👁🗨 Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de WikiLeaks, rappelle pourquoi le monde a besoin d'un Julian Assange libre
Rien ne peut lui rendre le temps perdu, mais il peut, avec du soutien, guérir de ce que son corps et son esprit ont enduré comme conséquence du châtiment subi pour avoir publié la vérité.
👁🗨 Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de WikiLeaks, rappelle pourquoi le monde a besoin d'un Julian Assange libre
Kristinn Hrafnsson, le 27 avril 2024
Le 11 avril, jour du cinquième anniversaire de son incarcération, j'ai fait la queue devant la prison de Belmarsh pour rendre visite à Julian Assange. L'entrée dans ces ignobles bâtiments de briques, même en tant que visiteur, est conçue pour rabaisser et déshumaniser. Je dois lever la langue pour être inspecté. Je suis fouillé. Mes empreintes digitales sont relevées encore et encore. Les portes des sas s'ouvrent et se referment derrière moi. Alors que les sons et les odeurs me restent en tête pendant des jours après chaque visite, Julian doit rester là avec les autres prisonniers pendant que nous, les visiteurs, prenons la fuite.
Comment va-t-il, me demandera-t-on inévitablement. Ce journaliste australien non condamné et non violent est en prison depuis cinq ans. Auparavant, il a passé sept ans dans un minuscule bureau d'ambassade. Et avant cela, il a été assigné à résidence pendant deux ans.
Comment pensez-vous qu'il se porte ? Et vous, comment iriez-vous ?
Julian ne va pas bien. Il a été bien trop malade pour assister à sa dernière audience, même si celle-ci lui offrait la possibilité de sortir brièvement de la prison. Lors de l'audience précédente, il a eu une attaque cérébrale alors que les médias du monde entier le regardaient dans une salle vidéo à Belmarsh.
Son isolement et le manque de stimulation engendrent désespoir, désorientation, déstabilisation et destruction. Il est aussi éloigné qu'il est possible de l'être des odeurs et des sons du bush australien et de la chaleur de votre soleil.
Bien sûr, Julian s'est senti réconforté lorsque, le jour de la Saint-Valentin, la majorité de la Chambre des représentants australienne a appelé les États-Unis et la Grande-Bretagne à le laisser rentrer en Australie. Au cours de toutes ces années, jamais vu un gouvernement australien ne s’était engagé ou n’avait appelé publiquement à sa libération. Nous n'avons jamais vu une telle unité et une telle activité parmi les responsables des médias, les syndicats des médias, les défenseurs de la liberté de la presse ou les organisations de défense des droits de l'homme.
L'ancien sénateur des Verts Scott Ludlam était autrefois l'unique voix au sein de votre parlement appelant à la libération de Julian, mais aujourd'hui, un groupe de parlementaires très large s'est constitué, avec des membres de chaque parti et de pratiquement tout le parlement, et ce groupe ne cesse de s'agrandir.
Il est bon de savoir que le président américain Joe Biden réfléchit aux demandes réitérées du gouvernement australien de mettre un terme aux souffrances de Julian et d'abandonner les poursuites. Y songer est un premier pas dans la bonne direction. Le résultat logique de cette prise en compte devrait être l'abandon des poursuites.
Cette affaire n'aurait jamais dû être portée devant les tribunaux... Julian a déjà été privé de 14 ans de sa vie. Ses petits garçons ont besoin d'un père à la maison et Stella, sa femme et plus fervente avocate, est épuisée par cet horrible combat.
Cette affaire n'aurait jamais dû être portée devant les tribunaux. L'administration Obama a exclu une mise en accusation, et Biden peut maintenant enfin abandonner l'attaque de l'administration Trump contre le journalisme. Que la prise de position de Biden prenne plus de temps serait cruel, car Julian s'est déjà vu voler 14 ans de sa vie. Ses petits garçons ont besoin d'un père à la maison et sa femme et plus fervente avocate, Stella, est épuisée par ce combat peu glorieux.
La High Court britannique a invité les États-Unis à garantir que Julian ne subira pas de préjudice au cours du procès du fait de sa nationalité australienne. Lors d'audiences précédentes, les États-Unis ont déclaré que Julian, parce qu'il est australien, ne bénéficierait pas de la protection de la liberté d'expression prévue par le Premier Amendement de la Constitution américaine. Cette affirmation a suffisamment inquiété les juges britanniques pour qu'ils demandent des précisions.
La garantie reçue n'est pas vraiment une garantie si l'on lit le texte dédaigneux. Il se contente de déclarer que Julian “aura la possibilité de soulever et de tenter d'invoquer au procès [...] les droits et les protections accordés par le Premier Amendement”. Il pourrait également se prévaloir des droits des licornes. Cela ne signifie pas que le tribunal exaucera son souhait. Julian peut bien demander cette protection, mais il ne peut pas s'attendre à la recevoir - c'est un citoyen australien poursuivi par un tribunal étranger.
Nous avons appris à nos dépens que la logique et les faits évidents ne s'appliquent pas au cas de Julian Assange. C'est rarement le cas dans les affaires où des magistrats serviles font avancer des persécutions politiques.
Les juges ont également cherché à obtenir des États-Unis la certitude qu'ils ne modifieraient pas une nouvelle fois les chefs d'inculpation - contrairement à ce qu'ils ont affirmé à maintes reprises, ce qui leur permettrait de condamner Julian à la peine de mort. Depuis plus de dix ans, les représentants du gouvernement américain ont qualifié publiquement de trahison les faits reprochés à M. Assange et ont réclamé la peine de mort. Pas plus tard qu'en 2018, la CIA examinait les possibilités de l'assassiner ou de le kidnapper. Bien qu'elle le nie, Hillary Clinton aurait plaisanté avec son personnel en disant : “Ne pouvons-nous pas simplement larguer un drone sur ce type ?”
Julian a fait appel au motif qu'il est évident qu'on ne peut pas extrader quelqu'un vers un pays dont les services secrets ont comploté pour l'enlever ou l'assassiner. Les juges ont rejeté cet argument, estimant que s'il était extradé, il n'y aurait pas lieu de le kidnapper ou de l'exécuter au Royaume-Uni. Oui, voilà à qui nous avons affaire.
Le 20 mai, le tribunal de Londres doit à nouveau se pencher sur le cas de Julian. C'est probablement sa dernière chance de ne pas être extradé et de ne pas mourir dans le système pénitentiaire américain.
Alors que les avocats se battent devant les tribunaux, nous savons d'expérience que la solution ne sera trouvée qu'au niveau politique. Le processus politique a tout bloqué et nous savons que la situation pourrait être résolue aujourd'hui, par quelques mots du président Biden. Il pourrait, comme il prétend y songer, simplement mettre fin à ce cauchemar et abandonner les poursuites.
J'attends avec impatience le jour où Julian rentrera dans son pays . Il aura besoin de se reposer et de se remettre de ce qu'il a vécu. Il aura besoin de la nature. Il aura besoin de vos plages et de lien avec la communauté australienne.
Rien ne peut lui rendre le temps perdu, mais il peut, avec du soutien, guérir de ce que son corps et son esprit ont enduré, comme conséquence du châtiment subi pour avoir publié la vérité.
Il faut que Julian sorte de prison. Le reste du monde en a également besoin. Il faut un signal d'espoir pour sauver certaines de nos valeurs d'humanité, de dignité, de justice et de liberté. Pour tous ceux qui craignent que notre monde ne soit au bord du gouffre, la liberté de Julian serait signe d'espoir qu'un autre monde est possible. Liberté pour Julian Assange.
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