👁🗨 "La presse de 2024".
Aucune nation ne peut rester soudée à long terme si elle souffre d'une telle opacité. Thomas Jefferson avait vu juste. Mieux vaut une presse sans gouvernement qu'un gouvernement sans presse.
👁🗨 "La presse de 2024".
Ou la capitulation totale
Par Patrick Lawrence, le 22 août 2023
21 AOÛT - Aujourd'hui, nous abordons officiellement la période électorale de 2024, les Républicains ayant prévu de tenir leur premier débat primaire mercredi soir. Voici la question que je me pose en ce moment : comment les lecteurs et les téléspectateurs américains vont-ils suivre les événements de manière à pouvoir saisir les enjeux et - pour ceux qui disent s'adonner à cette pratique - voter le 3 novembre 2024 ?
Voici ma réponse : je n'en n'ai pas la moindre idée. Un effort assidu et un accès accru aux médias indépendants, voilà ce que je peux proposer de mieux pour l'instant.
L'élection présidentielle à venir s'avère déjà pernicieuse à bien des égards, notamment en ce qui concerne la corruption institutionnelle et le camouflage audacieux de la Maison Blanche, comparable à l'affaire du Watergate. J'ai abordé ces questions dans un article récent. Mais j'ai omis une chose. La course à la Maison Blanche en 2024 a fait chavirer nos journaux et radiodiffuseurs, déjà en perte de vitesse. En abandonnant les lecteurs et les téléspectateurs américains, ils se sont rangés au service du régime en place et de l'appareil du parti qui le soutient.
Lorsque Jefferson était ministre de la nouvelle république à Paris, il a écrit à Edward Carrington, alors délégué au Congrès continental de 1786-88. "S'il m'appartenait de décider entre un gouvernement sans journaux et des journaux sans gouvernement", disait Jefferson à son ami, "je n'hésiterais pas un instant à privilégier cette dernière solution".
Par souci de clarté, le grand Virginien a ajouté : "Mais j'aimerais que tous reçoivent ces journaux et soient en mesure de les lire."
Notre monde est à l'opposé de celui de Jefferson. En cette saison politique, nous sommes obligés de reconnaître que nous vivons effectivement dans le contexte que notre troisième président considérait comme le plus détestable. Nous n'avons plus de journaux, malgré d'honorables exceptions au niveau local. Nos journaux sont désormais des simulacres, de pâles copies de journaux, des annexes du gouvernement. Et la dernière chose à souhaiter, c'est que des gens les reçoivent, et les lisent.
Ces réflexions me viennent, aussi étrange que cela puisse paraître, d'une simple photographie. Elle figurait en tête d'un article du New York Times intitulé "Kamala Harris assume un nouveau rôle fort dans la campagne de 2024". L'article est assez mauvais, et j'y reviendrai dans une minute. C'est la photographie de couverture qui m'a époustouflé.
Regardez-la. La numéro 2 du régime Biden, sans la moindre réalisation à son actif, est photographiée sur fond de noir solennel, les drapeaux de part et d'autre apportant la seule touche de couleur, la tête inclinée vers l'avant dans une pose évoquant une réussite âprement gagnée. J'ai tiré plusieurs conclusions en regardant fixement cette image, incapable de la quitter des yeux tant ses implications se bousculaient dans mes pensées.
Premièrement, nous savons désormais que les dirigeants démocrates ont l'intention de s'attaquer au problème de l'incompétence intellectuelle de Joe Biden, qui s'aggrave de jour en jour, en poussant Harris à remplacer efficacement le président lors des campagnes électorales. Je me demandais depuis un certain temps comment ils allaient traiter ce problème épineux. Harris est désormais considérée comme "une sorte d'opération d'intervention rapide menée par elle et elle seule", comme l'a dit le Times. En d'autres termes, c'est elle qui fera la campagne publique, tandis que les électeurs seront invités à réélire un président qu'ils ne verront que rarement, à l'exception de ces vidéos mises en scène tournées depuis le sous-sol de son manoir de Wilmington.
Deuxièmement, nos médias sont désormais certains, et malheureusement à juste titre, qu'ils peuvent amener les Américains à penser tout ce que les élites du pouvoir désirent qu'ils pensent, aussi absurde que cela puisse être. Et ils s'engagent pleinement dans ce projet dans l'intérêt du pouvoir qu'ils servent. En d'autres termes, nous vivons dans l'État de propagande que Walter Lippmann, Edward Bernays et d'autres décrivaient avec enthousiasme il y a un siècle.
