đâđš «La mise Ă mort du personnage R.F.K. Jr.» â Et la fin de la pensĂ©e indĂ©pendante.
Vous nâĂȘtes pas censĂ©s vous faire votre propre opinion sur Kennedy, ni lâĂ©couter avec ouverture dâesprit, ni lâĂ©couter tout court. Vous devez juste penser & croire ce que le NYT dit de penser & croire
đâđš « La mise Ă mort du personnage R.F.K. Jr. » â Et la fin de la pensĂ©e indĂ©pendante.
Depuis plusieurs semaines, nous sommes frappĂ©s par le spectacle dâune couverture mĂ©diatique malhonnĂȘte et inexcusablement biaisĂ©e de Robert F. Kennedy Jr. et de ses commentaires, depuis quâil sâest dĂ©clarĂ©, en avril, candidat dĂ©mocrate Ă la prĂ©sidence. Ă notre avis, il sâagit lĂ dâune mesure inquiĂ©tante des limites que les autoritaires libĂ©raux sont prĂȘts Ă franchir pour dĂ©fendre leur contrĂŽle du discours et de la politique amĂ©ricains. Un rĂ©cent article dâopinion de Michelle Goldberg, qui se fait passer pour une chroniqueuse du New York Times, nous a semblĂ© ĂȘtre lâexemple mĂȘme de cette entreprise insidieuse. La « mise en quarantaine de certaines idĂ©es » ? La « police des frontiĂšres du discours » ? « Un consensus social ? » Pourtant, plus abasourdis que jamais Ă la lecture du Times, nous avons conclu que lâarticle mĂ©ritait dâĂȘtre commentĂ©.
Cara Marianna a Ă©tĂ© intimement impliquĂ©e dans la publication rĂ©guliĂšre de The Scrumdepuis que nous avons commencĂ© Ă le publier. Sans rĂŽle particulier, elle peut en endosser plusieurs : directrice artistique, rĂ©dactrice en chef, administratrice, photorecherchiste, chef des correspondants. Câest aprĂšs avoir lu lâarticle de Goldberg quâelle a proposĂ© de le reprendre dans son premier article pour nous. Nous lui souhaitons la bienvenue dans nos pages.
â P. L. [Patrick Lawrence]
Cara Marianna
5 JUILLET â Vendredi dernier, le New York Times a publiĂ© un nouvel article sur Robert F. Kennedy Jr. qui sâinscrit dans une longue sĂ©rie, Ă©crit par la loyaliste dĂ©mocrate Michelle Goldberg. Quoi que lâon puisse penser de R.F.K. Jr., ce que Goldberg a Ă nous dire sâavĂšre ĂȘtre une Ă©tude perspicace. Non pas pour comprendre quoi que ce soit dâutile sur lâhomme lui-mĂȘme â non, ce nâest pas le but de lâarticle de Goldberg. Au contraire, il illustre clairement comment la propagande est construite, comment elle est utilisĂ©e pour contrĂŽler non seulement ce que nous pensons et croyons, mais aussi les « limites acceptables » du discours lui-mĂȘme.Â
Cette critique nâest pas une attaque ad hominem. Jâai choisi lâarticle de Goldberg parce quâil est emblĂ©matique dâun dĂ©nigrement orchestrĂ© et sanctionnĂ© institutionnellement de R.F.K. Jr. Des articles dâinformation et dâopinion sur Kennedy paraissent presque quotidiennement dans les mĂ©dias privĂ©s, tous portant des accusations similaires, tous visant Ă dĂ©truire le caractĂšre et la crĂ©dibilitĂ© de Kennedy â aucun dâentre eux nâabordant la substance et le mĂ©rite de son programme. Les Ă©lections de 2024 auront lieu dans 16 mois. Nous devons nous prĂ©parer Ă lâassaut de la propagande Ă venir. Nous devons nous entraĂźner dĂšs maintenant Ă la comprendre pour ce quâelle est.Â
« Robert F. Kennedy Jr. and the Coalition of the Distrustful » (Robert F. Kennedy Jr. et la coalition des mĂ©fiants), lâintitulĂ© de lâarticle de Goldberg, vous donne dâemblĂ©e ce que vous devez savoir sur les partisans de Kennedy et, en fait, sur quiconque sâintĂ©resse Ă ce quâil pourrait avoir Ă dire. Il ne sâagit pas de personnes lĂ©gitimement prĂ©occupĂ©es par leur pays et leur gouvernement, doit-on comprendre. Il sâagit plutĂŽt de personnes psychologiquement fragiles et mĂ©fiantes au naturel. Lâaffirmation implicite de cette idĂ©e est que le prĂ©sident Biden et son administration ne suscitent aucun doute ou aucune mĂ©fiance, justifiant quâun dĂ©mocrate ou un Ă©lecteur en gĂ©nĂ©ral recherche une alternative. Tous les maux se concentrent sur les dĂ©tracteurs de Biden, caractĂ©risĂ©s par leur mĂ©fiance maladive ou leur manque de loyautĂ©. Câest leur mĂ©fiance qui pose problĂšme.
