đâđš Joe Lauria: Un pĂšre se bat pour son fils, et les vestiges de la dĂ©mocratie.
"Il a juste besoin d'ĂȘtre traitĂ© comme un ĂȘtre humain", dit Stella, "et d'ĂȘtre autorisĂ© Ă ĂȘtre un ĂȘtre humain et non privĂ© de sa dignitĂ© et de son humanitĂ©, car c'est ce qui lui a Ă©tĂ© infligĂ©."
đâđš Un pĂšre se bat pour son fils, et les vestiges de la dĂ©mocratie.
đ° Par Joe Lauria đŠ@unjoe, SpĂ©cial Consortium News, le 11 novembre 2022
Le film Ithaka, qui conte la quĂȘte du pĂšre de Julian Assange pour sauver son fils, est prĂ©sentĂ© en premiĂšre amĂ©ricaine dimanche Ă New York. Joe Lauria en fait la critique.
Si les médias ont couvert la tragédie de Julian Assange, l'accent a été mis sur la politique et le droit.
Consortium News, qui a peut-ĂȘtre assurĂ© la couverture la plus complĂšte des poursuites engagĂ©es contre l'Ă©diteur de WikiLeaks en vertu de la loi sur l'espionnage, s'est Ă©galement concentrĂ© sur l'affaire, et moins sur l'homme.
Les grandes questions en jeu transcendent l'individu : guerre, diplomatie, tromperie officielle, crimes de haut vol, atteinte Ă la libertĂ© de la presse et au cĆur du peu de dĂ©mocratie encore en vie dans un systĂšme militarisĂ© et corrompu par l'argent.
Les partisans d'Assange négligent aussi quelquefois la personne et se concentrent plutÎt sur les grands enjeux. Ironiquement, ce sont les ennemis et les détracteurs d'Assange qui se concentrent depuis longtemps sur la personne, dans la pire tradition des attaques ad hominem.
On l'a attaquĂ© pour dĂ©tourner l'attention du public de ce que WikiLeaks a rĂ©vĂ©lĂ©, de ce que l'Ătat lui fait subir et pour cacher l'impact sur la libertĂ© des mĂ©dias et le respect des normes judiciaires.
Assange a fait l'objet d'un flot constant et organisĂ© de diffamations, allant d'histoires absurdes d'excrĂ©ments barbouillĂ©s sur les murs de l'ambassade de l'Ăquateur Ă la fausse information largement relayĂ©e selon laquelle il aurait Ă©tĂ© accusĂ© de viol. Cette affaire a Ă©tĂ© abandonnĂ©e trois fois avant que des poursuites ne soient engagĂ©es, mais la calomnie du "viol" subsiste.
Ces attaques personnelles ont été planifiées dÚs le 8 mars 2008, lorsqu'un document secret de 32 pages émanant de la branche d'évaluation du contre-espionnage cybernétique du Pentagone a décrit en détail l'importance de détruire le "sentiment de confiance qui est le centre de gravité de WikiLeaks". Le document divulgué, diffusé par WikiLeaks comme tel, précise : "On doit y parvenir par des menaces de divulgation et de poursuites pénales, et des attaques incessantes contre la réputation."
Ithaka est une réponse à ces insultes et à l'absence d'attention portée à Assange en tant qu'homme. Le film, qui sera présenté en premiÚre américaine dimanche soir à New York, se concentre sur la lutte du pÚre d'Assange, John Shipton, et de sa femme, Stella Assange, pour le libérer.
Si vous recherchez un film détaillant davantage les complexités juridiques et politiques de l'affaire et de son contexte, ce film n'est pas celui qu'il vous faut. Le film espagnol Hacking Justice vous le donnera, ainsi que l'exposé plus concis du brillant documentaire The War on Journalism, de Juan Passarelli.
Ithaka, réalisé par Ben Lawrence et produit par le frÚre d'Assange, Gabriel Shipton, humanise Assange et révÚle l'impact que son épreuve a eu sur ceux qui lui sont les plus proches.
