👁🗨 Johnatan Cook: Comment faire de la gauche le porte-voix de l'impérialisme américain ?
Des figures de proue tel George Monbiot du Guardian ont détruit la capacité de la gauche à penser de manière critique, promouvant une analyse de la politique du pouvoir plus politiquement correcte.
👁🗨 Comment faire de la gauche le porte-voix de l'impérialisme américain?
📰 Par Jonathan Cook 🐦@Jonathan_K_Cook, le 27 octobre 2022
L'un des plus gros problèmes de la gauche, alors qu'elle fait face à ce qui semble être une relation de plus en plus précaire de l'humanité avec la planète - de l'urgence climatique à un échange nucléaire potentiel - est que les voix des sirènes continuent de l'attirer vers les rochers de la confusion politique et de l'automutilation.
Et l'une des sirènes les plus fortes de la gauche britannique est l'activiste environnemental George Monbiot.
Monbiot s'est taillé un rôle de figure de proue de la gauche britannique dominante parce qu'il est le seul penseur de grande envergure à avoir droit à une tribune régulière dans les médias de l'establishment : dans son cas, le journal libéral Guardian. C'est une place qu'il convoite et qui semble avoir un prix élevé : il est autorisé à critiquer la mainmise de l'élite corporatiste sur la politique intérieure britannique - il concède à l'occasion que notre vie politique a été dépouillée de tout contenu démocratique - mais seulement, semble-t-il, parce qu'il est devenu de moins en moins disposé à étendre cette même critique à la politique étrangère britannique.
Democracy Now ! 🐦@democracynow - Le Royaume-Uni est une "démocratie qui n'en a que le nom", déclare @GeorgeMonbiot du Guardian à propos des crises politiques en cours en Grande-Bretagne. - 16:40 PM ∙ 21 octobre 2022
En conséquence, Monbiot tient pour une piété chérie ce qui devrait être deux positions totalement incohérentes: que les élites britanniques et occidentales pillent la planète pour le profit des entreprises, immunisées contre la catastrophe qu'elles génèrent sur l'environnement, et inconscientes des vies qu'elles détruisent chez elles et à l'étranger; et que ces mêmes élites mènent de bonnes guerres humanitaires pour protéger les intérêts des peuples pauvres et opprimés à l'étranger, de la Syrie et de la Libye à l'Ukraine, peuples qui se trouvent par coïncidence vivre dans des zones d'importance géostratégique.
En raison de la mainmise des entreprises sur les priorités politiques de la Grande-Bretagne, affirme Monbiot, il ne faut croire en rien ce que les médias d'entreprise nous disent - sauf lorsque ces priorités concernent la protection des peuples qui font face à des dictateurs étrangers impitoyables, de Bashar al-Assad en Syrie à Vladimir Poutine en Russie. Dans ce cas, il faut absolument se fier aux médias.
L'adhésion de Monbiot aux récits justifiant les interventions "humanitaires" de Washington à l'étranger a été progressive. À la fin des années 1990, tout en soutenant généralement les objectifs de la guerre de l'OTAN contre l'ex-Yougoslavie, il a qualifié le bombardement de la Serbie de "guerre sale", soulignant la destruction écologique et économique. Il a également tiré la sonnette d'alarme - bien qu'avec ambivalence - au sujet de la guerre en Irak en 2003, et est devenu par la suite l'un des principaux partisans de l'incarcération de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, considéré comme un criminel de guerre pour son implication.
Mais alors que les répercussions de la guerre en Irak s'étendaient à d'autres régions du Moyen-Orient et au-delà, souvent de manière compliquée, Monbiot a profité de la bonne volonté qu'il avait gagnée au sein de la gauche anti-impérialiste pour l'utiliser à l'avantage de Washington.
En 2007, il gobait en bloc le récit sans preuves élaboré à Washington et Tel-Aviv selon lequel l'Iran tentait d'acquérir une bombe nucléaire et devait être stoppé. En 2011, il a soutenu à contrecœur la campagne de l'Occident visant à déposer violemment le libyen Mouammar Kadhafi, transformant le pays en un État défaillant aux marchés d'esclaves.
