👁🗨 Julian Assange a publié des secrets américains en tant que journaliste. Ça ne fait pas de lui un criminel
“Si le 1er Amendement signifie quelque chose”, a écrit le juge James C. Ho, “c’est bien le droit des citoyens de pouvoir questionner ou critiquer les fonctionnaires sans craindre d'être emprisonné”.
👁🗨 Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, a publié des secrets américains en tant que journaliste. Ce n'est pas un criminel
Par Jacob Sullum, le 2 mai 2024
Poursuivre Assange constituerait une grave menace pour la liberté de la presse en qualifiant de crime la pratique journalistique courante.
Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, est emprisonné à Londres depuis cinq ans, tandis que la journaliste texane Priscilla Villarreal n'a été détenue que brièvement à la prison du comté de Webb. Mais tous deux ont été arrêtés pour avoir publié des informations que les autorités gouvernementales voulaient dissimuler.
Assange et Villarreal soutiennent que la criminalisation de telles activités viole le Premier Amendement. Dans les deux cas, le bien-fondé de cette affirmation a été occulté par la question, sans rapport avec la Constitution, de savoir qui peut être considéré comme un “vrai” journaliste.
M. Assange, citoyen australien, lutte contre son extradition vers les États-Unis sur la base d'un acte d'accusation fédéral qui l'accuse d'avoir violé l'Espionage Act en obtenant et en publiant des documents classés confidentiels que l'ancienne analyste du renseignement de l'armée américaine, Chelsea Manning, a divulgués en 2010. Il a déjà passé derrière les barreaux à peu près autant de temps que ce que les procureurs fédéraux estiment qu'il serait susceptible de passer s'il était condamné.
Le président Joe Biden a déclaré qu'il “étudie” l'appel du gouvernement australien à abandonner les poursuites contre M. Assange. Mais calmer un allié des États-Unis n'est pas la seule raison de reconsidérer ces poursuites, qui constituent une grave menace pour la liberté de la presse en assimilant des pratiques journalistiques courantes à des délits.
Les 17 chefs d'accusation retenus contre M. Assange, à l'exception d'un seul, concernent l'obtention ou la divulgation d'“informations relatives à la Sécurité nationale”, ce qui est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. Pourtant, tous les organes de presse qui ont publié des articles basés sur les câbles confidentiels du département d'État et les dossiers militaires divulgués par Mme Manning sont coupables des mêmes délits.
Plus généralement, l'obtention et la publication d'informations classifiées sont le lot quotidien des journalistes qui couvrent la Sécurité nationale. John Demers, qui dirigeait alors la division de la Sécurité nationale du ministère de la Justice, a implicitement reconnu cette réalité en 2019, lorsqu'il a assuré aux journalistes qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter du précédent créé par cette affaire, parce qu'Assange ne serait “pas un journaliste”.
Une journaliste citoyenne condamnée au Texas
En janvier, la cour d'appel de la 5è Cour d’appel a également rejeté les poursuites engagées par Mme Villarreal contre les procureurs et les policiers de Laredo qui avaient organisé son arrestation en 2017. Ils affirment qu'elle a violé l'article 39.06(c) du code pénal du Texas, une loi opaque qui qualifie de crime le fait de solliciter ou obtenir des informations confidentielles auprès d'un fonctionnaire du gouvernement avec “l'intention d'en tirer profit”.
Les policiers ont déclaré que Mme Villarreal avait commis ce crime en demandant à l'officier de police de Laredo, Barbara Goodman, de confirmer des informations concernant un suicide public et un accident de voiture mortel. Telle qu'interprétée par la police de Laredo, la section 39.06(c) est encore plus vague que l'Espionage Act, faisant de tout journaliste cherchant à obtenir des informations considérées comme non divulgables en vertu de la Texas Public Information Act un criminel.
Passant sous silence les implications alarmantes de la criminalisation des journalistes qui posent des questions, la 5e Cour d'appel a rejeté toute idée selon laquelle Mme Villarreal serait “une martyre au nom du bien du journalisme”. Les conclusions de la juge Edith Jones dégoulinaient de mépris pour Mme Villarreal, une journaliste indépendante et non accréditée qui publie ses reportages sans filtre sur Facebook au lieu de publier des articles filtrés et édités dans un organe d'information “grand public et légitime”.
Apparemment inconsciente de ce qu'implique le reportage quotidien dans tout le pays, Mme Jones reproche à Mme Villarreal de s'appuyer sur une “source indirecte” et d'“exploiter les tragédies pour promouvoir son image et sa carrière”.
Mais tout comme le jugement selon lequel Assange n'est “pas un journaliste”, une telle critique méconnaît fondamentalement la liberté de la presse, qui s'applique à toute personne qui s'engage dans la communication de masse.
La décision de la 5e Cour d'appel a suscité quatre objections rédigées ou rejointes par sept juges, et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi.
“Si le Premier Amendement doit signifier quelque chose”, a écrit le juge James C. Ho, “c’est bien le droit des citoyens de pouvoir questionner ou critiquer les fonctionnaires sans craindre d'être emprisonnés”.
Dans une requête déposée la semaine dernière au nom de Mme Villarreal, la Fondation pour les droits individuels et l'expression demande instamment à la Cour suprême des États-Unis de faire valoir ce droit. Elle note que Mme Villarreal a été emprisonnée pour avoir fait du journalisme de base. Quoi que l'on puisse penser de l'éthique journalistique de Mme Villarreal, elle n'a pas valeur constitutionnelle.
* Jacob Sullum est rédacteur en chef du magazine Reason.