đâđš La Russie, la Chine & l'ASEAN dĂ©ploient leur magie orientale
L'hĂ©gĂ©mon & ses vassaux, animĂ©s d'une haine irrĂ©pressible Ă l'idĂ©e d'ĂȘtre surclassĂ©s & dĂ©passĂ©s par la Russie, la Chine, l'Asie & l'Eurasie, sont vouĂ©s Ă croupir dans les caniveaux de l'insignifiance.
đâđš La Russie, la Chine & l'ASEAN dĂ©ploient leur magie orientale
Par Pepe Escobar, le 9 septembre 2024
Il s'est passĂ© quelque chose d'assez extraordinaire lors de la session plĂ©niĂšre du Forum Ă©conomique oriental Ă Vladivostok la semaine derniĂšre - trĂšs en phase avec le thĂšme principal du forum : âExtrĂȘme-Orient 2030. Combiner les forces pour libĂ©rer un nouveau potentielâ.
Le président Poutine, le Vice-président chinois Han Zheng et le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim ont pris part à la rencontre.
Cela se traduit par Russie-Chine-ASEAN [L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est : organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est] : un partenariat clé et interconnecté, constamment renouvelé, sur la voie de l'exploration de toutes les potentialités vers un monde nouveau, équitable, juste et multi-nodal ( je souligne).
Dans son discours, le prĂ©sident Poutine a mis l'accent sur ce qui est sans doute le projet de dĂ©veloppement national le plus ambitieux du 21e siĂšcle : la conquĂȘte russe de l'Est - une image miroir de la conquĂȘte chinoise de l'Ouest qui a vĂ©ritablement dĂ©marrĂ© en 1999, par le biais de la campagne âGo Westâ.
M. Poutine a expliquĂ© comment l'ExtrĂȘme-Orient russe se dĂ©veloppe rapidement, avec plus de 3 500 projets techno-industriels. Il s'est Ă©tendu sur la Route maritime du Nord (NSR) - que les Chinois appellent la Route de la soie arctique - avec en particulier la construction de nouveaux brise-glaces nuclĂ©aires et le dĂ©veloppement du port de Mourmansk. Le chiffre d'affaires de la NSR, a fait remarquer M. Poutine, est dĂ©jĂ cinq fois supĂ©rieur Ă celui de l'Ă©poque de l'URSS, et ce n'est pas fini.
Tous les chiffres concernant l'ExtrĂȘme-Orient et l'Arctique sont stupĂ©fiants. L'ExtrĂȘme-Orient est une macro-rĂ©gion stratĂ©gique qui reprĂ©sente pas moins de 41 % du territoire de la FĂ©dĂ©ration de Russie. L'Arctique, immense trĂ©sor de ressources naturelles, liĂ© au potentiel du NSR, en occupe 28 % - reprĂ©sentant 17 % de la production pĂ©troliĂšre russe, 83 % de la production de gaz et renfermant d'immenses gisements d'or, de charbon, de nickel, de cuivre, de cobalt, de mĂ©taux des groupes platine et de diamants.
Il n'est donc pas Ă©tonnant que le rĂȘve colonialiste rĂ©current de l'Occident d'attaquer, de dĂ©membrer et de piller la Russie - dont la derniĂšre itĂ©ration est l'obsession d'infliger une âdĂ©faite stratĂ©giqueâ Ă la Russie en Ukraine - soit directement liĂ© Ă l'accaparement et Ă l'exploitation des richesses infinies de l'ExtrĂȘme-Orient et de l'Arctique.
Poutine a une fois de plus expliquĂ© que ces deux rĂ©gions reprĂ©sentent « l'avenir de la Russie » et une prioritĂ© fĂ©dĂ©rale pour l'ensemble du 21e siĂšcle : il s'agit en fait d'une question de sĂ©curitĂ© nationale. La croissance des investissements du capital de dĂ©part est dĂ©jĂ de 20 %, soit le double de la moyenne russe, et chaque rouble de financement public est compensĂ© par 34 roubles d'investissement privĂ©. Les principales branches d'activitĂ© sont l'Ă©nergie, la pĂ©trochimie, l'exploitation miniĂšre, le bois, la logistique, la construction d'avions, de machines et de navires, l'agriculture et la pĂȘche.