Les libĂ©raux fidĂšles Ă lâestablishment dĂ©mocrate sont censĂ©s comprendre, sâils ne le savent pas dĂ©jĂ , que R.F.K. Jr. et ses partisans sont des fous, des thĂ©oriciens du complot, des personnes incapables de pensĂ©e rationnelle â en bref, des personnes mentalement ou intellectuellement perturbĂ©es Ă un degrĂ© ou Ă un autre. Toute personne lisant Goldberg avec un esprit dâouverture est incitĂ©e Ă se mĂ©fier de R.F.K. Jr. et de sa « coalition » avant mĂȘme dâavoir lu la premiĂšre ligne de lâarticle.Â
Lâarticle dâopinion du Times rend un bien mauvais service au public. R.F.K. Jr. est un candidat Ă prendre au sĂ©rieux et non Ă dĂ©nigrer avec dĂ©sinvolture. Il mĂ©rite que ses idĂ©es soient entendues â nous mĂ©ritons de les entendre. Le programme de R.F.K. Jr. sâattaque aux racines corrompues des maux auxquels notre pays est confrontĂ©. En tĂȘte de liste figure la corruption, voire la mainmise des entreprises et des militaires sur le gouvernement. Sa candidature ne pourrait ĂȘtre plus pertinente et, pour ma part, je me rĂ©jouis de le voir entrer dans la course. Kennedy dit des vĂ©ritĂ©s quâaucun autre candidat dĂ©mocrate nâest prĂȘt Ă prononcer. Il est le candidat qui critique le plus explicitement la guerre en Ukraine. Câest pourquoi il reprĂ©sente une menace pour lâestablishment libĂ©ral et ses alliĂ©s mĂ©diatiques. Et câest pour cette raison, avant tout, quâil doit ĂȘtre entendu.
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La propagande est subtile et perverse. Câest ainsi quâelle se doit dâĂȘtre. Son but est de dĂ©former la pensĂ©e lucide. Elle utilise des images et des mots et joue sur les Ă©motions. Elle agit Ă des niveaux de notre psychisme que bon nombre dâentre nous ignore, faute de pouvoir les percevoir clairement. Elle confirme Ă©galement les distorsions, prĂ©jugĂ©s et perspectives Ă©tablis par toutes les formes de propagande auxquelles nous avons Ă©tĂ© exposĂ©s tout au long de notre vie. Comme dâautres lâont soulignĂ©, notamment lâinimitable commentatrice australienne Caitlin Johnstone, il est plus aisĂ© de percevoir la propagande produite par dâautres pays ou dâautres partis politiques, que de dĂ©tecter celle qui nous est destinĂ©e. Presque personne ne pense ĂȘtre touchĂ© par la propagande, ce qui la rend dâautant plus complexe Ă identifier, et donc Ă combattre.
La photographie qui accompagne le commentaire de Goldberg est elle-mĂȘme un chef-dâĆuvre de distorsion. Quiconque a regardĂ© les rĂ©centes interviews de Joe Rogan ou de Glenn Greenwald avec R.F.K. Jr. reconnaĂźtra Ă peine lâhomme. Lâimage a Ă©tĂ© photoshopĂ©e, clairement et je dirais mĂȘme grossiĂšrement, vieillissant visuellement Kennedy, qui est passĂ© dâun robuste homme de 69 ans Ă une personne ayant largement dĂ©passĂ© les 80 ans. La tromperie, intentionnelle, est magistrale, du moins sur le plan de la stratĂ©gie politique : Kennedy a lâair dâavoir le mĂȘme Ăąge que Joe Biden, si ce nâest plus. Par ce tour de passe-passe, le New York Times veut subliminalement effacer toute inquiĂ©tude quant Ă lâĂąge et aux compĂ©tences cognitives de Joe Biden, tout en laissant entendre que R.F.K. Jr. est lui-mĂȘme un homme vieillissant.
