👁🗨 Jour J, compte à rebours : L’Espionage Act & Assange - Part. 2*
“Si l'on ne poursuit pas les journalistes pour avoir publié des informations classifiées, ce que le ministère ne fait pas, alors les poursuites contre Julian Assange ne sont pas justifiées.”
👁🗨 Compte à rebours du jour J : L’Espionage Act & Assange - Part. 2*
Par Kevin Gosztola, le 11 février 2024
Une série de 10 épisodes précédant une audience cruciale qui pourrait être le dernier espoir de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, d'éviter l'extradition vers les États-Unis.
Note de la rédaction : À l'approche d'une importante audience en appel devant la Haute Cour de justice britannique les 20 et 21 février, la série "Jour J, compte à rebours” mettra en lumière les principaux aspects de l'appel du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, contre l'extradition vers les États-Unis.
En vertu de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'extradition n'est pas censée s'appliquer à toute personne que l'État requérant cherche à déclarer coupable d'une infraction pénale qui n'était pas “une infraction pénale en vertu du droit national ou international au moment où elle a été commise”.
C'est la première fois qu'un éditeur est accusé par le gouvernement américain d'avoir enfreint l’Espionage Act.
Au cours des deux dernières décennies, la loi de 1917 était généralement appliquée aux employés du gouvernement américain ou aux sous-traitants, qui avaient signé un accord de non-divulgation pour obtenir une habilitation de sécurité leur donnant accès à des informations confidentielles. Ils étaient poursuivis s'ils conservaient des documents, ou divulguaient des dossiers à la presse.
Le ministère américain de la Justice (DOJ) n'a pas pour habitude d'utiliser la loi sur l'espionnage pour punir les non-Américains qui publient des documents du gouvernement américain dans des pays étrangers. C'est logique, car cette loi a été adoptée pendant la Première Guerre mondiale pour punir les Américains se livrant à des actes considérés comme déloyaux à l'égard de l'effort de guerre.
Par conséquent, l'équipe juridique de M. Assange soutient que la loi de 1917 a été étendue d'une manière récente et imprévisible, ce qui en principe devrait contraindre la High Court of Justice britannique à s'opposer à l'extradition.
Il est recommandé aux tribunaux d'évaluer si une personne comme M. Assange
“aurait raisonnablement pu prévoir au moment des faits, si nécessaire avec l'assistance d'un avocat, qu'elle risquait d'être accusée et condamnée pour le crime en question”.
Dans mon livre “Guilty of Journalism : The Political Case Against Julian Assange”[Coupable de journalisme : Julian Assange, une affaire politique], je consacre un chapitre entier à ce qu'Assange aurait pu “prévoir” en 2010 et 2011 lorsqu'il a publié les rapports d'incidents militaires, les câbles diplomatiques, les rapports d'évaluation de détenus et autres dossiers du gouvernement américain fournis à WikiLeaks par la lanceuse d’alerte de l'armée américaine Chelsea Manning.
Les documents que Mme Manning a divulgués sont en grande partie les mêmes que ceux que M. Assange est accusé d'avoir publiés sur WikiLeaks.
L'un des documents transmis par Mme Manning à WikiLeaks est un rapport de mars 2008 du Centre de contre-espionnage de l'armée (ACIC). Il s'intitule “WikiLeaks.org - une référence en ligne pour les services de renseignement étrangers, les insurgés ou groupes terroristes”. Il examinait la menace potentielle que WikiLeaks représentait pour l'armée américaine en tant que “site internet accessible au public”.
Une grande partie du rapport contient des déclarations théoriques qui n'étayent guère l'affirmation d'un procureur militaire américain selon laquelle le rapport
“a alerté les lecteurs sur le fait que WikiLeaks était une source de renseignements pour les adversaires”.
Au lieu de cela, le rapport décrit M. Assange comme un “rédacteur étranger” qui “a écrit plusieurs articles de presse, co-écrit d'autres articles, et développé une base de données” pour accéder à des documents sur les équipements militaires en Irak et en Afghanistan.
L'ACIC a également conclu que “les tentatives de WikiLeaks.org pour vérifier les informations sont prudentes et témoignent de la responsabilité des journalistes quant à l'actualité ou à l'utilisation équitable des documents classifiés s'ils font l'objet d'une enquête ou d'une contestation devant les tribunaux”.
Le rapport indique qu'il existe
“des opinions divergentes parmi les particuliers, les experts juridiques, les défenseurs de la transparence gouvernementale, les forces de l'ordre et les représentants du gouvernement aux États-Unis, et dans d'autres pays sur les objectifs déclarés de WikiLeaks.org”.
En d'autres termes, la conviction selon laquelle que WikiLeaks serait une sorte d'“entreprise criminelle” dirigée par Assange n’était pas largement partagée au sein du gouvernement américain.
Au cours du procès de Mme Manning, Mark Mander, enquêteur en criminalité informatique pour l'armée, a déclaré que WikiLeaks est “un Wikipédia non censurable consacré aux fuites et à l'analyse de documents de masse non traçables”. Sheila Glenn, qui travaillait à l'ACIC, a été encore plus claire : “WikiLeaks est une organisation qui expose des activités illégales”.
L'avocat de Mme Manning, David Coombs, a soutenu que “toute personne qui aurait consulté WikiLeaks avant les publications incriminées” aurait pensé que WikiLeaks était un “organisme d'information légitime”.
Au-delà des preuves et témoignages présentés lors du procès de Mme Manning, plusieurs fonctionnaires anonymes du ministère de la Justice ont déclaré au Washington Post en novembre 2013 que les procureurs s'étaient heurtés à un problème : s'ils poursuivaient Assange, ils devraient également poursuivre le New York Times.
“Le problème que le ministère a toujours rencontré en enquêtant sur Julian Assange est qu'il n'y a aucun moyen de le poursuivre pour avoir publié des informations sans appliquer la démarche à tous les autres journalistes”,
a déclaré l'ancien porte-parole du ministère de la Justice, Matthew Miller.
“Si l'on ne poursuit pas les journalistes pour avoir publié des informations classifiées, ce que le ministère ne fait pas, alors les poursuites contre Julian Assange ne sont pas justifiées.”
Les représentants du gouvernement américain se sont concentrés de manière abstraite sur la menace potentielle que les sites de soumission de fuites pouvaient représenter. Ils considéraient le site web de WikiLeaks comme un lieu central que des ennemis désignés pourraient consulter pour lire des informations confidentielles. Pourtant, ils n'ont pas accusé WikiLeaks d'être une organisation anti-américaine.
Le directeur de la CIA, Mike Pompeo, et le Congrès américain n'avaient pas non plus qualifié WikiLeaks de “service de renseignement hostile non étatique”.
La cour d'appel pourrait accorder une audience d'appel complète et annuler la décision d'extradition, simplement parce que la loi sur l'espionnage ne doit pas s'appliquer à M. Assange.
* Part. 1 :
https://thedissenter.org/countdown-to-day-x-applying-us-espionage-act-assange/