👁🗨 Julian Assange & Tolpuddle : deux grandes erreurs judiciaires
Les syndicalistes devraient se souvenir des projets de textes secrets, de traités internationaux - le TTIP - publiés par Wikileaks. Il est temps pour eux de s'acquitter de leur dette envers Assange...
👁🗨 Julian Assange & Tolpuddle : deux grandes erreurs judiciaires
Par Helen Mercer, le 16 juillet 2023
Helen Mercer explique les parallèles entre les deux affaires, et
le Committee to Defend Julian Assange sera présent au festival cette année.
"Donnez-moi la liberté de penser, de parler et d'argumenter librement, selon ma conscience, avant toute autre liberté" - George Loveless, leader des Martyrs de Tolpuddle, 1834.
"L'un des meilleurs moyens d'obtenir justice est de dénoncer l'injustice" – Julian Assange, en détention provisoire à Belmarsh depuis plus de quatre ans.
Les martyrs de Tolpuddle étaient des syndicalistes déportés en Australie en 1834 pour avoir réclamé des salaires plus élevés. Julian Assange est un journaliste australien qui risque d'être extradé de Grande-Bretagne vers les États-Unis pour avoir publié la vérité sur les crimes de guerre commis par les États-Unis en Irak et en Afghanistan. À première vue, les deux affaires semblent totalement différentes.
En y regardant de plus près, les parallèles sont frappants.
Dans les deux cas, les élites dirigeantes ont été scandalisées par la remise en cause de leurs "droits" (réduire les salaires à volonté ou commettre des crimes de guerre à travers le monde comme elles l'entendent).
Dans les deux cas, des hommes courageux ont affirmé que nous, le peuple, avions des droits - des conditions de vie décentes, ou le droit de connaître la vérité sur les guerres menées par nos dirigeants.
Dans les deux cas, l'establishment a utilisé la loi comme une forme de "menace" pour dissuader autrui, et nier les libertés réclamées.
Dans les deux cas, la violation et l'abus des procédures légales ont servi à piéger des hommes, et les soumettre à des traitements inhumains ; leurs noms ont été salis, et leurs familles harcelées.
La guerre du droit
Dans les deux cas, des hommes ont été inculpés en vertu de lois conçues à des fins de sécurité nationale, qui prévoyaient donc des peines plus lourdes, et criminalisaient des activités pourtant normales : le syndicalisme dans les années 1830, et le journalisme d'investigation aujourd'hui.
Les Martyrs de Tolpuddle ont été inculpés en vertu de l’Unlawful Oaths Act [des Serments illégitimes] de 1797, une loi dirigée contre les mutineries dans la marine, dans le but de lutter contre les conspirations séditieuses au sein des forces armées. M. Assange a été le premier journaliste à être inculpé en vertu de l’Espionage Act de 1917 aux États-Unis.
Un témoignage entaché d'irrégularités
Le témoin clé du procès des martyrs de Tolpuddle était le fils du jardinier en chef du propriétaire terrien auteur des accusations, Joseph Frampton, désireux de baisser les salaires des ouvriers. Le texte du serment prétendument illégal n'a jamais été présenté.
Les déclarations du témoin clé du procès d'Assange, Sigurdur Ingi Thordarson, prétendaient prouver qu'Assange l'avait chargé de commettre des intrusions informatiques ou des piratages en Islande.
Il a depuis admis au journal islandais Stundin qu'Assange ne lui avait jamais donné d'instructions, et l'on sait désormais que Thordarson a été condamné à plusieurs reprises pour abus sexuel sur mineur et fraude, et que le FBI lui avait promis un accord d'immunité. Les audiences ultérieures n'ont pas tenu compte de ces nouvelles réalités.
Des sanctions excessives et extrajudiciaires
Les martyrs de Tolpuddle ont été condamnés à de lourdes peines, soumis à des traitements brutaux en Australie, leurs familles ont été laissées dans le dénuement, leurs noms et leurs croyances ont été diffamés.
Julian Assange a subi pire encore. Il a enduré sept ans de "détention arbitraire" dans l'ambassade d'Équateur, où il a été délibérément piégé par les machinations des autorités britanniques, suédoises et américaines.