En 2017, il a légitimé les motifs du président Trump à bombarder la Syrie, et a minimisé l'importance de ces frappes aériennes, une violation pourtant flagrante du droit international. Les arguments de Washington légitimant l'attaque - fondées sur une affirmation selon laquelle le président Assad avait gazé son propre peuple - ont commencé à s'effilocher lorsque des lanceurs d’alerte de l'agence d'inspection des armes chimiques des Nations unies, l'OIAC, se sont manifestés. Ils ont révélé que l'intimidation de l'OIAC par les États-Unis avait conduit à la déformation des conclusions des inspecteurs pour des raisons politiques: il s'agissait de mettre Assad dans le collimateur plutôt que les coupables plus probables que sont les djihadistes, qui espéraient qu'une attaque au gaz sous faux drapeau ferait pression sur l'Occident pour qu'il destitue le dirigeant syrien en leur nom.
Monbiot a refusé catégoriquement d'aborder le témoignage de ces dénonciateurs de l'OIAC, tout en les accusant implicitement d'alimenter les "théories du complot".
Dans le cas de la guerre en Ukraine, Monbiot a insisté sur l'adhésion au récit de l'OTAN, décriant toute dissidence comme étant du "Westplaining". Tout au long de ce passage de plus en plus fermement dans le camp impérial de l'OTAN, Monbiot a diffamé d'éminents gauchistes anti-guerre, du célèbre linguiste Noam Chomsky au journaliste John Pilger, en les qualifiant de "négateurs et de détracteurs du génocide".
▪️ Première onde de choc
Si cette caractérisation de sa position vous semble injuste, regardez cette courte vidéo qu'il a récemment réalisée pour Double Down News. Selon Monbiot, le slogan de la gauche est simple : "Quelle que soit la situation dans le monde, on se range contre l'oppresseur et avec l'opprimé. C'est le principe directeur fondamental de la justice, et c'est le principe auquel nous, à gauche, devrions nous tenir, quelle que soit l'identité de l'oppresseur et de l'opprimé."
En tant que principe abstrait, celui-ci est assez solide. Mais aucune personne se présentant comme le porte-parole de la gauche anti-impérialiste ne devrait utiliser une simple règle empirique pour analyser et dicter les positions de politique étrangère dans le monde hautement interconnecté, complexe et trompeur dans lequel nous vivons actuellement.
Comme Monbiot ne le sait que trop bien, nous vivons dans un monde - un monde pillé par un Occident colonial pour générer une croissance économique à court terme sans précédent pour certains, et enfoncer d'autres dans une pauvreté permanente - où les ressources mondiales s'épuisent rapidement, amorçant l'érosion progressive des privilèges occidentaux.
Nous vivons dans un monde où les agences de renseignement ont mis au point de nouvelles technologies pour espionner les populations à une échelle sans précédent, pour s'immiscer dans la politique d'autres États, et pour soumettre leurs propres populations à des récits de propagande toujours plus sophistiqués afin de dissimuler des réalités susceptibles de miner leur crédibilité ou leur légitimité.
Nous vivons dans un monde où les sociétés transnationales - dont le succès dépend de la poursuite du pillage des ressources - possèdent effectivement des hommes politiques de premier plan, voire des gouvernements, par le biais du financement politique, du contrôle des groupes de réflexion qui élaborent les propositions politiques et de la possession des médias de masse. Voici un article récent de Monbiot qui explique exactement cela.
Nous vivons dans un monde où ces mêmes entreprises sont profondément liées aux institutions de l'État dans les industries de la guerre et de la sécurité qui, d'abord, soutiennent et rationalisent le pillage et ensuite "protègent" nos frontières de toute réaction négative de ceux dont les ressources sont pillées.
Jonathan Cook 🐦@Jonathan_K_Cook - Il est inquiétant de voir le nombre de personnes qui colportent l'idée que l'OTAN est une "alliance défensive". Elle *souhaite* être défensive. En fait, l'OTAN est un pilier central des industries de guerre hautement lucratives. Ceci peut aider à clarifier les choses : - jonathan-cook.net - La planète ne pourra pas commencer à guérir tant que nous n'aurons pas arraché le masque de la machine de guerre de l'Occident. - Après quatre ans de Trump, la machine de guerre de l'Occident a une fois de plus désespérément besoin d'un relooking. Une forte dose de politique identitaire - avec une femme ou un homme noir à la tête du Pentagone - pourrait s'avérer la solution idéale.... - 18:50 PM ∙ 26 févr. 2022
Et nous vivons dans un monde où les premières ondes de choc de l'effondrement climatique, combinées à ces guerres de ressources, fomentent des migrations de masse - et une urgence toujours plus grande pour les États occidentaux de se transformer en forteresses pour se défendre contre une ruée redoutée.
