👁‍🗨 La Chine soutient la Palestine

La déclaration de Pékin n'arrêtera pas la guerre. Seul l'Hégémon, en stoppant les livraisons d’armes à Tel-Aviv le peut. Mais à Washington, nous n'avons assisté qu'à 58 ovations en faveur du génocide.

(Crédit photo : The Cradle)

👁‍🗨 La Chine soutient la Palestine

Par Pepe Escobar, le 26 juillet 2024

La déclaration de Pékin confirme que la résolution des conflits mondiaux se joue désormais en Chine. Mais elle met également à mal les initiatives américano-israéliennes visant à mettre en place un gouvernement palestinien de collaboration après la guerre de Gaza.

---

HONG KONG - La Déclaration de Pékin, signée en début de semaine, constitue un nouveau succès diplomatique chinois, mais le document va bien au-delà de la confirmation de l'influence de la Chine.

La réunion des représentants de 14 factions palestiniennes, qui se sont engagés à une réconciliation totale, a montré au monde entier que la voie à suivre pour résoudre les problèmes géopolitiques insolubles n'est plus unilatérale : elle est multipolaire, multinodale, et la Chine, membre des BRICS et de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), en est l’incontournable chef de file.

Le concept de la Chine en tant que superpuissance pacificatrice est désormais si bien établi qu'après le rapprochement Iran-Arabie saoudite et la signature de la Déclaration de Pékin, le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kuleba a confié à son homologue chinois Wang Yi à Pékin que Kiev était enfin prêt à négocier la fin de la guerre par procuration entre l'OTAN et la Russie en Ukraine.

Les Palestiniens qui se sont rendus à Pékin affichaient un visage réjoui. Pour Mahmoud al-Aloul, vice-président du Fatah, “la Chine est un phare. Les initiatives de la Chine sont bien trop rares sur la scène internationale”.

Le porte-parole du Hamas, Hussam Badran, a déclaré que le mouvement de résistance palestinien avait accepté l'invitation chinoise “dans un état d'esprit constructif et avec un sens patriotique des responsabilités”. Toutes les factions palestiniennes sont parvenues à un consensus sur les “exigences palestiniennes pour mettre fin à la guerre”, ajoutant que la partie “la plus significative” de la déclaration est la formation d'un gouvernement fondé sur un consensus national palestinien pour “administrer les affaires de la population de Gaza et de Cisjordanie, superviser la reconstruction et créer les conditions nécessaires à la tenue d'élections”.

La proposition chinoise en trois étapes

Wang Yi est allé droit au but : selon le ministre des Affaires étrangères chinois, la question palestinienne est au cœur de tous les enjeux en Asie de l'Ouest. Il a souligné que Pékin

... n'a jamais nourri d'intérêts propres à l'égard de la question palestinienne. La Chine est l'un des premiers pays à avoir reconnu l'OLP [Organisation de libération de la Palestine] et l'État de Palestine, et a toujours fermement soutenu le peuple palestinien dans la restauration de ses droits nationaux légitimes. Ce que nous apprécions, c'est le sens moral et ce que nous prônons, c'est la justice.

Ce que Wang n'a pas dit - et n'avait pas besoin de le faire - c'est que cette position reflète celle, très largement majoritaire, des BRICS+, partagée par une Majorité Mondiale, y compris, et c'est crucial, par tous les pays musulmans.

Tout est dans le nom - dans un avenir prévisible, tout le monde notera qu'il s'agit de “la déclaration de Pékin” soutenant sans équivoque une Palestine unifiée.

Il n'est donc pas étonnant que toutes les factions politiques se soient montrées à la hauteur de l'événement, s'engageant à soutenir un gouvernement palestinien indépendant doté de pouvoirs exécutifs dans la bande de Gaza et la Cisjordanie occupée. Mais il y a un hic : cela n'interviendra qu'après la guerre, que le régime de Tel-Aviv veut prolonger indéfiniment.

Ce que Wang Yi a laissé transparaître, c'est que la position historique et constante de la Chine en faveur de la Palestine pourrait être un facteur décisif pour aider les futures institutions de gouvernance palestiniennes. Pékin propose trois étapes pour y parvenir :

• Premièrement, un cessez-le-feu “global, durable et effectif” à Gaza au plus vite, et “l'accès à l'aide humanitaire et aux secours sur le terrain”.

• Deuxièmement, des “efforts concertés” - en présumant de l'implication de l'Occident - en vue d'une “gouvernance post-conflit de Gaza sur la base de la gouvernance de la Palestine par les Palestiniens”. Une des priorités absolues est de lancer la reconstruction “dès que possible”. Pékin souligne que “la communauté internationale doit soutenir les factions palestiniennes dans la mise en place d'un gouvernement intérimaire de consensus national, et réaliser une administration efficace de Gaza et de la Cisjordanie.”