DĂšs les premiers paragraphes, nous faisons la connaissance de notre concitoyen Gabe Whitney, lâun des trois partisans de Kennedy que Goldberg a interviewĂ©s lors dâun rassemblement de la campagne Kennedy Ă St. Anselmâs, une universitĂ© dâarts libres du New Hampshire. Anselmâs, une universitĂ© dâarts libĂ©raux du New Hampshire. Chacun dâentre eux est dĂ©peint comme suspect, voire un peu fou. En effet, plus loin dans le commentaire, elle dĂ©crit Charles Eisenstein comme un « écrivain New Age » et « une sorte de mystique Covid », tandis quâAubrey Marcus, nous apprend-on, « a cofondĂ© une sociĂ©tĂ© de complĂ©ments alimentaires de plusieurs millions de dollars » avec nul autre que Joe Rogan.Â
Comme si Goldberg ne pouvait pas sâen empĂȘcher, Joe Rogan â un homme longtemps diabolisĂ© par les libĂ©raux comme un thĂ©oricien du complot de droite, bien quâil ait soutenu Bernie Sanders en 2020 et quâil se soit dĂ©clarĂ© libĂ©ral jusquâĂ ce que toutes les attaques commencent â est mentionnĂ© deux fois dans lâarticle. Le message : Toute personne liĂ©e de prĂšs ou de loin Ă Joe Rogan est forcĂ©ment suspecte. Fait remarquable, mĂȘme le comĂ©dien britannique Russell Brand â lui-mĂȘme calomniĂ© comme un thĂ©oricien du complot de droite par lâestablishment libĂ©ral â est mentionnĂ© dans le projet de diffamation par association de Goldberg.Â
En bref, aucun des hommes avec lesquels Goldberg sâest entretenu nâest Ă prendre au sĂ©rieux. Mais nâoublions pas quâil sâagit dâun article dâopinion et que Mme Goldberg ne se contente pas de rapporter des faits. Son article est conçu dans le but de saper la crĂ©dibilitĂ© de R.F.K. Jr. et, nĂ©cessairement, de marginaliser ceux qui le soutiennent. Plus Goldberg et le Times peuvent accumuler de bizarreries apparentes en rapport avec Kennedy, mieux câest.
Lâhistoire de Gabe Whitney est particuliĂšrement instructive, car elle mĂšne la chronique et prĂ©pare donc le terrain pour la suite. Pendant la pandĂ©mie, nous dit-on, Whitney « doutait de ce quâil appelait « le rĂ©cit » autour de Covid et luttait contre lâhostilitĂ© que ses questions sur les vaccins et autres mesures dâattĂ©nuation suscitaient chez ses proches ».Â
Nous comprenons immĂ©diatement quâil sâagit dâun homme Ă problĂšmes : Whitney « doutait », il « luttait ». Pendant la pandĂ©mie, il a Ă©tĂ© isolĂ© et sâest Ă©loignĂ© de ses proches, comme si Whitney Ă©tait la seule personne Ă avoir des doutes et des difficultĂ©s au plus fort de la pandĂ©mie. Trois phrases plus loin, nous apprenons que la situation sâest aggravĂ©e pour Whitney lorsquâil a commencĂ© à « graviter autour de personnes qui considĂšrent le scepticisme Ă lâĂ©gard des directives gĂ©nĂ©rales de santĂ© publique comme un signe de courage plutĂŽt que dâĂ©goĂŻsme et dâillusion ».Â
RĂ©vĂ©lateur en effet. Ces premiers paragraphes nous indiquent exactement oĂč Goldberg veut en venir. Tout dâabord, on ne peut quâapprĂ©cier la façon dont elle met des guillemets au terme « discours », comme si les discours du pouvoir nâexistaient pas et que ceux qui y croient Ă©taient â quoi dâautre ? â des thĂ©oriciens du complot Ă la noix. DeuxiĂšmement, le scepticisme, longtemps considĂ©rĂ© comme un attribut intellectuel important, en particulier dans une dĂ©mocratie, est dĂ©sormais considĂ©rĂ© comme dangereux, Ă©goĂŻste et dĂ©lirant, autant de qualitĂ©s prĂ©sentes chez R.F.K. Jr. et au sein de sa coalition de mĂ©fiants.
