👁🗨 John Kiriakou: Voyage à Cuba
Rarement j'ai eu les yeux plus ouverts, rarement j'ai été autant inspiré, comme lors de ce voyage à Cuba. Allez à Cuba. Découvrez sa culture, sa musique, sa poésie et son histoire.
👁🗨 Voyage à Cuba
Par John Kiriakou* / Original to ScheerPost, le 24 février 2023
J'ai eu la chance de pouvoir me rendre à Cuba il y a une semaine dans le cadre d'une délégation d'auteurs, de poètes et d'écrivains américains pour participer au 31e Festival international annuel du Livre. Les Cubains ont intégré mon premier livre, The Reluctant Spy : My Secret Life in the CIA's War on Terror, dans la collection permanente de la bibliothèque nationale de Cuba, et une petite cérémonie a eu lieu pour commémorer cet événement.
J'ai ressenti diverses impressions lors de ce premier voyage à Cuba. J'ai passé la majeure partie de ma carrière à la CIA, au sein du personnel de la commission des affaires étrangères du Sénat à vivre ou à travailler au Moyen-Orient, et je ne connais pratiquement pas l'Amérique latine. J'ai trouvé les Cubains très amicaux et profondément fiers. J'ai rencontré de nombreux intellectuels, poètes, artistes, professeurs et professionnels de la santé. Il n'était pas rare de voir un groupe de personnes assises dans un café, buvant du café et discutant littérature, culture afro-caribéenne, musique et même études féminines. Le système éducatif est très performant à Cuba, et pratiquement tout le monde ici a reçu une formation en littérature et en histoire, ainsi qu'une solide formation en sciences et en mathématiques.
Un autre aspect frappant pour moi, presque immédiatement, a été la pauvreté du pays. L'embargo américain a causé d'énormes dégâts à Cuba et au peuple cubain. Mais les Cubains sont très résistants. Au cours des 61 dernières années, ils ont appris à s'en sortir. Ils ne tolèrent pas la pression des États-Unis, de la Chine, des Russes ou de qui que ce soit d'autre. Ils sont farouchement indépendants. Ils préfèrent se passer d'aide plutôt que de s'entendre dire ce qu'ils doivent faire.
Dès que je suis sorti de l'aéroport international Jose Marti, j'ai vu partout des voitures des années 50. J'avais l'impression d'être sur un plateau de tournage. Le premier jour, j'ai vu au moins cinq Chevrolet 57, ainsi que des Cadillac, des Plymouth et des Dodge. J'ai vu trois Ford des années 40. L'histoire que racontent les Cubains est que, lorsque La Havane est tombée aux mains de Castro en 1959, les propriétaires des voitures se sont enfuis à Miami, pensant qu'ils reviendraient quelques mois plus tard pour récupérer leurs biens. Mais ils ne sont jamais revenus. Les voitures, les maisons et les biens ont tous été abandonnés. Et à cause de l'embargo, on ne trouve pas de pièces de rechange. Comme je l'ai dit, les Cubains sont incroyablement débrouillards. Lorsqu'une de ces voitures tombe en panne, ils fabriquent de nouvelles pièces à partir de rien, ils modifient des pièces conçues pour d'autres véhicules, ou ils cannibalisent d'autres voitures.
L'embargo a des coûts bien plus conséquents que le simple manque de pièces détachées pour voitures. Rien n'est disponible pour les infrastructures. Tuyaux, câbles, outils, fournitures médicales, etc. Tout est bloqué. J'ai appris un soir, lors d'un dîner, que les Cubains ne peuvent même pas se procurer de bougies d'anniversaire. Une femme au restaurant fêtait son anniversaire. Comme il n'y a pas de bougies d'anniversaire dans le pays, son mari a tenu son briquet au-dessus du gâteau, et elle l'a soufflé après que tous les clients aient chanté "Happy Birthday".
