👁🗨 La répression sioniste au Congrès
Ne soyez pas ces “bons Allemands” condamnés par l'histoire pour avoir secrètement désapprouvé les nazis, mais détourné le regard et n'avoir rien fait pour mettre fin à leurs atrocités.
👁🗨 La répression sioniste au Congrès
Par Corinna Barnard, Special to Consortium News, le 10 décembre 2023
Pour les législateurs américains, il ne suffit pas que les Palestiniens subissent des violences génocidaires, écrit Corinna Barnard. La semaine dernière, les législateurs se sont attaqués à la liberté de manifester pour soutenir les Palestiniens.
Les États-Unis sont actuellement pris dans l'étau d'une tentative monstrueuse de focaliser la nation sur les craintes d'un génocide tout à fait hypothétique, alors qu'un génocide réel est en train de se produire.
La semaine dernière, une commission de la Chambre des représentants, qui rappelle l'époque maccarthyste du célèbre House Un-American Activities Committee, a interrogé trois présidents d'université sur leur tolérance à l'égard de termes tels que “intifada”, que le New York Times a décrit comme “un mot arabe qui signifie soulèvement et que de nombreux juifs entendent comme un appel à la violence à leur encontre”.
Dans cette phrase, l’expression clé “que de nombreux Juifs entendent” est une manière de concéder que l'audition était une confrontation sur la terminologie et le point de vue. Dans cette gifle sioniste, les législateurs - dont la représentante Elise Stefanik de New York a fait preuve d'une férocité particulière - ont clairement indiqué quel point de vue pouvait prévaloir, politiquement parlant, au sein de leur assemblée.
Tout en repoussant les appels à punir les protestations politiques de leurs étudiants lors de l'audition, deux dirigeants d'université ont fait marche arrière par la suite, sous une pression politique croissante.
Ils ont cédé à la distorsion selon laquelle le discours en question aurait appelé au “génocide des Juifs”, comme l'a expliqué le New York Times dans un article évidemment dépourvu d'exemples de propos manifestement génocidaires.
La réunion a fait voler en éclats le principe de la liberté d'expression, en transformant des propos utilisés pour exprimer la raison d'être de la résistance palestinienne en une intention malveillante à l'égard des Juifs, au moment même où l'armée israélienne perpétue un génocide.
Il ne s'agit pas d'une simple question de sémantique. C'était une leçon sur qui dirige le Congrès et sur la liberté d'expression des uns et des autres.
Samedi, les sionistes ont remporté une victoire en annonçant que la présidente de l'université de Pennsylvanie, Elizabeth Magill, et le président de son conseil d'administration, Scott L. Bok, quittaient leurs fonctions sous ce que le New York Times a qualifié d'“intense pression des donateurs, des hommes politiques et des anciens élèves”. Mme Magill restera à l'université en tant que membre du corps enseignant de la faculté de droit.
La nouvelle de la victoire a laissé Stafanik sur sa faim : d'autres têtes vont tomber. “Un de moins. Il en reste deux”, a-t-elle écrit, infatigable, sur Twitter/X.
Les Palestiniens subissent peut-être une violence impitoyable, mais pour les législateurs américains, ce n'est pas suffisant. Ils doivent également s'en prendre aux partisans de la Palestine et tenter de les empêcher de s'exprimer librement, de manifester et de brandir des pancartes. C'est une répression que connaissent bien ceux qui ont travaillé dans les grands médias américains.
Salir les critiques légitimes
La semaine dernière, le Congrès américain a également adopté une résolution associant l'opposition politique à Israël à l'antisémitisme, c'est-à-dire à l'antagonisme généralisé à l'égard du peuple juif, alors que les législateurs auraient dû, à juste titre, envisager de prendre des mesures pour mettre fin à l'agression d'Israël contre les Palestiniens.
Compte tenu des atrocités commises par Israël - et de la colère justifiée qu'elles provoquent - cette résolution du Congrès laisse perplexe.
Tout d'abord, l'opposition politique qui fait actuellement rage contre Israël n'est pas centrée sur le judaïsme. L'opposition est celle d'un peuple occupé contre un occupant brutal.
Pour les Palestiniens, la religion de l'occupant actuel n'est pas plus pertinente que ne l'était le christianisme du président américain Andrew Jackson pour les indigènes qu'il a forcés à emprunter la “Piste des larmes” au XIXe siècle. Ce qui compte, ce sont les actions de l'occupant, pas sa religion.
Deuxièmement, le judaïsme est une religion ancienne, tandis que le sionisme est un projet politique relativement récent, soutenu par des chrétiens d'extrême droite, qui a fait la preuve de son caractère génocidaire. Rien de tout cela n'a à voir avec les Juifs en général et il est très problématique de suggérer que c'est le cas.
[Lire aussi de Chris Hedges : Robert F. Kennedy Jr, l'idiot utile du lobby israélien].
