👁🗨 La Russie & la Chine, ou la renaissance de la mythologie grecque
C’est une véritable onde de choc cinétique. Rien d'étonnant à ce que l'OTAN soit désemparée. Zeus surveille l'échiquier de là-haut avec un sourire en coin, en sirotant une bonne bouteille de Brunello.
👁🗨 La Russie & la Chine, ou la renaissance de la mythologie grecque
Par Pepe Escobar, le 29 novembre 2024
Alors que la Russie redéfinit le rôle de Zeus, la Chine s'emploie à remettre au goût du jour celui d'Hermès.
Que de merveilles les puces des lave-vaisselle sont capables de déclencher ! [“L'armée russe récupère des puces sur des lave-vaisselle et des réfrigérateurs pour réparer son matériel militaire, car elle est à court de semi-conducteurs. L'industrie russe est en lambeaux”. - Discours de van der Leyen du 14 septembre 2022 sur l’état de l’Union ].
Comment est-il possible que Zeus, le roi des dieux, ne l'ait pas prévu ? D'autant que son intuition divine lui soufflait qu'à l'avenir, ses foudres seraient reproduites en Russie via Oreshnik, cette noisette en apparence inoffensive.
La mythologie préfigure la réalité post-tout.
Revenons un peu à Newton. D'après ses formules, un projectile d'uranium d'un mètre de long volant à très grande vitesse est capable de perforer 6 mètres de roche dure (sur l'air de “Highway Star” de Deep Purple ?).
Une ogive se déplaçant à 1 200 mètres seconde est capable de perforer une épaisseur de 46 mètres de béton.
Imaginez maintenant une vitesse d'impact supérieure à la vitesse du son : la profondeur de l'impact est, bien sûr, exponentiellement plus élevée.
Le choc provoqué par l'impact, à très grande vitesse, transforme tout obstacle en gaz. Une onde de choc cinétique se propage jusqu'à 50 mètres de profondeur, envahissant les strates du sous-sol et broyant, détruisant - voire même implosant - tout ce qui se trouve sur son passage.
C'est ce qui s'est passé dans les entrailles de l'usine Yuzhmash à Dnepropetrovsk, car Oreshnik a été conçu pour optimiser ces principes physiques. La Russie n'a utilisé que des balles à blanc pour ce premier test d'Oreshnik, au lieu d'ogives.
Satisfaction garantie
Les présidents russe et kazakh, Vladimir Poutine et Kassym-Jomart Tokayev, ont renforcé leur partenariat stratégique en privé à Astana, notamment en réaffirmant leur volonté de développer la coopération au sein de l'organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).
En outre, le Kazakhstan a été officiellement invité à rejoindre les BRICS.
M. Poutine a répondu à de nombreuses questions de la presse à propos d’Oreshnik et sur la guerre par procuration menée par l'OTAN. Mais c'est sans doute le discours qu'il a prononcé lors d'une réunion à participation restreinte du Conseil de sécurité collective de l'OTSC qui a suscité le plus d'intérêt. Certains passages méritent d'être cités en long et en large et en travers, notamment lorsque le président a évoqué l'aspect “satisfaction” des utilisateurs :
“Le système de missiles russe Iskander et ses adaptations constituent la version analogue russe des trois adaptations du missile ATACMS. Le poids de l'ogive en équivalent TNT est à peu près le même, mais l'Iskander a une plus grande portée. Le nouveau missile PrSM de fabrication américaine n'est pas supérieur à ses homologues russes, quelles que soient les spécifications. Le missile Storm Shadow à lancement aéroporté, le SCALP français et le Taurus allemand sont dotés d'une ogive pesant entre 450 et 480 kg d'équivalent TNT et dont la portée est comprise entre 500 et 650 km. Le missile allemand Taurus a une portée de 650 kilomètres. Le missile Kh-101 à lancement aéroporté est la version russe de ces systèmes. Il est comparable en termes de puissance de l'ogive, mais sa portée est nettement supérieure à celle de chacun des systèmes fabriqués en Europe. Les nouveaux missiles PrSM fabriqués aux États-Unis, comme indiqué précédemment, ainsi que le JASSM, sont inférieurs à leurs homologues russes en termes de spécifications techniques. Nous avons bine entendu connaissance du nombre de systèmes d'armes concernés en service chez nos adversaires potentiels. Nous savons combien sont stockés. Nous connaissons leur emplacement exact, la quantité d'armes fournies à l'Ukraine et la quantité qu'il est prévu de fournir. Quant à la production de systèmes de missiles et d'équipements performants russe, elle est dix fois supérieure à la production combinée de tous les pays de l'OTAN. L'année prochaine, notre production augmentera encore de 25 à 30 %. Nous constatons que les animateurs du régime Kiev supplient leurs maîtres de leur fournir des équipements militaires d'un autre type. N'oublions pas nos systèmes de missiles hypersoniques Kalibr, Kinzhal et Zirkon, dont les spécifications techniques sont inégalées dans le monde. Leur production est également en cours de renforcement et tourne à plein régime. D'autres exemples de produits de ce type pourraient bientôt figurer dans notre gamme de produits de cette catégorie, si je puis m'exprimer ainsi. Comme on dit, satisfaction client garantie”.
