đâđš John Shipton : l'extradition est proche, mais il reste de l'espoir.
"EmpĂȘcher Julian de faire appel Ă la Cour europĂ©enne des droits de l'homme serait un scandale de plus. Je crois que dans chaque cĆur humain, il y a une faim de justice, et un dĂ©goĂ»t de l'injustice."
đâđš John Shipton : l'extradition est proche, mais il reste de l'espoir.
Par Jamil El Sadi, le 21 septembre 2023 - English version below
empĂȘcher Julian de faire appel devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme. Ou plus exactement, il s'agirait d'un "scandale" de plus.â
âSous une forme ou une autre, Julian entre dans sa 15e annĂ©e de dĂ©tention, donc il ne va pas trĂšs bien. Et l'extradition vers les Ătats-Unis semble ĂȘtre trĂšs proche, ce qui ne fait qu'empirer les choses.â John Shipton, pĂšre de l'Ă©diteur australien Julian Assange, fondateur de Wikileaks, s'exprime ainsi dans une interview accordĂ©e Ă Riccardo Ongaro pour âL'Indipendenteâ. Ceux qui ont eu la chance de rencontrer John se sont trouvĂ©s face Ă une personne Ă l'Ăąme bienveillante et au cĆur immense. Un homme humble, placide, patient, mais Ă©galement combatif. Chaque jour, depuis des annĂ©es, il se dĂ©pense sans compter pour raconter Ă des milliers de personnes Ă travers le monde l'histoire de son fils et la persĂ©cution judiciaire qui le mine depuis des annĂ©es. Julian risque d'ĂȘtre extradĂ© vers les Ătats-Unis. Il fait l'objet de 17 chefs d'accusation, totalisant environ 175 ans de prison, pour avoir rĂ©vĂ©lĂ©, entre autres, les crimes contre l'humanitĂ© commis par l'Occident en Afghanistan et en Irak pendant les soi-disant âguerres contre le terrorismeâ menĂ©es par les Ătats-Unis. Les Ătats-Unis veulent le juger et le condamner pour conspiration et espionnage. Le tout en vertu des dispositions de l'Espionage Act de 1917, qui punit notamment l'ingĂ©rence dans les relations internationales et commerciales des Ătats-Unis et les activitĂ©s d'espionnage. La âfauteâ d'Assange est donc d'avoir pratiquĂ© du journalisme d'investigation, et d'avoir publiĂ© des documents attestant de graves violations des droits de l'homme.
Son pĂšre est un homme sobre, Ă l'attitude positive, mĂȘme si sa vie est tourmentĂ©e depuis des annĂ©es, sans issue apparente.
âJe crois que dans chaque cĆur humain, il y a une faim de justice et un dĂ©goĂ»t de l'injusticeâ, a-t-il dĂ©clarĂ©, âje trouve cela trĂšs encourageant, car le soutien Ă mon fils s'est dĂ©veloppĂ© dans le monde entier Ă un degrĂ© extraordinaire. Aujourd'hui, un tiers du parlement grec et 45 % du parlement australien soutiennent Julian, tout comme des prĂ©sidents. Tous les prĂ©sidents des principaux pays d'AmĂ©rique latine, et tous les EuropĂ©ens, en particulier l'Italie, ont crĂ©Ă© des âgroupes Assangeâ. Des millions de personnes dans le monde entier. Mes impressions se confirment : les gens ont soif de justice. Et cela remonte le moral aux gens en les motivant".
Bien que l'Italie se classe au 41e rang en termes de libertĂ© de la presse (source : FNSI), M. Shipton n'a pas tort lorsqu'il affirme que le âBel Paeseâ suit de prĂšs le procĂšs de Julian Assange. En Italie, en effet, les groupes de soutien sont nombreux.
âJe peux mĂȘme dire que les sĂ©nateurs italiens ont Ă©tĂ© les premiers Ă porter la question de la persĂ©cution de Julian devant le Conseil de l'Europeâ, ajoute-t-il, âet, suite Ă leurs initiatives, le Conseil de l'Europe a publiĂ© une dĂ©claration - ou plutĂŽt deux dĂ©clarations - de soutien Ă mon fils. C'est trĂšs important. C'est un processus qui a dĂ©butĂ© il y a trois ans, et cette dĂ©claration de soutien a Ă©tĂ© rĂ©itĂ©rĂ©e il y a deux ansâ.
Le verdict final de cette histoire n'a pas encore Ă©tĂ© rendu et les dĂ©clarations faites ces derniĂšres semaines par l'ambassadrice amĂ©ricaine en Australie Caroline Kennedy, fille de JFK, au Sydney Morning Herald ont ravivĂ© l'espoir. La diplomate avait laissĂ© entrevoir la possibilitĂ© de conclure un accord de plaidoyer pour permettre au fondateur de WikiLeaks de rentrer en Australie, et de mettre fin Ă sa dĂ©tention dans la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh (Royaume-Uni) oĂč il est incarcĂ©rĂ© depuis 2019.
