👁‍🗨 La comédie Ukraine, remake

Les leaders de Pékin savent pertinemment que l'Hégémon est une épave en telle voie de décomposition, & en passe de faire sécession, que le seul moyen de le maintenir à flot serait une guerre mondiale.

👁‍🗨 La comédie Ukraine, remake

Par Pepe Escobar, le 19 janvier 2024

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Les leaders de Pékin savent pertinemment que l'Hégémon est une épave en telle voie de décomposition, et en passe de faire sécession, que le seul moyen de le maintenir à flot serait une guerre mondiale.

Des acteurs triés sur le volet, répartis dans les silos du pouvoir du Beltway, travaillant avec diligence en tant que messagers pour ceux qui dirigent réellement l'Hégémon, ont conclu qu'une confrontation sans merci avec la Russie conduirait à l'effondrement de l'ensemble de l'OTAN, réduirait à néant des décennies de mainmise des États-Unis sur l'Europe et, en fin de compte, provoquerait la chute de l'Empire.

En se livrant à une politique de surenchère, les États-Unis se heurteraient tôt ou tard aux lignes rouges indestructibles de l'inébranlable bloc russe.

Les élites américaines sont plus intelligentes que cela. Elles peuvent exceller dans les risques calculés. Mais lorsque les enjeux sont aussi considérables, elles savent quand se protéger, et quand se coucher.

La “défaite” de l'Ukraine - devenue un impératif budgétaire - ne vaut pas la peine de risquer la perte de l'ensemble de la cavalerie hégémonique. Ce serait trop pour l'Empire.

Ainsi, alors même qu'ils sont toujours plus désespérés par l'accélération du plongeon impérial dans un abîme géopolitique et géo-économique, ils modifient frénétiquement le récit - domaine dans lequel ils excellent.

Ce qui explique pourquoi les vassaux européens déconcertés de l'UE contrôlée par l'OTAN sont aujourd'hui en proie à une panique totale.

Cette semaine, Davos a servi des salades orwelliennes à profusion. Les messages clés, frénétiques : la guerre, c'est la paix. L'Ukraine n'est pas en train de perdre (c'est moi qui souligne) et la Russie n'est pas en train de gagner. C'est pourquoi l'Ukraine a encore besoin de s'armer.

Pourtant, même le bûcheron norvégien Stoltenberg a été invité à suivre la seule nouvelle ligne de conduite qui vaille : “L'OTAN ne se déplace pas vers l'Asie. C'est la Chine qui se rapproche de nous.” Voilà qui donne un sens nouveau à la notion de mouvance des plaques tectoniques.

Que le moteur des guerres éternelle reste opérationnel

À Washington, la “gouvernance” a disparu dans un vide abyssal. Biden est introuvable. Il n'y a que l'équipe Biden : un collectif d'entreprises doté de messagers de bas étage tels que le néoconservateur de facto Petit Blinkie. Ils font ce que leur disent les riches “donateurs” et les groupes d'intérêts financiers et militaires qui dirigent réellement le pays, ressassant jour après jour les mêmes vieilles phrases saturées de clichés, comme des acteurs de seconde zone dans un théâtre de l'absurde.

Une seule pièce à conviction suffit.

— Le journaliste : “Les frappes aériennes au Yémen sont-elles efficaces ?”

— Le président des États-Unis : “Eh bien, quand vous dites ‘efficaces’, vous demandez si elles arrêtent les Houthis ? Non. Est-ce qu'elles vont se poursuivre ? Oui.”

Le même genre de “réflexion stratégique” prévaut pour l'Ukraine.

L'Hégémon n'est pas incité à se battre en Asie occidentale - même si l'arrangement génocidaire de Tel-Aviv, en tandem avec les sionistes américains, le pousse à s'engager dans une guerre contre l'Iran.

Néanmoins, la machine impériale est pilotée afin de garder opérationnel le moteur des guerres éternelles, sans interruption, à diverses allures.

Les élites aux commandes sont bien plus rationnelles que l'ensemble de l'équipe Biden. Elles savent qu'elles ne gagneront pas dans ce qui sera bientôt le pays 404 [Référence à l’erreur 404 : ressource introuvable]. Mais la victoire tactique, jusqu'à présent, est massive :

• d'énormes profits sont dégagés d’un armement frénétique

• l'industrie et la souveraineté européennes sont totalement vidées de leur substance

• l'UE est réduite au statut de vassal sans envergure

• et désormais, les élites ont tout le loisir de trouver de nouveaux guerriers par procuration contre la Russie - des fanatiques polonais et baltes à toute la galaxie Takfiri-neo ISIS.