Voyez les choses ainsi : les scientifiques cubains ont inventé cinq vaccins différents, y compris un vaccin contre le cancer du poumon, qui sauvent des vies dans le monde entier, mais à cause du blocus, ils n'ont pas accès aux seringues pour leur propre peuple.
Un autre soir, après le dîner, notre groupe rentrait à l'hôtel en voiture quand nous avons remarqué que le quartier que nous traversions était totalement plongé dans le noir. " C'est normal ", a dit notre guide touristique Gustavo. Des coupures de courant se produisent dans tout le pays littéralement tous les jours. Il n'y a tout simplement pas assez de pièces de rechange pour maintenir le réseau électrique en bon état de fonctionnement. Bien que les pannes soient quotidiennes, elles ne durent que deux ou trois heures et les gens y sont habitués. La résilience, voilà le nom du jeu.
Un autre point marquant de mon séjour à Cuba, c'est que la nourriture est épouvantable. En fait, je me réjouissais vraiment à l'idée d'y manger. Mais c'est abominable. Les choix sont limités - encore une fois, à cause de l'embargo. Il y a toujours du porc, du poulet et du poisson, mais la qualité n'est pas à la hauteur des normes américaines. Je n'ai jamais vu de bœuf. Beaucoup de riz. Mais les haricots sont rares, tout comme les pâtes. Les courges et les tomates sont de saison en ce moment, donc on en trouve à chaque repas. Voilà tout.
Gustavo, le guide, a expliqué que puisque les États-Unis interdisent littéralement tout commerce entre les deux pays, y compris la nourriture, les Cubains mangent ce qu'ils peuvent élever ou cultiver. Par conséquent, il n'y a pas beaucoup de choix lorsque vous allez au restaurant. Vous prenez ce qu'il y a. De nombreux restaurants ne proposent même pas de menu. Vous prenez ce qu'ils ont pu obtenir le matin même. Un jour ce sera du poulet, un autre du poisson, et encore un autre du porc. Le riz est omniprésent, tout comme les fruits, mais même l'eau en bouteille est rare.
Un après-midi, j'ai remarqué de longues files d'attente devant une épicerie. Gustavo a dit que cela aussi était normal. Tout est rationné à cause de la pénurie. Aujourd'hui, il y aura peut-être du poulet, disait-il, mais demain, ce sera de la lessive. Le lendemain, peut-être de l'huile de table, et le surlendemain de la farine et des œufs. Là encore, vous prenez ce qu'on vous donne.
Rien de tout cela n'a semblé avoir beaucoup d'effet sur la psyché cubaine. Je suppose que ce que vous n'avez jamais eu ne peut pas vous manquer. Alors au lieu de se complaire dans leur propre misère, les Cubains se concentrent sur les choses qu'ils peuvent contrôler. Les enfants, comme je l'ai dit, sont très bien éduqués. On leur offre de nombreuses possibilités d'activité physique, ils jouent au baseball et étudient la littérature, les mathématiques, les sciences et l'histoire. Chaque enfant cubain est encouragé à aller à l'université et à étudier ce qui l'intéresse. Mais la médecine est le domaine le plus valorisé. J'ai vu une douzaine de panneaux d'affichage louant et félicitant les médecins et les infirmières cubains partis à l'étranger pour aider à combattre le Covid, pour soigner les pauvres et pour venir en aide aux systèmes médicaux débordés d'autres pays. "Nous sommes fiers de vous", disaient les panneaux. "Vous aussi, soyez fiers de vous."