Des historiens et des intellectuels juifs - le nom de Norman Finkelstein me vient à l'esprit, ainsi que celui de l'historien et auteur israélien Ilan Pappé - sont depuis longtemps de courageux défenseurs des droits des Palestiniens. Des organisations juives telles que Jewish Voices for Peace [Voix juives pour la paix] et If Not Now ont activement encouragé un cessez-le-feu depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.
Un triomphe dangereux
La façon dont les médias ont minimisé l'importance de ces personnes et de ces groupes pour donner aux sionistes américains la grande tribune qui leur permet de parler au nom des Juifs en général, alors que des milliers de Palestiniens sont massacrés, est un triomphe de l'influence et de la propagande du lobby israélien.
Cette réussite s'accompagne toutefois des conséquences potentiellement désastreuses de l'association du peuple juif et des citoyens américains, en général, à la violence génocidaire du gouvernement israélien. De nombreux ennemis peuvent être créés par un procédé aussi sournois.
Et comme Cara MariAnna l'a récemment souligné dans son article intitulé “Il est temps de briser l’AIPAC”, “la sécurité et la réputation des États-Unis sont menacées”.
“La sécurité et la place de l'Amérique dans le monde sont subitement bien plus précaires que durant toute son histoire. Les États-Unis se nuisent - et se nuisent gravement - en continuant à soutenir sans réserve une nation si manifestement hors de contrôle et condamnée par de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme comme un État pratiquant l'apartheid. Le soutien inconditionnel de l'Amérique à Israël a obscurci le jugement de ses dirigeants, sapé sa politique étrangère et démenti toute affirmation selon laquelle les États-Unis seraient les défenseurs des droits de l'homme. Soutenir Israël n'est plus dans l'intérêt des États-Unis, si tant est qu'il l'ait jamais été, et devient une responsabilité de plus en plus lourde”.
On peut également supposer que le lobby israélien est à l'œuvre dans la répression des consciences qui s'expriment et font ce qu'elles peuvent pour changer le cours maléfique des événements. Ces gens sont dans la rue et réclament la libération de la Palestine “du fleuve à la mer” ; ils jettent de la peinture sur les bâtiments des fabricants d'armes, ils confrontent les hommes politiques à leur inaction alors que des enfants sont tués.
Ce sont là nos héros de tous les jours, animés d'une volonté de justice et de compassion. Ce sont les citoyens que nous devrions être fiers de rejoindre et de connaître. Au lieu de cela, ils sont vilipendés, arrêtés, intimidés et, inévitablement semble-t-il, traités d'antisémites.
Un vide historique
Les Américains sont souvent encouragés à considérer que la situation en Israël est trop compliquée pour être comprise. Elle peut être perçue comme “cette situation, là-bas” où “les gens se détestent”, à balayer d'un revers de la main. Les sionistes s'empressent de combler ce vide avec des versions Hasbara - tirées de la “diplomatie publique” ou de la propagande israélienne - de l'histoire.
Même s'il n'est pas nécessaire d'avoir une connaissance approfondie de la région pour comprendre l’immense souffrance infligée, quelques points peuvent aider à créer un contexte général :
Israël n'a pas été créé sur une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Il existait une société palestinienne prospère et Israël a été créé en 1948 en détruisant des centaines de villages, en tuant des milliers d'Arabes, en chassant 750 000 Palestiniens de leur pays et en ne leur permettant pas d'y retourner, comme l'ont documenté les “nouveaux historiens” israéliens, en particulier Pappé dans son ouvrage The Ethnic Cleansing of Palestine [Le nettoyage ethnique de la Palestine]
Le statut d'Israël parmi les groupes de défense des droits de l'homme est aujourd'hui celui d'un État d'apartheid puisque les Palestiniens occupés illégalement en Cisjordanie et à Gaza par Israël depuis 1967 (en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU) ne jouissent d'aucun droit
Les colons israéliens de Cisjordanie attaquent les Palestiniens et les chassent de leurs maisons et de leurs terres dans le cadre d'une lente suite de l'épuration entamée en 1947-1948, qui s'accélère aujourd'hui à Gaza
Le système judiciaire militaire israélien maintient les Palestiniens en détention pendant des années, sans jamais les accuser d'aucun crime, et beaucoup d'entre eux sont des enfants
Gaza est notoirement connue pour être une prison à ciel ouvert.
Dans ce contexte, les atrocités commises chaque jour à Gaza ne manquent pas de clarté morale pour qui veut bien les suivre. Voici quelques-unes des réalités douloureuses exposées quotidiennement :
Des milliers de civils, dont beaucoup de femmes et d'enfants, sont massacrés par des bombardements incessants.
Les médecins israéliens soutiennent l'armée dans le bombardement des hôpitaux de Gaza. (Les médecins ont donné leur accord écrit pour bombarder les hôpitaux, cela vaut la peine de le répéter tant c'est choquant).
Les conditions sont si dures que les épidémies pourraient devenir encore plus meurtrières que les bombardements.