Le titre est tirĂ© du poĂšme de ce nom de C.P. Cavafy (lu ici par Sean Connery) sur le pathos d'un voyage incertain. Il retrace les voyages de Shipton Ă travers l'Europe et les Ătats-Unis pour dĂ©fendre son fils, sans doute le journaliste le plus influent de sa gĂ©nĂ©ration.
L'histoire commence par l'arrivĂ©e de Shipton Ă Londres pour voir son fils pour la premiĂšre fois derriĂšre les barreaux, aprĂšs que les droits d'asile de l'Ă©diteur ont Ă©tĂ© suspendus par un nouveau gouvernement Ă©quatorien, ce qui l'a conduit Ă ĂȘtre transportĂ© hors de l'ambassade par la police de Londres en avril 2019.
"L'histoire raconte que je tente à ma façon... bien modeste, de sortir Julian de la merde", dit Shipton. "Qu'est-ce que cela implique ? Des pérégrinations à travers l'Europe, pour créer des coalitions d'amitié." Il rencontre ainsi parlementaires, médias et soutiens sur tout le continent. Shipton décrit le voyage comme "la complexité du destin contre la facilité de la narration."
Il s'adresse au Parlement européen à Strasbourg et au Bundestag allemand à Berlin. à Paris, Shipton confie aux soutiens qu'"il ne va pas bien, mais je dis qu'il va bien pour ne pas inquiéter les gens".
Il raconte à l'intervieweur d'une radio parisienne qu'il n'a pas vu Julian de l'ùge de 3 ans à sa vingtaine, mais que sa mÚre, Christine Assange, le surnommait "Wizzie" pour rire. Shipton raconte les premiÚres conversations qu'il a eues avec son fils sur le secret, qui ont abouti à la création de WikiLeaks.
Nous apprenons que c'est la frustration de Julian Assange devant l'incapacitĂ© Ă empĂȘcher l'invasion de l'Irak en 2003, malgrĂ© les plus grandes manifestations anti-guerre de l'histoire, qui l'a poussĂ© Ă crĂ©er WikiLeaks.
Les communiqués qu'il a publiés sur les guerres d'Irak et d'Afghanistan, divulgués par l'analyste du renseignement de l'armée Chelsea Manning, ont été publiés non seulement par WikiLeaks, mais aussi par ses partenaires du New York Times, Der Spiegel et The Guardian, et pourtant seul Assange a été poursuivi en justice.
Le film se focalise principalement sur l'audience d'extradition devant le tribunal d'instance de Westminster, qui a dĂ©butĂ© en fĂ©vrier 2020 et s'est terminĂ©e en septembre de la mĂȘme annĂ©e.
Dans la phase prĂ©paratoire de l'audience, nous voyons la famille rĂ©unie. Le sympathique Shipton est un personnage complexe, Ă la fois bougon et plein d'humour, qui explique Ă quel point la famille est importante pour lui Ă cette Ă©tape de sa vie, contrairement Ă l'Ă©poque oĂč il a quittĂ© l'Ă©cole, et brĂ»lĂ© tout un tas de photos de famille.
Le film se penche sur la romance entre Stella et Julian Assange, qui est nĂ©e Ă l'intĂ©rieur de l'ambassade d'Ăquateur en 2015, oĂč l'on voit des films de vidĂ©osurveillance granuleux de leur rencontre, commanditĂ©s par la CIA.
Stella parle de leur dĂ©cision de fonder une famille alors qu'aucune inculpation n'avait Ă©tĂ© retenue contre lui, qu'aucune enquĂȘte n'Ă©tait ouverte, et qu'un groupe d'experts de l'ONU avait dĂ©cidĂ© qu'il Ă©tait dĂ©tenu arbitrairement et devait ĂȘtre libĂ©rĂ©.