Le scepticisme est certainement dangereux, en particulier pour lâĂ©lite dirigeante que sert Goldberg. « Robert F. Kennedy Jr. et la Coalition des MĂ©fiants » nâest que de la poudre aux yeux, et Goldberg elle-mĂȘme est une experte en dĂ©formation dâhistoires qui ne recule devant aucune distorsion, comme lâindique trĂšs clairement son parcours professionnel. Plus le pouvoir en place est menacĂ©, plus R.F.K. Jr. devient menaçant, ou, en fait, toute personne, tout mouvement politique, toute organisation populaire, plus le Times et les autres mĂ©dias dâentreprise doivent travailler dur pour gĂ©rer les rĂ©cits dominants et Ă©viter quâils nâĂ©chappent Ă leur emprise. Vu sous cet angle, lâarticle de Goldberg est un contrĂŽle prĂ©ventif des prĂ©judices. Lâensemble de lâarticle est une dĂ©fense des principes et des politiques de lâestablishment. Quiconque remet en question ou conteste lâorthodoxie libĂ©rale rĂ©gnante doit nĂ©cessairement ĂȘtre tournĂ© en ridicule et raillĂ©, rejetĂ© Ă la fois comme trop ridicule pour ĂȘtre pris au sĂ©rieux et pourtant si dangereux quâil doit ĂȘtre rĂ©duit au silence et censurĂ© â mais surtout pas dĂ©battu. Câest prĂ©cisĂ©ment la raison pour laquelle une grande partie du long rĂ©cit de Goldberg se concentre sur les raisons indiquant pourquoi il devient impossible de dĂ©battre de Kennedy â voire irresponsable, en raison du degrĂ© de lĂ©gitimitĂ© quâil confĂšre. Câest un argument qui permet Ă Biden de se dĂ©douaner dâun dĂ©bat quâil nâaurait pas pu mener, mĂȘme dans les bons jours.Â
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Le ComitĂ© national dĂ©mocrate refusant dâautoriser les dĂ©bats dans le cadre des primaires, le Times a multipliĂ© les articles dâopinion sur lâimprudence dâengager Kennedy dans un Ă©change public. Lâarticle  » Impossible de « remporter » un dĂ©bat avec Robert F. Kennedy Jr « , publiĂ© le 23 juin, relate un dĂ©bat que son auteur, Farhad Manjoo, chroniqueur au Times, a eu avec M. Kennedy au cours de lâĂ©tĂ© 2006. Comme lâĂ©crit Manjoo, qui a apparemment Ă©chouĂ© Ă ce dĂ©bat :Â
Mais je vois maintenant oĂč jâai fait fausse route. ⊠Mon erreur a Ă©tĂ© dâessayer de dĂ©battre et de dĂ©mystifier Kennedy en premier lieu. Au mieux, câĂ©tait une perte de temps et dâĂ©nergie ; au pire, câĂ©tait un cadeau bien ficelĂ© de ce quâun thĂ©oricien de la conspiration dĂ©sire le plus : la reconnaissance des arguments quâil avance sont assez pertinents pour justifier un dĂ©bat sĂ©rieux.Â
Goldberg, en parfait accord avec son collĂšgue comme avec son employeur, cite lâexemple de Peter Hotez, un cĂ©lĂšbre virologue qui refuse de dĂ©battre avec Kennedy sur la question des vaccins :
Je comprends la position de Hotez, qui est la mĂȘme que celle adoptĂ©e par des experts dans de nombreux domaines lorsquâils sont mis au dĂ©fi de dĂ©battre avec des excentriques. Richard Dawkins, le biologiste Ă©volutionniste, refuse de dĂ©battre avec les crĂ©ationnistes parce quâil ne veut pas les considĂ©rer comme des interlocuteurs lĂ©gitimes. Deborah Lipstadt, historienne et diplomate spĂ©cialiste de lâHolocauste, a Ă©crit quâessayer de dĂ©battre avec les nĂ©gateurs de lâHolocauste revenait à « essayer de clouer de la gelĂ©e au mur ». Câest impossible parce que, quoi que vous leur disiez, ils vont toujours trouver Ă dire ». Pour dĂ©battre avec un conspirationniste, il faut maĂźtriser non seulement les faits, mais aussi un arsenal quasi illimitĂ© de non-faits.
