đâđš La fille de Nirim : un crime oubliĂ© des dĂ©buts de lâĂtat dâIsraĂ«l
Le crime de Nirim illustre la violence ayant prĂ©sidĂ© Ă la naissance de l'Ătat. Une culture oĂč une jeune fille, violĂ©e, rejetĂ©e a finalement Ă©tĂ© abattue prĂšs des champs dâoliviers d'un kibboutz.
đâđš La fille de Nirim : un crime oubliĂ© des dĂ©buts de lâĂtat dâIsraĂ«l
Par Mira Askar, le 5 juillet 2025
En 1949, une jeune Bédouine a été enlevée, violée et exécutée par des soldats israéliens. L'histoire a effacé son nom. Les détails barbares de ses derniers instants ont été enterrés avec son corps.
Son nom n'a jamais été consigné.
Son Ăąge ? Probablement entre 15 et 20 ans. Cette jeune BĂ©douine du dĂ©sert du NĂ©guev a Ă©tĂ© enlevĂ©e Ă l'Ă©tĂ© 1949, lors dâune patrouille menĂ©e par des soldats des Forces de dĂ©fense israĂ©liennes nouvellement formĂ©es. Ă ses cĂŽtĂ©s se trouvaient deux hommes arabes. L'un a Ă©tĂ© abattu sur place. L'autre s'est Ă©chappĂ©. La jeune fille a Ă©tĂ© faite prisonniĂšre et traĂźnĂ©e dans un avant-poste de l'armĂ©e israĂ©lienne prĂšs du kibboutz Nirim.
C'était une chaude journée d'août.
Le commandant de l'avant-poste, un officier d'une vingtaine d'annĂ©es, dĂ©cida d'organiser une fĂȘte pour son unitĂ©. Ils rassemblĂšrent des pĂątisseries, des boissons et du vin dans le kibboutz. Les soldats ont apportĂ© un gĂąteau. Des discours furent prononcĂ©s. Puis le commandant donna le choix aux soldats. Il y avait deux options, dit-il, pour cette la jeune fille : soit elle devenait aide-cuisiniĂšre Ă l'avant-poste, soit les hommes la violaient Ă tour de rĂŽle.
Les soldats ont ri et ont crié leur réponse. Ils ont choisi le viol.
Elle a Ă©tĂ© dĂ©shabillĂ©e devant tous les soldats. Ses vĂȘtements ont Ă©tĂ© jetĂ©s au feu. Les soldats l'ont lavĂ©e au tuyau d'arrosage, alors qu'elle se tenait lĂ , nue Ă la vue de tous. Son corps a Ă©tĂ© mĂ©tamorphosĂ© en spectacle. On lui a donnĂ© un short et un maillot. Ces vĂȘtements sont devenus une source de fiertĂ© pour les hommes : ils plaisantaient Ă son sujet comme Ă propos dâun trophĂ©e ou dâun jouet.
Les soldats sont entrés dans la tente les uns aprÚs les autres. Elle a été violée à plusieurs reprises, pendant des heures.
Puis le commandant l'a emmenée de force, la gardant pour lui dans sa tente.
Plus tard, certains soldats ont affirmĂ© sâĂȘtre sentis mal Ă l'aise, Ă©vitant de la regarder dans les yeux. Mais personne n'est intervenu. Un soldat cuisinier a dĂ©clarĂ© que la scĂšne l'avait rendu malade. Il a fini par rapporter ce qui s'Ă©tait passĂ©, mais pas avant le dernier acte.
Le lendemain, le commandant a dĂ©cidĂ© qu'elle devait ĂȘtre tuĂ©e.
Une jeep a été réquisitionnée. La jeune fille, qui ne comprenait probablement pas la langue parlée autour d'elle, a été sortie de la tente décommandant. Elle a dû comprendre ce qui se passait et s'est mise à courir.
Elle n'a parcouru que six mĂštres.
Une balle l'a touchĂ©e Ă l'arriĂšre de la tĂȘte. Un soldat a dĂ©clarĂ© plus tard que son sang avait imprĂ©gnĂ© le sable. Un autre a plaisantĂ© en disant qu'il fallait rĂ©cupĂ©rer le short qu'on lui avait donnĂ©.
Elle a été enterrée dans une tombe peu profonde, nue à partir de la taille.
Certains hommes ont ensuite Ă©tĂ© traduits en cour martiale, non pour viol ou meurtre, mais pour ânĂ©gligence dans la prĂ©vention d'un crimeâ. Les peines ont Ă©tĂ© lĂ©gĂšres. Le commandant qui avait orchestrĂ© tout cela n'a Ă©tĂ© sanctionnĂ© qu'avec indulgence. L'armĂ©e israĂ©lienne a discrĂštement rĂ©intĂ©grĂ© ces hommes. Aucun nom n'a Ă©tĂ© publiĂ©. Aucun mĂ©morial n'a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©. Aucune excuse n'a jamais Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e.
On ne connaĂźt pas le nom de la jeune fille. Sa famille n'a pas pu l'enterrer. Il ne reste aucune trace de sa tombe.
Ce n'Ă©tait pas un acte isolĂ©. L'armĂ©e israĂ©lienne Ă©tait en gestation, mais elle avait Ă©tĂ© constituĂ©e Ă partir de milices armĂ©es clandestines â la Haganah, l'Irgoun et le Lehi â des organisations qui avaient depuis longtemps brouillĂ© les frontiĂšres entre action militaire et terrorisme civil. Ce sont ces groupes qui ont rasĂ© des villages palestiniens, expulsĂ© la population et transformĂ© des civils en dommages collatĂ©raux.
Le crime de Nirim a donnĂ© un aperçu du type de violence qui a prĂ©sidĂ© Ă la naissance de l'Ătat.
Une culture oĂč une jeune fille peut ĂȘtre transmise d'un homme Ă l'autre, rejetĂ©e et finalement abattue, tout prĂšs des champs dâoliviers et de blĂ© d'un kibboutz.
OĂč des soldats pouvaient dĂ©battre de son sort autour d'un gĂąteau et d'une bouteille de vin.
OĂč personne nâa dit non.
OĂč une jeune BĂ©douine, sans nom et pieds nus, a subi un enfer par des hommes en uniforme, puis Ă©tĂ© abandonnĂ©e dans une tombe anonyme, non pas par des ennemis, mais par ceux qui se disaient les protecteurs d'une nouvelle nation.
Elle méritait un nom.
Elle méritait la dignité.
Elle méritait la vie.
Traduit par Spirit of Free Speech