👁🗨 La diplomatie d'Antony Blinken : Impuissance ? Incompétence ? Les deux ?
La nature a horreur du vide. Il en va de même pour une politique étrangère faite d'ignorance et d'esbroufe. L’accusation est grave, mais Antony Blinken en Chine me fait me sentir en danger.
👁🗨 La diplomatie d'Antony Blinken : Impuissance ? Incompétence ? Les deux ?
Par Patrick Lawrence, le 26 avril 2024
Antony Blinken est actuellement en Chine pour son deuxième voyage en tant que secrétaire d'État et sa troisième rencontre avec de hauts responsables chinois : telles sont les nouvelles du mois d'avril, qui se rapproche de mai. Je dois dire que la situation est plus étrange que je ne l'imaginais lorsque le département d'État et les médias qui le représentent nous annoncent à l'avance que le plus haut diplomate des États-Unis n'arrivera à rien lorsqu'il se rendra en République populaire de Chine.
“Je tiens à préciser que nous sommes réalistes et lucides quant aux perspectives de progrès sur l'une ou l'autre de ces questions”,
a déclaré un fonctionnaire anonyme du département d'État lors d'une conférence de presse la semaine dernière sur l'agenda de M. Blinken. C'est ainsi que le département d'État prévient que le secrétaire d'État va perdre son temps et notre argent lors de ses rencontres à Shanghai et à Pékin.
Qu'est-ce que c'est, sinon un aveu de l'impuissance diplomatique de notre secrétaire d'État ? Ou devrais-je plutôt parler d'incompétence ? Voire les deux ? C'est cet homme, après tout, qui est arrivé en Israël cinq jours après les événements du 7 octobre dernier pour annoncer:
“Je me présente devant vous en tant que Juif”.
Ce type comprend-il la diplomatie ou bien ?
Les médias ont naturellement suivi l'exemple du département d'État en nous informant de l'inutilité du séjour de M. Blinken en Chine, et ce des deux côtés du Pacifique. Selon CNBC,
“Washington est réaliste quant à ses attentes concernant la visite de Blinken et la résolution de questions clés”,
et selon le Japan Times :
“Bien que cruciale pour maintenir les canaux de communication ouverts, la visite a peu de chances de déboucher sur des avancées majeures.”
Matt Lee, le très compétent correspondant diplomatique d'Associated Press, a été le plus explicite dans son article du 22 avril: selon lui, l'objectif des trois jours des entretiens de M. Blinken avec les hauts fonctionnaires chinois est de mener trois jours d'entretiens avec les hauts fonctionnaires chinois.
“Le simple fait que Blinken fasse ce voyage peut être considéré par certains comme encourageant”, écrit Lee, “mais les liens entre Washington et Pékin sont tendus et les divergences s'accentuent”.
Voilà où en est notre Tony. Comme en témoigne pitoyablement l'histoire, il ne sert à rien de prédire le succès lorsque Blinken monte à bord d'un avion en partance pour le grand “là-bas”. C'est clairement le cas lorsqu'il est question de l'extrémité occidentale du Pacifique.
La liste des sujets que M. Blinken doit aborder avec les responsables chinois, dont le ministre des affaires étrangères Wang Yi, est très longue. Taïwan et la mer de Chine méridionale, les contacts interarmées, les applications de l'intelligence artificielle, le trafic de stupéfiants, les droits de l'homme, le commerce : ce sont là les standards du menu américain lorsqu'un fonctionnaire américain s'adresse à ses homologues chinois. Le dernier point est particulièrement délicat en ce moment, étant donné la détermination scandaleuse du régime Biden à subvertir les industries chinoises avec lesquelles les États-Unis ne peuvent pas rivaliser. Alors que des plans visant à bloquer d'ores et déjà les importations de véhicules électriques fabriqués en Chine sont en cours de préparation, le président Biden a annoncé la semaine dernière de nouveaux droits de douane sur les importations d'acier chinois. Et il “enquête” désormais sur les industries chinoises du transport maritime et de la construction navale, ce qui me semble être le prélude à d'autres mesures visant à nuire aux progrès économiques admirables de la Chine.
Mais la première question que devait aborder M. Blinken concerne les relations sino-russes. Comme il l'a précisé avant son départ, le secrétaire d'État insistera peu ou prou pour que les Chinois cessent de vendre divers produits industriels à la Russie parce que les États-Unis les considèrent comme “à double usage”, ce qui signifie que les Russes pourraient utiliser des produits tels que des semi-conducteurs dans leurs industries de la Défense, impliquant ainsi la Chine dans l'intervention militaire de la Russie en Ukraine.
