đâđš La Chine est plus douĂ©e que nous pour le capitalisme, voilĂ la vĂ©ritable menace qu'elle reprĂ©sente.
Le défilé des robots du régime Biden à Pékin se poursuit. Les Chinois doivent se demander, avec dépit ou amusement, voire les deux, quel nouvel élu le régime Biden va bien pouvoir encore leur envoyer.
đâđš La Chine est plus douĂ©e que nous pour le capitalisme, voilĂ la vĂ©ritable menace qu'elle reprĂ©sente.
Par Patrick Lawrence / Original to ScheerPost, le 30 août 2023
Le dĂ©filĂ© des robots du rĂ©gime Biden vers PĂ©kin se poursuit Ă un rythme soutenu. AprĂšs la visite infructueuse d'Antony Blinken Ă la mi-juin, une autre visite infructueuse a Ă©tĂ© payĂ©e Ă Janet Yellen, et aprĂšs Yellen, ce fut le tour de John Kerry. Cette semaine, c'est au tour de Gina Raimondo. Le SecrĂ©taire d'Ătat, le SecrĂ©taire au TrĂ©sor, l'envoyĂ© principal pour le Climat, et le SecrĂ©taire au commerce : Ă quoi rime ce cortĂšge ?
Je ne peux m'empĂȘcher de me demander si ces fonctionnaires ne sont pas envoyĂ©s de l'autre cĂŽtĂ© du Pacifique par ordre dĂ©croissant de compĂ©tence. Mme Raimondo, qui a fait un flop en tant que gouverneur du Rhode Island - Ă l'exception de son plan de rĂ©duction des pensions de la fonction publique, qui a connu un triste succĂšs - incarne la mĂ©diocritĂ© en chair et en os. Les Chinois doivent se demander, avec dĂ©pit ou amusement, voire les deux, quel nouvel Ă©lu le rĂ©gime Biden va bien pouvoir encore leur envoyer.
Dans tous ces cas, la mission est la mĂȘme : il s'agit de "deux prioritĂ©s apparemment contradictoires", comme l'a dit Ana Swanson, du New York Times, en lever de rideau la semaine derniĂšre. Elle a dĂ©crit "une mission visant Ă renforcer les relations commerciales entre les Ătats-Unis et PĂ©kin tout en appliquant certaines des restrictions commerciales les plus sĂ©vĂšres imposĂ©es Ă la Chine depuis des annĂ©es".
C'est succinct, mĂȘme si nous pourrions allĂšgrement nous passer du "apparemment". Proposer de mener des affaires courantes tout en sabotant la position concurrentielle de la Chine dans les technologies de pointe est Ă premiĂšre vue une idĂ©e parfaitement ridicule. Mais le Times a besoin de son "apparemment", parce qu'il est impĂ©ratif de prĂ©tendre que le rĂ©gime Biden agit de maniĂšre sensĂ©e, et qu'il est animĂ© de bonnes intentions dans ses relations avec la RĂ©publique populaire.
Blinken n'a rien fait, Yellen n'a rien fait, Kerry n'a rien fait, et dans le cas de Raimondo, c'est sans espoir. La derniĂšre Ă©tape de son itinĂ©raire est une visite Ă Disneyland, Ă Shanghai, et il faut remercier l'organisateur de la SecrĂ©taire d'Ătat d'avoir fait rĂ©fĂ©rence aux rĂȘves et Ă la magie. Un ami anglais m'a fait remarquer que nous, les AmĂ©ricains, faisons beaucoup d'appels du pied et de claquements de doigts de l'autre cĂŽtĂ© du Pacifique ces jours-ci. C'est juste, mais je pense que, pour l'instant, la premiĂšre option est plus importante que la seconde. Cette administration n'a tout simplement aucune idĂ©e de ce Ă quoi pourrait ressembler une politique chinoise judicieuse.
De quoi est-il question ? Il y a bien longtemps que je pense que les responsables de la politique Ă©trangĂšre de M. Biden correspondent Ă la dĂ©finition de la folie ordinaire, faussement attribuĂ©e Ă Einstein. Ces gens semblent rĂ©pĂ©ter inlassablement le mĂȘme processus tout en s'attendant Ă un rĂ©sultat diffĂ©rent. Mais la visite de Raimondo Ă PĂ©kin cette semaine me fait revoir ma position. Les responsables de la politique de sĂ©curitĂ© nationale de Joe Biden sont des idĂ©ologues sans imagination, pĂ©trifiĂ©s Ă l'idĂ©e de s'Ă©carter du catĂ©chisme nĂ©olibĂ©ral, mais ils ne sont pas fous. Je commence Ă entrevoir dans leurs tractations avec PĂ©kin un dessein diabolique auquel les Chinois ont tout Ă fait raison de s'opposer.
La stratégie chinoise de l'administration Biden se résume essentiellement à la parade, tout simplement. Tous les discours inutiles visent à masquer un effort concerté pour saper l'économie chinoise, parce que nous ne pouvons pas rivaliser dans divers secteurs stratégiques, tout en gagnant du temps pour installer le maximum de matériel militaire américain aussi prÚs que possible du continent chinois, dans le cadre d'un programme que le ministÚre de la défense a baptisé il y a quelques années "Initiative pour la Défense du Pacifique" (PDI).
