đâđš La nuit tombe sur les contrĂ©es obscures : l'Ă©popĂ©e Julian Assange
Au-delĂ de la souffrance d'Assange, ce cas rĂ©vĂšle les actes dâun pays prĂ©tendant dĂ©fendre la dĂ©mocratie & comment ses alliĂ©s sont traitĂ©s sans Ă©gard pour les droits humains & l'Ătat de droit.
đâđš La nuit tombe sur les contrĂ©es obscures : l'Ă©popĂ©e Julian Assange
Lâextradition de Julian Assange
Par John Jiggens & Joseph Camilleri, le 5 mars 2024
Dans l'attente de la dĂ©cision de la High Court britannique sur l'extradition de Julian Assange vers les Ătats-Unis, les implications de la persĂ©cution de Julian Assange et les rĂ©percussions sur les droits de l'homme, le journalisme, la paix et la justice seront explorĂ©es lors de la confĂ©rence Night Falls in the Evening Lands : the Assange epic, qui se tiendra Ă Melbourne le 9 mars.
Au-delĂ de la souffrance d'un homme, cette affaire rĂ©vĂšle les actes dâun pays qui prĂ©tend dĂ©fendre dĂ©mocratie & droits humains & la façon dont ses alliĂ©s sont traitĂ©s sans Ă©gard pour les droits humains & l'Ătat de droit.
Le discours d'ouverture sera prononcĂ© par Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau new-yorkais du Haut Commissariat aux droits de l'homme, qui a dĂ©missionnĂ© en raison de l'incapacitĂ© des Nations unies Ă empĂȘcher le gĂ©nocide Ă Gaza, dĂ©signant le Royaume-Uni, les Ătats-Unis et une grande partie de l'Europe comme âtotalement complices de cet horrible agressionâ.
Mary Kostakidis, ancienne présentatrice du journal télévisé de la chaßne SBS, sera la modératrice d'un groupe de personnalités de premier plan comprenant Yanis Varoufakis, Emma Shortis, Binoy Kampmark, Ruth Mitchell, Michael West, Anne Orford, Joseph Camilleri, Constantine Pakavakis, John Shipton et Alistair Crooke. L'un des organisateurs, le professeur Joseph Camilleri, s'est entretenu avec le journaliste de Bay FM, le Dr John Jiggens.
John Jiggens (JJ) - Professeur Joseph Camilleri, vous ĂȘtes l'un des organisateurs de la confĂ©rence âNight Falls in the Evening Lands : the Assange epicâ, qui se tiendra Ă Melbourne le 9 mars. Pourquoi l'affaire Julian Assange est-elle si importante ?
John Camilleri (JC) - Eh bien John, elle l'est pour de nombreuses raisons. Bien sĂ»r, il y a la tragĂ©die personnelle de cet homme dont la santĂ© a Ă©tĂ© trĂšs affectĂ©e Ă cause de ses activitĂ©s, qui ont permis de rĂ©vĂ©ler, entre autres, des crimes de guerre commis par les Ătats-Unis, principalement en Irak. Mais au-delĂ de cela, au-delĂ de la souffrance personnelle d'un homme pendant de si longues annĂ©es, cette affaire est importante en raison de ce qui a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© : les mĂ©faits des Ătats-Unis, la premiĂšre puissance mondiale qui prĂ©tend dĂ©fendre la dĂ©mocratie et les droits de l'homme, mais dont les actions suggĂšrent que ces principes sont souvent respectĂ©s en thĂ©orie, mais pas dans la pratique.
DeuxiĂšmement, cela nous renseigne sur la façon dont les alliĂ©s des Ătats-Unis, en l'occurrence l'Australie et ses citoyens, peuvent ĂȘtre traitĂ©s sans la moindre considĂ©ration pour les droits de l'homme et l'Ătat de droit.
Et cela nous en dit long sur le gouvernement australien qui, jusqu'Ă trĂšs rĂ©cemment, n'Ă©tait pas prĂȘt Ă dire ou Ă faire grand-chose pour aider un citoyen australien dans ces circonstances trĂšs Ă©prouvantes. Nous constatons donc qu'il s'agit d'un phĂ©nomĂšne plus large, l'effondrement de l'Ătat de droit, la violation des droits de l'homme et des alliances qui vont Ă l'encontre des valeurs qu'elles sont censĂ©es dĂ©fendre.