• Troisièmement, aider la Palestine “à devenir un État membre à part entière des Nations unies” et à mettre en œuvre la solution des deux États. Pékin maintient qu'“il est primordial de soutenir la convocation d'une conférence de paix internationale plus large, plus influente et plus efficace afin d'élaborer un calendrier et une feuille de route pour la solution à deux États.”

Malgré tous ces louables objectifs, lorsqu'il est manifestement clair qu'Israël a de facto enterré la solution à deux États - comme en témoigne le récent vote de la Knesset pour rejeter tout État palestinien - au moins la Chine propose-t-elle sans détour ce que la Majorité Mondiale considère unanimement comme un objectif équitable.

La présence de diplomates de la Russie, de l'Afrique du Sud, de l'Égypte et de l'Arabie saoudite, membres des BRICS, ainsi que d'Algérie, du Qatar, de la Jordanie, de la Syrie, du Liban et de la Turquie, lors de la signature de la déclaration, est également à souligner.

Le génocide, une entreprise salutaire

Maintenant, comparons le coup diplomatique de la Chine avec les 58 ovations que le Congrès américain a réservées au psychopathe en chef d'Israël qui colporte la notion de génocide en tant qu’entreprise salutaire.

L'accueil réservé au héros Bibi Netanyahu à Washington porte la notion de psychopathologie collective à un niveau inégalé. Pourtant, la complicité dans le génocide de Gaza n'est pas vraiment une exception à la règle en ce qui concerne le leadership politique américain.

Les “élites” politiques de l'Hégémon - avec le concours franco-britannique - ont également activement contribué aux bombardements et au blocus oppressifs du Yémen par les Saoudiens et les Émiratis, qui, en neuf ans, ont causé encore plus de morts civiles qu'à Gaza, et ont fourni les armes pour y parvenir. La famine au Yémen est loin d'être éradiquée, mais cette guerre a été totalement ignorée par l'Occident.

La Chine a encouragé le rapprochement entre l'Arabie saoudite et l'Iran, Riyad est devenu un membre des BRICS+ et s'est profondément engagé dans le mouvement de dédollarisation, consacrant l’émergence du pétroyuan.

En outre, le mouvement de résistance yéménite Ansarallah a réussi à humilier à lui seul la marine américaine. La “revanche” américano-britannique a consisté à ouvrir un autre front, en bombardant les structures portuaires yéménites pour protéger la navigation israélienne dans la mer Rouge et les voies navigables alentour.

Alors que le Yémen est toujours en guerre sur deux fronts - contre l'hégémon et Israël tout en gardant un œil sur les éventuelles manigances saoudiennes - la Palestine continue d'être massacrée par un Israël pleinement soutenu par les États-Unis. La déclaration de Pékin ne signifiera rien si elle n'est pas mise en œuvre. Mais comment s'y prendre ?

Dans l'hypothèse d'un succès partiel, la déclaration pourrait mettre des bâtons dans les roues à l'impunité absolue dont jouit l'agenda de Tel-Aviv et de Washington, car après l'accord de Pékin, chercher à former un gouvernement palestinien de collaboration pour perpétuer l'occupation pourrait s'avérer beaucoup plus ardu.

L'ensemble des factions palestiniennes est désormais largement redevable à la Chine. Les querelles internes devront cesser, faute de quoi Pékin perdrait véritablement la face.

Par ailleurs, les dirigeants chinois semblent parfaitement conscients de ce que ce pari est celui du Sud global - exposant l'hypocrisie de l'hégémon au vu et au su de tous.

À l'instar de l'accord entre l'Arabie saoudite et l'Iran conclu à Pékin, les perspectives ne sauraient être plus favorables, notamment si on les compare au refus israélo-américain d'un cessez-le-feu digne de ce nom.

Une véritable unité palestinienne donnera également plus de vigueur à chaque initiative mondiale aux Nations unies, à la Cour internationale de justice (CIJ) et à d'autres forums mondiaux.

Cependant, toutes ces mesures ne sont rien au regard du terrible scénario qui se déroule sur le terrain. Les Israéliens à l'idéologie génocidaire - avec le soutien total des “responsables” politiques américains - continuent de mener à leur guise leurs revendications fondamentales : le meurtre de masse et le nettoyage ethnique de millions de Palestiniens, ce qui, en théorie, devrait aboutir à une majorité démographique absolue en faveur de l'expansion d'Israël sur toutes les terres palestiniennes.

Cette tragédie n'est pas près de s'arrêter. La déclaration de Pékin ne la fera pas cesser. Seul l'Hégémon, en coupant l'approvisionnement en armes de Tel-Aviv, peut la faire cesser. Or, aujourd'hui, nous n'avons assisté qu'à 58 ovations de Washington en faveur d'un génocide.

https://thecradle.co/articles/china-throws-clout-behind-palestine