👁🗨 Kostas Vaxevanis: La liste de Mitsotakis
Mitsotakis, qui fait payer aux grecs une énergie trois fois plus chère que celle des autres Européens, qui considère ses contradicteurs comme des ennemis, et les vrais journalistes comme des espions.
👁🗨 La liste de Mitsotakis
📰 Par Kostas Vaxevanis, le 6 novembre 2022
Lorsque Kyriakos Mitsotakis [Premier ministre grec] est arrivé au pouvoir, ceux qui l'ont vécu à l'époque disent qu'il n'avait rien à voir avec le personnage mis en scène lors de ses tournées et de ses apparitions à la télévision. Devant les bureaux rutilants de Maximou, où ses interlocuteurs le trouvent souvent observant son reflet avec suffisance, il donne des instructions et exige des choses à la fois irritantes et effrayantes. Nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas prêter le flanc aux éléments aberrants de son comportement. Ils ont donc commodément interprété l'autoritarisme comme de la détermination, et l'arrogance comme des exigences excessives. Chaque comportement problématique était accompagné d'une excuse enjouée. Personne n'a osé penser que ce à quoi ils assistaient constituait un décrochage de la raison et de la politique. Plus important encore, personne n'a voulu rappeler les exemples historiques qui montrent à quel point la vie rend ses comptes.
Aujourd'hui encore, nombreux sont ceux qui, dans l'entourage de Kyriakos Mitsotakis et dans sa famille, racontent des histoires qui font froid dans le dos. Je pense qu'ils le feront bientôt publiquement. Sur la façon dont il a donné l'ordre de fermer des journaux. Comment il a imposé la soumission aux hommes d'affaires. Sur la façon dont il a perçu sa gouvernance comme une coercition et un alignement sur ses goûts.
C'est ce Mitsotakis qu'il faut avoir à l'esprit si l'on veut pouvoir comprendre ce qui se trame à propos des écoutes. Le Premier ministre qui fait payer aux citoyens une énergie trois fois plus chère que celle des autres Européens, qui distribue de l'argent à ses conseillers et amis, qui a cyniquement fait de nous le pays où l'on meurt le plus du Covid, qui a délégué le pouvoir à sa femme, qui déclare de faux revenus et est ensuite "blanchi" de la manière la plus honteuse qui soit par la commission parlementaire, qui considère ses contradicteurs comme des ennemis et les vrais journalistes comme des espions.
A ce stade, le tableau se précise: "Et les aveugles pourront voir, les sourds entendre et les muets crier".
Documento publie aujourd'hui une liste de personnalités principalement politiques qui étaient sous surveillance. Cette liste provient de sources incontestables et n'est bien sûr pas la seule preuve dont nous disposons.
Je peux déjà imaginer le choeur des voix qui s'uniront pour nous faire avaler que la liste n'est pas authentique, ou qu'il s'agit d'une invention. La même chose s'est produite avec la liste Lagarde, lorsqu'ils ont essayé de me dépeindre comme un détracteur des pauvres épargnants en Suisse. Les tactiques de propagande n'ont plus guère d'importance. Si quelqu'un prétend que ce n'est pas une liste de surveillance, c'est qu'il doit savoir ce que c'est. Parce que, sans aucun doute, c'est bien une liste de personnes surveillées.
Lorsque les révélations sur les écoutes ont commencé, le gouvernement, par l'intermédiaire de son porte-parole, a répondu que les écoutes concernaient des particuliers. Jusqu'à ce qu'il soit révélé que le système des "particuliers" était inextricablement lié au NIS [Network and Information Systems], qui était dirigé par Mitsotakis et avait les mêmes objectifs. Il y a pas de système de surveillance privé ou public. Il y a la surveillance anti-démocratique et criminelle des citoyens, effectuée soit par le NIS avec la signature du procureur Vasiliki Vlachou, soit avec des logiciels espions.