Collision météoritique à venir
M. Poutine a comparé la frappe d'un Oreshnik à ce que pourrait provoquer la collision d'une météorite :
“L'histoire nous apprend quelles météorites sont tombées à quel endroit et quelles en ont été les conséquences. Parfois, cela a suffi à former des lacs entiers”. Même lorsqu'il souligne que “les effets d'annonce sont inappropriés lorsqu'il s'agit d'armes inédites”, c'est exactement ce qui s'est passé avec Oreshnik : “Nous avons attendu le stade de l'essai et du résultat. Ensuite, nous avons fait une annonce”.
Voici le contexte de ce que Mikhail Kovalchuk, le véritable créateur de ces noisettes en apparence inoffensives, réplique des foudres de Zeus, a déclaré à Izvestia en marge du IVe Congrès des jeunes scientifiques , dans le territoire fédéral de Sirius.
Kovalchuk est le président du Centre national de recherche de l'Institut Kurchatov. En substance, il a fait remarquer que
“les matériaux dont dispose la Russie, capables de résister à des températures ultra-élevées, ont permis de créer le système Oreshnik et permettront le développement d'autres types d'armes hypersoniques”.
La planète entière se demande peut-être comment la Russie est parvenue à devancer ses concurrents :
“C’est parce que nous sommes l'un des cinq leaders mondiaux (...) Nous avons créé des armes hypersoniques en très peu de temps. Il s'agit de matériaux qui supportent des températures de 1 500 degrés, puis de 1 800 degrés, et aujourd’hui de 2 000 degrés, et nous l'avons fait, alors que d'autres non”.
Et ce n'est pas tout : selon M. Kovalchuk,
“d'autres matériaux capables de résister à des températures élevées permettront de créer des armes encore plus performantes. La prochaine étape devrait concerner le développement de matériaux capables de résister à des températures de 2 500 à 3 000 degrés”.
Ainsi, des missiles volant à très basse altitude à Mach 15 ou même Mach 20 pourraient avoir un impact encore plus dévastateur - y compris le choc plasma - que celui du missile Oreshnik déjà testé.
Poutine, pour sa part, a également déclaré - presque désinvolte - que le ministère ukrainien de la Défense “désigne lui-mêmes les cibles” pour d'autres frappes d'Oreshnik, notamment des “pôles de décisions”, des sites de production industrielle et des installations militaires ukrainiens. L'OTAN écoute-t-elle ? De toute évidence, non.
La Soft power maximale
Alors que la Russie réorganise le rôle de Zeus, la Chine est occupée à réorganiser le rôle d'Hermès.
Pékin vend désormais des obligations en dollars américains en Arabie saoudite. Ce qui veut dire que plus la Chine vend ces obligations, plus ces dollars américains “arabes” peuvent être détournés vers les nations partenaires de la Belt and Road Initiative (BRI) sous forme de prêts, afin qu'elles soient en mesure de rembourser leurs dettes de type extorsion par le FMI et la Banque mondiale, contrôlés par l'hégémon.
