censurĂ© un commentaire de l'Ă©minente auteure palestinienne Susan Abulhawa aprĂšs son insistance Ă pouvoir qualifier le massacre de Gaza d'âholocauste de notre tempsâ.
Pendant le mandat de Jeremy Corbyn Ă la tĂȘte du parti travailliste, des chroniqueurs du Guardian, comme Jonathan Freedland , ont beaucoup insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© pour les Juifs, et pour les Juifs seulement, de dĂ©finir et de nommer leur propre oppression.
Ce droit ne semble toutefois pas s'Ă©tendre aux Palestiniens.
Comme l'ont fait remarquer les collaborateurs qui ont parlĂ© Ă Novara, The Observer, le journal du dimanche du Guardian, n'a eu aucun mal Ă ouvrir son journal Ă l'Ă©crivain juif britannique Howard Jacobson pour qu'il qualifie de âcalomnie sanguinaireâ toute information relatant les faits incontestables prouvant qu'IsraĂ«l a massacrĂ© des milliers et des milliers d'enfants palestiniens dans la bande de Gaza.
Un journaliste réputé a déclaré :
âLe Guardian est-il plus inquiet des rĂ©actions Ă ce qui se dit sur IsraĂ«l que sur la Palestine ? Absolumentâ.
Un autre membre du staff a admis qu'il serait inconcevable pour le journal de censurer un Ă©crivain juif, mais que censurer un Ă©crivain palestinien ne pose aucun problĂšme, semble-t-il.
D'autres journalistes dĂ©clarent ĂȘtre soumis Ă un âcontrĂŽle oppressantâ de la part des rĂ©dacteurs en chef, et affirment que cette pression n'existe âque si vous Ă©mettez une opinion critique Ă l'Ă©gard d'IsraĂ«lâ.
Selon le personnel, le terme âgĂ©nocideâ est pratiquement interdit dans le journal, sauf dans la couverture de la Cour internationale de justice (CIJ), dont les juges ont statuĂ©, il y a neuf mois, qu'un cas âplausibleâ a Ă©tĂ© Ă©tabli selon lequel IsraĂ«l commettait un gĂ©nocide.
La situation s'est encore aggravée depuis.
Journalistes lanceurs d'alerte
De mĂȘme, Sara, une lanceuse d'alerte qui a rĂ©cemment dĂ©missionnĂ© de la salle de rĂ©daction de la BBC et qui a parlĂ© de son expĂ©rience au Listening Post d'Al Jazeera, a dĂ©clarĂ© que les Palestiniens et leurs soutiens sont systĂ©matiquement tenus Ă l'Ă©cart de l'antenne, ou soumis Ă des interrogatoires humiliants et inquisiteurs.
Certains producteurs seraient devenus de plus en plus rĂ©ticents Ă faire passer Ă l'antenne des Palestiniens particuliĂšrement vulnĂ©rables, dont certains ont perdu des membres de leur famille Ă Gaza, parce qu'ils craignent les consĂ©quences sur leur bien-ĂȘtre psychologique des interrogatoires agressifs qu'ils subissent de la part des chaĂźnes.
Selon Sara, le contrÎle des invités potentiels par la BBC vise essentiellement les Palestiniens, ainsi que les soutiens à leur cause et les organisations de défense des droits de l'homme. Les invités israéliens ou juifs font rarement l'objet d'une vérification de leurs antécédents.
Elle a ajoutĂ© qu'une recherche montre que le terme âsionismeâ exprimĂ© par un invitĂ© - l'idĂ©ologie de l'Ătat d'IsraĂ«l - dans un message sur les rĂ©seaux sociaux peut suffire Ă le faire exclure d'un programme.
MĂȘme les responsables de l'un des plus grands groupes de dĂ©fense des droits au monde, Human Rights Watch, basĂ© Ă New York, sont devenus persona non grata Ă la BBC pour avoir critiquĂ© IsraĂ«l, alors que la chaĂźne s'Ă©tait auparavant appuyĂ©e sur leurs rapports pour couvrir l'Ukraine et d'autres conflits mondiaux.
