👁🗨La bataille de Jabalia : Une leçon palestinienne de guerre d'usure
Seul un cessez-le-feu à Gaza peut sauver le Premier ministre israélien d'une guerre d'usure palestinienne qui va miner le moral d'Israël, laminer son économie et frustrer ses alliés occidentaux.
👁🗨 La bataille de Jabalia : Une leçon palestinienne de guerre d'usure
Par Khalil Harb, le 23 mai 2024
Israël prône une guerre rapide & brutale, tandis que ses adversaires privilégient la guerre d'usure, lente, explosive & imprévisible. Aujourd'hui, avec la résurgence des opérations de résistance à Jabalia et dans la région de Gaza, Israël a perdu à la fois le terrain et la guerre.
La situation sur le terrain dans le camp de réfugiés de Jabalia, au nord de la ville de Gaza, est plus qu'un simple affrontement militaire entre une force d'invasion et des combattants de la résistance qui mènent une “guérilla”. L'implication plus profonde des batailles qui ont soudainement éclaté dans le plus grand camp de Gaza est qu'Israël se retrouve bien plus empêtré qu'il ne veut le reconnaître, à l'image de l'expérience américaine dans son désastreux bourbier du Viêt Nam.
Toutefois, contrairement à la piste Ho Chi Minh au Viêt Nam, Gaza est une bande de terre plate dépourvue de postes frontières, de cols de montagne ou de forêts qui permettraient à la résistance de déplacer facilement des hommes et des armes sur de vastes étendues de terrain. L'Égypte, qui partage le checkpoint de Rafah avec Gaza, a pris ses distances avec la bande de Gaza, et les Gazaouis ne partagent plus aucune frontière avec le monde extérieur.
La résurgence de la résistance à Jabalia, au cours de combats acharnés qui ont pris l'armée israélienne au dépourvu, laisse donc présager ce que d'aucuns pourraient appeler un “miracle”.
Plus qu'une guérilla
Dans une interview accordée à The Cradle, un dirigeant du Hamas a déclaré que les affirmations de Tel-Aviv selon lesquelles Israël contrôle le nord et le centre de la bande de Gaza avant de se concentrer sur le sud ont toujours été mensongères et que la résistance conserve toujours sa puissance et sa capacité de commandement.
Le porte-parole du Jihad islamique palestinien (PIJ), Mohammed al-Haj Moussa, évalue la situation de la même manière, déclarant au Cradle : “Nous sommes prêts pour une longue guerre d'usure”, faisant écho aux propos du porte-parole des Brigades Qassam, Abu Obeida.
Leurs commentaires sur l'absence de contrôle israélien sur le nord de la bande de Gaza, comme ce dernier l'a souvent affirmé, sont mis en évidence par la recrudescence des combats dans le nord de la bande de Gaza aujourd'hui.
Au début de la guerre, les forces israéliennes se sont déplacées depuis plusieurs directions vers la bande de Gaza, notamment Al-Atatreh, Beit Lahiya, Beit Hanoun et Shujaiya au nord et au nord-est, et depuis des axes centraux comme Juhr al-Dik et le quartier d'Al-Zaytoun vers Sheikh Ajlin près de la côte - ostensiblement pour renforcer leur contrôle sur le nord de la bande de Gaza.
Cependant, en janvier, Israël a annoncé le redéploiement de ses forces, se retirant de la plupart des zones septentrionales et se postant principalement dans le quartier d'Al-Zaytoun, avec l'intention de se diriger vers les zones où la résistance se maintenait, principalement au sud de la bande de Gaza.
La confiance de Tel-Aviv, qui pensait que les choses avaient basculé en sa faveur à Jabalia, n'était pas justifiée. Les pertes annoncées aujourd'hui par l'armée d'occupation - en soldats et en matériel - confirment qu'un combat acharné se déroule dans le camp et ses environs.
Une source haut placée du Hamas a informé The Cradle que la stratégie israélienne de “fauchage de l'herbe”, destinée à affaiblir ou à paralyser périodiquement la résistance de Gaza, n'a pas eu l'effet escompté, même après 225 jours de guerre.
La véritable guerre d'usure
Des sources de la résistance palestinienne rapportent que même le quartier d'Al-Zaytoun, l'un des principaux bastions des forces israéliennes pour contrer le “Viêt-cong palestinien” dans le nord de la bande de Gaza, était peu sûr pour les soldats israéliens. Les combattants palestiniens sortent régulièrement des décombres et des souterrains pour mener une véritable guerre d'usure contre les milliers de soldats qui y sont stationnés.
Les sources de la résistance indiquent également qu'une série d'armes explosives ont été utilisées dans les embuscades et les attaques : des “bombes Al-Shawaz” et “Tandom” pour détruire les chars Merkava et d'autres véhicules blindés, des obus “Al-Yassin 105”, ainsi que des bombes et des pièges dans les bâtiments à l'aide de roquettes et d'obus non explosés lors des raids précédents, qui se déclenchent lorsque les soldats se mettent à l'abri à l'intérieur.