  [Les takfiri, extrémistes islamistes adeptes d'une idéologie violente. Le terme takfir signifie littéralement « accusation d'athéisme » (kufr), et les takfiri sont ceux qui lancent cette accusation].

De Platon à l'OTAN, il est peut-être un peu tôt pour affirmer que l'Occident est cuit. Ce qui l'est presque, c'est la bataille actuelle, centrée sur le pays 404. Comme le souligne Andreï Martyanov lui-même, il incombe à la Russie, une fois de plus,

“de commencer à démanteler ce qui est devenu aujourd'hui l'antre des démons et de l'horreur en Occident et par l'Occident, et elle le fait une fois de plus à la russe - en le terrassant sur le champ de bataille.”

Cela complète l'analyse détaillée exprimée dans la toute nouvelle grenade que constitue le livre de l'historien français Emmanuel Todd.

Pourtant, la guerre est loin d'être finie. Comme Davos l'a une fois de plus bien montré, ils n'abandonneront pas.

La sagesse chinoise dit que “pour atteindre un homme avec une flèche, il faut d'abord atteindre son cheval. Si vous voulez capturer tous les bandits, capturez d'abord leur chef”.

Le “chef” - ou les chefs - sont certainement loin d'être capturés. Les BRICS+ et la dédollarisation pourraient y parvenir, dès cette année.

Fin de parcours ploutocratique

Dans un tel contexte, même la corruption massive entre États-Unis et Ukraine, impliquant des réseaux multiples de vol de la somptueuse “aide” américaine, comme l'a récemment révélé l'ancien député ukrainien Andrey Derkach, n'est qu'un simple détail.

Rien n'a été fait ou ne sera fait à ce sujet. Après tout, le Pentagone lui-même échoue à chaque audit. Ces audits, soit dit en passant, n'incluaient même pas les revenus de l'opération massive d'héroïne en Afghanistan, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, et dont le camp Bondsteel, au Kosovo, servait de plate-forme de distribution pour l'Europe. Les profits ont été empochés par les agents des services de renseignement américains, en toute discrétion.

Lorsque le Fentanyl* a remplacé l'héroïne en tant que fléau domestique américain, il devenait inutile de continuer à occuper l'Afghanistan, ensuite abandonné après deux décennies en pur mode “Helter Skelter”, abandonnant sur place plus de 7 milliards de dollars d'armement.

Il est pratiquement impossible de décrire tous les cercles concentriques de corruption et de criminalité organisée et institutionnalisée tricotés par l'Empire à un Occident victime de lavage de cerveau. Une fois de plus, les Chinois viennent à la rescousse. Selon le Taoiste Zhuangzi (369 - 286 av. J.-C.) :

“On ne peut expliquer l'océan à une grenouille vivant dans un puits, on ne peut décrire la glace à un moucheron d'été, et on ne peut raisonner avec un ignorant”.

Malgré l'humiliation suprême subie par l'OTAN en Ukraine, cette guerre par procuration contre la Russie, contre l'Europe et contre la Chine reste le fusible qui pourrait déclencher une troisième guerre mondiale avant la fin de cette décennie. La décision reviendra à une ploutocratie hyper-raréfiée. Non, pas celle de Davos : il ne s'agit là-bas que de ses porte-paroles clownesques.

La Russie a réactivé son secteur militaire à la vitesse de l'éclair, atteignant aujourd'hui une capacité 15 fois supérieure à celle de janvier 2022. Le long de la ligne de front, on compte environ 300 000 soldats, auxquels s'ajoutent, à l'arrière, deux armées en tenaille composées de centaines de milliers de soldats mobiles, prêtes à coincer l'armée ukrainienne, et l’anéantir.

Même si le pays 404 est définitivement vaincu en 2024, il est impératif de le souligner encore : l'affaire est loin d'être réglée. Les leaders de Pékin savent pertinemment que l'Hégémon est une épave en telle voie de décomposition, en passe de faire sécession, que le seul moyen de le maintenir à flot serait une guerre mondiale. Il est temps de relire T.S. Eliot, et à plus d'un titre :

“Nous avons eu l'expérience mais manqué le sens / Et approcher le sens restaure l'expérience. Sous une forme différente...” — Eliot, Quatre Quatuors

* Fentanyl : analgésique opioïde, dont le potentiel analgésique vaut environ 100 fois celui de la morphine et 50 fois celui de l'héroïne

https://www.unz.com/pescobar/the-ukraine-charade-revisited/