▪️ Fanatique de guerre
Monbiot ne connaît que trop bien ce monde, car il l'écrit de manière très détaillée. Il a gagné le cœur de beaucoup de gens de gauche parce qu'il décrit avec tant d'éloquence la prise de contrôle de la politique intérieure par une cabale obscure d'entreprises, de politiciens et de magnats des médias occidentaux. Mais il conclut ensuite que l'on peut faire confiance à cette même cabale psychopathe et destructrice de la planète lorsqu'elle explique - via ses porte-parole fiables de la presse de droite, la BBC et son propre journal, le Guardian - ce qu'elle fait en Syrie, en Libye ou en Ukraine.
Et pire encore, Monbiot s'en prend à tous ceux qui ne sont pas d'accord, les traitant d'apologistes des dictateurs ou des crimes de guerre. Et il entraîne avec lui de nombreux membres de la gauche, contribuant ainsi à diviser et à affaiblir le mouvement anti-guerre.
Jonathan Cook 🐦@Jonathan_K_Cook - Monbiot n'a jamais écrit une colonne sur la pire attaque contre la liberté de la presse depuis une génération : la persécution politique de Julian Assange. L'érosion du sol, disait-il, avait la priorité. Maintenant, il donne la priorité à une chasse aux sorcières contre les hérétiques de gauche en Ukraine plutôt qu'à la liberté d'Assange. Ce n'est qu’un imposteur - 7:05 PM ∙ Mar 2, 2022
On aurait pu supposer que Monbiot nourrirait un peu plus de doutes dans ses prescriptions de politique étrangère au cours de la dernière décennie, ne serait-ce que parce qu'elles correspondaient si parfaitement aux récits des États-Unis et de l'OTAN amplifiés par les médias de l'establishment. Mais pas le moindre doute n’est exprimé. Monbiot un zélateur des guerres de l'Occident lorsqu'elles peuvent être présentées comme humanitaires ou comme une lutte contre l'impérialisme russe. (Pour des exemples, voir ici, ici et ici).
Le problème avec Monbiot, comme avec une grande partie de la gauche britannique, est qu'il traite les différents impérialismes modernes des grandes puissances - américain, russe et chinois - comme s'ils opéraient en parallèle les uns des autres plutôt que, comme c'est le cas, de se croiser et de s'affronter constamment.
Voir le monde comme celui où les États-Unis "font de l'impérialisme" en Afghanistan et en Irak, tandis que la Russie "fait de l'impérialisme" séparément en Syrie et en Ukraine peut être satisfaisant pour quiconque a un besoin désespéré de paraître impartial. Mais cela n’aide en rien à notre compréhension des événements mondiaux.
Les intérêts des grandes puissances s'opposent inévitablement. Elles se battent pour les mêmes ressources limitées afin de développer leurs économies; elles se disputent les mêmes États clés pour s’en faire des alliés; elles mènent des batailles narratives contradictoires sur les mêmes événements. Et ils essaient - toujours - de diminuer ou de subvertir leurs rivaux.
Prétendre que la guerre en Ukraine se situe en quelque sorte en dehors de ces intrigues de grandes puissances - et que la seule réponse justifiée consiste simplement à encourager l'opprimé et à injurier l'oppresseur, comme l'exige Monbiot - est plus qu'absurde.
▪️ Des économies décimées
S'imaginer que le Royaume-Uni et l'Occident au sens large sont en quelque sorte du côté de l'Ukraine, qu'ils envoient des milliards de dollars d'armes alors même que la récession frappe, qu'ils s'opposent même à tester le sérieux des offres russes de pourparlers de paix, et qu'ils bloquent le pétrole russe alors même que les conséquences décimeraient les économies européennes - et tout cela parce que c'est la bonne chose à faire, ou parce que Poutine est un fou déterminé à conquérir le monde - c'est être totalement détaché de toute réflexion cohérente.
Il est tout à fait possible, si nous faisons appel à notre esprit critique, d'envisager des scénarios bien plus complexes pour lesquels il n'y a pas de bons et de solutions faciles.
