👁🗨 La prison, puis la prison, et encore la prison. Voici la stratégie du parti travailliste à l'égard d'Assange.
Ni Albanese ni Dreyfus n'agiront. Le pacte AUKUS a démontré qu'ils sont prisonniers de leurs bureaucrates de la sécurité nationale, et la liberté des médias ne figure pas à son ordre du jour.
👁🗨 La prison, puis la prison, et encore la prison. Voici la stratégie du parti travailliste à l'égard d'Assange.
Par Rex Patrick et Philip Dorling, le 19 octobre 2023
“Trop c'est trop”, a déclaré le Premier ministre Albanese à propos de la situation de l'éditeur de WikiLeaks Julian Assange. Les Australiens auraient pu penser que cela signifierait une intervention rapide de son gouvernement, mais Rex Patrick et Philip Dorling en révèlent la véritable signification : la prison.
Le gouvernement Albanese ne fera pas pression sur le gouvernement américain pour qu'il abandonne les poursuites contre Julian Assange.
De nouvelles informations obtenues du procureur général en vertu des lois sur la liberté d'information montrent clairement qu'Assange restera dans la prison de Belmarsh jusqu'à son extradition vers les États-Unis, pour être ensuite incarcéré dans une prison américaine de haute sécurité pendant les années nécessaires au traitement de son affaire par un tribunal américain, et alors seulement (en supposant qu'il soit condamné) le gouvernement interviendra pour le faire transférer dans une prison australienne.
Le procureur général Dreyfus n'est pas intéressé
Le procureur général Mark Dreyfus aime parler de la liberté des médias, mais reste bien silencieux quant aux poursuites notoires engagées contre un journaliste australien primé.
La première chose qui ressort de la dernière divulgation de la loi sur la liberté de l'information concernant les poursuites engagées contre Julian Assange pour espionnage par les États-Unis est peut-être le peu d'intérêt que le premier magistrat australien a porté à cette affaire.
Une demande pour tous les briefings et soumissions fournis à Dreyfus par son ministère entre juin 2022 et septembre 2023 n'a fait ressortir que cinq documents: une seule soumission ministérielle, deux séances de questions parlementaires, un briefing sur un sujet d'actualité, et une autre série de points de discussion. Cinq documents en quinze mois.
L'affaire Assange soulève des questions fondamentales concernant la liberté des médias et les pratiques journalistiques dans le monde entier.
Les poursuites engagées par les États-Unis contre M. Assange, un citoyen australien, ont suscité de nombreuses critiques au niveau international. Amnesty International, Human Rights Watch, Reporters sans frontières, l'Australia's Media, Arts and Entertainment Alliance, de nombreuses autres organisations de défense des droits de l'homme et de la liberté des médias, ainsi qu'un large éventail de parlementaires australiens ont demandé l'abandon des charges d'espionnage qui pèsent sur M. Assange.
Le procureur général de l'Australie n'a guère montré d'intérêt à entreprendre quoi que ce soit.
Pas de démarche diplomatie non plus
Les documents publiés par le ministère du procureur général ne font aucune référence substantielle à la diplomatie feutrée prétendument entreprise par le gouvernement australien pour obtenir la fin des poursuites américaines et la libération d'Assange.
Les platitudes du Premier ministre Albanese selon lesquelles l'affaire n’a que trop duré, et devrait être clôturée se révèlent n'être que cela, des platitudes.
L'un des points de discussion habituels du gouvernement lors des briefings de Dreyfus est de dire que “les affaires diplomatiques ne sont pas mieux menées à coups haut-parleur”. Dans le cas présent, cependant, les documents ne fournissent aucune preuve que des conversations feutrées ont eu lieu.
D'autres demandes d'accès à l'information adressées à l'ambassade d'Australie aux États-Unis n'ont révélé aucune preuve d'une activité diplomatique significative, bien au contraire. L'affaire Assange a été soigneusement écartée de l'agenda diplomatique bilatéral.
Pourrir en prison
Ce que les briefings du procureur général révèlent, c'est la posture claire de ne pas s'engager dans l'affaire Assange avant d’être extradé vers les États-Unis, puis jugé, reconnu coupable, condamné, et qu'il ait épuisé tous ses droits d'appel. Ce n'est qu'à ce moment-là que le gouvernement australien envisage de jouer un rôle. Ce n'est qu'à ce moment-là que le procureur général envisagera la possibilité qu'Assange soit transféré pour purger une peine d'emprisonnement en Australie.
C'est ce qui ressort d'une note d'information ministérielle rédigée par M. Dreyfus moins d'une semaine après sa nomination au poste de procureur général en juin 2022.
S'il est extradé, reconnu coupable et condamné aux États-Unis, M. Assange pourrait demander à purger sa peine en Australie dans le cadre du programme ITP [International Transfer of Prisoners].
Malgré 15 mois de lobbying de la part des députés et sénateurs australiens de tout l'échiquier politique - travaillistes, libéraux, nationaux, verts, écologistes et autres indépendants - les documents publiés révèlent la stratégie concernant Assange. Les documents publiés montrent que le gouvernement n'est engagé dans aucune action de fond sur l'affaire Assange, et qu'il ne s'imagine jouer un rôle qu'une fois qu'Assange aura, hypothétiquement, été reconnu coupable et condamné et qu'il aura épuisé ses droits d'appel.
Lorsqu'on l'interroge sur un transfert international de prisonniers, le procureur général répond sans ambages : “Je ne commenterai pas les scénarios hypothétiques”.