J'ai passé une matinée au centre Fidel Castro. Il s'agit d'une ancienne demeure coloniale reconvertie en quelque chose qui ressemble à une bibliothèque présidentielle en l'honneur de Fidel. L'une des choses que j'ai apprises est que Fidel a exigé dans son testament que rien ne porte son nom. Il ne voulait pas que son nom soit inscrit sur des monuments ou des mémoriaux, ni que des rues, des écoles, des aéroports ou quoi que ce soit d'autre portent son nom. Le Centre Fidel Castro est la seule exception, et illustre ainsi sa modestie. Par ailleurs, vous ne trouverez nulle part dans le pays de statues en l'honneur de Fidel, de son frère Raul ou de Che Guevara. Fidel disait qu'il ne voulait pas que sa personnalité détourne le sens de la révolution. La révolution, disait-il, était une affaire de socialisme, pas de personnes. Néanmoins, les Cubains le citent, l'aiment et l'honorent en parlant de manière convaincante et approfondie de la révolution et de ce que Castro voulait accomplir pour le pays.
Un autre après-midi, je suis passé dans la vieille ville de La Havane, le centre fondé par les Espagnols au début du XVIe siècle. L'effervescence qui y règne est indéniable. Il n'y a pas beaucoup de magasins ; rappelez-vous, à cause de l'embargo, il n'y a vraiment rien à acheter. Mais les places, plazas et rues sont d'une propreté irréprochable et portent des noms d'artistes, de poètes, d'écrivains et de héros de la révolution de 1895 - pas celle de la révolution socialiste, mais celle de la lutte contre les Espagnols. Les Cubains sont extraordinairement fiers de leur histoire, de leur indépendance et de leur place dans le monde.
Dès notre deuxième jour à La Havane, nous avons rencontré le vice-président de Cuba et directeur de l'Union des écrivains et des artistes (UNEAC), Pedro Rivas, et le directeur de la Fondation Nicolas Guillen, Nicolas Guillen II. Nicolas Guillen a été le fondateur et premier président de l'UNEAC, ainsi que le premier poète lauréat de Cuba. Le responsable cubain de la lutte contre le racisme et l'ancien ambassadeur de Cuba en Angola ont également participé à la conversation, qui portait sur le racisme à Cuba. Ce qui est intéressant, du moins pour moi, c'est que je n'avais vraiment pas conscience de l'existence du racisme à Cuba. J'ai appris que ce que les Cubains appellent "racisme" n'a rien à voir avec la définition américaine.
Le gouvernement cubain est une bureaucratie lente, comme tous les autres gouvernements. Très, très peu de Cubains sont strictement blancs ou strictement noirs, et tout le monde utilise librement le terme "mulâtre", un terme destiné à décrire les personnes de race mixte, tombé en désuétude aux États-Unis il y a des années. Alors que la plupart des Cubains sont mariés entre eux et que tous ont le teint brun ou olivâtre, pour une raison quelconque, le recensement cubain, les écoles cubaines et les demandes d'emploi demandent toujours la race, qui est toujours indiquée comme "blanc", "noir" ou "mulâtre". Il n'y a aucune distinction entre les autochtones et les mulâtres ou entre les Noirs d'origine africaine, afro-caribéenne ou afro-sud-américaine. Le problème n'est donc pas de discriminer qui que ce soit. Le problème vient des formulaires administratifs qui sollicitent encore le critère de la race ! Et les Cubains rencontrés en sont toujours aussi outrés.
Le même jour, nous sommes allés voir la maison d'Ernest Hemingway, Finca Vigia ["La maison du guetteur"], dans la ville de San Francisco de Paula, à l'ouest de La Havane. L'endroit était absolument fascinant. C'est ici qu'Hemingway a écrit ses romans les plus emblématiques, dans une chambre située au dernier étage d'une tour qu'il a construite en 1946 pour surplomber la ville de La Havane et la baie de La Havane.