En Australie, â88 % de la population rĂ©clame le retour de Julianâ, a dĂ©clarĂ© le pĂšre du journaliste, âcinquante parlementaires font partie du groupe âBring Assange Homeâ, et cent autres dĂ©putĂ©s ont appelĂ© Ă la libĂ©ration de mon fils. Une dĂ©lĂ©gation de parlementaires et de sĂ©nateurs est partie pour les Ătats-Unis le 20 septembre afin de demander au gouvernement de permettre Ă Julian de rentrer en Australie. Le Premier ministre et les dirigeants de l'opposition ont publiĂ© des dĂ©clarations de soutien Ă Julian. On peut dire que l'ensemble du systĂšme politique australien, la population, les parlementaires et les institutions, souhaitent le retour de Julian en Australie et la fin de sa persĂ©cutionâ.
Il faudra attendre le mois prochain, quand le Premier ministre australien Anthony Albanese se rendra à Washington, pour savoir si une négociation de peine est envisageable. En attendant, John Shipton sait que Julian Assange a demandé à la High Court du Royaume-Uni de lui accorder son recours, audience et de réexaminer sa situation.
âLa High Court n'a pas encore statuĂ© sur cette questionâ, a-t-il ajoutĂ©. âEn ce qui concerne l'appel devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme, il ne peut avoir lieu que lorsque toutes les autres voies de recours auront Ă©tĂ© Ă©puisĂ©es. Ainsi, si la High Court rejette l'appel, Julian pourra s'adresser Ă la CEDH, et je suis certain que c'est ce qu'il fera. Il y a quelques jours, j'ai lu dans les journaux que le Royaume-Uni envisageait de ne pas autoriser Julian Ă se rendre jusqu'Ă Bruxelles pour dĂ©poser son recours. Je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais il serait scandaleux que le Royaume-Uni empĂȘche ou tente d'empĂȘcher Julian de faire appel devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme. Ou plus exactement, il s'agirait d'un "scandale" de plus.â
John Shipton est Ă©galement grand-pĂšre. Les petits-enfants Gabriel et Max âs'ennuient de leur pĂšre mĂȘme s'ils en ont l'habitudeâ. Une situation compliquĂ©e oĂč il tente, en tant que grand-pĂšre, de les distraire en racontant des histoires idiotes pour que l'attention des petits ne se focalise pas sur leur pĂšre et son Ă©tat de santĂ©, car c'est ce dernier qui est le plus prĂ©occupant dans cette affaire.
âLe rapporteur des Nations unies sur la torture, le professeur Melzer, a dĂ©crit la calomnie, le lynchage, les mensonges, les scandales impitoyables, la malveillance, la violation des procĂ©dures rĂ©guliĂšres, la dĂ©gradation des droits de l'homme dont Julian a Ă©tĂ© victime comme une forme de torture, de torture psychologique", a soulignĂ© John Shipton, qui a ajoutĂ© que âtoute torture, physique ou mentale, ne vise pas seulement Ă faire mal, mais aussi Ă vous faire perdre la tĂȘte pour vous amener Ă rĂ©vĂ©ler des choses ou Ă changer d'avis. N'oubliez pas que le traitement de Julian a Ă©tĂ© qualifiĂ© de torture psychologique dans l'Ă©valuation finale de 26 pages de Melzer, rapport qui a ensuite Ă©tĂ© soumis Ă l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, oĂč il a Ă©tĂ© approuvĂ©.â
Il dĂ©crit cela comme ââun meurtre au ralenti, sous nos yeuxâ. Je ne saurais dire plus catĂ©goriquement que nous avons assistĂ© et que nous assistons Ă une persĂ©cution abusive de la part du Royaume-Uni, des Ătats-Unis et, prĂ©cĂ©demment, de la SuĂšde, qui cherchent Ă tuer quelqu'un en violant ses droits fondamentaux et en ignorant les procĂ©dures rĂ©guliĂšres".
Le temps est venu oĂč la sociĂ©tĂ© civile doit mobiliser ses forces en manifestant dans les rues et dans les lieux institutionnels pour forcer les politiques Ă s'exprimer en faveur d'Assange.
L'espoir demeure en John, car comme l'a Ă©crit Dante dans le dernier vers de l'Enfer :
âEt puis nous sommes sortis pour revoir les Ă©toiles.â
đâđš John Shipton: extradition is imminent, but there is still hope.