Au cours de la procédure d'extradition au Royaume-Uni, le gouvernement américain a donné l'assurance qu'il serait ouvert au transfert d'Assange vers l'Australie pour y purger toute peine d’emprisonnement qui lui serait imposée s'il était reconnu coupable.
Toutefois, il n'y a aucune garantie quant au délai avec lequel une demande de transfert international de prisonniers présentée par M. Assange serait traitée et acceptée par le gouvernement américain. On ne sait pas non plus quelles conditions seraient imposées.
Il est désormais clair que Dreyfus ne prendra aucune décision ou engagement de principe avant que le gouvernement américain ne transmette une demande de transfert de prisonniers.
Et cette demande pourrait n'intervenir que dans plusieurs années, si elle se concrétise un jour.
Comment "trop c'est trop" va-t-il évoluer ?
Comment tout cela va-t-il se dérouler ?
M. Assange attend la décision de la High Court britannique sur son appel contre son extradition vers les États-Unis. Cette décision pourrait intervenir bientôt. Si son appel échoue, il est pratiquement au bout de ses options juridiques au Royaume-Uni.
S'il est extradé vers les États-Unis, M. Assange devra répondre d'une accusation fédérale de complot en vue de commettre une intrusion informatique pour avoir prétendument essayé d'aider à déchiffrer le mot de passe d'un ordinateur du gouvernement américain, de 17 chefs d'accusation de violation de la loi américaine sur l'espionnage et d'une autre accusation d'incitation présumée au piratage informatique. S'il est reconnu coupable, M. Assange risque une peine d'emprisonnement cumulée pouvant aller jusqu'à 175 ans.
Un procès pour espionnage aux États-Unis sera long et toute condamnation pourra faire l'objet d'un appel, potentiellement jusqu'à la Cour suprême des États-Unis, compte tenu des arguments probables relatifs à la protection de la liberté d'expression prévue par le Premier Amendement de la Constitution américaine.
Pendant ce temps, conformément à la pratique américaine dans les affaires d'espionnage, Assange sera très probablement incarcéré dans une prison fédérale de haute sécurité, probablement en isolement et dans des circonstances plus drastiques que celles de son incarcération actuelle à la prison de Sa Majesté Belmarsh. Les risques concernant santé mentale et sécurité ont déjà été clairement établis dans le cadre de la procédure d'extradition au Royaume-Uni.
Et même après une éventuelle condamnation, Dreyfus ne fait aucune promesse ; comme le lui dit son service, cela "peut soulever des attentes impossibles à satisfaire par la suite".
Il y a fort à parier qu'à l'issue de cette procédure, Dreyfus, aujourd'hui âgé de 67 ans, ne sera plus procureur général. Anthony Albanese ne sera peut-être plus Premier ministre. La roue politique australienne pourrait bien tourner plus vite que la roue de la justice à Alexandria, en Virginie, ou à Washington, DC.
Hypocrisie gouvernementale
Bien entendu, le gouvernement a souvent répété que “l'Australie n'est pas partie prenante dans l'affaire de M. Assange, et que le gouvernement australien ne peut pas intervenir dans les affaires judiciaires d'un pays tiers”.
Pourtant, ces arguments passe-partout n'ont pas empêché le gouvernement d'entreprendre des démarches énergiques et persistantes qui ont finalement abouti à la libération de la citoyenne australienne et journaliste Cheng Lei, accusée d'un faux délit d'espionnage, des griffes du système judiciaire de la République populaire de Chine.
Curieusement, les liens extrêmement étroits entre l'Australie et les États-Unis, aujourd'hui renforcés par le partenariat AUKUS, semblent inhiber plutôt que faciliter l'action dans l'affaire Assange. La partie australienne ne veut pas aller au-delà des platitudes, et la partie américaine, plus récemment par l'intermédiaire du secrétaire d'État Antony Blinken, a publiquement refusé d'envisager un changement de cap, même si l'histoire récente montre que l'administration Biden est tout à fait prête à intervenir dans les procédures judiciaires, et à libérer des criminels condamnés, tels que le trafiquant d'armes russe Victor Bout et plusieurs contrevenants aux sanctions iraniennes, lorsque cela sert les intérêts nationaux des États-Unis.
Capturé par les mandarins de la sécurité
Ni Albanese ni Dreyfus n'agiront. AUKUS a montré qu'ils sont prisonniers de leurs bureaucrates en matière de sécurité nationale.
La communauté du renseignement et de la sécurité nationale considère Assange non pas comme un journaliste ou un éditeur, mais comme une menace qu'il vaut mieux garder sous les verrous dans les systèmes pénitentiaires britannique et américain, et la préconise donc. Ils ne sont intéressés par son retour en Australie que s'il est enchaîné. Dreyfus n'a jamais remis cela en question. Il en va de même pour le Premier ministre Albanese.
La liberté des médias ne figure pas à l'ordre du jour d'AUKUS.
Rex Patrick est un ancien sénateur d'Australie-Méridionale et un ancien sous-marinier des forces armées. Il est surtout connu comme un militant de la lutte contre la corruption et de la transparence - www.transparencywarrior.com.au.
Philip Dorling a une trentaine d'années d'expérience dans le domaine de la politique de haut niveau, de la politique publique et des médias, dont une grande partie au Parlement australien. Il a travaillé dans l'environnement politique australien sous tous ses angles, tant au niveau national qu'au niveau des États, notamment en tant que cadre supérieur, conseiller politique principal pour l'opposition travailliste fédérale et pour les sénateurs, et journaliste primé à la tribune de la presse du Parlement fédéral.
https://michaelwest.com.au/jail-then-jail-and-more-jail-labors-assange-strategy-revealed/