Aussi talentueux qu'il ait pu être, Hemingway n’en était pas moins instable. Son alcoolisme et sa violence domestique étaient légendaires. Hemingway n'a rencontré Fidel Castro qu'une seule fois, bien après le début de la révolution, mais juste avant que Fidel ne consolide son contrôle sur La Havane. Ils se seraient entendus à merveille lors de cette rencontre. Mais Hemingway est rapidement parti aux États-Unis pour passer ce qui devait devenir une année à la Mayo Clinic pour un cancer, une insuffisance hépatique, une dépression et d'autres effets d'une vie d'alcoolisme. Pendant cette année à la clinique Mayo, il est retourné dans sa maison de vacances à Sun Valley, dans l'Idaho, où, tôt un matin, il a s’est enfoncé dans la bouche le canon de son fusil et s'est littéralement fait sauter la tête. La quatrième épouse d'Hemingway est retournée à Cuba, où elle a de nouveau rencontré Fidel. Elle a fait don de la bien aimée demeure d'Hemingway au peuple cubain, ainsi que tout son contenu, à l'exception de quelques manuscrits inachevés. Elle a offert les deux voitures d'Hemingway aux deux gouvernantes, et le célèbre yacht de pêche d'Hemingway, le Pilar, au capitaine du bateau. On peut voir le bateau, la piscine, la tour et les tombes des quatre chiens d'Hemingway, Black, Negrita, Neron et Linda, dans la propriété, et on peut jeter un coup d'œil par les portes ouvertes de la maison. Le bâtiment est ouvert depuis 1962 en tant que musée et centre de recherche.
Le quatrième jour, notre groupe a assisté à la 31e foire internationale du Livre, qui était en fait la raison de notre voyage. Je voudrais mettre cette foire du Livre en perspective. Tout d'abord, l'événement est absolument colossal. Les autorités y ont accueilli un million de Cubains, soit 9 % de la population totale. (Il y avait des dizaines de milliers de personnes à l'intérieur du fort espagnol du XVIe siècle où elle se déroulait, et des dizaines de milliers d'autres faisaient la queue pour y entrer. Pour des livres ! Des centaines d'éditeurs de tous les pays d'Amérique latine étaient représentés, ainsi que d'Espagne, d'Australie, d'Autriche, de Chine, d'Iran, d'Angola et même du Sahara occidental. Il y avait très, très peu de livres sur Fidel Castro, mais plus que je ne pourrais en compter sur Jose Marti, le père du Cuba moderne, et sur la CIA. J'ai vu des livres en anglais et en espagnol intitulés "The CIA's Crimes Against Cuba" et "Operation Condor : The CIA's Crimes Against the Cuban People", entre autres.
Voir tous ces livres m'a donné envie de me rendre au Musée de la divulgation historique. Un nom sympa, non ? Il s'agit d'un nouveau musée situé en face de l'ambassade du Maroc, dans le quartier de Mira Mare à La Havane, qui se consacre à la préservation des preuves des crimes américains commis lors de l'invasion de la baie des Cochons, au cours de laquelle un groupe de mercenaires cubains formés par la CIA a tenté d'envahir l'île pour renverser Fidel et mettre fin à la révolution à peine engagée. L'invasion a été un désastre pour les États-Unis. John F. Kennedy a déclaré que l'approuver était la plus grosse erreur qu'il ait jamais commise. Et une chose dont le peuple cubain est très, très fier, c'est que Cuba a poursuivi les États-Unis après la baie des Cochons. Bien que les États-Unis n'aient jamais reconnu leur culpabilité, ils ont dû verser des millions de dollars de compensation à Cuba. Fidel a déclaré plus tard : "Je me fiche des excuses. L'argent, ce sont les excuses. C'est la première fois que les Américains ont dû payer pour leurs crimes."