JJ - Vous avez une liste impressionnante d'intervenants experts dans de nombreux domaines. La conférence porte-t-elle sur Julian Assange ou sur un programme plus large ?
JC - Bien sĂ»r, on va s'intĂ©resser Ă ce qui est arrivĂ© et Ă ce qui arrive encore Ă Assange, et peut-ĂȘtre Ă ce que l'avenir nous rĂ©serve. Mais au-delĂ de cela, nous allons nous pencher sur les questions de droits de l'homme et de droit international, sur ce qu'ils ont Ă nous dire Ă propos de la situation, et sur ce que la situation nous dit Ă propos du statut des droits de l'homme et du droit international dans le monde d'aujourd'hui.
Nous allons nous pencher sur le rĂŽle des mĂ©dias, des mĂ©dias grand public, qui ont Ă©tĂ© particuliĂšrement peu efficaces, en tout cas dans des pays comme l'Australie et les Ătats-Unis, pour attirer l'attention de leurs publics respectifs sur ces questions, et qui ont fait preuve non seulement d'un manque de visibilitĂ©, mais aussi d'un manque d'analyse.
Nous nous pencherons également sur les questions de politique étrangÚre et de sécurité de l'Australie et sur ce que la saga Assange nous apprend sur le piÚtre état de l'Australie, qui tente de définir sa place dans le monde d'une maniÚre qui n'est pas toujours trÚs avantageuse.
JJ - Assange s'est vu accorder l'asile dans l'ambassade de l'Ăquateur Ă Londres parce que les Ăquatoriens ont conclu qu'il avait Ă©tĂ© abandonnĂ© par son propre pays, l'Australie.
Lorsqu'un pays dit âhostileâ, comme la Chine, l'Ăgypte ou l'Iran, dĂ©tient un journaliste australien, le gouvernement australien proteste haut et fort et fait pression sur ces pays pour qu'ils libĂšrent le journaliste. Les Ătats-Unis et le Royaume-Uni prĂ©tendent ĂȘtre nos amis, mais les gouvernements Gillard, Abbott, Turnbull et Morrison ont tous ignorĂ© Assange, le journaliste le plus cĂ©lĂšbre d'Australie, et seul le gouvernement Albanais a fait campagne pour sa libĂ©ration. Qu'est-ce que cela nous apprend sur l'Australie ?
JC - Eh bien, je pense que cela nous apprend plusieurs choses. La premiĂšre, c'est que les gouvernements australiens sont, dans l'ensemble, accros au pouvoir impĂ©rial. Autrefois, c'Ă©tait surtout la Grande-Bretagne, et plus rĂ©cemment, ce sont les Ătats-Unis. Ils sont assez prudents dans leurs relations avec la puissance impĂ©riale et cela a Ă©tĂ© largement le cas jusqu'Ă prĂ©sent et depuis longtemps.
Il en va de mĂȘme, dans une certaine mesure, pour le gouvernement Albanese. Oui, il a fait savoir qu'il souhaitait une certaine forme de rĂšglement de la question Assange. Mais ce que nous ne savons pas, c'est si cette question a Ă©tĂ© posĂ©e avec fermetĂ© au Royaume-Uni ou aux Ătats-Unis ; je soupçonne qu'elle a Ă©tĂ© posĂ©e plutĂŽt mollement.
Pour autant que nous sachions, le gouvernement australien n'a pas indiqué ni suggéré que si la question n'aboutissait pas rapidement, l'Australie aurait l'intention de prendre des mesures pour réexaminer certaines relations et certains engagements. Il n'y a pas eu le moindre soupçon que cela ait été fait, non seulement pas en public, ce que nous aurions su si cela avait été fait, mais il y a un doute considérable que quoi que ce soit de semblable ait été dit ou fait en privé non plus. Nous ne savons pas à quel point ces appels et ces commentaires ont été défendus.
Cela montre Ă©galement que lorsque des intĂ©rĂȘts puissants sont en jeu, les alliances n'offrent que peu de solutions lorsqu'un intĂ©rĂȘt australien semble aller Ă l'encontre d'un intĂ©rĂȘt amĂ©ricain. Si l'Australie Ă©tait deux fois moins influente Ă Washington que ce que nous disent nos Ă©lites politiques et militaires, il aurait dĂ©jĂ dĂ» se passer quelque chose. Et pourtant, jusqu'Ă prĂ©sent, il ne s'est pas passĂ© grand-chose.
