đâđš La CIA, de lâIrak Ă lâIran
Trump se plaint de l'âĂtat profondâ qui, sans chercher Ă lâemprisonner, le contourne pour faire avancer son agenda, dont l'Iran, pour lui comme pour IsraĂ«l, est lâenjeu ultime depuis des dĂ©cennies.
đâđš La CIA, de lâIrak Ă lâIran
Par Shivan Mahendrarajah, le 13 mai 2025
Un plan amĂ©ricain Ă©laborĂ© en 2002 pour briser l'Irak avant de l'envahir est en train d'ĂȘtre rĂ©activĂ© contre l'Iran, avec des sabotages, des assassinats et une guerre psychologique dĂ©jĂ en cours.
Le 11 septembre 2001, alors que la fumée s'élevait encore des tours jumelles et du Pentagone, deux réunions - l'une à Tel-Aviv et l'autre à Washington - ont placé l'Irak dans le collimateur. Le Premier ministre israélien de l'époque, Ariel Sharon, a convoqué une réunion d'urgence de son cabinet de sécurité nationale et a décidé de profiter des attentats pour pousser à la guerre contre l'Irak de Saddam Hussein.
Des agents israĂ©liens infiltrĂ©s dans l'administration Bush, rĂ©putĂ©e belliciste, ont Ă©tĂ© chargĂ©s de promouvoir ce plan. Dans le mĂȘme temps, l'ancien secrĂ©taire amĂ©ricain Ă la DĂ©fense Donald Rumsfeld et son adjoint Paul Wolfowitz ont initiĂ© des discussions internes sur la nĂ©cessitĂ© de cibler l'Irak.
Selon le tĂ©moignage de l'ancien secrĂ©taire d'Ătat Colin Powell devant la Commission du 11 septembre,
âc'est Wolfowitz â et non Rumsfeld â qui a fait valoir que l'Irak Ă©tait en fin de compte la source du problĂšme terroriste, et devait donc ĂȘtre attaquĂ©â.
C'est lui qui a soutenu que l'Irak Ă©tait Ă l'origine du problĂšme terroriste. Au Pentagone, âWolfowitz a continuĂ© Ă faire pression pour intervenir en Irakâ.
Le 11 septembre, le jour mĂȘme des attentats terroristes â alors que Washington avait immĂ©diatement identifiĂ© les dirigeants d'Al-QaĂŻda basĂ©s en Afghanistan comme les responsables â, le directeur de la CIA, George Tenet, a autorisĂ© la crĂ©ation du Groupe des opĂ©rations en Irak (IOG), dirigĂ© par Luis Rueda et John Maguire, deux vĂ©tĂ©rans des opĂ©rations secrĂštes.
En moins de 24 heures, les deux hommes ont Ă©bauchĂ© un plan de dĂ©stabilisation de l'Irak. BaptisĂ© DB/ANABASIS (âDBâ Ă©tant le nom de code de la CIA pour l'Irak), ce plan a Ă©tĂ© activĂ© bien avant toute dĂ©claration officielle de guerre, et bien avant que l'opinion publique amĂ©ricaine ne soit prĂ©parĂ©e Ă soutenir les allĂ©gations fallacieuses concernant la prĂ©sence d'armes de destruction massive en Irak.
Approuvée par le président américain George W. Bush en février 2002 et dotée d'un budget de 400 millions de dollars, DB/ANABASIS était un plan détaillé de sabotage, de désinformation, de guerre psychologique, de soulÚvements armés et de renversement du gouvernement.
En résumé : alors que le monde avait les yeux rivés sur Al-Qaïda et l'Afghanistan, l'Irak avait déjà été choisi comme premiÚre cible.
Transfert de cible : de l'Irak Ă l'Iran
En janvier 2002, le prĂ©sident Bush prononçait son tristement cĂ©lĂšbre discours sur âl'axe du malâ, dans lequel il associait l'Iran et l'Irak. Ce discours, rĂ©digĂ© par le nĂ©oconservateur David Frum, Ă©tait, tout comme Oded Yinon â auteur du âplan Yinonâ â, un disciple d'Ariel Sharon.