Pourtant, il est assez Ă©vident que les sympathisants de Kennedy considĂšrent comme une victoire morale le refus des experts de dĂ©battre avec lui. Pour rĂ©ussir Ă neutraliser certaines idĂ©es, un consensus social sâimpose sur ce qui est ou nâest pas inacceptable. En AmĂ©rique, ce consensus sâest Ă©croulĂ©. Les libĂ©raux, paniquĂ©s Ă juste titre par le chaos Ă©pistĂ©mologique, ont parfois tentĂ© de rĂ©affirmer ce consensus en abordant toujours plus de sujets â comme la thĂ©orie des fuites de laboratoire sur lâorigine de Covid â comme indignes dâĂȘtre dĂ©battus publiquement. Mais la prolifĂ©ration des tabous peut aussi donner aux idĂ©es stigmatisĂ©es lâĂ©clat dâun savoir secret. Lorsque les limites du discours acceptable sont contrĂŽlĂ©es de maniĂšre trop stricte â et avec trop de certitudes non fondĂ©es â cela peut ĂȘtre source potentielle de troubles.
Il y aurait beaucoup Ă dire sur ces deux paragraphes. Jâaborderai plus particuliĂšrement trois points.Â
PremiĂšrement, le dĂ©bat lui-mĂȘme, un outil puissant pour faire progresser le savoir dans la sphĂšre publique, a Ă©tĂ© vilipendĂ© au point quâil nâest plus crĂ©dible â une position choquante pour le New York Times, mĂȘme sur sa page dâopinion, et un mauvais service rendu au discours public. De nombreuses questions de fond soulevĂ©es par M. Kennedy mĂ©ritent dâĂȘtre dĂ©battues : la guerre par procuration que les Ătats-Unis mĂšnent contre la Russie, la façon dont notre budget militaire plĂ©thorique dĂ©truit le pays, lâĂ©tat dĂ©plorable de nos infrastructures, le dĂ©clin de la classe moyenne. Le thĂšme de la vaccination est utilisĂ© comme une attraction pour Ă©carter toute tentative de traiter les problĂšmes sĂ©rieux soulevĂ©s par M. Kennedy.Â
Mais mĂȘme le sujet du vaccin pourrait faire lâobjet dâun dĂ©bat. Comme R.F.K. Jr. lâa rĂ©pĂ©tĂ© dâinnombrables fois dans de multiples circonstances, « je ne suis pas anti-vax ». Son argument, bien plus informĂ© et nuancĂ©, souligne que les vaccins doivent ĂȘtre correctement testĂ©s et quâils ne le sont pas parce que les agences de contrĂŽle chargĂ©es de superviser ces tests ont Ă©tĂ© accaparĂ©es par les sociĂ©tĂ©s pharmaceutiques. En effet, le problĂšme de la mainmise des entreprises sur les organismes de rĂ©glementation est parfaitement identifiĂ© et mĂ©rite Ă lui seul de figurer dans le dĂ©bat public.
DeuxiĂšmement, les attaques flagrantes Ă lâencontre de la personnalitĂ© de Kennedy. Goldberg dĂ©nigre dĂ©libĂ©rĂ©ment R.F.K. Jr. en lâassociant implicitement aux crĂ©ationnistes, communĂ©ment considĂ©rĂ©s comme des fanatiques nĂ©gateurs de la science. Mais plus malhonnĂȘte et malveillant encore, surtout si lâon considĂšre le soutien indĂ©fectible de Kennedy Ă IsraĂ«l â une position quâil dĂ©fend et avec laquelle je suis en profond dĂ©saccord â Goldberg lâassocie aux nĂ©gationnistes de lâholocauste par le biais de sa rĂ©fĂ©rence tout Ă fait superflue Ă Deborah Lipstadt, comme indiquĂ© plus haut. Dâun seul coup, Kennedy est considĂ©rĂ© comme faisant partie de la frange fanatique de ceux qui nient le consensus scientifique, historique et mĂȘme Ă©thique et moral. Dans une dĂ©marche qui frise la diffamation, sinon de maniĂšre implicite, Goldberg suggĂšre que Kennedy nâest en quelque sorte pas diffĂ©rent de ceux qui adhĂšrent Ă lâidĂ©ologie nĂ©o-nazie.