JJ - Au cours des sept derniĂšres dĂ©cennies, l'Australie a participĂ© Ă des guerres menĂ©es par les Ătats-Unis en CorĂ©e, au ViĂȘt Nam, en Irak et en Afghanistan, des pays situĂ©s Ă des milliers de kilomĂštres de l'Australie. Qu'est-ce que la persĂ©cution d'Assange nous apprend sur la politique Ă©trangĂšre des Ătats-Unis et sur l'Australie ?
JC - Eh bien, cela nous dit que malheureusement, nos Ă©lites, nos Ă©lites militaires, nos Ă©lites sĂ©curitaires, et peut-ĂȘtre dans une large mesure, la bureaucratie et la classe politique ont Ă©tĂ© obnubilĂ©es par les menaces extĂ©rieures.
En consĂ©quence, elles ont cherchĂ© la protection de la puissance impĂ©riale. Et pour avoir la moindre chance d'obtenir cette protection en cas de besoin, on nous dit que nous devons faire preuve de loyautĂ© et que la loyautĂ© signifie se battre aux cĂŽtĂ©s de la puissance impĂ©riale chaque fois qu'elle est engagĂ©e dans une guerre, et pour cela, compte tenu notamment de la montĂ©e des tensions entre les Ătats-Unis et la Chine ces derniĂšres annĂ©es, il nous faut accroĂźtre la projection de la puissance militaire australienne.
Non pas que la puissance militaire dont dispose l'Australie fasse une grande diffĂ©rence en cas de conflit rĂ©gional majeur, mais parce qu'elle dĂ©montre aux Ătats-Unis que nous sommes un alliĂ© fidĂšle. Il s'agit donc d'une politique de dĂ©fense avancĂ©e qui dure depuis de nombreuses annĂ©es. L'idĂ©e qu'il vaut mieux se battre maintenant plutĂŽt que plus tard, lĂ -bas plutĂŽt qu'ici, et le faire en signe de fidĂ©litĂ© au grand et puissant ami. Et malheureusement, c'est la position qui, dans l'ensemble, a Ă©tĂ© adoptĂ©e par les mĂ©dias grand public. Nous avons donc encore du pain sur la planche, et la confĂ©rence est une contribution dans ce sens.
JJ - TrÚs bien, j'en ai terminé avec mes questions. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ?
JC - Non, si ce n'est pour dire que si un changement de cap nous intéresse, nous savons aussi qu'il ne se produira pas du jour au lendemain. Il ne viendra pas des instances traditionnelles, c'est-à -dire des élites politiques, des élites militaires, de ceux qui contrÎlent les médias, mais de la société civile.
Cela viendra de groupes plus ou moins nombreux, d'organisations communautaires et de tous ceux qui travaillent sur de nombreux fronts différents, qu'il s'agisse du climat, de la paix ou de la guerre, des sans-abri, etc. Pour essayer de prendre du recul et voir si nous pouvons construire au fil du temps un nouveau récit divergent de celui que nous suivons depuis si longtemps. Je pense que c'est là notre principale tùche, et j'espÚre qu'un nombre suffisant d'Australiens d'horizons différents seront capables de relever le défi.
Date de la conférence : Samedi 9 mars 2024
Lieu : Storey Hall RMIT Storey Hall RMIT, 342 Swanston St, Melbourne VIC 3000
Heure : 09:00 - 17:00 Australian Eastern Daylight Time (AEDT)
* John Jiggens est un journaliste citoyen. Il a été le rédacteur en chef fondateur de The Westender et de The Cane Toad Times et travaille actuellement dans la salle de presse communautaire de Bay-FM à Byron Bay. Son doctorat portait sur Marijuana Australiana : Cannabis use, popular culture and the Americanisation of drug policy in Australia (Consommation de cannabis, culture populaire et américanisation de la politique en matiÚre de drogues en Australie). Il a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire de la prohibition du cannabis.
* Joseph Camilleri est professeur émérite à l'université La Trobe de Melbourne, membre de l'Académie australienne des sciences sociales, animateur de Conversation at the Crossroads et co-animateur de SHAPE (Saving Humanity and Planet Earth).
https://johnmenadue.com/night-falls-in-the-evening-lands-the-extradition-of-julian-assange/