Une vidéo a récemment fait surface, montrant une centaine d'hommes palestiniens - le nombre total de civils parmi eux n'est pas encore connu - déshabillés et agenouillés devant des ravisseurs armés. Un journaliste d'Al Jazeera a déclaré que les images de ces hommes palestiniens, photographiés à genoux et nus, “font écho à l'histoire de la région, où des hommes déshabillés sont emmenés vers des lieux inconnus”.
Les experts de la région pourraient énumérer une liste bien plus longue de crimes israéliens. Mais le fait est que cette liste s'est allongée chaque jour depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre. N'importe quel Américain peut prendre position à ce stade, sans être titulaire d'un diplôme d'études supérieures en histoire.
Questions sur le 7 octobre
La question se pose de savoir ce que le Hamas a fait ou n'a pas fait le 7 octobre, lorsque ses militants ont quitté Gaza et sont passés à l'offensive. Certains des pires rapports initiaux faisant état d'atrocités contre des civils ont été démentis.
D'autres allégations sont tenues à distance jusqu'à ce que des vérifications supplémentaires soient effectuées.
Le 7 octobre fait l'objet d'une véritable guerre de l'information et l'on peut supposer que l'attention du public se déplacera au fur et à mesure que les journalistes et les enquêteurs parviendront à établir au moins certains faits.
[Lire aussi : Caitlin Johnstone, The official Story of Oct 7].
Si l'on peut comprendre la réaction d'horreur suscitée par les reportages sur les attaques du Hamas contre des civils le 7 octobre, la réaction militaire d'Israël à ces attaques n'est pas justifiée. Il n'est pas non plus acceptable de commencer et de terminer l'histoire le 7 octobre. Avant cette date et presque chaque jour depuis, Israël a infligé une punition collective aux Palestiniens, ce qui constitue un crime de guerre. Dans ce contexte, on doit avant tout garder à l’esprit le droit de résistance d'un peuple occupé.
La couverture des crimes israéliens s'amenuise au fur et à mesure que le nombre de journalistes tués augmente. Plus de 60 journalistes et travailleurs des médias ont été tués à Gaza jusqu'à présent.
Pendant les vacances de Thanksgiving, trois étudiants d'origine palestinienne - dont deux portaient apparemment un keffieh, l'écharpe noire et blanche qui peut symboliser la solidarité palestinienne - ont été abattus alors qu'ils se trouvaient dans l'État du Vermont. La semaine dernière, le dernier d'entre eux est sorti de l'hôpital, paralysé à partir de la taille, et a été envoyé en rééducation.
“La fusillade est survenue alors que les menaces contre les communautés juives, musulmanes et arabes se sont multipliées à travers les États-Unis dans les semaines qui ont suivi l’attaque du Hamas au début du mois d'octobre”, a rapporté la presse locale.
Il est évident que cette augmentation des menaces est un problème - la manière la plus efficace et la plus évidente étant de travailler à mettre fin à la punition collective du peuple palestinien par Israël, qui suscite des passions compréhensibles ainsi que de nombreux malentendus.
Aucune personne saine d'esprit ne devrait se sentir en sécurité alors que cette atrocité se poursuit, jour après jour, sans qu'aucune fin ne soit en vue. La violence aveugle et vengeresse, fondée sur des intentions ouvertement génocidaires, devrait nous glacer le sang. Le comportement des législateurs américains la semaine dernière devrait également nous glacer le sang.
Le dimanche 10 décembre, par un macabre hasard, est la Journée des droits de l'homme des Nations unies. Quel moment mieux choisi pour réfléchir à la façon dont les États-Unis et Israël violent l'énorme effort humanitaire consenti après la Seconde Guerre mondiale pour éloigner le monde des horreurs d'une nouvelle guerre. Dans un récent classement des nations respectant la Charte des Nations unies, Israël et les États-Unis arrivent en dernière position.
Pour que les droits de l'homme soient rétablis en Palestine, les peuples d'Israël et de Palestine doivent se voir offrir la possibilité de vivre ensemble dans une société civile unique, soutenue par le droit international et disposer de dispositifs de protection pour se reconstruire. Mais avant de pouvoir tenter quoi que ce soit d'aussi ambitieux et d'aussi prometteur, il est urgent d'arrêter l'effusion de sang, d'insister sur un cessez-le-feu et de s'occuper de la souffrance et des traumatismes.
La pression populaire américaine est nécessaire pour mettre fin à la tuerie et pour surmonter les manipulations des apologistes des crimes de guerre. Ne soyez pas les “bons Allemands” condamnés par l'histoire pour avoir secrètement désapprouvé les nazis, mais détourné le regard et n'avoir rien fait pour mettre fin à leurs atrocités.
Corinna Barnard, rédactrice en chef adjointe de Consortium News, a travaillé auparavant comme rédactrice pour Women's eNews, The Wall Street Journal et Dow Jones Newswires. Au début de sa carrière, elle était rédactrice en chef du magazine Nuclear Times, qui couvrait le mouvement de la guerre antinucléaire.
Les opinions exprimées sont uniquement celles de l'auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.
https://consortiumnews.com/2023/12/10/zionist-suppression-in-congress/