👁🗨 Julian Assange parle
“Le journalisme n'est pas un crime : c'est l'un des piliers d'une société libre et informée”. Les vérités d’authentiques journalistes comme Julian Assange n'ont jamais été aussi vitales.
👁🗨 Julian Assange parle
Par David Lowe, le 7 octobre 2024
La semaine dernière, Julian Assange s'est exprimé publiquement pour la première fois depuis sa sortie de l'isolement à la prison de Belmarsh, déclarant :
“Je suis libre aujourd'hui après des années d'incarcération parce que j'ai plaidé coupable de journalisme”.
Le fondateur de WikiLeaks s'exprimait devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à Strasbourg, en France. Il a souligné à quel point il était surréaliste de se tenir devant les représentants de 46 nations et de 700 millions de personnes après des années d'enfermement dans une prison de haute sécurité.
“L'expérience de l'isolement pendant des années dans une petite cellule est difficile à décrire”, a-t-il déclaré.
M. Assange a expliqué qu'il n'était libre que grâce aux efforts combinés de milliers de personnes durant quatorze ans, efforts qui n'auraient jamais dû être nécessaires. Il a ajouté que dans son cas, toute justice est désormais impossible, en raison de l'accord qu'il a été contraint de conclure avec le gouvernement américain.
“Si je suis libre aujourd’hui, ce n’est pas parce que le système a fonctionné”, a-t-il souligné. “J’ai plaidé coupable d'avoir cherché à obtenir des informations d'une source. J’ai plaidé coupable d'avoir obtenu des informations d'une source. Et j’ai plaidé coupable d'avoir informé le public de la nature de ces informations. Je n'ai pas plaidé coupable d'autre chose.”
J'espère que mon témoignage d'aujourd'hui servira à mettre en lumière les faiblesses des protections existantes et à aider ceux dont les cas sont moins visibles mais qui sont tout aussi vulnérables.
La vérité mise à mal
M. Assange a déclaré que le gouvernement américain a franchi le Rubicon en criminalisant le journalisme au niveau international, créant ainsi un “climat délétère pour la liberté d'expression”.
Il a expliqué que le rêve de WikiLeaks était de porter à la connaissance du public la façon dont le monde fonctionne, afin d'apporter quelque chose de meilleur.
“Le connaissance nous permet de demander des comptes au pouvoir, et de réclamer justice là où il n'y en a pas. Nous avons obtenu et publié des vérités sur des dizaines de milliers de victimes occultées de la guerre et d'autres horreurs invisibles, sur des programmes d'assassinat, de restitution, de torture et de surveillance de masse.
“Nous avons révélé non seulement quand et où ces actes ont été commis, mais aussi, bien souvent, les politiques, les accords et les structures qui les sous-tendent. En d'autres termes, nous faisons du journalisme.”
La fuite la plus célèbre de WikiLeaks a été “Collateral Murder”, la vidéo d'un hélicoptère militaire Apache montrant un équipage américain réduisant en pièces des journalistes irakiens et leurs sauveteurs. Ces images choquantes ont permis d'informer le public sur les politiques classifiées relatives à l'utilisation de la force meurtrière contre les civils en Irak. M. Assange déclare :
“Quarante ans de ma peine potentielle de 175 ans ont été consacrés à l'obtention et à la diffusion de ces politiques”.
Il explique qu'alors que le président Obama a commué la peine de la source de WikiLeaks, Chelsea Manning, les “deux loups MAGA” du président Trump, Mike Pompeo et William Barr, ont ensuite lancé une “campagne de représailles” contre WikiLeaks, y compris des plans d'enlèvement et d'assassinat d'Assange, visant aussi sa femme et son tout jeune fils, ainsi que certaines menaces à la souveraineté des nations européennes. On a voulu “forcer [Manning] la source, à témoigner contre les journalistes”, une situation inhabituelle.
M. Assange a ajouté :
“Lorsque des nations puissantes se sentent autorisées à cibler des individus au-delà des frontières, ceux-ci n'ont aucune chance sauf si des protections solides existent, et un État désireux de les faire respecter. Sans cela, aucun individu n'a d'espoir de se défendre contre les considérables ressources qu'un État agresseur peut déployer”.
Il a déclaré que le gouvernement américain a adopté une nouvelle posture juridique mondiale, dangereuse et irrationnelle, selon laquelle seuls les citoyens américains ont le droit à la liberté d'expression. Les Européens et autres nationalités ne disposent pas de tels droits, mais les États-Unis prétendent que leur loi sur l'espionnage s'applique aussi à eux, quel que soit le pays où ils se trouvent.
“J'ai été formellement condamné par une puissance étrangère pour avoir demandé, reçu et publié des informations véridiques sur cette puissance alors que je me trouvais en Europe”, a déclaré M. Assange.
“La question fondamentale est simple : les journalistes ne devraient pas être poursuivis pour avoir fait leur travail. Le journalisme n'est pas un crime : c'est un des piliers d'une société libre et informée”.
Comme il l'a clairement indiqué, la criminalisation des activités de collecte d'informations constitue une menace pour le journalisme d'investigation partout dans le monde. L'intégralité du discours de Julian Assange est disponible ici.
Selon Liz Truss, le problème, c'est le journalisme
Le week-end dernier, l'ancienne Premier ministre britannique Liz Truss, dont le mandat a été notoirement plus court que le délai de conservation d'une laitue, s'est présentée à la Conservative Political Action Conference de Brisbane pour vanter les mérites de son nouveau livre et s'en prendre au journalisme.
Selon Mme Truss, “le voile rouge du socialisme s'est abattu sur le monde occidental”.
Apparemment, sa chute n'a rien à voir avec une incompétence flagrante, le mépris de ses collègues et son impopularité record auprès du public britannique, mais elle est au contraire imputable à la “bureaucratie de gauche” et aux médias d'État, qui, selon elle, devraient être éliminés.
Ces commentaires, qui visaient en particulier ABC et la BBC, ont suscité des applaudissements et des acclamations du public, parmi lequel se trouvaient les suspects habituels, et ont été fidèlement rapportés par Sky News.
Bien sûr, la vraie raison pour laquelle des personnages comme Liz Truss n'aiment pas le journalisme, même sous sa forme émasculée de média d'État, est que la militarisation du mensonge et de la désinformation par l'extrême droite est devenue leur principale stratégie politique, de Canberra à Londres, en passant par Washington et au-delà.
Les vérités d’authentiques journalistes comme Julian Assange n'a jamais été aussi vitale.
* Originaire de Canberra, David Lowe est un cinéaste, écrivain et photographe primé qui s'intéresse particulièrement à l'environnement et à la politique. Il est connu pour son travail de campagne avec Cloudcatcher Media.