Lorsque j'étais l'enquêteur principal de la commission sénatoriale des affaires étrangères (2009-2011), sous la présidence de John Kerry, alors sénateur, j'ai été chargé de réaliser une étude sur les organes de propagande anti-Cuba des États-Unis, Radio Marti et TV Marti, afin de déterminer s'ils étaient rentables et nécessaires. Ces stations émettent depuis Key West, en Floride, et sont presque universellement inefficaces. Les Cubains brouillent certains des signaux et, personne n'écoute ceux qui parviennent jusqu'à Cuba, sauf si des matchs de baseball sont diffusés en espagnol. Une des choses que j'ai apprises au cours de ce voyage, c'est que tous les Cubains peuvent capter les stations de radio de Miami à peu près tout le temps. Les stations de radio de tout le territoire américain sont audibles après le coucher du soleil. Il n'y a aucune raison de dépenser l'argent des contribuables américains pour une propagande inefficace et inutile.
En ce qui concerne la télévision, il existe plusieurs stations locales cubaines qui sont amplifiées de manière à pouvoir être regardées dans toute l'île. Mais les Cubains ont aussi la télévision câblée, et le câble diffuse à peu près tout, y compris CNN, HLN, BBC, MTV, toutes les chaînes ESPN, Nickelodeon, Cartoon Network, Disney Channel, et des chaînes du Mexique, du Venezuela, de France, d'Italie, de Russie et de Chine. Le jour de mon arrivée, j'ai pu regarder le discours du président Biden sur l'état de l'Union, en temps réel, avec des sous-titres en espagnol.
En outre, l'accès à Internet à Cuba est omniprésent. On m'a dit que le réseau est bien meilleur qu'il ne l'était il y a seulement trois ans. Il n'y a pas de coupures sur les sites d'information. J'ai lu le Washington Post, le New York Times et le Wall Street Journal tous les matins sans problème, en plus des sites de médias alternatifs que je lis habituellement. Ne croyez pas ce que vous entendez par ailleurs sur la "censure cubaine". C'est un mensonge.
J'ai également appris autre chose sur Cuba, qui m'a à la fois surpris et intéressé. Le gouvernement cubain permet à des étudiants du monde entier de faire des études de médecine à Cuba tout à fait gratuitement, à condition qu'ils promettent de servir les communautés pauvres de leur pays une fois diplômés. Chaque étudiant originaire d'un pays non hispanophone doit d'abord étudier l'espagnol pendant un an, puis entrer à l'école de médecine. Les étudiants actuellement formés viennent du Maroc, de Palestine, d'Haïti, de Djibouti, du Honduras, de la République dominicaine, du Mexique, de Russie, de Chine, de Colombie, du Venezuela et de toute l'Afrique. Il y a même cinq étudiants américains.
Le cinquième jour, à Cuba, j'étais assis avec l'une de mes collègues participantes au petit-déjeuner lorsqu'elle a dit qu'elle ne se sentait pas bien. Elle avait le visage un peu rougi et a dit qu'elle pensait avoir de la fièvre. Elle m'a dit qu'elle ne participerait pas aux activités prévues pour la journée et qu'elle resterait à l'hôtel. En début d'après-midi, la fièvre étant montée en flèche, son mari l'a emmenée à l'hôpital local. Là, on lui a diagnostiqué une dengue due à une piqûre de moustique. La dengue étant endémique à Cuba, les professionnels de la santé savent comment y faire face. On lui a fait une injection, posé une perfusion et donné des médicaments à emporter à l'hôtel.
Son mari m'a dit plus tard qu'au bout de quelques heures, elle se sentait mieux, et le lendemain, elle avait presque entièrement récupéré. Le problème, cependant, se posait à l'hôpital. Comme elle n'est pas citoyenne cubaine, les soins sont payants. Elle devait payer 130 dollars pour son traitement. Un prix défiant toute concurrence. L'hôpital ne prend que les cartes de crédit, les patients ne pouvant pas payer en espèces. Mais à cause de l'embargo, les cartes de crédit américaines ne fonctionnent pas à Cuba. Pas plus que Paypal, Zelle, Venmo, CashApp ou tout autre service de transfert d'argent. De plus, vous ne pouvez même pas accéder à votre compte bancaire américain en ligne depuis Cuba. Le gouvernement américain oblige les fournisseurs d'accès à Internet à bloquer les sites pour quiconque tente d'y accéder depuis Cuba. Cela a pris des heures, mais ma collègue a finalement pu payer l'hôpital après avoir l’intervention personnelle du ministre de la Santé. Cela a pris la journée entière.