Mais Donald Trump a Ă©tĂ© Ă©lu et son directeur de la CIA, Mike Pompeo, a fait d'Assange et de WikiLeaks les principaux ennemis publics des Ătats-Unis. Nous apprenons que c'est Pompeo qui a alors discutĂ© de plans pour enlever ou empoisonner Assange Ă l'ambassade.
Assange a alors Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, et le processus d'extradition a commencĂ©, et se poursuit toujours Ă Londres.
L'une des nombreuses scÚnes illustrant l'aspect personnel de l'histoire est un enregistrement audio d'Assange s'adressant à Stella depuis la prison de Belmarsh pour lui conseiller des livres à lire à leurs deux fils. Dans une autre scÚne, nous voyons briÚvement Assange en prison lors d'un appel vidéo sur le téléphone de Stella. Elle lui montre la lumiÚre du soleil et il savoure le bruit d'un cheval dans la rue.
On perçoit le poids de la dĂ©tention sur Stella lorsqu'elle s'effondre sous le coup de l'Ă©motion pendant l'enregistrement d'une interview de la BBC, qui doit ĂȘtre interrompue.
"Les extraditions, c'est 99 % de politique et 1 % de lĂ©gislation", dit Stella. "C'est exclusivement le climat politique autour de cette affaire qui en dĂ©termine l'issue. Et ce climat est façonnĂ© par les mĂ©dias. Pendant de nombreuses annĂ©es, un certain climat a Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment instaurĂ© par le biais de mensonges, de calomnies, d'attaques incessantes contre Julian, afin de rĂ©duire tout soutien, et ainsi faciliter son extradition vers les Ătats-Unis."
"C'est le récit public propagé par les médias depuis dix ans", déclare dans le film Nils Melzer, le désormais ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la torture.
"Personne n'a Ă©tĂ© en mesure de voir Ă quel point la tromperie est grande. Comment est-ce possible ? Pendant dix ans, nous nous sommes tous concentrĂ©s uniquement sur Julian Assange, alors qu'il n'a jamais voulu que cela porte sur lui. Il n'a jamais Ă©tĂ© question de lui. Il Ă©tait question des Ătats-Unis, de leurs crimes de guerre et de leur corruption. C'est ce qu'il voulait mettre en lumiĂšre, et il l'a fait. Et c'est ce qui les a mis en colĂšre. Alors ils ont braquĂ© les projecteurs sur lui."
"Il a juste besoin d'ĂȘtre traitĂ© comme un ĂȘtre humain", dit Stella, "et d'ĂȘtre autorisĂ© Ă ĂȘtre un ĂȘtre humain et non privĂ© de sa dignitĂ© et de son humanitĂ©, car c'est ce qui lui a Ă©tĂ© infligĂ©."
Ithaka sera projetĂ© pour la premiĂšre fois aux Ătats-Unis au cinĂ©ma SVA, 333 W. 23rd St, New York, N.Y., le dimanche 13 novembre, Ă 19 h 45. La premiĂšre projection sera suivie d'une sĂ©ance de questions-rĂ©ponses avec Ben Lawrence, Gabriel Shipton, Adrian Devant, le directeur de la photographie Niels Ladefoged et John Shipton.
Pour obtenir des informations sur les billets : https://docnyc.net/film/ithaka/
* Joe Lauria est rĂ©dacteur en chef de Consortium News et ancien correspondant aux Nations unies pour le Wall Street Journal, le Boston Globe et de nombreux autres journaux, dont The Montreal Gazette et The Star of Johannesburg. Il a Ă©tĂ© journaliste d'investigation pour le Sunday Times de Londres, journaliste financier pour Bloomberg News et a commencĂ© sa carriĂšre professionnelle Ă 19 ans en tant que pigiste pour le New York Times. Il peut ĂȘtre joint Ă l'adresse joelauria@consortiumnews.com et suivi sur Twitter @unjoe.
https://consortiumnews.com/2022/11/11/a-father-fights-for-his-son-whats-left-of-democracy/