LâidĂ©e dâune renaissance amĂ©ricaine, dâun retour Ă la grandeur de notre pays, est-elle une idĂ©e dont il faut se moquer ?
Selon le consensus libĂ©ral actuel, cela placerait Kennedy dans le mĂȘme camp que les dĂ©plorables partisans de Trump, suprĂ©macistes blancs, fascistes, nĂ©o-nazis et partisans de « Make America Great Again ». Et, oui, Goldberg ne déçoit pas : « Pour ceux dâentre nous qui considĂšrent Kennedy comme un thĂ©oricien du complot anti-vax, sa campagne ressemble soit Ă une farce, soit Ă une arnaque, une campagne stimulĂ©e par des figures MAGA comme Roger Stone et Steve Bannon pour affaiblir Biden avant lâĂ©lection de 2024. » Ă propos du discours que Kennedy a prononcĂ© Ă St. Anselm, elle a dĂ©clarĂ© : « CâĂ©tait une version plus soft et plus Ă©loquente de Make America Great Again, et la salle a adorĂ©. »
LâidĂ©e mĂȘme de renouveau amĂ©ricain, de rendre sa grandeur Ă notre pays â qui semble avoir touchĂ© le fond â est-elle une idĂ©e dont il faut se moquer ? MĂȘme Goldberg est obligĂ© de reconnaĂźtre certains points irrĂ©futables soulevĂ©s par Kennedy, ne serait-ce que pour renforcer lâillusion de justesse et de neutralitĂ© du Times. Voici, selon Goldberg et en rĂ©sumĂ©, quelques-uns des propos tenus par Kennedy Ă Saint-Anselme :
â Il a prĂ©sentĂ© le soutien amĂ©ricain au gouvernement de Volodymyr Zelensky comme la perpĂ©tuation des guerres incessantes de notre pays, quâil considĂšre comme Ă©tant la cause du dĂ©clin amĂ©ricain. Comme il le fait souvent, il a combinĂ© des arguments trĂšs tendancieux â attribuant lâinvasion de lâUkraine par la Russie en partie Ă des « provocations dĂ©libĂ©rĂ©es rĂ©pĂ©tĂ©es » de lâAmĂ©rique â avec des vĂ©ritĂ©s qui rĂ©sonnent. « En menant des guerres sans fin Ă lâĂ©tranger, nous avons nĂ©gligĂ© les fondements de notre propre bien-ĂȘtre », a-t-il dĂ©clarĂ©.  » Notre infrastructure Ă©conomique est en dĂ©clin, notre peuple est dĂ©moralisĂ© et dĂ©sespĂ©rĂ©. Notre air, notre sol et notre eau sont chargĂ©s de toxines. Notre santĂ© mentale et physique se dĂ©tĂ©rioreâ.Â
Relisez ceci et dites-moi que Kennedy ne peut pas ĂȘtre un candidat sĂ©rieux Ă la Maison Blanche. Dites-moi quâil nâa rien de sĂ©rieux Ă dire, quâil nâest pas un homme rĂ©flĂ©chi et intelligent. Dites-moi que sa candidature est une « farce » ou un « sale tour » jouĂ© aux dĂ©mocrates par nul autre que⊠Trump. Qui est en train de dĂ©lirer ?