Il se pourrait - seulement il se pourrait - que la Russie soit à la fois le pécheur en Ukraine et la victime du péché. Ou que les civils ukrainiens soient victimes à la fois du militarisme russe et des intrigues plus secrètes des États-Unis et de l'OTAN. Ou que dans un pays comme l'Ukraine, où une guerre civile fait rage depuis au moins huit ans entre les ultra-nationalistes ukrainiens d'extrême droite (dont certains sont des exterminateurs) et les communautés ethniques russes, nous ferions mieux de renoncer à nos prémisses narratives d'une "Ukraine" unique ou d'une volonté ukrainienne unique. Ce genre de simplisme risque d'obscurcir beaucoup plus qu'il n'éclaire.
Souligner ce point ne fait pas de quelqu'un un apologiste de Poutine. Il s'agit simplement de tirer les leçons de l'histoire: les événements mondiaux sont rarement explicables par un seul récit; les États ont des intérêts différents et contradictoires et la compréhension de la nature de ces conflits est la clé de leur résolution; et ce que les grandes puissances disent faire n'est pas nécessairement ce qu'elles font réellement.
En outre, les élites - qu'elles soient russes, ukrainiennes, européennes ou américaines - ont généralement leurs propres intérêts de classe qui ont peu à voir avec les populations ordinaires qu'elles sont censées représenter.
Dans de telles circonstances, le dicton de Monbiot selon lequel nous devons "nous ranger contre l'oppresseur et avec l'opprimé" ne ressemble à rien de plus qu'un slogan inutile. Il complique la compréhension d'une situation déjà complexe, qui nécessite une réflexion et une résolution sophistiquées des problèmes, et la rend pratiquement impossible à résoudre.
Ajoutez à cela les armes nucléaires, et Monbiot l'écologiste joue non seulement avec la vie des Ukrainiens, mais aussi avec la destruction des conditions de vie sur Terre.
Jonathan Cook 🐦@Jonathan_K_Cook - Où les États-Unis poussent la guerre en Ukraine : Dans 28 des 30 scénarios [de combat] que j'ai exécutés depuis le début de la guerre, une sorte d'échange nucléaire se produit. La bonne nouvelle. Dans les deux scénarios où la guerre nucléaire a été évitée, des négociations directes ont conduit à un cessez-le-feu". caitlinjohnstone.substack.com - Le rejet par les Etats-Unis de l'offre de Moscou pour des pourparlers de paix est tout à fait inexcusable. Ecoutez la lecture de cet article : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré mardi que Moscou était ouvert à des pourparlers avec les États-Unis ou avec la Turquie pour mettre fin à la guerre en Ukraine, affirmant que les responsables américains mentent lorsqu'ils disent que la Russie a refusé les pourparlers de paix. - 12:01 PM ∙ 12 octobre 2022
▪️ Ingérence déguisée
Le solipsisme occidental du type de celui auquel se livre Monbiot ignore les préoccupations de la Russie ou, pire, les englobe dans un récit fantaisiste selon lequel une armée russe qui peine à soumettre l'Ukraine (en supposant que ce soit réellement ce qu'elle essaie de faire) a l'intention de se déchaîner ensuite sur le reste de l'Europe.
En réalité, la Russie a de bonnes raisons non seulement de porter un intérêt particulier à ce qui se passe dans l'Ukraine voisine, mais aussi de considérer les événements qui s'y déroulent comme une menace existentielle potentielle pour elle.
Historiquement, les terres que nous appelons aujourd'hui Ukraine ont été la porte par laquelle les armées d'invasion ont attaqué la Russie. Les longs efforts déployés par Washington, par le biais de l'OTAN, pour recruter l'Ukraine dans son giron militaire n'ont jamais été considérés de manière impartiale à Moscou.
D'autant que Washington exploite les vulnérabilités russes - économiques et militaires - depuis l'effondrement de son empire, l'Union soviétique, en 1991. Les États-Unis l'ont fait à la fois en transformant les anciens États soviétiques en un bloc unifié et massivement élargi de membres de l'OTAN aux portes de la Russie, en excluant sans ménagement la Russie des accords de sécurité européens.
Arnaud Bertrand 🐦@RnaudBertrand - La chose la plus fascinante à propos de la guerre en Ukraine est le nombre impressionnant de penseurs stratégiques de haut niveau qui ont averti pendant des années qu'elle allait se produire si nous continuions sur la même voie. - Personne ne les a écoutés et nous y voilà. - Petite compilation de ces avertissements, de Kissinger à Mearsheimer. - 2:51 AM ∙ Mar 1, 2022
Les démarches américaines semblaient ouvertement agressives pour Moscou, que ce soit intentionnel ou non.