Il est toujours détenu arbitrairement à Belmarsh, en détention provisoire depuis plus de quatre ans, dont une partie en isolement quasi total. Associé à une campagne médiatique de dénigrement, l'ensemble du processus s'apparente, selon Nils Melzer, ancien rapporteur des Nations unies, à de la torture psychologique.
Il est inculpé aux États-Unis d'une peine pouvant lui valoir jusqu'à 175 ans d'emprisonnement, et il est probable qu'il subisse des conditions carcérales sous la forme de mesures administratives spéciales qui s'apparentent à de la torture.
Juges, jury, famille et justice sociale
Les martyrs de Tolpuddle ont été initialement inculpés par un grand jury dont le président était le député William Ponsonby, beau-frère de Lord Melbourne, ministre de l'intérieur. Melbourne estimait que les syndicats étaient "incohérents, superflus et contraires aux lois de la nature".
Des décisions clés dans la procédure judiciaire d'Assange ont été prises par Lady Arbuthnot, dont le mari et le fils ont des liens avec des sociétés de sécurité et des services de renseignement.
Tout récemment, le juge Jonathan Swift a refusé arbitrairement et sans explication à l'équipe de défense d'Assange le droit de faire appel de deux jugements défavorables.
Swift a représenté le ministère de la défense et les services de sûreté dans au moins neuf affaires judiciaires, et a déclaré dans un article de presse que ses "clients préférés étaient les agences de sûreté et du renseignement".
Des organes de persuasion de masse
L'Église d'Angleterre de jadis et les grands médias d'aujourd'hui ont défendu l'Establishment. Bien que l'affaire Assange ait pour effet de réduire au silence le journalisme d'investigation et la liberté d'expression, les journalistes ont non seulement échoué à le défendre, mais ils ont participé à une implacable campagne orchestrée de harcèlement public, d'intimidation et de diffamation, de railleries collectives, d'insultes et d'humiliations.
Ce processus a déshumanisé Assange, faisant taire les critiques sur la façon dont il est traité et le privant de ses droits. Pourtant, la messe est presque dite pour l'ensemble des journalistes et notre accès à la vérité : des jugements ont été rendus, et des précédents établis, qui font de la révélation de crimes de guerre un crime.
Comme l'a déclaré la défense d'Assange, les cinq publications de Wikileaks sur la "sécurité nationale" citées dans la demande d'extradition américaine
"ont exposé des preuves irréfutables, entre autres, de restitutions illégales, de pratiques de la torture, et de prisons de la CIA dans des sites noirs à travers l'Europe, ainsi que de mesures agressives pour maintenir l'impunité, et parer aux poursuites contre tout agent américain impliqué dans ces crimes".
Les syndicalistes devraient se souvenir des projets de textes, jusqu'alors secrets, de traités internationaux - le TTIP et le Commerce international des services - publiés par Wikileaks. À l'époque, de nombreux syndicats ont félicité Wikileaks pour avoir dévoilé ces projets visant à renforcer le pouvoir des entreprises et, ce faisant, pour avoir facilité la mobilisation de l'opinion publique. Il est temps pour eux de s'acquitter de leur dette envers Assange.
Si l'appel contre le jugement de Swift est rejeté, Assange va être à court d'options légales, et seule une intervention de la Cour européenne des droits de l'homme pourra alors le sauver de ce qui semble être une extradition imminente.
Le commentaire de Nils Melzer dans son livre “L'Affaire Assange - Histoire d’une persécution politique” pourrait tout aussi bien convenir pour expliquer l'importance des martyrs de Tolpuddle :
"Assange n'est pas persécuté pour des crimes qui seraient les siens, mais pour des crimes commis par les puissants. L'impunité de ces derniers est le véritable enjeu du procès d'Assange".
L’information Tolpuddle, Julian Assange et la longue lutte pour la justice sociale est disponible au stand du Comité de défense de Julian Assange pendant le festival.
Pour en savoir plus, consultez le site www.wiseupaction.info.
https://morningstaronline.co.uk/article/f/assange-and-tolpuddle-two-great-miscarriages-justice