En outre, les opérations de snipers, les tirs de mortier et les affrontements soudains avec les soldats ennemis par les combattants qui sortent des tunnels se poursuivent.
Le chef du Hamas susmentionné déclare à The Cradle que ces opérations révèlent
“la perte de contrôle de Tsahal” et ajoute : “L'ennemi n'est pas prêt pour de longues batailles sur plusieurs fronts, et c'est ce qui lui a fait perdre sa maîtrise et, en même temps, la théorie sur laquelle il était basé, à savoir une politique de dissuasion et d'opérations préventives”.
L'ironie veut que l'armée israélienne ait affirmé avoir "démantelé" 20 des 24 bataillons initiaux du Hamas, donnant ainsi au Premier ministre Benjamin Netanyahu une excuse pour poursuivre l'invasion de Rafah.
“Nous ne pouvons pas les laisser là”, avait déclaré M. Netanyahu au sujet des bataillons intacts lors d'une interview au début du mois. “Ce qu'ils essaient de faire, c'est de nous contraindre [ou] nous faire du chantage pour que nous quittions la bande de Gaza. Si nous les abandonnions la traque des bataillons et de leurs dirigeants, ils reprendraient le contrôle de la bande de Gaza et recommenceraient leurs opérations.”
Une “victoire” qui piétine
Mais les efforts incessants de Netanyahou pour écraser Gaza et déclarer la “victoire” sur la résistance se heurtent sans cesse au mur des Viêt-congs palestiniens et à leur démonstration permanente de nouvelles tactiques : ruse, embuscades, sabotage, espionnage, sacrifices et, surtout, une grande patience stratégique.
Jabalia est la quintessence de la leçon de cette résistance renouvelée et améliorée. Il s'agit d'un camouflet retentissant pour le Premier ministre et son Cabinet de guerre, qui compromet la “victoire” israélienne à chaque instant. Elle met en évidence les lacunes des plans envisagés - qu'ils soient israéliens, américains ou arabes - pour occuper, administrer ou imposer l'autorité sur Gaza.
Haj Moussa, du PIJ, déclare que les batailles militaires de Jabalia et de Rafah, où les forces d'occupation subissent également des pertes croissantes, montrent qu'Israël
“n'a pu, depuis environ huit mois, atteindre aucun de ses objectifs déclarés à Gaza, ni sur le plan de la destruction de la résistance, ni sur le sauvetages des otages sionistes”.
Malgré le soutien militaire inconditionnel de la fanfare sécuritaire américaine et occidentale, Tel-Aviv n'a pas été en mesure d'imposer définitivement son contrôle sur Jabalia ou sur d'autres secteurs. Le responsable du PIJ souligne que les Brigades Al-Quds, l'aile militaire du mouvement, sont toujours présentes dans la bande de Gaza et ne redoutent pas de voir la résistance fléchir.
Les analystes, y compris certains membres de l'administration Biden, s'accordent à dire qu'Israël est loin d'avoir remporté la victoire. Il ne s'est approprié aucun territoire, n'a libéré aucun prisonnier et n'a tué aucun des principaux chefs de la résistance. Faute d'un plan crédible pour le “jour d'après” et incapable de détruire le labyrinthe de tunnels, Israël se perd dans les dédales en surface, et pas seulement sous terre.
Qu'est-il advenu de la vantardise de Tel-Aviv de tuer 13 000 militants du Hamas (sur 30 000 à 40 000 combattants), de l'identification et de la destruction des “tunnels du Hamas”, ou du “nettoyage” de secteurs entiers sous le contrôle de la résistance ? Que sont devenues les affirmations de Netanyahou selon lesquelles il ne restait que “quatre bataillons” au Hamas ?
Comment la résistance palestinienne peut-elle encore se battre avec acharnement à Shujaiya, Jabalia, Al-Zaytoun, Deir al-Balah, jusqu'à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza ? Comment se fait-il que les chars et les véhicules blindés israéliens soient détruits si facilement et que les forces d'occupation meurent en plus grand nombre qu'auparavant ?
Si Netanyahou a misé sur la soumission de Jabalia, Rafah et d'autres zones clés pour faciliter sa capacité à négocier la libération des prisonniers israéliens, il aurait dû réduire ses pertes au plus tôt pour éviter deux défaites : une défaite politique infligée par ses partenaires de coalition et une opinion publique en colère, et une défaite militaire dans la bande de Gaza.
Seul un cessez-le-feu à Gaza peut sauver le Premier ministre israélien d'une guerre d'usure palestinienne, qui minera le moral d'Israël, asséchera son économie et frustrera ses alliés occidentaux.
Pour Haj Moussa, “les discours de Netanyahou et des leaders de l'occupation sur la victoire attendue ne sont qu'une illusion, des formules sans aucun lien avec la réalité”.
https://thecradle.co/articles/the-battle-of-jabalia-a-palestinian-lesson-in-war-of-attrition