Il suivait la logique stratĂ©gique du rapport âA Clean Breakâ rĂ©digĂ© en 1996 pour Benjamin Netanyahu par Richard Perle, Doug Feith et David Wurmser, entre autres. Le plan initial visait l'Irak, l'Iran et la Syrie. Afin de dissimuler les implications israĂ©liennes, la CorĂ©e du Nord a Ă©tĂ© ajoutĂ©e comme leurre.
La stratégie était simple : renverser d'abord l'Irak, puis l'Iran. Une fois ces deux pays tombés, la Syrie et le Hezbollah seraient des proies faciles.
L'Irak est tombé en 2003. La Syrie est en ruines. Aujourd'hui, l'Iran est le dernier domino. Et l'arsenal autrefois utilisé contre l'Irak est dépoussiéré et redéployé. Il s'agit de la version révisée de l'ANABASIS de la CIA, mais cette fois-ci, c'est l'Iran qui est dans le collimateur.
Opération DB/ANABASIS
Les grands thÚmes de l'ANABASE sont appliqués à l'Iran aujourd'hui : sanctions pour affaiblir l'économie, sabotages et assassinats pour instaurer peur et confusion, et opérations psychologiques pour diviser l'opinion publique.
Les groupes d'opposition iraniens sont au cĆur de cette nouvelle campagne. En 2012, l'ancien prĂ©sident amĂ©ricain Obama a retirĂ© le Mujahideen-e-Khalq (MEK) de la liste des organisations terroristes du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain. Le MEK a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© en Albanie, oĂč il opĂšre dĂ©sormais depuis le camp d'Ashraf, lançant des cyberattaques et des attentats terroristes contre la RĂ©publique islamique.
La CIA exploite Ă©galement les sĂ©paratistes kurdes et baloutches pour ses opĂ©rations. Le Mossad, souvent en collaboration avec la CIA, est soupçonnĂ© d'avoir orchestrĂ© l'assassinat de scientifiques tels que Mohsen Fakhrizadeh et des attentats terroristes Ă TĂ©hĂ©ran (2017), Ahvaz (2018), Chahbahar (2019) et Shah Cheragh (2022, 2023). La rĂ©cente attaque de Kerman (2024) s'inscrit dans le mĂȘme schĂ©ma.
Les manifestations qui ont suivi la mort de Mahsa Amini ont Ă©tĂ© rapidement rĂ©cupĂ©rĂ©es par la CIA â ou par des agents alignĂ©s sur le Mossad, armĂ©s de cocktails Molotov et d'armes Ă feu â contrairement aux manifestations prĂ©cĂ©dentes.
Les incendies à Bandar Abbas, Karaj et Mashhad s'inscrivent également dans le cadre de l'ANABASIS. Ce ne sont pas des accidents, mais des actes de sabotage économique et psychologique.
La guerre cachée : impact psychologique et stratégique
âM. Bond, il y a un dicton Ă Chicago : âLa premiĂšre fois, c'est le hasard. La deuxiĂšme fois, c'est une coĂŻncidence. La troisiĂšme fois, c'est l'Ćuvre de l'ennemiââ â Goldfinger (1959).
Un analyste iranien respectĂ© a qualifiĂ© les sabotages Ă Bandar Abbas, Karaj et Mashhad d'attaques âgrossiĂšresâ visant Ă âfaire payer le prix fortâ. Mais l'impact militaire et psychologique est sous-estimĂ© : comme au Liban, ces actes dĂ©truisent les infrastructures, tuent des civils et suscitent des rĂ©actions de panique.
Le sabotage est plus efficace lorsqu'il semble fortuit tout en coïncidant avec des moment clés de la vie politique. Lorsque l'ancien président du Parlement Ali Larijani est apparu à la télévision durant la panne d'électricité à Karaj, le message était clair : vos dirigeants ne sont pas en mesure de vous protéger.
