👁🗨 La commission du renseignement de la Chambre des représentants interrogée sur la surveillance présumée du fondateur de WikiLeaks
Un juge espagnol réitère une demande à la commission du Renseignement de la Chambre des représentants des USA des informations sur la surveillance présumée de Julian Assange à l'ambassade d'Équateur.
👁🗨 La commission du renseignement de la Chambre des représentants interrogée sur la surveillance présumée du fondateur de WikiLeaks
📰 Par José María Irujo, le 5 novembre 2022
Madrid - Le juge Santiago Pedraz, de l'Audience nationale d'Espagne, a déposé une demande d'assistance judiciaire auprès de la Commission du renseignement de la Chambre des représentants des États-Unis. Il demande à cette commission, chargée de superviser la communauté du renseignement américain, de fournir au tribunal des informations relatives à une entreprise espagnole qui pourrait avoir surveillé le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange.
Alors qu'Assange bénéficie de l’asile par l'ambassade d'Équateur à Londres - dans le but d'éviter d'être extradé vers les États-Unis pour y être accusé d'avoir divulgué des milliers de documents confidentiels - il aurait été espionné par la société de sécurité espagnole Undercover Global SL. M. Pedraz a souligné que la CIA pourrait avoir été un destinataire possible du matériel recueilli sur Assange.
En octobre 2021, Adam Schiff, membre démocrate du Congrès et président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, a demandé à toutes les agences de sécurité américaines de l'informer des activités d'espionnage dont Assange a fait l'objet pendant son séjour de sept ans (2012-19) à l'ambassade d'Équateur, avant d'être remis à la police britannique. L'initiative de M. Schiff est intervenue après la publication par Yahoo News d'un rapport dans lequel d'anciens responsables américains anonymes reconnaissaient l'existence d'un plan d'enlèvement d'Assange à l'ambassade en 2017. Ils ont également affirmé que des espions américains avaient surveillé les communications et les déplacements de nombreux membres du personnel de WikiLeaks.
Undercover Global SL est une société de sécurité basée à Cadix, appartenant à un officier espagnol à la retraite, David Morales. Elle a été engagée par l'ambassade d'Équateur au Royaume-Uni pour assurer sa sécurité.
Une enquête d'EL PAÍS a révélé qu'en 2019, Morales et ses employés ont enregistré pendant plusieurs mois des conversations privées entre Assange et ses avocats, tout en espionnant des dizaines de ses visiteurs, dont du personnel médical, des politiques et des journalistes.
La publication dans El Pais des audios et vidéos de l'espionnage présumé a conduit à l'arrestation de Morales. Depuis 2019, l'Audience nationale espagnole enquête sur lui pour des atteintes à la vie privée, et pour violation de la confidentialité du secret professionnel de l'avocat. Morales est actuellement en liberté sous caution.
La surveillance d'Assange, citoyen australien, aurait eu lieu alors que les responsables américains tentaient de l'extrader, afin qu'il soit traduit en justice d'avoir révélé des informations classifiées sur les guerres menées par les Américains en Irak et en Afghanistan. Malgré des tentatives répétées pour faire transférer Assange aux États-Unis, Rafael Correa - alors président de l'Équateur - l’a gardé sous sa protection.
La situation a changé en 2019. Le président Lenin Moreno - successeur de Correa, qui a rompu avec la rhétorique anti-américaine de l'administration précédente - a décidé qu'il ne tenait plus à se mettre à dos les pays étrangers en accordant l'exil à Assange. En avril de la même année, le ministère équatorien des affaires étrangères a expulsé l'Australien de l’ambassade. Il a ensuite été placé en détention par la police métropolitaine de Londres.
En juin 2022, l'ancienne ministre de l'Intérieur Priti Patel a approuvé l'extradition d'Assange du Royaume-Uni vers les États-Unis. Assange n'a toutefois pas épuisé toutes ses options juridiques du système judiciaire britannique. Il fait encore appel de l'ordre d'extradition de Belmarsh, une prison de haute sécurité située dans le sud-est de Londres.
Dans sa demande officielle d'information, M. Pedraz décrit en détail l'espionnage auquel, selon lui, Assange a été soumis à l'ambassade d'Équateur. Il note que parmi les victimes présumées de l'espionnage figurent l'ancien membre du Congrès américain Dana Rohrabacher et l'ancien président Correa.
M. Pedraz a également requis le témoignage de Mike Pompeo. Nommé par Trump, Pompeo a été directeur de la CIA de 2017 à 2018, avant d'être nommé Secrétaire d'État. Le témoignage de William Evanina a également été réclamé: il a été directeur du National Counterintelligence and Security Center de 2014 à 2021, servant sous une partie de l'administration Obama et la totalité de l'administration Trump.
Ce n'est pas la première fois que l'Audience nationale d'Espagne demande l'assistance judiciaire du gouvernement américain pour enquêter sur cette affaire. Le juge à la retraite José de la Mata - prédécesseur de Pedraz - avait déjà demandé aux autorités américaines de lui fournir les adresses IP à partir desquelles le serveur d'UC Global SL avait été consulté. Mais le ministère américain de la Justice avait exigé que De la Mata révèle d'abord l'identité des lanceurs d'alerte au sein d'UC Global SL, qui lui ont donné les détails sur l'espionnage présumé.
"Les déclarations concluantes ne suffisent pas... nous avons besoin de faits réels, et des sources qui en sont à l’origine", peut-on lire dans la réponse. Elle a également demandé à De la Mata d'expliquer pourquoi les adresses IP sont "pertinentes et substantielles pour l'enquête." Jusqu'à présent, cette demande n'a pas abouti.
M. Pedraz continue de demander aux autorités américaines les mêmes données et témoignages que ceux demandés par M. De la Mata. Il a expliqué à la commission du renseignement de la Chambre des représentants qu'après trois ans d'enquête, tout porte à croire que les agences de renseignement américaines ont été les destinataires de tout ce qu'UC Global SL a recueilli en surveillant Assange.
En août dernier, un groupe de citoyens américains ayant rendu visite à Assange à l'ambassade d'Équateur a poursuivi l'ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo pour espionnage présumé. La plainte a été déposée par les avocates Margaret Ratner Kunstler et Deborah Hrbek, ainsi que par les journalistes John Goetz et Charles Glass, tous deux spécialistes des questions de sécurité nationale.
La plainte affirme que ces quatre personnes - ainsi que des dizaines d'autres - ont été espionnées alors qu'ils rendaient visite à Assange pendant le mandat de M. Pompeo à la CIA. Elle cite des déclarations de Pompeo, dans lesquelles il a affirmé que le fondateur de WikiLeaks était une "cible".
Les avocats et journalistes qui poursuivent Pompeo estiment que la CIA a engagé David Morales et sa société pour espionner Assange, ses communications et ses visiteurs, afin de connaître sa stratégie de défense face à la demande d'extradition des États-Unis.