Mais la Russie avait de bonnes raisons d'interpréter ces actions comme hostiles : parce que Washington s'est ingéré de manière pas si secrète en Ukraine au cours de la dernière décennie. Cela englobe son rôle caché dans la fomentation de manifestations en 2014 qui ont renversé un gouvernement élu à Kiev favorable à Moscou, et son rôle militaire clandestin par la suite, consistant à entraîner l'armée ukrainienne sous la présidence Obama, et à l'armer sous la présidence Trump, qui a préparé l'Ukraine à une future guerre avec Moscou pour laquelle Washington semblait faire tout ce qui était en son pouvoir.
Ensuite, il y avait le problème de la péninsule de Crimée, qui abrite le seul port naval d'eau chaude de Moscou, considérée comme d'importance capitale pour les défenses de la Russie. Il s'agissait d'un territoire russe jusqu'aux années 1950, lorsque le dirigeant soviétique de l'époque, Nikita Khrouchtchev, en a fait don à l'Ukraine, à une époque où les frontières nationales étaient devenues largement superflues au sein de l'empire soviétique. Ce don était censé symboliser le lien indéfectible entre la Russie et l'Ukraine. Khrouchtchev n'a sans doute jamais imaginé que l'Ukraine pourrait un jour chercher à devenir une base avancée pour une OTAN ouvertement hostile à la Russie.
Et bien sûr, l'Ukraine n'est pas seulement une porte d'entrée pour les envahisseurs. Elle est également le corridor naturel de la Russie vers l'Europe. C'est par l'Ukraine que Moscou a traditionnellement exporté des marchandises et ses ressources énergétiques vers le reste de l'Europe. L'ouverture par la Russie des gazoducs Nord Stream à destination directe de l'Allemagne à travers la mer Baltique, en contournant l'Ukraine, était un signal clair que Moscou voyait un Kiev ensorcelé par Washington comme une menace pour ses intérêts énergétiques vitaux.
Jonathan Cook 🐦@Jonathan_K_Cook - Si, comme cela semble probable, les Etats-Unis sont à l'origine de l'explosion de l'oléoduc, cela montre qu'ils sont prêts à transformer l'Europe entière en champ de bataille - et à intimider, trahir et potentiellement sacrifier la population du continent aussi cruellement qu'ils ont traité le Sud. - mintpressnews.com - L'Europe peut-elle se permettre de fermer les yeux sur les preuves du rôle des Etats-Unis dans les explosions de pipelines ? Le sabotage des pipelines Nord Stream laisse l'Europe certaine d'être beaucoup plus pauvre et plus froide cet hiver, et a été un acte de vandalisme international que l'Europe ne peut se permettre d'ignorer. - 2:41 PM ∙ 6 octobre 2022
Fait notable, ces mêmes gazoducs Nord Stream ont explosé le mois dernier après une longue série de menaces de la part de responsables de Washington, du président Biden à la base, selon lesquelles les États-Unis trouveraient un moyen de mettre fin aux livraisons de gaz russe à l'Allemagne.
L'Allemagne, la Suède et le Danemark, tous alliés des États-Unis, ont exclu la Russie de la participation à l'enquête sur les explosions de ses infrastructures énergétiques. Plus louche encore, la Suède invoque la "sécurité nationale" - un code pour éviter d'embarrasser un allié clé? - pour justifier son refus de publier les résultats des enquêtes.
▪️ Un pouvoir létal
Que penser de la règle de Monbiot: "Quelle que soit la situation dans le monde, il faut être contre l'oppresseur et avec l'opprimé" ?
Non seulement cet axiome ne reconnaît pas la nature complexe des conflits mondiaux, en particulier entre les grandes puissances, dans lesquels définir qui est l'oppresseur et qui est l'opprimé peut ne pas être si simple, mais, pire encore, il déforme notre compréhension de la politique de puissance internationale.
La Russie et la Chine sont peut-être de grandes puissances, mais elles ne sont pas - du moins, pas encore - près d'égaler la superpuissance américaine.
Vox 🐦@voxdotcom - Les États-Unis ont 800 bases militaires dans le monde. Le reste du monde en a 30 en dehors de ses propres frontières. - 15 h 45 ∙ 5 août 2018
Aucun des deux ne peut égaler les nombreuses centaines de bases militaires américaines dans le monde - plus de 800. Les États-Unis dépensent bien plus que leurs deux rivaux en termes de budget militaire annuel. Cela signifie que Washington est capable de projeter une puissance meurtrière dans le monde entier à une échelle inégalée par la Russie ou la Chine. La seule dissuasion dont disposent ces deux pays face à la puissance militaire des États-Unis est un arsenal nucléaire de dernier recours.