Les invitĂ©s israĂ©liens, en revanche, âont carte blanche pour dire tout ce qu'ils veulent sans trop de rĂ©actionsâ, y compris des mensonges sur le Hamas qui brĂ»lerait ou dĂ©capiterait des bĂ©bĂ©s et commettrait des viols en masse.
Un courriel citĂ© par Al Jazeera, envoyĂ© en fĂ©vrier dernier par plus de 20 journalistes de la BBC Ă Tim Davie, directeur gĂ©nĂ©ral de la BBC, avertit que les reportages de la BBC risquent âd'aider et d'encourager le gĂ©nocide par la suppression d'histoiresâ.
Des valeurs faussées
Ces prĂ©jugĂ©s n'ont Ă©tĂ© que trop Ă©vidents dans les reportages de la BBC, d'abord Ă Gaza et maintenant, alors que l'intĂ©rĂȘt des mĂ©dias pour le gĂ©nocide s'amenuise, au Liban.
Les titres - le ton phare du journalisme et la seule partie d'un reportage que lisent de nombreux téléspectateurs - ont été invariablement désastreux.
Comme toujours, Israël a pu compter sur la complicité de ses parrains occidentaux pour écraser la dissidence dans son pays
Ainsi, les menaces de Netanyahu de perpĂ©trer un gĂ©nocide âfaçon Gazaâ contre le peuple libanais au dĂ©but du mois s'il ne parvient pas Ă renverser ses dirigeants ont Ă©tĂ© minimisĂ©es par le titre de la BBC: âL'appel de Netanyahu au peuple libanais tombe dans l'oreille d'un sourd Ă Beyrouthâ.
Des lecteurs rationnels en auraient déduit à tort à la fois que Netanyahu essaie de rendre service aux Libanais (en se préparant à les assassiner), et qu'ils se montrent ingrats en n'acceptant pas son offre.
C'est toujours la mĂȘme histoire dans les mĂ©dias de l'establishment. Lors d'un autre Ă©pisode extraordinaire et rĂ©vĂ©lateur, Kay Burley de Sky News a annoncĂ© ce mois-ci la mort de quatre soldats israĂ©liens Ă la suite d'une attaque de drone du Hezbollah sur une base militaire Ă l'intĂ©rieur d'IsraĂ«l.
Avec une solennité généralement réservée au décÚs d'un membre de la famille royale britannique, elle a lentement cité les noms des quatre soldats, en montrant une photo de chacun d'entre eux à l'écran. Elle a souligné à deux reprises que les quatre n'avaient que 19 ans.
Sky News semble ne pas avoir compris qu'il ne s'agit pas de soldats britanniques et qu'il n'y a aucune raison pour qu'un public britannique soit particuliÚrement troublé par leur mort. Les soldats sont tués en permanence dans les guerres - c'est le risque du métier.
En outre, si Israël considÚre qu'ils sont assez ùgés pour se battre à Gaza et au Liban, ils sont également assez ùgés pour mourir sans que leur ùge ne soit considéré comme particuliÚrement alarmant.
Plus important encore, la brigade Golani d'Israël, à laquelle appartenaient ces soldats, a joué un rÎle central dans le massacre des Palestiniens au cours de l'année écoulée. Ses troupes sont responsables d'une grande part des dizaines de milliers d'enfants tués et mutilés à Gaza.
Chacun de ces quatre soldats mĂ©ritait beaucoup moins de sympathie et de compassion de la part de Burley que les milliers d'enfants massacrĂ©s par leur brigade. Ces enfants ne sont presque jamais nommĂ©s et leurs photos sont rarement montrĂ©es, notamment parce que leurs blessures sont gĂ©nĂ©ralement trop horribles pour ĂȘtre vues.
Une nouvelle preuve du monde détraqué que les médias de l'establishment tentent de normaliser pour leur public.