Anwar : âOĂč est passĂ©e l'humanitĂ© ?â
Le Malaisien Anwar, orateur hors pair, s'est Ă©tendu sur l'ASEAN en tant que carrefour de l'Asie-Pacifique et a dĂ©veloppĂ© une analyse Ă©lĂ©gante du soft power, agrĂ©mentĂ©e de littĂ©rature russe (c'est la premiĂšre fois qu'il se trouve sur le sol russe), soulignant les contributions au âtissu mĂȘme de l'histoire et de la pensĂ©e humaineâ et la maniĂšre dont la Russie âtrace les contours des possiblesâ.
ParallĂšlement, il a fait l'Ă©loge de la montĂ©e en puissance de la MajoritĂ© Mondiale (40 % du PIB mondial, plus de 85 % de la population), de l'attrait des BRICS (la Malaisie a officiellement demandĂ© Ă rejoindre les BRICS+) et de la maniĂšre dont la Russie devrait attirer de plus en plus âd'investissements de la part des nations Ă majoritĂ© musulmaneâ. Jouant sur la vitalitĂ© culturelle de son pays, il a rĂ©itĂ©rĂ©, avec un sourire, la devise nationale : âLa Malaisie, authentiquement asiatiqueâ.
Anwar a particuliĂšrement touchĂ© le public d'hommes d'affaires et de technocrates en commentant la tragĂ©die de Gaza. Il a dĂ©clarĂ© qu'il a toujours demandĂ© Ă ses collĂšgues, ây compris en Occidentâ, oĂč est passĂ©e âl'humanitĂ©â, comment osent-ils âparler de justiceâ, et comment osent-ils se prĂ©valoir des âdroits de l'homme et de la dĂ©mocratieâ.
Le vice-prĂ©sident Han Zheng a mis l'accent sur les rĂ©centes rĂ©unions organisĂ©es au plus haut niveau Ă PĂ©kin et Ă Astana, qui ont permis de renforcer le partenariat stratĂ©gique entre la Russie et la Chine, l'augmentation des Ă©changes commerciaux, le statut de la Chine en tant que premier partenaire commercial et investisseur dans l'ExtrĂȘme-Orient russe, la volontĂ© de moderniser les structures transfrontaliĂšres et l'Initiative de sĂ©curitĂ© globale du prĂ©sident Xi, en quelque sorte une version plus ambitieuse du concept russe de âGrand partenariat eurasienâ.
Han Zheng a clairement indiquĂ© que la Chine prend trĂšs au sĂ©rieux un nouveau schĂ©ma de sĂ©curitĂ© globale, afin de âcombattre la mentalitĂ© de la guerre froideâ. Tout cela nous ramĂšne au concept chinois primordial pour l'ensemble du 21e siĂšcle : la tentative de construire une « communautĂ© d'avenir partagĂ© pour l'humanitĂ© ».
Asie-Pacifique : tout sur la technologie et less sciences
ConcrÚtement, le forum, auquel ont participé 7 000 invités de 75 pays (trÚs peu de pays occidentaux), a permis de conclure 258 accords d'une valeur considérable de 5,4 billions de roubles (plus de 59,7 milliards de dollars).
Comme l'année derniÚre, une exposition en plein air, en bord de mer, présentant la culture, les coutumes, la cuisine et la beauté naturelle spectaculaire de nombreuses régions, de Primorsky à Sakhalin, du Kamchatka à Sakha/Yakutia, de la Bouriatie à Krasnoïarsk, a constitué un moment fort de l'événement.
Toute cette force tranquille s'inscrit dans la dynamique géopolitique et géoéconomique d'une croissance économique durable et ininterrompue, de l'Est de la Russie à l'ensemble de l'Asie-Pacifique, et est abordée, par exemple, dans le cadre du dialogue commercial Russie-ASEAN en cours d'évolution.
