👁🗨 La prison & le cimetière pour les déplacés du sud de Gaza
“Je ne sais pas comment je vais pouvoir fermer les yeux maintenant que nous vivons aux côtés des morts. Si j'ai trop peur de m'endormir, comment feront mes enfants ?”.
👁🗨 La prison & le cimetière pour les déplacés du sud de Gaza
Par Khuloud Rabah Sulaiman pour The Electronic Intifada, le 31 juillet 2024
Israël a émis dernièrement une série d'ordres d'évacuation aux habitants de Khan Younis. Khalil n'a pas eu d'autre choix que de démonter la tente qu'il avait montée dans une école.
L'école est située à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Après avoir affirmé que la zone environnante était “sûre” lors d'une phase antérieure de la guerre génocidaire actuelle, Israël a récemment ordonné son évacuation.
Khalil et 30 membres de sa famille élargie ont donc dû faire leurs valises et partir précipitamment.
C'était la treizième fois que la famille était déracinée depuis le début de la guerre.
Les membres de la famille ne savaient pas où aller après avoir quitté l'école qui les hébergeait. C'est alors qu'un ami leur a signalé des cellules vides à Asda, une prison de Khan Younis.
Les détenus d'Asda ont été libérés au début de la guerre et la prison est devenue un refuge pour les personnes déplacées.
Dès qu'ils ont appris qu'il y avait de la place à Asda, Khalil et son frère s'y sont précipités. D'autres membres de la famille les ont suivis, avec un camion pour transporter leurs affaires.
Dans la prison, ils ont vu d'innombrables familles soit assises sur des chaises, soit à même le sol. Certaines personnes se détendaient dans la cour avant de se mettre en quête de nourriture et d'eau.
Khalil et sa famille ont installé des matelas sur les lits métalliques de la cellule.
“Beaucoup auraient peur de vivre dans une prison”, a déclaré Khalil. “Je pense que c'est mieux que d'être dans la rue sans aucun abri.”
“Mais quand ces déplacements vont-ils prendre fin ?” a-t-il ajouté. “C'est épuisant.”
“Nulle part où aller”
Mamoun, père de quatre enfants de moins de 12 ans, a été choqué d'apprendre que sa famille devait quitter l'appartement qu'il louait à Khan Younis en raison d'un ordre israélien.
Un parent leur a conseillé de se rendre dans un parc d'attractions proche de la ville.
Mamoun et ses enfants avaient l'habitude d’y aller pendant les vacances. Lorsqu'il y est arrivé après l'ordre d'évacuation, le parc était bondé de déplacés sous la tentes.
Selon la famille, c’est un lieu d'hébergement totalement inadapté. Il n'y a pas d'eau courante, pas de soins de santé et pas de magasins.
“Mais nous n'avons nulle part où aller”, a déclaré Mamoun.
La famille a planté une tente à côté d'une balançoire.
Ses enfants étaient angoissés. Ils se souviennent d'avoir visité le parc d'attractions à une époque plus heureuse.
“Ils dorment mal”, dit Mamoun.
“Ils vivent dans la peur constante d'être tués ou de nous voir tués sous leurs yeux. Ils me le disent chaque fois qu'ils s'endorment”.
Un autre homme, Mahmoud, et sa famille vivaient sous la tente sur les décombres de leur maison de Khan Younis. Mahmoud a appris récemment par un message sur Facebook qu'Israël avait ordonné leur évacuation.
Avant même qu'ils aient le temps de partir, Israël a commencé à attaquer la zone environnante par voie aérienne et terrestre.
Comme beaucoup d'autres, Mahmoud et sa famille étaient assiégés. Ils ont décidé de chercher un abri ailleurs, sous les bombardements.
Le seul endroit qu'ils ont pu trouver était un cimetière à Khan Younis.
Comme d'autres familles, Mahmoud a planté une tente à côté des tombes.
“Je ne sais pas comment je vais pouvoir fermer les yeux maintenant que nous vivons aux côtés des morts”, a déclaré Mahmoud. “Si j'ai trop peur de m'endormir, comment feront mes enfants ?”.
* Khuloud Rabah Sulaiman est un journaliste vivant à Gaza.
https://electronicintifada.net/content/prison-and-cemetery-host-displaced-southern-gaza/48096