VoilĂ pourquoi les statistiques des Ătats-Unis, oĂč le traitement de l'actualitĂ© Ă Gaza et au Liban est peut-ĂȘtre encore plus dĂ©lirant, montrent que la confiance en les mĂ©dias est au plus mal. Moins d'une personne interrogĂ©e sur trois ( 31 % ) a dĂ©clarĂ© avoir encore âune confiance suffisante ou modĂ©rĂ©e dans les mĂ©dias de masseâ.
RĂ©pression de la dissidence
C'est Israël qui dicte aux médias le traitement de son génocide. D'abord en assassinant les journalistes palestiniens qui le rapportent sur le terrain, puis en s'assurant que les correspondants étrangers formés à l'interne restent bien à l'écart du massacre, hors de portée de Tel-Aviv et de Jérusalem.
Et comme toujours, Israël a pu compter sur la complicité de ses parrains occidentaux pour réprimer la dissidence dans le pays.
La semaine derniÚre, un journaliste d'investigation britannique, Asa Winstanley, qui critique ouvertement Israël et ses lobbyistes au Royaume-Uni, a vu son domicile londonien perquisitionné à l'aube par la police antiterroriste.
Bien que la police ne l'ait pas arrĂȘtĂ© ni inculpĂ© - du moins pas encore - elle a confisquĂ© ses appareils Ă©lectroniques. Il a Ă©tĂ© averti qu'il faisait l'objet d'une enquĂȘte pour âincitation au terrorismeâ dans ses publications sur les rĂ©seaux sociaux.
La police a dĂ©clarĂ© Ă Middle East Eye que ses appareils ont Ă©tĂ© saisis dans le cadre d'une enquĂȘte sur des infractions terroristes prĂ©sumĂ©es de âsoutien Ă une organisation proscriteâ et de âdiffusion de documentation terroristeâ.
La police n'a pu agir que grùce à la loi britannique sur le terrorisme, draconienne et contraire à la liberté d'expression.
L'article 12, par exemple, dit que l'expression d'une opinion qui pourrait ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme favorable Ă la rĂ©sistance armĂ©e des Palestiniens Ă l'occupation illĂ©gale d'IsraĂ«l - un droit garanti par le droit international mais qualifiĂ© de âterrorismeâ par l'Occident - constitue en soi un dĂ©lit de terrorisme.
Les journalistes qui n'ont pas été formés par les médias de l'establishment, ainsi que les militants de la solidarité, doivent désormais se frayer un chemin complexe sur un terrain juridique intentionnellement mal défini lorsqu'ils parlent du génocide d'Israël à Gaza.
M. Winstanley n'est pas le premier journaliste Ă ĂȘtre accusĂ© d'avoir enfreint la loi sur le terrorisme. Ces derniĂšres semaines, Richard Medhurst, journaliste indĂ©pendant, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© Ă l'aĂ©roport d'Heathrow Ă son retour d'un voyage Ă l'Ă©tranger. Une autre journaliste-activiste, Sarah Wilkinson, a Ă©tĂ© briĂšvement arrĂȘtĂ©e aprĂšs que son domicile a Ă©tĂ© saccagĂ© par la police. Leurs appareils Ă©lectroniques ont Ă©galement Ă©tĂ© saisis.
Entre-temps, Richard Barnard, cofondateur de Palestine Action, qui cherche à interrompre l'approvisionnement en armes du Royaume-Uni pour le génocide d'Israël, a été inculpé pour des discours prononcés en soutien aux Palestiniens.
Aujourd'hui, tout porte Ă croire que ces actions s'inscrivent dans le cadre d'une campagne policiĂšre spĂ©cifique visant les journalistes et les militants de la solidaritĂ© avec les Palestiniens : L'opĂ©ration âIncessantnessâ [qui peut se traduire par : ActivitĂ©s excessives].
Le message que ce titre maladroit est apparemment censĂ© vĂ©hiculer est que l'Ătat britannique s'en prend Ă quiconque s'Ă©lĂšve trop bruyamment contre le maintien de l'armement et de la complicitĂ© du gouvernement britannique dans le gĂ©nocide d'IsraĂ«l.