TroisiĂšmement, et nous gardons le meilleur pour la fin, Goldberg admet sans ambages la nĂ©cessitĂ© de manipuler et de contrĂŽler ce qui est qualifiĂ© de « consensus social » â en bref, ce que nous sommes autorisĂ©s Ă penser et Ă croire. Nous devrions tous remercier Goldberg pour sa franchise et pour ce quâelle nous apprend sur lâarrogance et lâorgueil â et, notons-le aussi, la vulnĂ©rabilitĂ© â de lâestablishment libĂ©ral et des mĂ©dias dâentreprise qui le servent. Le cĆur du problĂšme se rĂ©sume Ă ceci : la nĂ©cessitĂ© de « mettre en quarantaine certaines idĂ©es » afin de sauvegarder et de maintenir le « consensus social », ce qui signifie pour le Times le consensus libĂ©ral.Â
Bravo ! Chers lecteurs, acceptez-vous que le consensus libĂ©ral dĂ©finisse les limites de ce que vous devez penser et discuter, de ce que vous devez croire et de la maniĂšre dont vous devez agir ? Ătes-vous Ă lâaise avec la mise en quarantaine des idĂ©es qui remettent en cause ce consensus, ou avec la mise en place de limites autour dâun « discours acceptable » ? R.F.K. Jr., quels que soient ses dĂ©fauts et ses faiblesses, ne lâest manifestement pas, et je suis dâaccord avec lui sur ce point.Â
Il y a trois jours, Kennedy a participĂ© Ă lâĂ©mission NewsNation, oĂč on lui a posĂ© des questions sur â encore une fois â son point de vue sur les vaccins. La sĂ©quence, dâune durĂ©e de treize minutes, vaut la peine dâĂȘtre Ă©coutĂ©e. Vous y verrez un homme de 69 ans, et non de 80 ans, intellectuellement vif et Ă©loquent, dĂ©fendre son point de vue avec intelligence, intĂ©gritĂ©, honnĂȘtetĂ© et⊠sur des bases factuelles. Il semblerait que les gens refusent de dĂ©battre de Kennedy non pas parce quâil est un illuminĂ© ou un thĂ©oricien du complot, mais pour une seule et simple raison : ils sont incapables de rĂ©futer la validitĂ© de ses arguments ou des faits quâil met en avant pour les Ă©tayer.Â
R.F.K. Jr. pose un gros problĂšme au New York Times. En raison de sa popularitĂ© croissante, il ne peut pas ĂȘtre simplement ignorĂ©. Mais il faut aussi le stopper â un sondage CNN rĂ©alisĂ© fin mai montrait que 20 % des Ă©lecteurs dĂ©mocrates prĂ©fĂ©raient Kennedy Ă Biden. Biden ne veut pas dĂ©battre avec Kennedy et ne pourrait pas remporter le dĂ©bat sâil sây engageait. Les mĂ©dias libĂ©raux doivent donc intervenir pour faire le boulot que Biden ne peut faire, câest-Ă -dire Ă©liminer Kennedy de la course sur la base de ses propres mĂ©rites. Kennedy peut certainement ĂȘtre censurĂ© â il lâest tout le temps sur YouTube â mais il ne peut pas ĂȘtre totalement rĂ©duit au silence, et il faut donc le discrediter. Puisque le Times, dans son rĂŽle de relations publiques pour le compte de lâestablishment dĂ©mocrate, ne veut pas ou ne peut pas traiter les nombreuses questions importantes dont nous parle R.F.K. Jr., le journal de rĂ©fĂ©rence ne peut quâutiliser ses rubriques dâopinion pour recourir Ă la propagande et Ă la dĂ©lation.Â
Le problĂšme dans tout cela nâest pas tant que cela va nuire Ă R.F.K. Jr. â ce nâest pas le cas parce que le caractĂšre de Kennedy, comme le vĂŽtre ou le mien, parle de lui-mĂȘme, bien que cela compromette certainement ses chances dâaccĂ©der Ă la Maison Blanche. Lâintention rĂ©elle de ce type dâattaque concertĂ©e et orchestrĂ©e est de dĂ©truire la pensĂ©e indĂ©pendante. Vous nâĂȘtes pas censĂ©s vous faire votre propre opinion sur Kennedy. Vous nâĂȘtes pas censĂ©s lâĂ©couter avec ouverture dâesprit, ni mĂȘme lâĂ©couter tout court. Vous ĂȘtes censĂ©s penser et croire exactement ce que le New York Times vous dit de penser et de croire.
Cara Marianna publie un bulletin dâinformation Substack, Our Journey. Elle est Ă©galement peintre. Elle est titulaire dâun doctorat en Ă©tudes amĂ©ricaines.