Connie Bakrie, analyste indonĂ©sienne des questions militaires et de sĂ©curitĂ© et professeur Ă la facultĂ© des relations internationales de l'universitĂ© d'Ătat de Saint-PĂ©tersbourg, a rĂ©sumĂ© la situation :
âLe prĂ©sident Poutine a soulignĂ© le rĂŽle essentiel de la Russie dans le dĂ©veloppement des sciences et des technologies [en Asie], notamment sur le plan nuclĂ©aire de la sĂ©curitĂ© Ă©nergĂ©tiqueâ.
Plusieurs sessions rĂ©parties sur l'ensemble du forum ont Ă©tĂ© des prodiges d'intĂ©gration. Il est rare qu'au cours d'une discussion sur les systĂšmes Ă©ducatifs dans les Ă©conomies de l'APEC, Evgeny Vlasov, vice-recteur de l'universitĂ© fĂ©dĂ©rale d'ExtrĂȘme-Orient (FEFU) - sur le campus tentaculaire et ultramoderne oĂč se dĂ©roule le forum - dĂ©batte avec Yu Miaojie, recteur de l'universitĂ© de premier plan de Liaoning, Ă Hong-Kong.
Sur le polygone oriental, le dĂ©bat, auquel a participĂ© Igor Levitin, conseiller de Poutine, a portĂ© sur le dĂ©placement de la gĂ©oĂ©conomie vers l'Asie-Pacifique, l'ExtrĂȘme-Orient devenant une porte d'entrĂ©e incontournable pour le commerce extĂ©rieur.
La session Russie-ASEAN, à laquelle participait un ministre de l'Union économique eurasienne (EAEU), a apporté de précieuses informations sur les cinq années écoulées depuis le lancement du partenariat stratégique Russie-ASEAN et sur la priorité absolue que Moscou accorde à l'Asie-Pacifique, et plus particuliÚrement à l'ASEAN.
Une session parallÚle a examiné la coopération à travers la Grande Eurasie , centrée sur le développement de chaßnes de production intégrant l'EAEU, l'OCS et les BRICS.
Karin Kneissl, directrice du centre GORKI (Observatoire gĂ©opolitique sur les questions clĂ©s de la Russie) de l'universitĂ© d'Ătat de Saint-PĂ©tersbourg et ancienne ministre autrichienne des affaires Ă©trangĂšres, a reprĂ©sentĂ© une fois de plus les (rares) voix de la raison en Europe : elle a soulignĂ© que âl'Ătat de droit disparaĂźt en Europeâ et que âla confiance dans le systĂšme traditionnel s'est volatilisĂ©eâ.
D'oĂč l'importance du forum des BRICS : âCe dont nous avons besoin, c'est d'un nouveau socle normatifâ.
Une discussion passionnante et opportune s'est dĂ©veloppĂ©e sur le thĂšme âInstruments de dĂ©veloppement souverain dans le contexte de la dĂ©stabilisation de l'ordre mondialâ, avec une contribution percutante d'Albert Bakhtizin, directeur de l'Institut central d'Ă©conomie et de mathĂ©matiques de l'AcadĂ©mie des sciences de Russie.
Un groupe de scientifiques russes, avec l'aide des Chinois, a mis au point un indicateur de performance nationale, qui prend en compte des variables telles que sa population, ses réserves de ressources naturelles, sa puissance militaire, la force de son économie, la fiabilité de son gouvernement, de ses entreprises et de la société lorsqu'il s'agit d'atteindre des objectifs de développement national. Tout tourne autour de la souveraineté, bien entendu.
Des Ătats-civilisation sereins, calmes et rassembleurs
Le débat sur la multipolarité a été l'un des points forts du forum.