Avant d'aller plus avant, essayons l'un de ces exercices du type “imaginons que...”. Imaginons que Pékin envoie son ministre des affaires étrangères Wang à Washington pour dire au régime Biden de cesser de fournir des armes à l'Ukraine, car cela implique les États-Unis dans la guerre de l'Ukraine contre la Russie, et ce ne serait pas correct car la Chine et la Russie sont amies.
Ce “imaginons que” n'est même pas amusant, tant il est absurde. Un tel exercice transformerait Wang, un diplomate extrêmement compétent, en un autre Antony Blinken, dont la pensée est 10 fois plus nébuleuse.
Mais peu importent sens et non-sens. M. Blinken et ceux qui parlent en son nom au sein du Département d'État ont osé donner un avant-goût de la prestation du secrétaire d'État dans les jours qui ont précédé son départ. Voici Blinken s'adressant aux journalistes vendredi dernier :
“Nous voyons la Chine partager des machines-outils, des semi-conducteurs et d'autres produits à usage mixte qui ont aidé la Russie à reconstruire la base industrielle de défense que les sanctions et les contrôles à l'exportation avaient tant contribué à affaiblir. Si la Chine prétend d'une part vouloir entretenir de bonnes relations avec l'Europe et d'autres pays, elle ne peut pas d'autre part alimenter ce qui constitue la plus grande menace pour la sécurité européenne depuis la fin de la guerre froide”.
Un jour plus tard, le fonctionnaire anonyme du département d'État a précisé ce qui suit :
“Nous sommes prêts à prendre des mesures, lorsque nous le jugerons nécessaire, à l'encontre des entreprises qui [...] compromettent gravement la sécurité de l'Ukraine et de l'Europe. Nous avons démontré notre volonté de le faire à l'égard des entreprises d'un certain nombre de pays, et pas seulement de la Chine. Nous exprimerons notre intention de demander à la Chine de réduire ce soutien”.
En matière de diplomatie, on peut difficilement faire plus audacieux. Et en matière de diplomatie stupide, on ne fait guère mieux.
D'une part, le régime Biden demande à la Chine d'agir contre ce que l'on peut considérer comme le partenaire le plus proche de Pékin, et ce au moment où les principales nations non occidentales se rallient à un projet commun visant à créer un nouvel ordre mondial, disons post-occidental. Cela me rappelle un tweet génial que quelqu'un a écrit juste après que la Russie a commencé son opération en Ukraine il y a deux ans et que le régime de Biden a cherché à recruter Pékin contre la “Russie de Poutine”, comme des gens comme Blinken persistent à nommer la Fédération de Russie. “Aidez-nous à vaincre la Russie”, disait le tweet, “pour que nous puissions ensuite nous retourner contre vous”.
Précisément.
D'autre part, le ministère chinois des Affaires étrangères a fait connaître sa réponse aux intentions grotesques de M. Blinken avant même que le secrétaire d'État ne monte dans son avion (et juste avant l'adoption par la Chambre des représentants, la semaine dernière, d'une nouvelle aide de 60,1 milliards de dollars en faveur du régime de Kiev).
“Il est particulièrement hypocrite et irresponsable de la part des États-Unis de présenter un projet d'aide à grande échelle pour l'Ukraine”, a déclaré un porte-parole du ministère la semaine dernière, “tout en lançant des accusations sans fondement contre les échanges économiques et commerciaux réguliers entre la Chine et la Russie”.
Je ne vois pas de moyen plus efficace de faire taire Antony Blinken.
Encore une chose, tant que nous y sommes. Parmi les principes sur lesquels reposera l'ordre mondial post-occidental figurent le respect de la souveraineté de toutes les nations et la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres. Il s'agit là de deux éléments de l'art de gouverner de manière civilisée, tel que voudrait le 21è siècle, ce dont le secrétaire d'État n'a pas la moindre idée.
Pourquoi le secrétaire d'État Blinken a-t-il pris la peine de soulever la question du commerce sino-russe alors qu'il devait connaître la réponse aussi bien que vous et moi. Je vois deux explications immédiates.
Premièrement, les escrocs de Kiev ont déjà perdu la guerre par procuration entre Washington et la Russie - et qui sait quel montant de l'aide qui vient d'être approuvée ils vont encore voler - et le discours de M. Blinken à Pékin reflète le désespoir croissant des cliques politiques qui ont entraîné les États-Unis dans ce conflit désespéré dès le départ.
Deuxièmement, et cela est étroitement lié à ce qui précède, lorsqu'Antony Blinken se rend à Pékin, il ne s'entretient pas avec les Chinois : il leur parle et ne se soucie pas particulièrement de leurs réponses. Il ne s'adresse qu'au public américain et aux partisans de la Chine au Capitole, qui voient la Maison Blanche s'efforcer de les déjouer à tout bout de champ.
