đâđš La guerre Ă Gaza & le projet israĂ©lien dâun mĂ©ga-canal rival de Suez
En coulisses, de puissants intĂ©rĂȘts gĂ©o-Ă©conomiques sont en jeu, dont les grands mĂ©dias ne parlent pas assez.
đâđš La guerre Ă Gaza & le projet israĂ©lien dâun mĂ©ga-canal rival de Suez
Par Ilya Tsukanov, le 27 décembre 2024
La crise de Gaza prĂ©sente de nombreuses facettes. En surface, il y a les justifications officielles - la lutte contre le terrorisme du Hamas, selon IsraĂ«l, et la lutte contre le colonialisme et le gĂ©nocide israĂ©liens, selon les Palestiniens. En coulisses, de puissants intĂ©rĂȘts gĂ©o-Ă©conomiques sont Ă©galement en jeu, dont les grands mĂ©dias ne parlent pas assez.
Les voies maritimes internationales sont revenues Ă la une avec les menaces du prĂ©sident Ă©lu Trump de s'emparer du canal de Panama, et l'estimation par l'Ăgypte cette semaine que la crise de la mer Rouge a coĂ»tĂ© au canal de Suez 7 milliards de dollars de manque Ă gagner.
DerriĂšre les gros titres, un projet israĂ©lien moins connu mais non moins important, connu sous le nom de canal Ben Gourion, est en cours de rĂ©alisation et liĂ© Ă la fois Ă la crise de Gaza et Ă la concurrence stratĂ©gique et Ă©conomique mondiale entre les Ătats-Unis et la Chine.
Conçu en 1963, au plus fort de la guerre froide, alors que les tensions entre IsraĂ«l, alliĂ© des Ătats-Unis, et l'Ăgypte, soutenue par l'Union soviĂ©tique, faisaient rage, le projet prĂ©voit un canal de 260 Ă 300 km de long traversant le dĂ©sert du NĂ©guev et reliant la MĂ©diterranĂ©e au golfe d'Aqaba et Ă la mer Rouge.
De nombreuses cartes du tracé proposé pour le canal sont disponibles, y compris des versions passant à cÎté ou à travers le nord de Gaza.
Le projet prévoit deux voies de circulation (chacune d'une profondeur de 50 m et d'une largeur de 200 m) pour accueillir les plus grands navires du monde. Le canal de Suez, par comparaison, ne comporte qu'une seule voie, entraßnant des retards coûteux en cas de saturation. En mars 2021, l'échouage du porte-conteneurs Ever Given a fait perdre 9,6 milliards de dollars de marchandises en 6 jours.
Le projet de voie navigable israĂ©lienne a fait l'objet de quelques projets de construction farfelus - notamment un plan d'âexcavation nuclĂ©aireâ des laboratoires Lawrence Livermore des annĂ©es 1960 prĂ©voyant de faire exploser 520 bombes nuclĂ©aires de deux mĂ©gatonnes (plus d'une gigatonne au total) dans le cadre du programme Project Plowshare, dĂ©classifiĂ© dans les annĂ©es 1990.
Ce mĂȘme programme proposait Ă©galement d'utiliser la mĂȘme technique pour Ă©largir le canal de Panama, et ouvrir une nouvelle voie navigable commerciale Ă travers le Nicaragua.
Le coĂ»t de l'excavation nuclĂ©aire Ă©tait estimĂ© Ă 5 milliards de dollars en devise actuelle - de la menue monnaie comparĂ©e aux 55 Ă 100 milliards de dollars que coĂ»terait une construction conventionnelle. Mais il y avait un âpetitâ problĂšme : l'irradiation nuclĂ©aire ultĂ©rieure permanente du canal.
Une construction conventionnelle nécessiterait en outre quelque 300 000 ingénieurs et techniciens pour creuser et dynamiter dans le désert, les montagnes et le bassin de la mer Morte. S'il est approuvé, le canal deviendrait immédiatement l'un des projets de construction les plus complexes et les plus ambitieux de l'Úre moderne.
Les Houthis du YĂ©men ont prouvĂ© que l'utilisation experte d'une poignĂ©e de drones et de missiles peut faire des ravages sur la navigation en mer Rouge, oĂč le nouveau canal aboutirait.
Mais l'avantage potentiel Ă long terme (pour IsraĂ«l et ses alliĂ©s) est Ă©loquent, offrant Ă Tel-Aviv la possibilitĂ© de s'emparer d'une part des 12% du transport maritime passant par le Suez, permettant Ă Washington de porter un coup Ă la âBelt and Road Initiativeâ de la Chine, fortement tributaire de Suez, et offrant aux pays alignĂ©s sur IsraĂ«l des taux de transit prĂ©fĂ©rentiels Ă la fois pour les navires commerciaux et les navires militaires.
Le projet du canal Ben Gourion est l'un des nombreux facteurs Ă©conomiques et gĂ©oĂ©conomiques majeurs, mais rarement Ă©voquĂ©s, qui pourrait contribuer Ă comprendre le carnage en cours Ă Gaza. Un autre facteur concerne l'intĂ©rĂȘt d'IsraĂ«l pour l'exploitation des Ă©normes ressources en gaz naturel situĂ©es au large de la cĂŽte de Gaza.