L'animateur Alexandre Douguine a Ă©tĂ© catĂ©gorique : la Russie est une nation du Pacifique. Parmi les personnalitĂ©s prĂ©sentes sur scĂšne, citons entre autres, l'irrĂ©pressible Maria Zakharova, l'ambassadeur de l'Inde en Russie, Vinay Kumar, l'auteur du concept d'Ătat-civilisation, le professeur Zhang Weiwei de l'universitĂ© de Fudan, l'analyste indonĂ©sienne Connie Bakrie, l'ancien Premier ministre du NĂ©pal, Madzav Kumar, le gĂ©opoliticien français de renom Aymeric Chauprade, ainsi que plusieurs universitaires et analystes de l'ASEAN prĂ©sents dans l'auditoire.
Le consensus porte sur la nĂ©cessitĂ© de mettre un terme Ă l'âordreâ international unilatĂ©ral fondĂ© sur des ârĂšglesâ que l'Occident collectif modifie Ă sa guise. Cette Ă©volution est directement liĂ©e au dĂ©placement du centre de gravitĂ© gĂ©opolitique vers l'Asie-Pacifique.
Le professeur Zhang Weiwei a fourni une description concise de la voie chinoise, fondĂ©e sur âtrois niveauxâ.
Sur le plan politique,
âla Chine est farouchement indĂ©pendante. Et l'ASEAN est parfaitement autonome, refusant de prendre partiâ.
Sur le plan Ă©conomique, l'amĂ©lioration du niveau de vie de la population - ou âles moyens de subsistance de la population avant toutâ, en chinois - est la prioritĂ© absolue de PĂ©kin.
L'ASEAN, quant Ă elle, est le premier partenaire commercial de la Chine. De par sa
De par sa structure gĂ©ographique, âelle est extrĂȘmement vulnĂ©rable, parfois qualifiĂ©e de Balkans de l'Asieâ. Mais elle est un modĂšle d'intĂ©gration.
Sur le plan culturel, le professeur Weiwei a insistĂ© sur âla mĂ©thode asiatiqueâ, Ă savoir que ânous pouvons nous permettre d'entretenir des relations Ă©troites avec les autres pays de l'Asieâ.
En d'autres termes, ânous pouvons convenir d'ĂȘtre en dĂ©saccordâ. C'est ainsi que la Chine âsoutient l'indĂ©pendance de l'ASEANâ.
Le Forum Ă©conomique oriental a une fois de plus dĂ©montrĂ© Ă quel point la Russie et un ensemble d'Ătats-civilisations asiatiques gardent leur sang-froid, leur calme et leur esprit rassembleur, allant rĂ©solument de l'avant, alors mĂȘme que l'hĂ©gĂ©mon et ses vassaux mĂšnent contre la Russie et, en fin de compte, contre les BRICS une guerre hybride ( Totalen Krieg) qui peut dĂ©gĂ©nĂ©rer en une guerre nuclĂ©aire trĂšs rapidement.
MĂȘme si le Think Tankland amĂ©ricain ne cesse de proposer des plans bellicistes - le dernier en date Ă©tant l'avĂšnement d'une âSparte arctiqueâ de l'OTAN pour tenter de circonscrire âla fin de l'exceptionnalisme amĂ©ricainâ dans le Grand Nord - les nouvelles connexions socio-Ă©conomiques explorĂ©es lors du forum, ainsi que la nouvelle stabilitĂ© et la rĂ©silience qui en dĂ©coulent, changent autrement la donne que les dĂ©bĂącles militaro-morales Ă Gaza et sur la terre noire de la Novorossiya.
Il ne faut pas s'Ă©tonner que la ploutocratie de l'hĂ©gĂ©mon et ses vassaux sans envergure soient animĂ©s d'une haine irrĂ©pressible Ă l'idĂ©e d'ĂȘtre totalement surclassĂ©s et dĂ©passĂ©s par la Russie, la Chine, l'Asie et l'Eurasie, et qu'ils soient finalement vouĂ©s Ă croupir dans les caniveaux de l'insignifiance.
https://www.unz.com/pescobar/russia-china-asean-weave-their-eastern-magic/
Ca bouge Ă l'est!