đâđš John Shipton, le combat dâun pĂšre pour faire libĂ©rer Julian Assange
New York, Paris, Berlin, Melbourne, GenĂšve, M. Shipton a jurĂ© de ne jamais cesser son combat. Un dernier appel doit ĂȘtre examinĂ© les 20 & 21 fĂ©vrier Ă Londres. Un rejet peut dĂ©clencher lâextradition.
đâđš John Shipton, le combat dâun pĂšre pour faire libĂ©rer Julian Assange
Par Vadim Kamenka, le 16 février 2024
Traits tirĂ©s, barbe blanche, John Shipton enchaĂźne les dĂ©placements dans un seul but : faire libĂ©rer son fils, Julian Assange. Assez discret durant les sept annĂ©es dâasile Ă lâambassade dâĂquateur, lâarrestation du fondateur de WikiLeaks en avril 2019 par la police britanniquepousse cet ancien architecte Ă sortir du silence.
«Julian ne peut plus parler pour se dĂ©fendre. Câest Ă sa famille et ses amis de parler pour lui. Je suis devenu un de ses ambassadeurs partout oĂč je vais afin dâobtenir sa libĂ©ration», explique John Shipton.
DĂšs les premiĂšres minutes dâincarcĂ©ration de son fils, les Ătats-Unis adressent une demande dâextradition visant lâAustralien de 52 ans pour violation de la loi relative Ă lâespionnage, pour laquelle il risque cent soixante-quinze ans de prison. Washington le poursuit sans relĂąche pour la diffusion de 750 000 documents classifiĂ©s, Ă partir de 2010, qui ont rĂ©vĂ©lĂ© des crimes de guerre commis en Irak et en Afghanistan par les armĂ©es amĂ©ricaine et britannique.
Une lutte de tous les jours
Depuis lâAustralie oĂč il rĂ©side, John Shipton nâhĂ©site pas et prend le premier vol direction Londres pour retrouver son fils, qui se trouve dans une cellule de la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh. Cette visite le marque profondĂ©ment. Il y dĂ©couvre le journaliste dans un Ă©tat physique extrĂȘmement dĂ©gradĂ© et de santĂ© mentale inquiĂ©tant.
« Il avait perdu plus de 10 kilos avec une pression psychologique constante. Je lui ai immĂ©diatement promis de revenir rĂ©guliĂšrement tant quâil ne serait pas libre », raconte-t-il.
Ă Belmarsh, Julian Assange demeure dans une petite cellule, 22 heures sur 24, et ne reçoit que deux visites par semaine et un appel tĂ©lĂ©phonique de dix minutes. DâoĂč la colĂšre de John Shipton, qui interpelle les autoritĂ©s britanniques sur le fait de
« mettre en prison un journaliste, sans jugement, dans un Ă©tablissement de sĂ©curitĂ© maximale, Ă lâinstar dâun terroriste ou dâun meurtrier ! Quâa-t-il commis si ce nâest publier des informations dâintĂ©rĂȘt public ? Il sâagit dâune pierre angulaire de la libertĂ© des mĂ©dias, du droit des citoyens et des droits de lâhomme qui fondent nos dĂ©mocraties ».
Les Nations unies ont reconnu et alerté sur une forme de « torture » que constitue sa détention.
Ă 78 ans, il nâa jamais renoncĂ© Ă ce combat. Depuis cinq ans, ce militant antiguerre et progressiste nâa pas mĂ©nagĂ© ses efforts en se rendant partout oĂč il Ă©tait invitĂ©.
« Nous avons visitĂ© plus dâune cinquantaine de pays pour donner des confĂ©rences aux Ătats-Unis, en Grande-Bretagne, en Europe, en AmĂ©rique latine avec sa femme, Stella, ou son demi-frĂšre, Gabriel. Nous avons Ă©galement visitĂ© diverses institutions comme le Haut-Commissariat des Nations unies, le Parlement europĂ©en, le Conseil de lâEurope et plusieurs Parlements, comme lâAssemblĂ©e nationale Ă Paris ».
Dans cette lutte constante, le regret demeure de devoir laisser sa fille Ă Melbourne.
Un épilogue le 21 février
Ce soutien remonte Ă prĂšs de vingt ans, lorsque Julian Assange, Ă©tudiant, sâinstalle Ă Newtown chez son pĂšre. Plus tard, ils entretiennent de longs Ă©changes sur la crĂ©ation de WikiLeaks, et lâadresse de la sociĂ©tĂ© a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e sous le nom de Shipton.
Malgré tout, ce combat sans relùche a un coût financier qui a poussé John à vendre sa maison de Newtown, faute de liquidités, et à compter sur les dons des particuliers, la vente de livres.
« AprÚs tout, cette procédure symbolise un bras de fer international entre un homme et un empire sur la liberté de la presse », résume-t-il.
LâĂ©pilogue de lâaffaire Assange pourrait se jouer les 20 et 21 fĂ©vrier. La Haute Cour de justice britannique examinera durant ces deux jours la recevabilitĂ© de lâultime appel du journaliste au Royaume-Uni pour empĂȘcher son extradition vers les Ătats-Unis.
« à lâissue de ces deux jours dâaudience, ou bien les deux juges autorisent le fondateur de WikiLeaks Ă prĂ©senter formellement cet appel ou bien ils le lui refusent. Dans ce cas de figure, le journaliste australien pourrait ĂȘtre extradĂ© dans la foulĂ©e par Washington. On aura la possibilitĂ© de prĂ©senter un recours auprĂšs de la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH) mais celui-ci ne sera pas suspensif. Il appartiendra au Royaume-Uni de prendre en considĂ©ration cette dĂ©cision car rien ne lây contraint », alerte, inquiet, John Shipton.