De telles opĂ©rations suscitent des craintes. Les services de sĂ©curitĂ© iraniens se voient contraints d'enquĂȘter sur leurs collĂšgues, les membres de leur famille et mĂȘme leurs amis. Alors qu'ils courent aprĂšs des fantĂŽmes, la confiance s'effrite. Le contre-espionnage s'en prendra au personnel de sĂ©curitĂ© des sites touchĂ©s, alimentant la paranoĂŻa. TĂ©hĂ©ran devient obsĂ©dĂ© par les infiltrĂ©s et les taupes Ă©trangers.
Durant la guerre froide, le KGB Ă©tait passĂ© maĂźtre dans l'art d'amener la CIA Ă soupçonner ses propres agents de trahison. La âchasse aux taupesâ qui en a rĂ©sultĂ©, menĂ©e par le chef du contre-espionnage de la CIA James Angleton, a dĂ©vastĂ© le moral des troupes. La mĂȘme dynamique est Ă l'Ćuvre aujourd'hui en Iran.
Fin de partie : l'effondrement de l'intérieur
La stratégie de la CIA vise à détruire l'unité de l'Iran et à démoraliser sa population avant de déclencher une guerre ouverte. Washington et Tel-Aviv espÚrent que l'Iran, comme l'Irak avant lui, s'effondrera de l'intérieur sous la pression d'une population désabusée.
Maguire a dĂ©clarĂ© un jour que l'opĂ©ration DB/ANABASIS avait pour but de ârĂ©gler ses comptesâ avec Saddam. Une telle approche, qui rĂ©duit la politique Ă©trangĂšre Ă une vendetta, domine toujours les cercles stratĂ©giques amĂ©ricains. Au Pentagone et Ă la CIA, certains voient l'Iran Ă travers le prisme de la crise des otages de 1979 et du soutien apportĂ© par TĂ©hĂ©ran Ă l'insurrection irakienne et aux talibans.
Les troupes amĂ©ricaines, en particulier l'armĂ©e d'occupation amĂ©ricaine â qui a subi le plus gros des attaques Ă l'IED en Irak â nourrissent une profonde animositĂ© envers le Corps des gardiens de la rĂ©volution islamique (CGRI) iranien. Une variante particuliĂšrement meurtriĂšre de l'IED, la charge creuse (EFP), a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă la conception iranienne, les services du renseignement israĂ©liens s'empressant de pointer du doigt l'Iran.
Cette animosité, combinée à la fibre pro-israélienne et à une vision manichéenne du monde, pousse de nombreux membres de l'administration Trump à se rallier à Netanyahu, comme Mike Waltz, fervent partisan de la confrontation avec l'Iran. Selon Foreign Policy :
âNous assistons Ă une lutte idĂ©ologique entre les partisans d'une politique Ă©trangĂšre ârĂ©alisteâ America First, en particulier Ă l'Ă©gard de l'Iran, et une faction nĂ©oconservatrice bien implantĂ©e qui milite pour un changement de rĂ©gime dans un Ă©niĂšme pays du Moyen-Orientâ.
Trump se plaint de l'âĂtat profondâ, mais ne comprend pas sa vĂ©ritable nature : un rĂ©seau qui ne cherche pas Ă le faire emprisonner, mais Ă contourner la prĂ©sidence elle-mĂȘme pour faire avancer des agendas de longue date. Pour l'Ătat profond comme pour IsraĂ«l, l'Iran constitue l'enjeu ultime depuis des dĂ©cennies.
Traduit par Spirit of Free Speech
https://thecradle.co/articles/the-cias-war-before-war-from-iraq-to-iran
Câest lĂ le problĂšme de gouvernance aux USA. Cette dualitĂ© de pouvoirs, inconciliables...Deux Ă©tats co-existent et si leurs agendas sont antagonistes, le premier (la CIA) qui sâappuie sur des professionnels et non des politiques , sera le plus fort et passera outre les dĂ©cisions du second. Cela aurait pĂ» ĂȘtre le cas en ex-URSS mais les Ă©vĂ©nements ont donnĂ© raison Ă la sagesse des dirigeants pour Ă©viter cette dichotomie...
LâAmĂ©rique, un Ă©tat bicĂ©phale qui prĂ©cipitera sa chute en sâemmelant les jambes...