👁‍🗨 La réforme de l'Espionage Act est vitale pour le journalisme d'investigation

J'enfreins peut-être l'Espionage Act en pu le lien de cet article du Washington Post sur des fuites de documents sur la guerre russo-ukrainienne. Et peut-être que vous aussi, rien qu'en le lisant.

La représentante Rashida Tlaib a présenté un amendement qui mettrait fin aux poursuites engagées au titre de la loi sur l'espionnage à l'encontre des journalistes et de leurs sources, sans que cela n'ait d'incidence sur la capacité du gouvernement à poursuivre l'espionnage proprement dit. Chad Davis, via Flickr

👁‍🗨 La réforme de l'Espionage Act est vitale pour le journalisme d'investigation

Par Seth Stern, le 7 juillet 2023

Je viens peut-être d'enfreindre la loi sur l'espionnage en mettant en lien cet article du Washington Post sur des fuites de documents concernant la guerre russo-ukrainienne. Vous venez peut-être d'enfreindre la loi en la lisant. Cela semble ridicule, mais c'est le cas. La loi stipule que toute personne qui accède à des informations relatives à la défense nationale doit les renvoyer à l'autorité gouvernementale compétente pour éviter la prison. Je ne l'ai pas fait, et vous ?

Il est vrai que le gouvernement n'a pas invoqué cette loi vieille de plus de 100 ans pour poursuivre des lecteurs de la presse, et qu'il ne le fera probablement pas de sitôt. Mais le gouvernement a régulièrement abusé du large pouvoir discrétionnaire que lui confère la formulation vague et ambiguë de la loi pour poursuivre le journalisme d'investigation, y compris les éditeurs et les sources.

Un amendement (PDF) à la loi sur l'autorisation de la défense nationale proposé par la représentante Rashida Tlaib pourrait changer tout cela. Cet amendement n'affecterait pas les dispositions de la loi sur l'Espionage Act utilisées pour poursuivre l'espionnage proprement dit. Il mettrait fin aux poursuites engagées en vertu de cette loi à l'encontre de journalistes, d'éditeurs et de membres du public en limitant la portée de la loi aux employés du gouvernement tenus de protéger des informations confidentielles. Elle permettrait également

• d’exiger du gouvernement qu'il prouve que les lanceurs d’alerte et autres accusés avaient l'intention de nuire aux États-Unis (par opposition, par exemple, à la dénonciation des crimes du gouvernement pour y mettre fin).

• de permettre aux accusés, dans le même ordre d'idées, de témoigner sur l'objectif de leurs révélations et prouver que leurs révélations ont servi l'intérêt public.

• de limiter les poursuites aux cas impliquant des informations correctement classifiées (la loi est antérieure au système de classification gravement défaillant et se réfère plutôt aux informations relatives à la "sécurité nationale").

L'amendement améliorerait immédiatement et de manière significative la qualité des rapports d'enquête mis à la disposition des Américains. La seule perspective de poursuites, même si aucune accusation n'est portée, a un effet dissuasif incommensurable sur les journalistes et les sources. Avant son décès le mois dernier, Daniel Ellsberg, cofondateur de la Freedom of the Press Foundation et lanceur d’alerte des "Pentagon Papers", a mis en garde d'autres lanceurs d’alerte potentiels : "Ne vous faites pas d'illusions en pensant que vous aurez de grandes chances de finir comme Daniel Ellsberg", c'est-à-dire de ne pas mourir en prison.

En effet, Mme Tlaib a présenté le même amendement l'année dernière, et oui, réformer une loi tant appréciée des nombreux fanatiques du secret au sein de notre gouvernement que l'Espionage Act sera une bataille difficile. Mais c'est une bataille que nous devons continuer à mener, en particulier lorsque l'administration actuelle poursuit l'utilisation abusive de l'Espionage Act par l'ancien président Trump pour criminaliser le journalisme au quotidien.

À ce propos, il faut reconnaître que les deux accusés les plus célèbres de l'Espionage Act à l'heure actuelle sont des figures polarisantes - Julian Assange et Trump. Certains pourraient croire que l'actuel ministère de la Justice n'utilisera l'Espionage Act que contre les personnes qu'il n'aime pas. C'est une erreur.

Même l'administration Obama, qui a battu des records en matière de poursuites engagées contre des lanceurs d'alerte en vertu de l’Espionage Act, a refusé d'inculper Julian Assange parce qu'elle était consciente d’ouvrir la voie aux poursuites contre des activités journalistiques courantes. Lorsque le ministère de la justice suivant est revenu sur la position d'Obama, il a été facile de blâmer la haine de Trump pour la presse - il est peu probable qu'il se préoccupe de créer des précédents qui nuisent aux journalistes.

Mais l'administration Biden a maintenu les poursuites contre Assange alors même qu'elle dénonçait les simulacres de poursuites pour espionnage à l'encontre de journalistes à l'étranger. Elle fait même pression sur d'autres journalistes pour qu'ils l'aident à criminaliser le journalisme. Il est clair qu'une fois qu'une administration s'est emparée du pouvoir, on ne peut pas faire confiance aux suivantes pour y renoncer. Personne ne sait comment l’Espionage Act pourrait être utilisé de manière abusive au cours d'un second mandat de Trump ou de toute autre administration future. Espérons que, grâce à l'amendement de Tlaib, nous n'aurons pas à le découvrir.

https://freedom.press/news/proposed-espionage-act-reforms-are-vital-for-investigative-journalism/