Pour étayer cette dernière idée, M. Blinken a affirmé lundi, lors de la présentation du rapport annuel du département d'État sur les droits de l'homme, que la Chine était coupable de “génocide et de crimes contre l'humanité” à l'encontre de la population ouïgoure de la province du Xinjiang. Cette accusation est hautement suspecte depuis que Mike Pompeo, le prédécesseur farouchement sinophobe de M. Blinken au département d'État, l'a évoquée avant de quitter ses fonctions en 2021. Et comme aucune accusation de génocide n'a jamais été étayée par des preuves, que diable faisait Blinken en soulevant cette question (1) à la veille d'une visite diplomatique à Pékin au cours de laquelle il prétendait attendre bien autre chose des Chinois, et (2) alors que son gouvernement soutient ouvertement ce qu'il faut bien appeler le génocide israélo-états-unien à Gaza ?
Je repense au mois de mars 2021. C'est là, dans un hôtel d'Anchorage (le Captain Cook), que Blinken et Jake Sullivan, le nouveau conseiller à la Sécurité nationale de Biden, ont fait de leur première rencontre avec de hauts fonctionnaires chinois, dont Wang Yi, un véritable désastre. C'est à ce moment-là que Blinken et Sullivan, à eux seuls, ont fait capoter les relations sino-américaines en faisant preuve d'une ignorance crasse et d'une présomption impériale consommée, comme Blinken s'y essaye de nouveau à Pékin cette semaine.
Les relations sino-américaines ne se sont jamais remises de la rencontre d'Anchorage. Et Blinken n'a rien appris du gâchis qu'il a provoqué.
Des leçons, ce n'est pas ce qui manque.
Premièrement, et comme nous l'avons suggéré ci-dessus, un désespoir croissant envahit désormais les cliques du régime Biden chargées de la politique étrangère. Ils ne savent pas quoi entreprendre avec la Russie et la Chine.
Deuxièmement, et en lien avec le premier point, le niveau d'incompétence manifeste de ceux qui dirigent la politique étrangère de cette administration est très probablement sans précédent dans l'histoire de la diplomatie américaine d'après-guerre. Cette incompétence atteint aujourd'hui un point tel qu'elle constitue un danger, notamment dans le cas de la Chine et de la Russie.
Troisièmement, ces individus n'ont pas la moindre idée de ce qu'ils font. Ils ne sont pas présents lors de leurs échanges diplomatiques - ils se contentent d’ânonner des scénarios dictés par l'idéologie. Là encore, trois ans après le début du régime Biden, le danger est patent.
Quatrièmement, dernier point et non des moindres, le régime Biden ne mène aucune politique à l'égard de la Chine. Pensez-y bien : dans le cadre de la relation la plus cruciale que les États-Unis devront entretenir au 21è siècle, les responsables politiques sont tétanisés - sans stratégie, sans projet diplomatique, sans objectif clair autre que celui de s'opposer, littéralement, au 21è siècle au nom du prolongement du 20è siècle. Voilà pourquoi les bellicistes, les saboteurs économiques et les paranoïaques issus des années “Pourquoi avons-nous perdu la Chine ?” sont toujours au pouvoir à Washington.
La nature a horreur du vide. Il en va de même pour une politique étrangère qui n'est faite que d'ignorance et d'esbroufe. C'est la plus grave des accusations, mais Antony Blinken en Chine me fait me sentir en danger.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son nouveau livre, “Journalists and Their Shadows”, vient de paraître chez Clarity Press. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon.
https://scheerpost.com/2024/04/26/patrick-lawrence-the-impotence-of-antony-blinken/
Blinken contrairement à son défunt homologue Kissinger est un pachyderme grossier. Le voir dans un magasin de porcelaine chinoise donne un aperçu du ridicule et du malaise...Je trouve que la diplomatie chinoise est de plus en plus une source d'inspiration pour le reste du Monde par contre par sa sagesse....Il n'en reste pas moins que les USA, bornés par leur doctrine qui date (le nouveau siècle américain !), se comportent comme s'ils revivaient la guerre de l'opium qu'ils ont imposé à l'empire multi-seculaire afin de le faire s'effondrer. Cette fois-ci, ce sera l'inverse ! Dans quelques années, la Chine n'enverra aucun diplomate pour constater l'anarchie et l'implosion de ce pays né de rien et qui retournera à....rien! Blinken est un des derniers cowboys ridicules de cet avatar anglo-sioniste qui a traversé l'histoire pendant un flash imperceptible selon le temps vécu par l'empire du millieu....