Je suis sûr que la plupart d'entre nous sont allés à l'hôpital pour être soignés à un moment ou à un autre de leur vie. Lorsque vous quittez l'hôpital, on vous remet normalement un imprimé contenant des instructions pour votre retour à la maison. Buvez beaucoup de liquide, prenez vos médicaments à temps, etc. Eh bien, à cause de l'embargo, il n'y a plus assez de papier. Le médecin a dû rédiger les consignes à la main au dos d'une enveloppe. Les cartouches d'imprimante étant de toute façon en pénurie, essayer d'imprimer les instructions aurait été vain même s'il y avait eu du papier. Encore une réalité de la vie quotidienne des Cubains.
Lorsque j'étais en poste à Bahreïn au milieu des années 1990, une partie de mon travail de responsable des questions financières à l'ambassade américaine consistait à faire pression sur le gouvernement bahreïni pour qu'il renonce à sa participation à l'embargo arabe contre Israël. À l'époque, les pays arabes ne voulaient faire affaire avec aucune entreprise israélienne. C'est ce qu'on nomme l'embargo primaire. Nous travaillions contre les embargos secondaires et tertiaires. L'embargo secondaire consistait à empêcher les pays arabes de faire des affaires avec des entreprises faisant affaire avec Israël. (C'est pour cela qu'il n'y avait pas de Pepsi à Bahreïn, par exemple.) L'embargo tertiaire, en revanche, consistait à empêcher les pays arabes de faire des affaires avec toute entreprise faisant des affaires avec une autre entreprise faisant elle-même affaire avec Israël. C'était aussi strict que cela. Et le gouvernement américain s'y est opposé à 100 %.
Mais c'est pourtant exactement ce que nous infligeons à Cuba. J'ai demandé à plusieurs de nos hôtes cubains pourquoi ils ne font pas simplement du commerce avec le Canada, l'Espagne, le Royaume-Uni ou d'autres pays occidentaux. Ils m'ont répondu que la politique américaine en matière d'embargo consiste à sanctionner les pays et les entreprises faisant des affaires avec Cuba aux niveaux secondaire et tertiaire. Notre hypocrisie en matière de politique étrangère ne pouvait pas être plus évidente. Exaspérant !
Cuba est à 45 minutes de vol de Miami. American Airlines la dessert six fois par jour. Je vous invite tous à faire le voyage, si vous le pouvez. J'ai visité 70 pays dans le monde. Mais rarement j'ai eu les yeux plus ouverts, rarement j'ai été autant inspiré, comme lors de ce voyage à Cuba. Allez à Cuba. Découvrez sa culture, sa musique, sa poésie et son histoire. Apprenez comment vit le peuple cubain et voyez à quel point il est résilient.
Notre gouvernement a tout simplement tort en ce qui concerne Cuba. Nous bénéficierions de relations diplomatiques exhaustives immédiates, de relations de travail étroites avec le gouvernement et le peuple cubains. Les Cubains aiment les Américains. Presque tout le monde dans le pays, littéralement, a un parent qui vit et travaille aux États-Unis. Cela demandera beaucoup de travail, mais c'est possible. Et nous nous en porterions tous bien mieux.
* John Kiriakou est un ancien agent de la CIA chargé de la lutte contre le terrorisme et un ancien enquêteur principal de la commission sénatoriale des affaires étrangères. John est devenu le sixième dénonciateur inculpé par l'administration Obama en vertu de l'Espionage Act - une loi conçue pour punir les espions. Il a purgé 23 mois de prison suite à ses tentatives de s'opposer au programme de torture de l'administration Bush.
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