Il est probable que les ambitions militaires transpacifiques de Washington l'emportent sur les relations commerciales et Ă©conomiques de longue date. C'est ce que signifient le "dĂ©couplage" et maintenant la "dĂ©solidarisation". Ils avertissent les entreprises et les secteurs financiers que leurs intĂ©rĂȘts, qui ont primĂ© dans les dĂ©cennies qui ont suivi les rĂ©formes Dengistes des annĂ©es 1980 [sĂ©rie d'idĂ©ologies politiques et Ă©conomiques d'abord dĂ©veloppĂ©es par le dirigeant chinois Deng Xiaoping. Il a soulignĂ© l'ouverture de la Chine au monde extĂ©rieur, la mise en Ćuvre d'un pays, deux systĂšmes, et par l'expression "chercher la vĂ©ritĂ© des faits", une dĂ©fense de pragmatisme politique et Ă©conomique] , n'auront plus la prioritĂ© car la nouvelle guerre froide que Biden persiste Ă nier dĂ©truit les relations avec le Continent.
Il y a deux ans, Mme Raimondo a accordĂ© une interview Ă CNBC, la chaĂźne d'information financiĂšre, qui annonçait plus ou moins l'intention du rĂ©gime Biden de subvertir des secteurs clĂ©s de l'Ă©conomie chinoise. Elle s'apprĂȘtait Ă prendre la parole devant le Conseil du commerce et de la technologie Ătats-Unis-Union europĂ©enne et a dĂ©clarĂ© Ă son interlocuteur : "Si nous voulons vraiment ralentir le taux d'innovation de la Chine, nous devons travailler avec l'Europe".
Il est utile, de temps à autre, de placer des abruties comme Mme Raimondo à des postes élevés, car, sans le vouloir, elles peuvent vous en dire beaucoup plus que vous ne devriez en savoir. Ralentir les progrÚs impressionnants de la Chine dans les secteurs de haute technologie était précisément l'intention de Washington lorsque Mme Raimondo s'est exprimée. Sous sa direction, le ministÚre du Commerce a depuis imposé un large éventail de restrictions aux exportations américaines de puces à semi-conducteurs, de systÚmes logiciels et de machines utilisées pour les produire vers la Chine. Comme le rapporte Ana Swanson, Mme Raimondo est susceptible de multiplier ces mesures dÚs son retour de Pékin.
Le rĂ©gime Biden dĂ©guise cette attitude profondĂ©ment indigne en la qualifiant d'"Ă©troitement ciblĂ©e" sur les technologies susceptibles d'ĂȘtre utilisĂ©es par l'armĂ©e chinoise. Jake Sullivan a ouvert la voie Ă tous ces visiteurs de PĂ©kin lors d'un discours prononcĂ© Ă la Brookings Institution en avril dernier.
"Nous imposons des restrictions nécessaires aux exportations de technologies spécifiques, a-t-il expliqué, tout en cherchant à éviter un blocus technologique pur et simple.... L'administration a l'intention de maintenir une relation commerciale significative avec la Chine".
C'est ce que Raimondo et tous ceux qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©e en Chine racontent lorsqu'ils expliquent leurs intentions : l'unique prĂ©occupation de Washington, alors que Raimondo impose son rĂ©gime de restrictions, est la sĂ©curitĂ© nationale, et pour le reste, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il est difficile d'imaginer une esquive plus lĂ©gĂšre. Selon ce raisonnement, elle devrait restreindre les ventes de chewing-gum Juicy Fruit aux Chinois. Ce que fait l'administration Biden revient Ă sĂ©curiser les relations Ă©conomiques. Si vous avez jamais doutĂ© que les Ătats-Unis sont un imperium en dĂ©liquescence qui refuse de reconnaĂźtre les rĂ©alitĂ©s du XXIe siĂšcle, je vous propose d'en faire la preuve.
Les Chinois le savent et l'ont dit à maintes reprises. Je ne pense plus que Blinken, Yellen et consorts aient l'intention de les persuader du contraire au cours de ces déplacements. Leurs intentions ne font qu'y ressembler. Leur véritable objectif est d'ordre théùtral, et les Américains sont leur véritable public : ils doivent s'assurer que nous ne comprenons pas les efforts de Gina Raimondo pour toucher les Chinois bien en dessous de la ceinture pour ce qu'ils sont : les tentatives d'une nation non concurrentielle pour freiner une puissance économique en pleine expansion.
J'ai trouvĂ© le discours prononcĂ© par M. Sullivan au printemps dernier intĂ©ressant pour ce qu'il a laissĂ©, comme pour ce quâil a dit. Il n'a pas mentionnĂ© une seule fois le renforcement de l'armĂ©e amĂ©ricaine Ă l'extrĂ©mitĂ© ouest du Pacifique.