By Jamil El Sadi, September 21, 2023
"In one form or another, Julian is entering his 15th year of detention, so he's not doing very well. And extradition to the US seems to be very close, which only makes things worse." John Shipton, father of Australian publisher Julian Assange, founder of Wikileaks, put it this way in an interview with Riccardo Ongaro for "L'Indipendente". Those lucky enough to have met John found themselves face to face with a person with a kind soul and a huge heart. A humble man, placid, patient, but also combative. Every day, for years, he has worked tirelessly to tell thousands of people around the world about his son's story and the judicial persecution that has plagued him for years. Julian faces extradition to the United States. He faces 17 charges, totaling around 175 years in prison, for revealing, among other things, the crimes against humanity committed by the West in Afghanistan and Iraq during the so-called "wars against terrorism" waged by the United States. The US wants to try and convict him of conspiracy and espionage. All under the provisions of the Espionage Act of 1917, which punishes, among other things, interference in US international and commercial relations and espionage activities. Assange's "fault" is therefore to have practiced investigative journalism, and to have published documents attesting to serious human rights violations.
Her father is a sober man with a positive attitude, even if his life has been tormented for years, with no apparent way out.
"I believe that in every human heart there is a hunger for justice and a distaste for injustice", he said, "I find this very encouraging, because support for my son has grown worldwide to an extraordinary degree. Today, a third of the Greek parliament and 45% of the Australian parliament support Julian, as do presidents. All the presidents of the major Latin American countries, and all the Europeans, especially Italy, have set up "Assange groups". Millions of people all over the world. My impressions are confirmed: people are thirsting for justice. And it raises people's morale by motivating them".
Although Italy ranks 41st in terms of press freedom (source: FNSI), Mr Shipton is not wrong when he says that the "Bel Paese" is closely following the Julian Assange trial. In Italy, in fact, support groups are numerous.
"I can even say that Italian senators were the first to take the issue of Julian's persecution to the Council of Europe," he adds, "and, following their initiatives, the Council of Europe issued a declaration - or rather two declarations - of support for my son. This is very important. It's a process that began three years ago, and this declaration of support was reiterated two years ago".
The final verdict in this story has yet to be delivered, but statements made in recent weeks by US ambassador to Australia Caroline Kennedy, JFK's daughter, to the Sydney Morning Herald have rekindled hope. The diplomat had hinted at the possibility of a plea deal to allow the WikiLeaks founder to return to Australia, and end his detention in the high-security Belmarsh prison (UK) where he has been incarcerated since 2019.
In Australia, "88% of the population is calling for Julian's return", said the journalist's father, "fifty parliamentarians are part of the 'Bring Assange Home' group, and another hundred MPs have called for my son's release." A delegation of parliamentarians and senators left for the United States on September 20 to ask the government to allow Julian to return to Australia. The Prime Minister and opposition leaders have issued statements of support for Julian. It is fair to say that the entire Australian political system, the public, parliamentarians and institutions, want Julian back in Australia and an end to his persecution."
We'll have to wait until next month, when Australian Prime Minister Anthony Albanese visits Washington, to find out whether a sentence negotiation is on the cards. In the meantime, John Shipton knows that Julian Assange has asked the UK High Court to grant him his appeal, hearing and reviewing his situation.
"The High Court has not yet ruled on this matter," he added. "As far as an appeal to the European Court of Human Rights is concerned, this can only take place once all other avenues of appeal have been exhausted. So, if the High Court rejects the appeal, Julian can go to the ECHR, and I'm sure he will. A few days ago, I read in the papers that the UK was considering not allowing Julian to go all the way to Brussels to lodge his appeal. I don't know if this is true or not, but it would be outrageous if the UK prevented or tried to prevent Julian from appealing to the European Court of Human Rights. Or more accurately, it would be one more 'scandal'."
John Shipton is also a grandfather. Grandchildren Gabriel and Max "miss their father, even though they're used to him". A complicated situation in which he, as a grandfather, tries to distract them by telling silly stories so that the little ones' attention doesn't focus on their father and his state of health, because it's the latter that is most worrying in this case.
"The UN rapporteur on torture, Professor Melzer, has described the slander, the lynching, the lies, the ruthless scandals, the malice, the violation of due process, the degradation of human rights Julian has been subjected to as a form of torture, psychological torture," said John Shipton, who added that "all torture, physical or mental, is not just about hurting, but about making you lose your mind to make you reveal things or change your mind. Don't forget that Julian's treatment was described as psychological torture in Melzer's 26-page final assessment, a report which was then submitted to the UN General Assembly, where it was approved."
He describes it as "'murder in slow motion, before our very eyes'. I cannot say more categorically that we have witnessed and are witnessing abusive persecution by the UK, the US and, previously, Sweden, seeking to kill someone by violating their fundamental rights and ignoring due process."
The time has come for civil society to mobilize its forces by demonstrating in the streets and institutional venues to force politicians to speak out in Assange's favor.
Hope remains in John, for as Dante wrote in the last verse of Inferno:
"And then we went out to see the stars again."