Troisièmement, et c'est là le pire, il n'y a plus aucun champ libre entre le New York Times et le Comité National Démocrate. L'un sert à l'autre de tribune politique à tous égards, sauf pour ce qui est du nom. C'est ce que je veux dire lorsque j'évoque le cauchemar de Jefferson d'un gouvernement sans journaux. Nous sommes prévenus dès cette rentrée politique que c'est exactement ce à quoi nous avons droit.
Une fois que vous aurez digéré la sémiologie de la photographie, prenez une seconde pour lire l'article qui suit. Pauvre Zolan Kanno-Youngs, le journaliste du Times qui a dû débiter les inepties requises pour étayer l'image choquante. Si je trouve le pouvoir subliminal de la photo de Harris effrayant, comme je le pense sincèrement, son texte présente au moins des passages divertissants.
Notre intrépide journaliste cite - évidemment - un représentant du DNC, Cedric Richmond, qui déclare : "C'est bien qu'elle soit là". Biden, voyez-vous, est trop occupé au 1600 Pennsylvanie pour se présenter aux élections. "Il continue de rassembler l'Occident contre l'agression russe, et se consacre à l'économie et à l'inflation", explique Cedric Richmond. Dieu merci, nous avons Harris pour que ce brave homme puisse veiller sur nous.
Vantant l'expertise de Mme Harris sur la question du contrôle des armes à feu, Kanno-Youngs la cite en disant qu'elle a "vu de mes propres yeux ce qu'une balle inflige au corps humain". Est-ce la sagesse d'une expérience durement acquise ?
Dites-moi, lecteur, si vous pouvez égaler cette merde en termes de qualité.
Il s'agit d'un commentaire à propos de la capitulation totale de nos médias devant les élites libérales autoritaires suite à une saison électorale qui semble faire vaciller ces élites. Je me concentre ici sur le Times pour de bonnes raisons, dont voici un aperçu.
Il y a de nombreuses années, lorsque je travaillais à l'un des bureaux de rédaction du Times, nous avons reçu un appel téléphonique de l'une des chaînes de télévision à 17h30 ou 18h00, juste au moment où nous bouclions la première édition du lendemain. Cela se produisait peut-être deux fois par semaine. Les responsables de la télévision nous disaient quelque chose comme : "Nous avons un article sur les élections en Belgique. Allez-vous publier quelque chose à ce sujet ?" Si nous répondions par l'affirmative, le sujet passait au journal télévisé du soir. Si nous répondions par la négative, il ne passait pas.
Ceci pour expliquer pourquoi je parle si souvent du Times. Ce n'est pas seulement parce que ce journal, qui n'est plus un journal de référence, a grillé sa crédibilité avec des années de reportages irresponsables - un triste déclin qui s'est accéléré de façon spectaculaire depuis qu'il a commencé à promouvoir assidûment le canular du Russiagate, il y a sept ans. Si je me concentre sur ce sujet, c'est avant tout en raison de l'extraordinaire pouvoir qu'exerce le Times - invisible pour les lecteurs, peut-être - sur ce que les autres médias américains rapportent ou ne rapportent pas, et sur le discours américain dans son ensemble.
Outre le fait qu'il nous a vendu Kamala Harris pour qu'un homme souffrant de troubles cognitifs soit réélu à la Maison-Blanche, le Times et tous les poissons pilotes qui nagent à ses côtés dissimulent aujourd'hui l'implication parfaitement évidente du président dans les combines de trafic d'influence de son fils et la corruption du ministère de la Justice dans l'affaire Hunter Biden, ainsi que la politisation grossière des inculpations de Donald Trump. On en a assez de lire qu'il n'existe "aucune preuve" de la corruption du président, alors que la presse et les médias ne manifestent aucunement l’intention d'enquêter sur la multitude de preuves qui ne demandent qu'à être explorées.
Je finis par penser que l'élection de 2024 va mettre en évidence une succession d'événements susceptibles d'ouvrir une brèche dans les fondements de notre république, une brèche tout simplement trop béante pour être colmatée. Aucune nation ne peut rester soudée à long terme si elle souffre d'une telle opacité. Aucun peuple ne peut rester bien longtemps solidaire lorsqu'il est trahi à ce point par ceux qui sont chargés de l'informer.
Jefferson avait vu juste. Mieux vaut une presse sans gouvernement qu'un gouvernement sans presse. Je crains que nous ne soyons sur le point d'apprendre à nos dépens à quel point il avait raison, puisque nous sommes aujourd'hui plus ou moins à rebours de sa philosophie.