👁🗨 John Kiriakou : Banques, criminels et Jeffrey Epstein
Une cliente de la Bank of America a vu son compte suspendu. On lui a signifié : "Nous avons décidé de fermer votre compte, c'est une décision commerciale". C'est tout. Sans autre explication.
👁🗨 Banques, criminels et Jeffrey Epstein
Par John Kiriakou, Spécial Consortium News, le 28 août 2023
Une cliente de la Bank of America a vu son compte suspendu. Un opérateur lui a finalement signifié : "Nous avons décidé de fermer votre compte, c'est une décision commerciale". C'est tout. Sans autre explication.
Lorsque j'ai été arrêté et inculpé d'espionnage en 2012 après avoir dénoncé le programme de torture de la C.I.A., j'ai accepté que le ciel me tombe sur la tête. Mes amis ont pris leurs distances. Même des proches m'ont dit qu'ils ne voulaient plus rien avoir à faire avec moi. Et comme si je n'avais pas assez de problèmes, comme le fait de risquer 45 ans de prison, plusieurs autres épreuves auxquelles je ne m'attendais pas se sont ajoutées à la liste.
Tout d'abord, l'USAA [United Services Automobile Association est une entreprise de services financiers aux États-Unis qui offre notamment des services aux membres des forces armées américains], avec laquelle je faisais affaire depuis 22 ans, a annulé mon assurance automobile, mon assurance habitation et ma carte de crédit. Lorsque j'ai appelé pour demander ce qui se passait, on m'a répondu directement et clairement : "Nous ne faisons pas affaire avec des criminels". Et ce, bien que je n'aie pas encore été condamné pour quelque crime que ce soit.
À partir de là, la situation n'a fait qu'empirer. La Bank of America a fermé mon compte courant sans préavis, et m'a envoyé le solde par la poste. Pourquoi ? Parce qu'elle ne fait pas non plus affaire avec des criminels.
Mes seuls vrais amis restés fidèles se sont regroupés dans les semaines qui ont suivi mon arrestation pour mettre en place un fonds de défense. Ils ont collecté des dons via GoFundMe et ont essayé d'ouvrir un compte bancaire pour y déposer l'argent. Ils se sont heurtés au refus de Wells Fargo, de United Bank, de M&T et de toutes les autres banques auxquelles ils se sont adressés.
Pourquoi ? Parce qu'elles ne font pas affaire avec des criminels. Ils ont finalement été autorisés à ouvrir un compte auprès d'une coopérative de crédit locale qui n'avait jamais entendu parler de moi et qui, apparemment, ne se souciait pas de faire des affaires avec des "criminels" pas encore condamnés.
Un système opaque
Je n'ai bénéficié d'aucun traitement de faveur en 2012. Ce n'est pas comme si le système bancaire national s'en prenait à moi personnellement. Ce genre de choses arrive sans cesse à des citoyens de toute l'Amérique. Mais le système est opaque, il ne répond visiblement à personne, et il semble qu'il n'y ait pas grand recours si cela vous arrive.
L'année dernière, Christina Blanton, de Chicago, cliente de la Bank of America depuis 17 ans, a vu son compte suspendu. Après avoir obtenu un numéro vert de la banque, un opérateur lui a finalement dit simplement : "Nous avons décidé de fermer votre compte". Un responsable de la banque avec lequel elle s'est entretenue lui a ensuite dit : "C'est une décision commerciale". C'est tout. Sans autre explication.
Pour ne rien arranger, Mme Blanton devait subir une intervention chirurgicale pour un cancer de la thyroïde. La banque a non seulement clôturé son compte, mais elle a également confisqué l'argent qui s'y trouvait. Ce n'est que lorsque la banque a été contactée par une chaîne d'information locale qu'elle a restitué l'argent à Mme Blanton. Les responsables de la banque n'ont jamais présenté d'excuses. Et ils ne lui ont jamais remboursé les trois mois de frais de gestion qu'ils lui avaient facturés pour avoir eu un "compte inactif" pendant que son compte était gelé.
Naafeh Dhillon était étudiant à l'université de New York en 2013. Lorsqu'il a quitté son Pakistan natal pour s'installer à New York, il a ouvert un compte courant à la Chase Bank. Il a également demandé et obtenu une carte de crédit. Mais un soir, alors qu'il était sorti avec un ami, Chase a fermé son compte courant, confisqué l'argent et annulé sa carte de crédit, sans aucun préavis. Il n'y a pas eu d'avertissement ou de signal d'alarme. Et il n'a reçu aucune explication. Il a fini par récupérer son argent, mais la banque ne lui a jamais permis de rouvrir son compte ou d'en ouvrir un nouveau.
Au nom de la "sécurité nationale”.
Il s'avère que les banques ont légalement le droit d'agir de la sorte. Tout cela au nom de la "sécurité nationale". La loi oblige les banques à signaler toute activité des déposants qu'elles jugent "suspecte ou potentiellement illégale".
Les banques doivent déposer un "rapport d'activité suspecte" auprès du département du Trésor, indiquant qu'elles pensent avoir repéré une activité suspecte. Si elles ne le font pas, elles s'exposent à toutes sortes de sanctions fédérales.
Selon une étude réalisée en 2018 par le Bank Policy Institute, seuls 4 % des 1,4 million de rapports d'"activité suspecte" déposés par les banques en 2021 ont fait l'objet d'un suivi de la part des autorités chargées de l'application de la loi. Et très, très peu d'entre elles ont révélé une réelle activité criminelle.
En fin de compte, il semble que les banques se plient en quatre pour s'assurer qu'elles sont en conformité avec la loi fédérale, qu'elles évitent les criminels, ou même les criminels présumés, et qu'à l'occasion, des personnes innocentes se retrouvent piégées par cette politique.
Mais ce n'est tout simplement pas vrai.
Pourquoi, par exemple, un avocat des îles Vierges américaines accuse-t-il JPMorgan Chase d'avoir transféré plus de 1,1 million de dollars de paiements du pédophile condamné Jeffrey Epstein à des "filles ou des femmes" pendant des années après que les dirigeants de la banque eurent déclaré qu'ils n'étaient plus clients d'Epstein ? Si tel est le cas, où se trouvent ses rapports d'activités suspectes ? Réponse : les banques appliquent la loi fédérale de manière discriminatoire.
Il existe une solution simple à tout cela. Cela s'appelle la réglementation. Tout d'abord, à moins qu'une personne ne soit reconnue coupable d'un crime financier grave ou d'une fraude bancaire, la banque n'a aucune raison de clôturer le compte et de rompre la relation avec le client. Il devrait leur être interdit de le faire. Deuxièmement, il faut contrôler les retombées des déclarations d'activités suspectes.
C'est une chose qu'un bureaucrate sans nom et sans visage décrète : "Hé, ce type vient de recevoir un virement de 10 000 dollars en provenance du Yémen". C'en est une autre de léser arbitrairement un citoyen innocent. Le Congrès doit intervenir et réparer cette erreur.
* John Kiriakou est un ancien agent de la C.I.A. chargé de la lutte contre le terrorisme et un ancien enquêteur principal de la commission sénatoriale des affaires étrangères. John est devenu le sixième dénonciateur inculpé par l'administration Obama en vertu de la loi sur l'espionnage (Espionage Act), une loi conçue pour punir les espions. Il a purgé une peine de 23 mois de prison pour avoir tenté de s'opposer au programme de torture de l'administration Bush.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de Consortium News.
https://consortiumnews.com/2023/08/28/john-kiriakou-banks-felons-jeffrey-epstein/