Quelle que soit la façon dont il était utilisé, il y avait un centre de commandement unique et une seule personne responsable au sommet. Si Kyriakos Mitsotakis n'avait pas été le cerveau de ce groupe et de cette pratique criminelle, il aurait rétabli la disposition légale qui prévoit que le citoyen a le droit d'être informé si et pourquoi il est surveillé. S'il n'avait pas été responsable, il aurait permis à la commission parlementaire de mener une véritable enquête. Et bien sûr, il aurait osé affronter la PEGA, la commission d'enquête européenne compétente, pour répondre à ses interrogations.
Les faits sont clairs, et c'est l'attitude de Mitsotakis lui-même qui les a rendus encore plus évidents que ne le montre l'enquête.
La liste des personnes sur écoute que nous publions aujourd'hui ne démontre pas seulement le crime contre la constitution, elle montre comment Mitsotakis envisage cette constitution.
Tout le monde était sous surveillance. Les opposants politiques de Mitsotakis, mais aussi ses collaborateurs, les ministres qui n'étaient pas dans la ligne de mire, ou d'autres considérés comme imprévisibles. Un réseau de collecte d'informations visant à manipuler la politique et à pratiquer le chantage avait piégé le pays et fonctionne peut-être encore. L'ancien Premier ministre Antonis Samaras était sous surveillance. Nikos Dendias mais aussi le vilain Adonis Georgiades, Vassilis Kikilias et l'ancien président du Service national de santé grec Panagiotis Arkoumaneas qui n'a pas voulu couvrir le scandale du CEELPNO [Agence grecque de contrôle et de prévention des maladies]. Ainsi que leurs épouses pour les tenir à l'écart de tout. Le ministre de la protection civile, Michael Chrysochoidis, qui nous avait assuré de sa volonté de nous protéger, n'a pas pu se protéger lui-même. Des hommes d'affaires tels que Vangelis Marinakis ou Yannis Vardinoyannis ont été indirectement surveillés en piégeant leurs proches collaborateurs. Le directeur du journal Kathimerini, favorable au gouvernement, Alexis Papachelas, a également été visé. Même Kathimerini était dangereux. Le gênant Lakis Lazopoulos allait voir le logiciel de surveillance jouer un rôle majeur dans sa vie.
Le pays est entré dans un vortex et vit la réalité virtuelle dystopique des fantômes dans l'esprit de Kyriakos Mitsotakis. Tous sont des ennemis, dangereux et manifestement à l'affût. Même les personnes de son cercle intime n'ont pas échappé à cette perception de persécution. Outre l'interprétation psychologique de ses fantômes intérieurs, il y a la dure réalité de la dérive politique, que Mitsotakis accompagne (aussi) de sa vigilance.
Le Premier ministre est ainsi coupable d'entraîner le pays vers des ambitions familiales ancestrales qui l'ont miné et saccagé. Il viole la constitution, les lois et les droits des citoyens.
Si, après la révélation de Documento, Mitsotakis essaie de nier, alors il faut qu'il explique qui sont les personnes qui étaient sous surveillance. Il doit répondre à la question de savoir pourquoi il a récupéré le EYP [l’Ethniki Ypiresia Pliroforion est le service de renseignement de la Grèce], pourquoi il l'a neutralisé, pourquoi 16 000 ordres de surveillance ont été signés chaque année. Il devra également répondre à la question de savoir pourquoi il a considéré Gregory Dimitriadis comme la brebis galeuse et a dernièrement tenté de le faire revenir. De quoi a-t-il peur ?
Mitsotakis joue avec "la vie des autres" mais il ne peut pas tromper tout le monde. L'histoire de sa famille aurait dû lui apprendre que tôt ou tard, les mouchards finissent par être contaminés, dénoncés et détruits.
C'est également un désastre pour le pays - permettez-moi d'ajouter cet aspect - que tout ce système de surveillance ait été mis en place à l'origine pour régler des comptes personnels. Au moins 20 personnes savent de quoi je parle, et certaines d'entre elles dans le détail.
Kyriakos Mitsotakis ne peut plus accuser Documento de mentir, ni monter une opération pour faire taire ou fermer le journal. Pour dire les choses plus simplement, pour qu'il comprenne, suffisamment de personnes sont maintenant prêtes à lui faire perdre la face. Ou, comme le dirait Mareva [sa femme], de manière succincte et à l'anglaise, "ne force pas ta chance, Kyriakos".