En outre, ces partenaires de l'initiative peuvent rembourser ces prêts en dollars à la Chine en utilisant - quoi d'autre - le yuan, ainsi que les marchandises qu'ils produisent ou leurs ressources naturelles.
C'est ce qu'on appelle une autoroute de la dédollarisation rapide. Et personne ne devra jamais oublier que les obligations chinoises en dollars américains sont adossées à l'or, tandis que les obligations en dollars américains sont garanties par une imprimante.
Le baratin occidental à propos d'une Chine lourdement endettée n'a aucun sens. La dette de la Chine - qui est manifestement énorme - est en grande partie une dette intérieure en yuans. La Chine a recours à son marché obligataire interne pour aider les entreprises à investir leur argent et à obtenir un rendement convenable, sans pratiquement aucun risque. Et ce, en stimulant l'économie.
Pékin a eu la brillante idée d'émettre des obligations en dollars américains pour récupérer les pétrodollars saoudiens, et éviter ainsi qu'ils ne repartent directement aux États-Unis. Les rendements obligataires doivent donc augmenter. Pékin a trouvé un moyen de s'assurer que le rendement des emprunts reste élevé, faisant ainsi grimper les coûts d'emprunt pour les États-Unis.
Le principal avantage est que ces dollars américains provenant des obligations serviront à prêter à de nombreux pays du Sud pour rembourser leurs emprunts à taux d'intérêt exorbitants auprès du FMI et de la Banque mondiale. Au lieu de payer des intérêts de 20 à 30 %, Pékin se contentera de facturer à ces pays le taux des obligations (environ 5 %).
En fait, la Chine se convertit en intermédiaire pour emprunter des dollars américains à bas prix pour les pays du Sud. C'est ce que l'on appelle le Soft Power maximal.
Qu'adviendra-t-il des dollars américains remboursés par les pays du Sud ? Le surplus de liquidités plongera les États-Unis dans une nouvelle crise inflationniste. Les marchés boursiers exploseront, mais les taux d'intérêt augmenteront, rendant les emprunts encore plus coûteux. Ajoutez à cela des droits de douane élevés et, comme l'a fait remarquer un négociant avisé de Hong Kong, “la tempête est totale”.
Bienvenue donc en Chine dans la peau d'Hermès, fils de Zeus et de la superbe pléiade Maia. Hermès, parmi ses innombrables attributs, est le dieu des voyageurs, des routes et du commerce (BRI ! Couloirs de connectivité !), de la ruse, de la diplomatie, du langage, de l'écriture et de l'astrologie. Héraut et messager personnel de Zeus, Hermès est aussi un divin roublard (achetez-moi ces dollars américains en Arabie saoudite !).
Une fois de plus, nous voyons la Russie jouer aux échecs - pensant plusieurs coups d'avance - tandis que la Chine joue au Go (Weiqi 围棋), elle aussi avec plusieurs coups d'avance. Et ce partenariat, toujours synchrone, donne lieu à une belle renaissance de la mythologie grecque.
Les foudres du noisetier ont rendu caduque toute la stratégie de l'hégémon vis-à-vis de la Russie. Bye bye « l'avantage stratégique » acquis en poussant Moscou à frapper à l'aide d'armes nucléaires tactiques. Désormais, la Russie peut frapper n'importe où, n'importe quand, à 12 000 km/h. Sans radiation et sans accumulation de victimes civiles.
Il s'agit là d'une véritable onde de choc cinétique - militaire et géopolitique. Rien d'étonnant à ce que l'OTAN soit désemparée. Zeus surveille l'échiquier de là-haut avec un sourire en coin, en sirotant une bonne bouteille de Brunello.
https://strategic-culture.su/news/2024/11/29/how-russia-and-china-are-rewiring-greek-mythology/
Très intéressant ce que fait la Chine et c'est sûrement qu'un avant-goût ! Ca va évidemment énerver notre rouquin à queue de renard et faire rire MBS!
Très intéressant ce que fait la Chine et c'est sûrement qu'un avant-goût ! Ca va évidemment énerver notre rouquin à queue de renard et faire rire MBS!