La suprématie militaire américaine écrasante signifie que, contrairement à la Chine ou à la Russie, Washington n'a pas besoin de séduire ses alliés par la carotte. Il peut simplement menacer, intimider ou matraquer - directement ou par l'intermédiaire de mandataires - tout État qui refuse de se soumettre à ses diktats. C'est ainsi qu'ils ont pris le contrôle de la plupart des ressources clés de la planète, en particulier de ses combustibles fossiles.
De même, les États-Unis profitent des nombreux avantages que procure le fait d'avoir la principale monnaie de réserve du monde, en fixant les prix - et surtout les prix de l'énergie - au dollar. Cela ne contribue pas seulement à réduire les coûts du commerce international pour les États-Unis et à leur permettre d'emprunter de l'argent bon marché. Cela rend également les autres États et leurs monnaies dépendantes de la stabilité du dollar, comme le Royaume-Uni vient de le découvrir lorsque la valeur de la livre a plongé par rapport au dollar, menaçant de décimer le secteur des affaires.
Mais il y a d'autres avantages pour les États-Unis à dominer le commerce mondial et les marchés des devises. Washington est bien placé pour imposer des sanctions économiques visant à isoler et à appauvrir les États qui s'opposent à lui, comme il le fait pour l'Afghanistan et l'Iran. Et le contrôle qu'il exerce sur les principales institutions financières mondiales, telles que le FMI et la Banque mondiale, signifie qu'elles ne sont guère plus que des exécutants des priorités de la politique étrangère de Washington avant d'accepter de prêter de l'argent.
▪️ Une ombre au tableau
Tant sur le plan militaire qu'économique, les États-Unis façonnent le monde dans lequel nous vivons. Pour ceux qui vivent en Occident, leur emprise sur notre bien-être matériel et nos horizons idéologiques est presque totale. Mais l'ombre américaine s'étend bien au-delà. Tous les États, y compris la Russie et la Chine, opèrent dans le cadre des relations de pouvoir, des institutions mondiales, des intérêts des États et de l'accès aux ressources façonnés par les États-Unis.
Ce qui distingue le statut de grandes puissances de la Russie et de la Chine de celui de superpuissance solitaire des États-Unis vient de ce que leur rôle sur la scène internationale est nécessairement plus réactif et défensif. Ni l'une ni l'autre ne peut se permettre de se mettre inutilement à dos le mastodonte américain. Ils doivent protéger leurs intérêts, plutôt que de les projeter comme le fait Washington.
Cela signifie que ni l'un ni l'autre n'est susceptible de se jeter à l'assaut de voisins désireux de s'allier avec les États-Unis, à moins qu'ils n'aient le sentiment que des intérêts nationaux importants sur le plan existentiel sont menacés par une telle alliance. C'est pourquoi les récits occidentaux censés expliquer l'invasion de l'Ukraine par la Russie doivent se fonder sur deux hypothèses improbables : le président Poutine est le seul responsable du déclenchement de la guerre en Ukraine, sans tenir compte de l'armée russe, et Poutine lui-même est fou, mauvais ou mégalomane.
Présenter un tel argument - la prémisse de toute la couverture occidentale des événements en Ukraine - revient déjà à concéder que la seule explication rationnelle de l'invasion de l'Ukraine par la Russie serait sa perception que des intérêts russes vitaux étaient en jeu - des intérêts si vitaux que Moscou était prête à les défendre, même si cela signifiait s'attirer la colère du puissant empire américain.
Au lieu de cela, Monbiot et une grande partie de la gauche jettent leur dévolu sur les prescriptions racistes des apologistes de l'empire américain: les grandes puissances rivales de Washington agissent de la manière décriée par les États-Unis uniquement parce qu'elles sont irrationnelles et mauvaises.
Voilà une analyse de la politique de puissance de cour de récré. Et pourtant, elle est présentée comme un reportage neutre, un commentaire informé dans tous les médias occidentaux établis. Le plus grave, est le rôle crucial joué par Monbiot dans l'introduction de ces idées destructrices - qui ne peuvent que conduire à une intensification des conflits et saper le rétablissement de la paix - dans le mouvement anti-guerre.