On peut parler d'Ă©lĂ©phants dans le salon. Le Pentagone dĂ©veloppe l'alliance australo-britannico-amĂ©ricaine appelĂ©e AUKUS, il y a le groupe Quad, qui comprend les Ătats-Unis, l'Australie, l'Inde et le Japon, il y a ces alliances rĂ©cemment et soigneusement consolidĂ©es avec SĂ©oul, Tokyo, Manille et Canberra, et rien de tout cela, nous dit-on encore et encore, n'a quoi que ce soit Ă voir avec l'encerclement de la Chine ou avec le dĂ©placement des ressources militaires amĂ©ricaines vers l'ouest, en direction du Continent. Ce n'est le cas qu'"en apparence", comme le dirait le Times.
Il en va de mĂȘme pour les projets de Raimondo dans le domaine de la technologie: ni les Chinois ni qui que ce soit d'autre en Asie ne gobent ces explications grotesques, et personne ne s'attend Ă les voir aboutir. PĂ©kin sait trĂšs bien que toutes ces visites apparemment inutiles organisĂ©es par les fonctionnaires amĂ©ricains ont un but. Le rĂ©gime Biden gagne du temps pour remilitariser l'extrĂ©mitĂ© occidentale du Pacifique. Les seules personnes censĂ©es comprendre le contraire sont les AmĂ©ricains. Nous ne sommes pas censĂ©s ĂȘtre tĂ©moins des provocations de Washington et des consĂ©quences de la deuxiĂšme guerre froide qui se dĂ©roule sous nos yeux. Nous sommes censĂ©s voir les responsables amĂ©ricains - raisonnables, constructifs, bien intentionnĂ©s - faire tous les efforts possibles pour parler aux Chinois face Ă leur rĂ©ticence obstinĂ©e Ă coopĂ©rer.
Voilà mon point de vue révisé sur la croisade Blinken-Yellen-Kerry-Raimondo au-delà du Pacifique. Ces gens ne sont pas des imbéciles. Ils sont délibérément malveillants et, il va sans dire, rendent le monde encore plus dangereux qu'il ne l'est déjà .
Il faut examiner deux aspects dans ce contexte. PremiÚrement, les efforts du régime Biden pour dissimuler ce qu'il fait à l'autre bout du Pacifique sont la réédition pure et simple de la premiÚre guerre froide, qui figure désormais dans tous les livres d'histoire comme relevant de la responsabilité des Soviétiques. Il nous incombe de produire et de défendre un compte rendu exact afin que cela ne se reproduise pas.
DeuxiÚmement, il y a cette immense trahison de l'administration envers les Américains lors de son offensive dans le Pacifique, ainsi que les nombreuses opportunités perdues dont les Américains sont privés. Vous trouverez dans le discours de Jake Sullivan de grandes et nombreuses références à la renaissance de la classe moyenne américaine, à l'unité bipartite et à d'autres considérations nobles du genre. Lisez le discours et posez-vous la question suivante : que font les dirigeants de ce pays pour promouvoir la compétitivité de l'Amérique ?
Redoublons-nous d'efforts pour éduquer nos concitoyens ou fermons-nous diaboliquement l'accÚs - voir l'université de Virginie-Occidentale - à l'enseignement des humanités ? Que faisons-nous pour former les médecins et les scientifiques dont nous avons besoin pour trouver notre voie au XXIe siÚcle ? Que faisons-nous pour intégrer les démunis dans l'économie, pour lutter contre la toxicomanie et tous nos autres maux sociaux débilitants ? Que faisons-nous - vraiment, je veux dire - pour réparer et construire les infrastructures dont nous avons besoin ? Rien ou pas assez, telles sont mes réponses.
Le dĂ©fi chinois pourrait et devrait ĂȘtre compris comme une chance de rĂ©inventer l'AmĂ©rique par le biais d'une Grande Mobilisation, "G" & "M", de lâampleur du New Deal [nom donnĂ© par le prĂ©sident des Ătats-Unis Franklin Delano Roosevelt Ă sa politique mise en place pour lutter contre les effets de la Grande DĂ©pression aux Ătats-Unis, de 1934 Ă 1938]. Bien entendu, cette idĂ©e n'est qu'un vĆu pieux. En fait, nous offrons cette occasion historique au complexe militaro-industriel, Ă la cupiditĂ© des entreprises, et aux ambitions de dirigeants politiques dĂ©pourvus de tout principe et de toute rĂ©flexion sur l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
Peut-ĂȘtre pensez-vous, comme moi, qu'aucun des fonctionnaires de Biden envolĂ©s pour PĂ©kin ne prend au sĂ©rieux la vĂ©ritable tĂąche Ă accomplir dans nos relations avec la Chine, ni n'est compĂ©tent pour la mener Ă bien. Force est de constater, avec amertume, qu'ils sont parfaitement reprĂ©sentatifs de notre situation, dĂ©finie par un leadership qui, plus ou moins globalement, manque de sĂ©rieux et de compĂ©tence pour relever les grands dĂ©fis de notre temps - la Chine n'Ă©tant qu'un exemple parmi d'autres.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son dernier ouvrage s'intitule Time No Longer : Americans After the American Century. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré sans explication.