On notera que les mĂ©dias de l'establishment n'ont pas couvert ce nouvel assaut contre le journalisme et le rĂŽle d'une presse libre - censĂ©s ĂȘtre ceux-lĂ mĂȘmes qu'ils sont censĂ©s protĂ©ger.
La descente au domicile de Winstanley et les arrestations ont pour but d'intimider les autres, y compris les journalistes indépendants, et de les contraindre au silence par crainte de subir les conséquences de leurs prises de parole.
Ce n'est nullement une affaire de terrorisme. C'est plutĂŽt du terrorisme d'Ătat de la part du Royaume-Uni.
Une fois de plus, le monde bascule.
Les Ă©chos de l'histoire
L'Occident mĂšne une campagne de guerre psychologique contre ses populations : il les mystifie et les dĂ©soriente en qualifiant le gĂ©nocide de âlĂ©gitime dĂ©fenseâ et l'opposition au gĂ©nocide de âterrorismeâ.
Ce n'est qu'une extension de la persécution subie par Julian Assange, le fondateur de Wikileaks qui a passé des années enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres.
Son journalisme sans prĂ©cĂ©dent - rĂ©vĂ©lant les plus noirs secrets des Ătats occidentaux - a Ă©tĂ© qualifiĂ© d'espionnage. Son âdĂ©litâ a Ă©tĂ© de rĂ©vĂ©ler que la Grande-Bretagne et les Ătats-Unis ont commis des crimes de guerre systĂ©matiques en Irak et en Afghanistan.
Aujourd'hui, fort de ce prĂ©cĂ©dent, l'Ătat britannique s'en prend aux journalistes qui le gĂȘnent.
La semaine derniĂšre, j'ai assistĂ© Ă une rĂ©union Ă Bristol contre le gĂ©nocide Ă Gaza, au cours de laquelle le principal orateur Ă©tait physiquement absent, l'Ătat britannique ne lui ayant pas dĂ©livrĂ© de visa d'entrĂ©e.
L'invitĂ© manquant - il a dĂ» nous rejoindre par Zoom - Ă©tait Mandla Mandela, le petit-fils de Nelson Mandela, enfermĂ© pendant des dĂ©cennies pour terrorisme avant de devenir le premier dirigeant de l'Afrique du Sud post-apartheid, et un homme d'Ătat de renommĂ©e internationale.
Mandla Mandela Ă©tait jusqu'Ă rĂ©cemment membre du parlement sud-africain. Un porte-parole du ministĂšre de l'IntĂ©rieur a dĂ©clarĂ© Ă Middle East Eye que le Royaume-Uni ne dĂ©livre de visas qu'âĂ ceux que nous voulons accueillir dans notre paysâ.
Les médias suggÚrent que la Grande-Bretagne était déterminée à exclure Mandela parce que, comme son grand-pÚre, il considÚre que la lutte des Palestiniens contre l'apartheid israélien est intimement liée à la lutte antérieure contre l'apartheid sud-africain.
Les officiels n'ont apparemment pas conscience des échos de l'histoire : le Royaume-Uni associe une fois de plus la famille Mandela au terrorisme. Auparavant, il s'agissait de protéger le régime d'apartheid sud-africain. Aujourd'hui, c'est pour protéger le régime d'apartheid et de génocide d'Israël, pire encore.
Le monde tourne vraiment Ă l'envers. Et les mĂ©dias occidentaux prĂ©tendument âlibresâ contribuent de maniĂšre dĂ©cisive Ă ce que notre monde sens dessus dessous nous paraisse normal.
Pour y parvenir, il faut s'abstenir de parler du gĂ©nocide de Gaza comme d'un gĂ©nocide. Les journalistes occidentaux ne sont plus que des rapporteurs. Leur mission :ne consiste plus quâĂ prendre la dictĂ©e des rĂ©cits israĂ©liens.
* Jonathan Cook est l'auteur de trois livres sur le conflit israélo-palestinien et lauréat du Martha Gellhorn Special Prize for Journalism. Son site web et son blog est accessible à l'adresse suivante : www.jonathan-cook.net