👁🗨 La saga Assange proche de son dénouement
Le seul enseignement que j'ai tiré des rebondissements de l'histoire d'Assange au cours des 13 dernières années, c'est que personne n'a la moindre idée de ce qui va se passer ensuite.
👁🗨 La saga Assange proche de son dénouement
Par Joshua Rozenberg, le 17 mai 2024
En 2011, un juge de district a ordonné l'extradition de Julian Assange. Bien avant que la diffusion des audiences en direct ne soit réglementée, cette procédure a été la première à être couverte par l'une des chaînes d'information télévisées.
Plus de 13 ans après, le fondateur de Wikileaks est toujours à Londres. Lundi, il pourrait savoir si son extradition a finalement lieu.
La décision du juge de première instance - confirmée par la Cour suprême en 2012 - prévoyait l'extradition de M. Assange vers la Suède, où il faisait l'objet d'allégations d'inconduite sexuelle. Mais M. Assange a toujours pensé que le risque de l'extrader vers les États-Unis était réel.
C'est pourquoi il a préféré se soustraire aux conditions de la liberté sous caution et s'est réfugié pendant près de sept ans à l'ambassade de l'Équateur à Londres, une forme d'exil volontaire.
Les États-Unis veulent maintenant le juger pour conspiration en vue d'obtenir et de divulguer des informations relatives à la Défense nationale. En juin 2022, Priti Patel a ordonné son extradition vers les États-Unis. En juin dernier, un juge de la High Court a rejeté sa demande écrite de recours à la décision de la ministre de l'intérieur.
M. Assange a renouvelé son recours lors d'une audience en février dernier.
En mars, Dame Victoria Sharp et le juge Johnson ont estimé que seuls trois motifs de sa requête étaient défendables. Premièrement, M. Assange pourrait subir un préjudice en raison de sa nationalité. Deuxièmement, ce préjudice serait incompatible avec son droit à la liberté d'expression. Enfin, il risque de faire l'objet d'autres accusations passibles de la peine de mort .
Toutefois, a déclaré la Cour, ces préoccupations pourraient être levées par des garanties appropriées de la part des autorités américaines. Nous savons que les États-Unis ont fourni ces garanties, mais nous ne savons pas ce qu'elles valent. Lundi, on peut s'attendre à ce que les avocats de M. Assange fassent valoir que ces garanties ne répondent pas aux préoccupations de la Cour. Les juges ont prévu une audience de deux heures, et les soutiens d'Assange s'attendent à ce qu'une décision soit rendue le jour même. Examinons les arguments retenus. L'article 81 de la loi de 2003 sur l'extradition fait obstacle à l'extradition d'une personne qui pourrait être lésée lors du procès en raison de sa nationalité.
Le tribunal a estimé que ce motif était défendable. S'il est jugé aux États-Unis, Julian Assange se fonderait sur le Premier Amendement de la constitution américaine, qui protège la liberté d'expression. Or, en avril 2017, Mike Pompeo, alors directeur de la CIA, a affirmé qu'Assange “ne bénéficie pas des garanties du Premier Amendement” car “il n'est pas un citoyen américain”.
Pompeo était secrétaire d'État américain lorsque l'extradition d'Assange a été requise.
Mais Dame Victoria Sharp et le juge Johnson ont déclaré que cette affirmation avait été légitimement perçue par le juge de district comme étant sans importance. Il ne s'agissait pas d'un “témoignage d'expert sur une question de droit étranger”.
Toutefois, les tribunaux ont également reçu cinq déclarations sous serment de Gordon Kromberg, procureur fédéral. En ce qui concerne une éventuelle contestation au titre du Premier Amendement, avait écrit Kromberg, les États-Unis pourraient faire valoir que les ressortissants étrangers n'ont pas droit aux protections prévues par le Premier Amendement, du moins en ce qui concerne les informations relatives à la Défense nationale et, même s'ils y avaient droit, que le comportement d'Assange et sa complicité dans des actes illégaux et dans la publication des noms de sources innocentes qui risquent de subir des dommages graves et imminents ne sont pas protégés.
Si Assange n'est pas protégé par le Premier Amendement, il y aura sans doute une violation de son droit à la liberté d'expression en vertu de l'article 10 de la Convention des droits de l'homme. L'incompatibilité avec les droits de l'homme est un obstacle statutaire à l'extradition.
Le dernier motif d'appel considéré comme défendable par les juges repose sur l'article 93 de la loi sur l'extradition. Cet article interdit l'extradition si l'accusé risque d'être condamné à mort ou si aucune disposition “particulière” n'a été adoptée.
D'une manière générale, ces dispositions empêchent qu'une personne soit extradée pour un chef d'accusation et jugée ensuite pour un autre.
M. Assange est conscient qu'aucune des infractions pour lesquelles l'extradition est demandée n'est passible de la peine de mort. Toutefois, sur la base des déclarations de Donald Trump et de quelques autres, il pense qu'il pourrait être accusé de complicité de trahison ou d'espionnage, deux délits passibles de la peine capitale aux États-Unis.
M. Assange est autorisé à assister à l'audience de lundi, en personne ou par vidéoconférence. En février, il souffrait de la fracture d'une côte en raison d'une toux persistante qui, selon ses avocats, aurait rendu sa présence très difficile.
Il a récemment reçu la visite en prison de la personnalité politique islandaise Sunna Evarsdóttir, représentant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Cette semaine, elle a exprimé sa “profonde inquiétude” pour le bien-être de M. Assange.
Si la Cour est satisfaite des garanties fournies par les États-Unis, M. Assange ne pourra plus faire appel. Mais il ne serait pas le premier à faire valoir que son extradition devrait être interdite pour des raisons de santé. Le seul enseignement que j'ai tiré des rebondissements de l'histoire d'Assange au cours des 13 dernières années, c'est que personne n'a la moindre idée de ce qui va se passer ensuite.
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